Les Ailes de demain voleront sur l'Europe

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M. Charles de Bioncourt
Gentilhomme
14 place Stanislas
Nancy
54000

Mme Agnès d'Aspremont
Gentilhomme
38 Route de Turin
Nice
70000

Fait à Nancy le 09/12/84

Objet : De l'enterrement de M. Courcelle et de la cérémonie du 28 décembre

Ma très chère Mme d'Aspremont,

C'est avec une tristesse profonde que je reviens de Paris et de l'enterrement de M. Courcelle. Comme attendu, M. de Tintury, ami proche du défunt et l'un de ses collègues de fouille, a, lors de la cérémonie, levé une partie des mystères entourant la mort de ce dernier. Je sais que vous ne partagiez guère d'amitié avec celui-ci, mais M. de Tintury a insisté pour que son discours soit transmis à tous, à la vue d'un hommage de l'ensemble des gentilshommes le 28 décembre de cette année, à L'assemblée de Paris. Je vous transmets donc une copie de celui-ci, auquel je me suis permis de lier un document utile à sa pleine compréhension, dont je ne puis que vous conseiller la lecture préalable.

Je ne sais comment commencer ceci… Je ne suis même pas sûr, pour être tout à fait honnête, que tel discours ait sa place en tel événement et je ne vous le présente ici qu'avec l'accord, et pour tout vous dire sous l’impulsion de la famille du défunt.

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Malgré le silence de mise lors de ces évènements, j'ai pu entendre plusieurs d'entre vous répandre la nouvelle jusque dans les derniers rangs, et j'en profite pour la confirmer à ceux n'ayant pas réussi à s'approcher, le cercueil est vide, à l’exception notable d'une guitare - la sienne - et d'une rose déposée ici par sa famille. Conformément au souhait de celle-ci, et pour mettre fin à toute rumeur, je m'apprête à vous raconter le pourquoi. Après que M. de Tintury nous ait conté sa vie dans un discours dont je salue d'ailleurs ici la grandeur, c'est malheureusement à moi de vous raconter sa mort. N'ayez crainte, notre ami n'a aucunement démérité, et croyez bien que les honneurs qui lui sont faits ici lui sont cent fois acquis.

Comme vous le savez, M. Courcelle, Mme d'Offrethun et moi-même travaillions sur les royaumes occultes des Orcades. Inutile de mentir, je sais que vous avez presque tous déjà lu la première version de ses conclusions de recherche à l'annonce de sa mort, certains par curiosité morbide, d'autres pour pouvoir briller à cette cérémonie, par simple envie de pouvoir dire que vous suiviez ses travaux avec grand intérêt ; mais je sais que seul peu d'entre vous l'ont lu avec de réels intentions louables. Je sais que M. Courcelle avait le talent de se fâcher avec beaucoup de monde, et que ses goûts personnels en matière d'art et de beauté, et son obstination à les défendre, l'ont éloigné d'une partie de notre communauté. Ne pensez pas que je vous en veuille pour cela, mais sachez simplement que je ne suis pas dupe. C'est un fait. Et pour être honnête, les faux semblants que certains se donnent ici m'arrangent, car je sais que je n'aurai pas alors à expliquer plus en avant ses dites recherches. Et si je souligne ceci, c'est parce qu'il haïssait justement ce genre de comportement, mais ça, vous le saviez… Mais n'allons pas plus loin dans cette polémique, et continuons donc.

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Notre enquête sur le royaume de Na H-aislean commença le 2 septembre, à la suite de la découverte d'une épave mortuaire au large de Sanday, rattachable au culte des morts du tiodhlac a chaidh a bhàthadh, relançant le débat sur l'existence théorique du royaume occulte susnommé. Alors persuadé de son existence, M. Courcelle se chargea de monter une équipe de recherche pour mener campagne. Je fus sélectionné pour mes travaux sur l'utilisation de la thaumaturgie au travers des siècles et Mme d'Offrethun pour ses connaissances poussées des nouvelles technologies d'imagerie marine, technologies étant d'ailleurs à l'origine de la découverte de l'épave.

A bord du Croquignol (petit chalutier de haute mer transformé en bateau de recherche) et à l'aide d'un sous-marin "nautile" flambant neuf, affrété et mis en service pour l'occasion, nous commençâmes les fouilles le 6 octobre de cette année, aux abords de l'épave. Bien vite, nous en trouvâmes deux autres, la première éparpillée sur deux miles marin, la seconde relativement intacte. À l'aide de l'orientation des bateaux et de leur lieu de naufrage, il nous a été facile de retrouver le port d'attache de ceux-ci, qui nous menèrent directement sur l'île de Sanday. Une étude topologique de la côte nous permit d'identifier rapidement les différents sites possibles pour la mythique citée de Iongantach, d’où partaient à l'origine les bateaux mortuaires de tiodhlac a chaidh a bhàthadh, selon les écrits de Sgeulachdan l'ancien et de Tòmas Mac Earnain. Nous nous répartîment sur les trois sites pour des relevés préliminaires, et retournâmes la terre pendant plusieurs semaines.

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Le 17 Novembre , en début d'après-midi, Mme d'Offrethun nous informa de la trouvaille d'indices sur son site, et nous nous décidions alors, après quelques fouilles supplémentaires, à conserver celui-ci. Les jours suivant nous donnèrent raison et c'est d'ailleurs à la suite de ces fouilles que vous sont parvenues les premières conclusions de nos travaux, sous la plume même du défunt. Nous installâmes notre camps dans les hauteurs, entre le cimetière de Lady Village et la ville de Kettletoft.

Rapidement et nous en étions sûr, nous avions trouvé la Mythique cité des rois thaumaturges de Na H-uaislean, les restes de la ville aux cent miracles, Iongantach, et prouvé la légende. Bien sûr, de nombreuses voix se sont élevées dans nos rangs également contre cette hypothèse, car rien n'est simple en ce monde. Le cite avait été ravagée, et je n’exclue pas que celle-ci est été « nettoyée » par quelques groupes d'anormauphoques pour « épargner » aux locaux le fardeau de la connaissance du royaume occulte. Toujours était-il que les traces collaient aux description de G. Mograt dans ces « contemplation du simple voyageur » de 904, ou de Lord B. Aldebruck dans « The Occult Domseday Book » de 1088 . Bien sûr, et de nombreuses personnes l'ont soulevé à la venue de nos premières conclusions, le plan de la ville dégagée ne colle absolument pas aux descriptions de Mac Clambroch, mais de toute façon, nous partagions, M. Courcelle et moi, une réelle aversion pour cet auteur. Rien de plus qu'un sensationnaliste, et aucunement une source historique fiable, un romancier plus qu'un historien, n'ayant sans doute jamais mis les pieds dans la ville radieuse. Nous nagions alors dans le bonheur le plus pur, et c'est au son de notre poste radio que nous nous apprêtions à percer l'un des plus occultes mystères de notre histoire.

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Nous nous attachâmes à nommer les lieux en fonctions de ceux référencés des légendes quand nous le pouvions, mais pour les autres, les lieux inconnus, les places oubliées et les ruelles sans importances aux yeux des conteurs, nous les nommâmes chacun à notre façon, en fonction de qui les avaient découverts. Lui prenait un malin plaisir à les nommer en fonction de la musique diffusée par son poste au moment de la découverte, une idée empruntée à la découverte de Lucy. Grand amateur de musiques actuelles - que je sais que certains tiennent ici en horreur -,il nomma ainsi « la place Klaus Meine » Ou la rue « Duran Duran ». Certains trouverons ceci blasphématoire, pour la légendaire citée de Iongantach, mais c’est le genre d’excentricité que l’on ne pouvait lui refuser, et que ses proches avaient appris à apprécier.

Si vous le pensiez obsédé par ses fouilles, alors vous n’aviez jamais discuté de musique avec lui. Pour tout vous dire, nous avions même fini par nous prendre au jeu, bien que nous ne lui avions prétendu ne le faire que dans un « soucis d’harmonisation ».

Le soir, celui-ci reprenait sur sa guitare les chansons choisies, parfois accompagné d'Amélie d'Offrethun au piano. Croyez le ou non, mais sous ces airs parfois sévère, M. Courcelle était un être profondément bon, jovial pour qui le laissait se dévoiler. Mais j’ai conscience que ce que je vous raconte ici semble un temps béni et à des lieues d’expliquer quoi que ce soit sur la mort de notre ami ; il me faut passer à la suite. Il y eu quelques signes avant coureurs, mais rien qui ne laissait réellement penser à un changement aussi radical, j’en ai bien peur. Un œil attentif aurait su les reconnaître, après coup et en sachant quoi chercher bien sûr, mais nous n’avions pas alors connaissance de la suite de l’histoire.

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Les marins qui « traînaillaient » en mer ne nous inquiétaient pas outre mesure… Plus inquiétant, nous avions trouvé des traces de défenses thaumaturgiques lourdes postérieures à l’attaque supposée des norvégiens, une trace de statue équipée d’une lyre… Cela aurait pu être n’importe quoi, et jamais nous n’avions anticipé cette vérité si fantasque…

Car ce que nous avons vu, c’est cette vérité, cette horreur sans nom. Le réveil de reine nécromane, de Marbh Rugadh la noyée, de la ville morte ! La légende de l’attaque d'Iongantach n’était et n’est pas une métaphore de l’invasion norvégienne, et le répit gagné par Co-Chòrdach est arrivé à son terme cette nuit d'hivers 1984 ! Oh oui, vous pouvez bien crier, hurler au fou, mais c’est bel et bien ce à quoi nous avons assisté ce soir là ! Le trois décembre au soir, c’est l’enfer qui sonnait à notre porte !

Henri recherchait les derniers accords de "Top Jimmy" que nous venions d'entendre sur la BBC, alors qu'Amélie était partie prendre l’air. Nous écoutions une fois de plus le morceau sur "1984" de Van Hallen, acheté peu de temps auparavant chez un disquaire d'Édimbourg. A la fin de la chanson, nous remarquions une autre mélodie venant de l’extérieur. Douce, entraînante, encore faible, mais d’une pureté incroyable. Nous avions déjà ouvert la porte quand "Drop Dead Legs" reprit, nous libérant de la transe où nous avait plongé ce chant des sirènes, alors que face à cette porte ouverte, nous contemplions, bouche bée, la folie sombre qui s’abattait sur nous.

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Les épaves n’avaient pas été ignorée pendant si longtemps par manque d'intérêt, mais car celles-ci étaient sorties du sable il y a peu, et cette nuit là elles accostèrent sur la côte, charriant avec elles des armées impies de noyées, acquis par on ne sait quel maléfice à la reine nécromane. Au loin sur la mer, une lueur flottait au dessus d’une île apparue dans la nuit, une île qui n'aurait pas dû exister. Marbh Rugadh la sombre était sortie des flots, menée par la mélodie de la reine nécromane, prête à dévaler sur le monde. Au loin, nous vîmes Amélie, dévalant la pente de la colline comme une folle happée par la mélodie, comme nous l’étions nous même il y avait un instant. Comme dans la légende, les vivants courraient à leur trépas pour rejoindre l'armées des morts. Henri voulut aller la chercher, mais je l’en retins d’un bras ; seul le son du lecteur nous protégeait encore de l’enfer, et il aurait été suicidaire de s’en éloigner. Nous refermâmes la porte et montâmes le volume, désemparé. Pas de téléphone, pas de contact possible à l’extérieur. Il se plongea presque immédiatement dans les écrits des légendes antiques, et je l’y suivait bien vite. S’il y avait une solution, encore nous fallait-il la trouver vite.

À chaque seconde passée, la mélodie semblait gagner en force, en intensité. Qu'adviendrait-il si personne ne la stoppait maintenant ? Qu'adviendrait-il de l'île ? Du monde ? Aux bouts de quelques minutes, désespéré, nous nous mîmes d'accord sur un plan. Fort mauvais, dont l’ambition n’avait d’égal que sa folie. Mais nous n’avions pas mieux. Je démontais mon macintosh pour en extraire quelques pièces utiles alors qu'Henri préparait l'amélioration occulte de notre invention infâme, qu'il me prétendit avoir déjà effectuée sept ans plus tôt sur la base de la propagation alternative intratemporelle du son, pour sauver un concert de “The Clach” à Paris.

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De mes connaissances en électronique, de ses connaissances en acoustique anormale et de tout ce que nous pûmes récupérer dans la pièce, nous réussîmes à monter de son petit amplificateur de guitare un objet d’une puissance inégalée, appuyé par quelques enceintes aptes à supporter un tel déluge sonore. Douze siècles plus tôt, c’était visiblement un barde qui sauva le monde, alors pourquoi pas cette fois-ci ? J’ai revêtu mon walkman, et lui son D-50 flambant neuf, et ainsi protégés du chant impie, nous sortîmes combattre le mal même, non sans avoir pris chacun une dernière rasade de whisky, seul alcool et réconfort que nous avions pu trouver. Chargés du matériel, nous montâmes la colline pour atteindre « the Wart », - point culminant de l'île - aussi vite que nous le pûmes, pour éviter tout impact du relief sur la propagation sonore. Sur le chemin, nous pûmes apercevoir sur la colline suivantes le cimetière de Lady Village, duquel les morts se relevaient pour gagner la mer eux aussi.

Le chant s'intensifiait toujours, et nous avions déjà peur d'arriver trop tard. Près de notre site de fouille, des morts en armures d’argent sortaient du sols en quelques charniers antiques, que nous n’aurions sans doute jamais trouvé .

Arrivé au sommet, nous dirigeâmes les enceintes vers la côte, où des files de morts et de vivants confondus faisaient maintenant la queue pour s’immerger vers Marbh Rugadh la noyée. Nous branchâmes le tout sur l’enrouleur que je m’acharnais à tirer depuis la maison ; il sorti sa guitare, dans un calme irréel, et commença à pincer les premières notes. Chaque corde excitée résonnait comme la foudre et chaque accord déchirerait la musique ensorcelante à qui l’on refusait maintenant le droit d’exister.

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Henri a toujours été bon guitariste, mais il l’était bien plus encore sous la pression. Tel était notre plan, qui prenait vie sous le rythme effréné de ses doigts : Chasser les fantômes du passé à grand coup de rifles. Dès les premiers temps, la marche zélée des envoûtés sembla perdre en rythme, et la quelconque magie mise en place par la reine faibli. L'alchimie propre aux situation désespérée faisait son œuvre, et il faut croire que combattre le feu par le feu n’était pas une si mauvaise idée. La mélodie maline sembla gagner en intensité l'espace d’un instant, mais elle ne pu faire jeu égal avec les talents d'Henri, et le sortilège fut brisé par ce qui n'aurait dû être que le délire d’un fou, ou plutôt de deux. Les morts en armure d’argent de Iongantach la glorieuse se délivrèrent de l’emprise de la citée noyée, et portés par les notes de notre guitare et par leur honneur passé, ils chargèrent les troupes impies. Les os s’entrechoquèrent, et la bataille éclata, sans pour autant réussir à recouvrir notre mélodie salvatrice de son vacarme. Croyez le ou non, mais le rock'and'roll allait sauver le monde, ou plutôt il était en train. Tout ce qu'il nous fallait, c'était tenir. Et Henri le fit, des heures durant, enchaînant l’ensemble de son répertoire. Malheureusement, d’un côté ou de l’autre, aucun ne prenait réellement l’avantage. Par moment, la mélodie envoûtante reprenait en rythme, tentant de coller à celui d'Henri pour le parasiter, mais celui-ci se renouvelait bien trop vite pour la reine sombre.

Alors que ne reprenions tout de même un peu espoir, L’impensable se produisit. Au milieu du chaos ambiant, Marbh Rugadh la noyée rayonna soudain et le ciel se couvrit soudainement. Venant vers nous à une vitesse impressionnante, comme chevauchant les éclairs pour nous atteindre, la reine sombre fit son apparition.

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Celle-ci fonça droit sur nous, et nous restâmes un instant, bouche bée, face à cette vision de l’enfer même. Henri fut là encore le premier à réagir, et me regarda, les yeux emplis de terreur. Il savait ce qui lui restait à faire, ce qu'il était nécessaire de sacrifier pour sauver le monde de ce déferlement impie. Il m’invectiva de partir, de fuir, de le laisser seul. J’ai refusé, bien évidemment, mais il insista avec une telle argue que je ne pu finalement qu'accepter. Je savais ce qu’il lui restait à faire, et je savais que je ne lui servirais à rien dans cette entreprise. Chaque histoire doit avoir un héros et un narrateur, et ce soir là, je me devais de tenir ce second rôle, et lui le premier.

Il me hurla quelques mots destinés à ses proches, que je garderai ici pour moi, et me demanda une nouvelle fois de fuir. Je n’eus pas le temps d’aller bien loin, que l’ignoble souveraine s’approchait déjà de lui. Habillée d’une toge décharnée d’une pourpre sombre, celle-ci s'approcha du parfait inconnu qu'était pour elle notre bien-aimé Henri Courcelle comme Co-Chòrdach l'était douze siècles plus tôt, alors que celui-ci redoublait d’effort sur sa guitare. Pris dans un tourbillons de foudres et de magies occultes, celui-ci se souleva, arrachant les câbles le reliant aux enceintes. Cependant, sa représentation ne s’arrêta pas, et le son de sa guitare continua de percer la nuit, alimenté maintenant par la magie démoniaque de la reine. Celle-ci joignit son chant à sa mélodie, ne cherchant pas cette fois à la surpasser, mais à la soutenir. Rapidement, ils s’accordèrent, et la mélodie gagna en rythme, pour s'approcher du final. La tempête les entourant battit rapidement son plein, tant et si bien que je les distinguait qu'avec une précision de plus en plus chancelante quand je vis enfin la reine nécromane approcher ses lèvres des siennes.

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Un grand éclair embrasa littéralement le ciel, et je tombais à la renverse au son du tonnerre l'accompagnant, avant de finalement sombrer dans l’inconscience, non sans entendre la mélodie finale de notre ami, disparut en héros.

Il donna sa vie, tel Co-Chòrdach il y a douze siècles pour charmer la reine morte, et il réussi. Si je suis là aujourd'hui devant vous, c’est grâce à lui. Si les Orcades vivent encore, c’est grâce à lui. Si Le monde ne court pas maintenant à sa perte sous le flot des morts, c’est grâce à lui. Je ne me suis réveillé que le lendemain matin, couvert de rosée, pour regagner titubant notre camp de base. Plus aucune trace de lui, le matériel de la veille était éparpillé ici et là. Plus aucune trace des non-morts, ni des bateaux. La ville noyée était retournée sous les flots et c’était un jour comme les autres qui se levait sur l’île. Plus tard dans la matinée, j’ai finalement retrouvé Mme d'Offrethun en fouillant la côte à la recherche d’indice. Faisant la queue pour rejoindre la mer, elle avait finalement été sauvée par la mélodie d'Henri. Les gardes d’argent de Iongantach la radieuse l’avaient protégé, et lui avait percé les tympans pour la sauver. Dans un état de choc, celle-ci est encore en convalescence, et je vous prie de bien vouloir excuser son absence. Elle se terre depuis cette histoire dans un mutisme profond, et je ne puis qu'imaginer ce qu'elle vit cette funeste nuit. Elle me désigna simplement une pierre levée, le long de la côte.

Celle-ci, visiblement érigée pendant la nuit, portait une gravure au nom d' «Henri Courcelle, Gentilhomme et musicien», et c’est à ces pieds que je trouvait finalement la guitare de notre regretté ami, celle-là même que nous enterrons aujourd'hui à sa place.

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On pourra dire beaucoup de chose sur lui, mais je vous le dis ici : il est mort pour vous. Pour nous tous, et pour les autres. M. Courcelle est un héros, comme nous ne verrons plus avant longtemps. Répandez la nouvelle aux absents, et dites-leur ce que je vous ai raconté ce soir, racontez leurs comment il aura avorté le retour d’une légende cauchemardesque en une nuit, armé d’une simple guitare. Comment il s’est sacrifié pour cela.

Croyez moi, l’homme qui nous quitte ce soir était un grand homme. Un grand ami. Un grand Gentilhomme.

Un héros.




Aussi extravagante cette histoire soit-elle, à la suite de mes discussions après la cérémonie avec M. de Tintury, je me dois de la considérer comme véridique. J'ai réalisé quelques vérifications, appelé quelques contacts, et tout semble concorder.


J'ai également appris de mon réseau que la Fondation avait pris connaissance de la chose, et était d'ores et déjà présente sur les lieux ; il y a donc peu d'espoir que l'on en apprenne plus. Visiblement, la première épave découverte pourrait être celle du barde lui même, cherchant, après tout ce temps, à fuir la ville noyée, expliquant le retour de la reine.

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Si vous le souhaitez, je pourrai aisément vous mettre en contact avec le M. de Tintury, si vous voulez jurer de sa bonne foi par vous même, mais je suis dès à présent convaincu que M. Courcelle est bel et bien mort en héros. Il semblerait donc également que la musique de notre siècle, et de cette décennie, ne soit pas complétement à jeter non plus, du moins auprès des morts.


Je vous souhaite en tout cas, Madame, un bon rétablissement concernant votre hanche, et espère vous voir le 28 à Paris.


Veuillez agréer, Madame, de mes bon vœux de rétablissement les plus sincères,


Charles de Bioncourt, Gentilhomme.

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