Nous avons rejeté cette possibilité

"Ça va être un grand coup de pied dans la fourmillière, vous en êtes conscient ?" demanda le Général Pendergast, levant les yeux de son rapport.

Le Docteur Rex se gaussa, "Oui, enfin, je n'y peux rien si le Dr. Von Schmidt est un idiot, ou si autant d'imbéciles ont écouté ses idées ridicules." Pendergast hocha la tête. "D'ailleurs, Général, vous vouliez une appréciation réaliste. Allons-y."

Pendergast soupira. "Rex, l'objectif du Projet Heimdall est d'évaluer nos risques. Le Conseil O5 prend les 'Destructeurs' mentionnés dans SCP-1050 très au sérieux—"

"Ah, oui, les 'Destructeurs'. La race mythique d'abominations informes, guettant prétendument dans les 'Royaumes Obscurs.' Nous pouvons rejeter cette possibilité, Général," cracha Rex. "Il n'y a pas même une once de preuve en faveur de la théorie que les aliens passent tous les cinquante mille ou cinquante millions d'années et exterminent une importante partie de le vie sur cette planète - pas une ! Je veux dire, à moins que vous ne comptiez un unique artefact qui affirme des choses aléatoires et dénuées de fondement. Chaque extinction majeure dans l'histoire de cette planète aurait été causée par la même chose ? Je vous en prie !"

"Et à propos de la transmission, qu'est-ce que vous avez ?" demanda Pendergast.

"Ce qu'on a ? Ce sont trois mots dans un dialecte ancien, ancêtre du latin, suivis de cent mots," rétorqua Rex.

"Et certains de ces nombres sont l'équivalent codé de ce qui est sur l'obélisque," continua Pendergast exaspéré.

"Et alors ?" demanda Rex. "Plus de la moitié d'entre eux ne le sont pas."

Pendergast massa ses tempes grisonnantes. "Docteur, ne pensez-vous pas qu'il est possible, au moins théoriquement, que—"

"Non, Général, je ne le pense pas," dit Rex. Il soupira d'un air exaspéré. "Récapitulons ce dont nous sommes certains - pas ce que Von Schmidt a supposé, ce que nous savons."

"D'accord."

"Une obélisque d'obsidienne d'une taille improbable, recouverte de texte en une certaine quantité de langues différentes disant toutes la même chose et transmettant inexplicablement un signal qui se trouve correspondre à quelque chose occasionnellement perçu par des télescopes radio," débuta Rex. "Qu'est-ce que dit ce texte ?" Il marcha jusqu'au tableau noir de Pendergast et attrapa un morceau de craie. "'Prenez garde aux Destructeurs.' Okay, maintenant il y a une affirmation utile. 'Ils viennent par millions des Royaumes Obscurs qui s'étendent là où aucune étoile ne brille.' Des millions. En effet. Probablement une hyperbole. Alors, où sont ces 'Royaumes Obscurs ?"

"Dans l'espace," répondit Pendergast.

Rex jeta un regard condescendant au Général par-dessous ses lunettes. "Vraiment ? Rappelez-vous, 'là où aucune étoile ne brille'. Il n'y a aucun endroit sur cette planète, il y a quarante-huit mille ans, où l'on pouvait lever les yeux vers un ciel nocturne dégagé sans apercevoir d'étoiles. Je veux dire, maintenant nous connaissons l'espace intergalactique, mais à cette époque ? Impossible. Ce n'est pas une sorte d'histoire horrifique cosmique dans l'opéra de l'espace, Général. Non, si vous voulez un lieu obscur sans étoiles, au moins selon la vision du monde primitive de l'homme du Paléolithique, prenez une grotte ou un lieu sous-marin. Regardez les descriptions mythologiques du monde souterrain. Hadès, Niflheim, voilà les endroits auxquels s'intéresser. Et la Fondation a passé des décennies à creuser un peu partout à la recherche de monstres souterrains ou sous-marins. Vous vous doutez bien que nous avons découvert des millions de quelque chose.

"Okay, continuons. 'Un millier de générations durant Ils sommeillent, attendant leur heure.' Ça aussi, c'est de l'hyperbole. Aucune société humaine n'a jamais conservé de traces, même dans la tradition orale, de choses qui survivaient plus de vingt-cinq mille ans. Souvenez-vous, l'écriture n'a été utilisée que lors des dix derniers milliers d'années," dit Rex.

"Mais le texte sur l'obélisque—" objecta Pendergast.

"Quoi, le texte qui apparaît magiquement à la nuit tombée ? On a fait ça ?" répondit Rex. "Okay. Une brève description de la paix, de la prospérité, bla, bla. 'Alors Ils Reviennent. Ils exécutent et brûlent. Ils sont difformes, et se meuvent au delà de l'imagination, plus grands que n'importe quel homme, d'ascendance surnaturelle. Chaque ongle, griffe-écaille et ergot, chaque pointe et zébrure sur la main de ces brutes sauvages est identique à l'acier le plus acéré. Il est dit ici qu'il n'est aucun métal assez affûté pour Les transpercer, aucune lame à l'épreuve du temps qui puisse couper Leurs brutales griffes souillées de sang.' Dans ce passage apparaît également Beowulf, qui, je vous le rappelle, est un personnage de fiction !"

"Alors on dirait bien que l'auteur de Beowulf était au courant de l'existence ou de l'obélisque, ou d'une version contemporaine de dash-two," rétorqua Pendergast. "Ce serait sensé, en fait. Rappelez-vous que l'un des messages sur l'obélisque a été écrit en 985 en Runes Suédoises du Haut Moyen Âge."

"Juste," dit Rex. "Sauf que Beowulf parle d'un héros légendaire goth. Qui était à peu de chose près contemporain quand l'histoire fut racontée pour la première fois."

"À ce que nous pensons tout du moins," contra Pendergast.

"Même si Grendel ou sa mère - ou les deux - sont des Destructeurs, et je ne dis pas que je crois ça, alors ça ne ferait que renforcer la thèse de l'origine souterraine ou sous-marine des Destructeurs. Souvenez-vous, Beowulf devait traquer la mère de Grendel jusqu'à son repaire, qui se trouvait sous un lac," dit Rex. "Rien d'extraterrestre là-dedans."

"Hum," dit Pendergast. C'est un aspect du texte qu'il n'avait jamais considéré.

"Oui," dit Rex. "Je ne pense toujours pas que ces Destructeurs soient réels, ou aliens, mais ça n'excuse pas une analyse minimaliste. Le minimum que Von Schmidt aurait dû faire, c'était de le faire bien. Peu importe, dans la description, nous pouvons voir que ces présumés Destructeurs sont supposés être des montres grands et laids. Si je montrais un tank à un homme des temps anciens, que croyez-vous que sa réponse serait ? Vous pouvez tuer un tank avec un bazooka, Général."

Pendergast se leva et attrapa lui aussi un morceau de craie, "Mais que faites-vous de la partie suivante, Rex ? 'Des armées sont levées et fauchées comme l'herbe - il est dit que les armées d'Amhorre et de Sudome, chacune forte de dix mille hommes, furent balayées entre un seul lever et coucher de soleil. Des héros viennent et sont terrassés.'"

Rex n'était pas impressionné. "Si vous aviez une centaine de tanks et que vous alliez au combat contre vingt mille pauvres gars avec des lances et des arcs, que pensez-vous que serait le résultat ? Général, quand avez-vous vu un lancier battre un tank au combat pour la dernière fois ?"

"Des tanks ? Dans les temps anciens ?" demanda le Général d'un air incrédule.

"Des envahisseurs extraterrestres ?" contra le Docteur. "Je ne dis pas que ces 'Destructeurs' - s'ils ont existé - étaient des tanks ou quoi que ce soit de ce genre. Mon avis est qu'ils pouvaient faire quelque chose d'(apparemment) complètement anachronique au quinzième siècle. Ils peuvent même être quelque chose que la Fondation a déjà rencontré et confiné."

Pendergast haussa les sourcils, "Comme quoi ?"

Rex pouffa, "Vous voulez que je devine ? Je ne sais pas, six cent huitante-deux, peut-être ? Ou cent-septante-trois ? Ou peut-être Able ? Honnêtement, je n'en ai pas la moindre idée. Mais nous ne pouvons pas savoir où ils étaient il y a cinquante millénaires. Peut-être que c'était l'arrière-arrière-arrière grand-papa de six cent huitante-deux !"

"Vous marquez un point, Rex," dit doucement Pendergast.

L'ignorant, Rex continua à radoter, "Simplement, le fait que nous 'savons', ou plutôt devrais-je dire 'croyons fortement', qu'il y a une menace, ne signifie pas que nous avons la plus vague idée de ce que cette menace est réellement."

"Rex…"

Rex ne montra néanmoins aucune volonté d'interrompre sa tirade grandiloquente. "Nous avons beaucoup d'informations sur cet objet - je veux dire, des choses que nous savons, pas que nous croyons seulement savoir - mais rien n'indique qu'il y ait seulement une menace, et encore moins qu'est-ce que cette menace pourrait être !"

"Assez !" cria Pendergast. Rex se figea - il avait été si absorbé par ses pensées qu'il avait fallu y mettre du volume pour l'en tirer. Reprenant de son ton calme habituel, Pendergast demanda, "et à propos du rapport avec Sodome et Gomorrhe?"

"Supposez-vous que les récits bibliques de la destruction de ces villes par le feu et le soufre sont à prendre littéralement comme des faits avérés, Général ?" demanda Rex. "Que le Tout-puissant décida de les châtier ? De plus, leur existence historique est toujours sujette à controverse entre les archéologues. La Bible indique qu'elles étaient situées à proximité de la Mer Morte, mais nous n'avons découvert aucune preuve de leur emplacement en un tel lieu." Pendergast hocha la tête ; aussi mesquin, arrogant et méchant puisse être Rex, il avait raison. "Au-delà de tout ceci, si l'analyse de Von Schmidt est correcte (pour une fois), et que les nombres sont les dates en années terrestres depuis le Big Bang, alors aucune de ces dates n'entrent dans le règne humain."

"Même la plus récente ?" observa Pendergast, l'air sceptique.

"Aucune trace historique écrite ou orale ne remonte à une date aussi éloignée, ou en tout cas aucune que nous connaissons," dit Rex. "Bien sûr, il existait déjà des humains, mais cinquante et quelque milliers d'années, ça fait un bon bout de temps. Rappelez-vous, ce SCP à part, il est généralement reconnu que la première réelle écriture de langue ne fut inventée qu'en 3200 AJC en Mésopotamie - et aussi, indépendamment, en 600 AJC environ. L'écriture des nombres est venue en premier, mais même là nous ne parlons que de 8000 AJC à Sumer."

Pendergast hocha la tête. "Alors, 1050 indique que l'écriture humaine est cinq fois plus anciennes que nous ne le pensions."

"Sauf qu'il n'existe aucune preuve tangible que des humains aient jamais gravé quoi que ce soit sur l'obélisque," dit Rex. "Rappelez-vous comment les scientifiques Nazis rentraient à la maison pour la nuit, juste pour revenir et découvrir que la version russe du message était apparue comme par magie."

Pendergast réfléchit à cela pendant un moment et décida de rediriger Rex sur le sujet qui l'intéressait. Après tout, le docteur avait échoué à répondre à sa question. "Les récits bibliques de Sodome et Gomorrhe pourraient-ils venir de ce SCP ?"

"Si c'est le cas, ça remettrait en question des siècles d'éducation biblique," répondit Rex. "Il est incroyablement peu probable que les villes bibliques de Sodome et Gomorrhe aient été détruites par les 'Destructeurs', à moins, bien sûr, que notre compréhension de l'origine de la Bible ne soit complètement erronée."

Pendergast leva un sourcil. "Rex, vous avez travaillé ici assez longtemps pour savoir que des choses plus étranges ont déjà eu lieu."

"Est-ce que c'est possible ? Bien sûr. Mais peu probable," répondit le docteur en ajustant ses lunettes. "Et, en plus de ça, ce message est un avertissement d'anciens aliens qui ont par hasard visité cette planète pour nous avertir à propos d'autres anciens aliens qui sortent de nulle part toutes les quelques époques pour supprimer la majorité de la vie sur la planète ? Je sais que la Fondation a à faire à des choses incroyables, mais je vous en prie !"

En soupirant, le Général demanda, "Okay, que pensez-vous de 'La foudre et le feu pleuvent du ciel et la toute la terre tremble.'"

"Ça ressemble à l'idée que je me fais d'un bombardement d'artillerie moderne et aérien," répondit Rex.

"Et ce passage à propos des Destructeurs étant 'un implacable flux purgeant de puissants empires et nations' ?" demanda Pendergast.

Rex secoua la tête. "Général, vous savez qu'il existe des mythes de déluge dans environ chaque culture, mais à part ce message sur l'obélisque, nous n'avons aucune raison de penser qu'ils se réfèrent à quoi que ce soit d'autre que, eh bien, de l'eau."

"'Les gens prient les dieux pour leur délivrance. Les dieux combattent les Destructeurs, mais leurs efforts sont vains'," cita Pendergast.

"À part trois cent quarante-trois, combien de dieux connaissez-vous ? Et, même si vous l'incluez, combien de dieux connaissez-vous à interférer avec les affaires humaines ?" demanda Rex. Pendergast n'était pas croyant, mais il avait été élevé par des parents qui allaient à l'église tous les dimanches et était quelque peu moins amusé par le commentaire de Rex. Néanmoins, avant qu'il ne puisse ajouter quoi que ce soit, Rex continua. "Et ce petit passage à propos des Destructeurs étant 'ce que les dieux sont aux hommes et ce que les hommes sont aux insectes ?' Ça sonne un peu comme du Lovecraft, non ? Ou peut-être Star Wars - 'il y a toujours un plus grand poisson' ? Sincèrement ?"

"Et cette flotte de fuite de 'cinquante grands vaisseaux' ?" demanda Pendergast.

"Jusqu'à des temps relativement proches, les flottes pouvaient s'attendre à perdre un bateau ou deux dans la tempête," dit Rex, "Ou même, à être complètement massacrées par les tempêtes."

Pendergast retourna à son bureau. "Donc vous pensez sérieusement qu'il n'y a aucune menace ici," dit-il.

"Général, les chances que quoi que ce soit vienne pour nous exterminer sont inférieures à une sur un million," répondit Rex avec suffisance.

Merci, Ogilvy, pensa Pendergast en essayant de ne pas sourire au choix de phrase ironique et apparemment non intentionnel de Rex. "Bien, Docteur, si SCP-1050 n'est pas ce que nous croyions, alors qu'est-il ?"

"Je ne sais pas," admit Rex, "mais le fait que je ne puisse pas proposer d'alternative ne signifie pas que la supposition actuelle de la Fondation soit autre chose que des conneries spéculatives - des conneries spéculatives imaginatives, sans aucun doute, mais des conneries tout de même."

Pendergast secoua la tête et leva les yeux au ciel. "J'espère que vous avez raison," répondit-il. "Je ferai suivre votre rapport. Rompez, Docteur." Alors que Rex partait, Pendergast se murmura à lui-même, "J'espère que vous avez raison."

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