Ce qui se trouve ici tue le corps

Partez.

Un seul mot, gravé dans la roche éternelle, se trouvait devant Praut alors qu'il se tenait avec son équipe à l'orée de la forêt. Un mot qui marquait toutes les entrées du journal du voyage qu'il s'apprêtait à entreprendre, de la première à la dernière. Praut ne ressentait rien de ce qui l'entourait, la combinaison en caoutchouc et les gants en latex isolant ses sens. De la buée s’insinuait au bas de sa visière lorsque l'air passait à travers les filtres. Elle montait et descendait à chaque respiration, comme la marée, sans jamais disparaître complètement. Il y eut du mouvement derrière lui, et Rafe sortit une boite scellée. À l'intérieur se trouvait un dispositif récupéré sur un autre site archéologique, vraisemblablement encore opérationnel, et marqué d'un symbole censé être identique à celui de l'obélisque qu'ils recherchaient. Il serait difficile de le manquer, leur avait-on dit. Creed prit une photo. Le flash fit fuir les ombres dans la forêt tandis qu'ils marchaient, franchissant un seuil invisible. Un cliquetis unique et assourdissant marqua leur entrée dans la forêt. Personne ne savait pourquoi. Ils continuèrent malgré tout.

La forêt était silencieuse. Les arbres eux-mêmes étaient presque morts, leurs feuilles jaunies et malsaines. Celles qui se trouvaient à terre arrivaient presque jusqu’aux cuisses. Le trio pataugeait quasiment dans la couche de feuilles, mais il semblait n’y avoir rien de vivant dedans non plus. Seulement les craquements sous leurs pieds. Au bout d’un moment, quelque chose apparut devant eux. C'était une grande forme, taillée dans une pierre étrange. Un matériau de construction fréquemment utilisé à l'époque de l'artefact qui se trouvait dans le conteneur de Rafe. Du béton, comme on l'appelait. Pas de la roche taillée, mais moulée. Elle était pâle. Aucune plante ne poussait dessus, mais elle était clairement ancienne. Creed prit une photo. Praut fit le tour de la chose devant eux, dont les parois lisses semblaient intactes, mais il y avait bien une ouverture. À l'intérieur, il y avait les restes d'un objet en bois, usé et noueux. Une boîte métallique et un instrument composé de plusieurs boutons carrés de même taille gisaient sur le sol. Un ordinateur du milieu des années 2000. Ils étaient certainement au bon endroit. Leurs lampes de poches dansèrent à travers la pièce sans rien trouver de notable, et ils ressortirent.

Les kilomètres de leur voyage furent lents, mais ils surent qu’ils progressaient après une vingtaine d’entre eux. Devant eux, il y avait une étrange clairière. La forêt s’interrompait brusquement, tout feuillage disparaissant à quelques mètres. Un champ brûlé, blanc et stérile se tenait entre eux et ce qui semblait être le centre de la clairière. Un unique rectangle massif se dressait sous le soleil brûlant. Un symbole y était gravé, grand et visible depuis le bord. Trois triangles s’y rencontraient, équidistants les uns des autres, et un petit cercle masquait leurs pointes centrales. Un autre cliquetis retentit à mesure que le groupe entrait dans la clairière. Puis un autre. Ils étaient de plus en plus rapides maintenant, alors qu'ils approchaient du centre. Ils venaient de la boîte de Rafe. Ils étaient plus rapprochés maintenant, vrombissants et furieux. Le rectangle se tenait devant eux, incroyablement grand et grisâtre. L'appareil de Rafe continuait à trembler, presque comme s’il piquait une crise. Un texte était lisible à la surface de l'obélisque.

Ce lieu est un message
et une partie d'un système de messages,
prêtez-y attention.

Transmettre ce message était important pour nous.
Nous nous considérions comme une culture puissante.

Ce lieu n'est pas un lieu d'honneur,
aucun acte grandiose n’est commémoré ici,
rien de précieux ne se trouve ici.

Ce qui se trouve ici est dangereux et répugnant pour nous.
Ce message est un avertissement de danger.

Le danger se trouve à un endroit particulier.
Il augmente vers son centre
et le centre du danger est ici,
de taille et de forme particulières, et en dessous de nous.

Le danger est toujours présent
à votre époque
comme à la nôtre.

Le danger affecte le corps
et il peut tuer.



Mieux valait laisser ce lieu en paix.

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