De toutes les créatures qui respirent et se meuvent sur Terre, aucune n’est d’une aussi mauvaise conception que l’homme.
Quand le dernier homme s’assiéra seul dans son bunker, qu'adviendra-t-il de lui ? Le monde extérieur restera un enfer qu’il a lui-même créé. Pas le sien en particulier, mais celui qu’il s’était représenté. Cet homme était un fermier, un cultivateur de la terre. Son père avait été un fermier, aussi, et son père également avant lui. La lignée des traditions agricoles s'était perpétuée dans sa famille aussi longtemps que l’on puisse s’en souvenir. S’il restait quelqu’un d’autre, il aurait pu la lui raconter différemment, mais il ne restait plus personne.
Le monde extérieur n’était pas la création de ce seul homme, mais la création de tous les hommes qui avaient existé avant lui. Les péchés de son père et ceux de son grand-père avant lui, et le poids des péchés de toute l’humanité pesait maintenant sur les épaules de ce fermier seul, dans son bunker perdu, dans la tempête tourbillonnante de poussière et de cendres qui martelait chaque jour ses portes.
En dehors de ses portes résidaient les corps du reste de l’humanité. Il ne restait personne pour les pleurer. Peut-être, lors de leurs derniers instants, s’étaient-ils demandés s’ils étaient le dernier. En réalité, le dernier homme n’avait aucune idée de son importance.
L’homme avait passé six mois dans son bunker. Durant ces six mois, ses réserves de nourriture s'étaient réduites à peau de chagrin. Sans nourriture et sans eau, il n’avait plus d’autre choix.
Le squelette du dernier homme sur Terre fut retrouvé à seulement quelques mètres de son bunker. Il n’y eut aucune fanfare. Les créatures quelconques qui vivaient encore sur Terre continuèrent à agir exactement comme elles l’avaient toujours fait. Ses os furent dégarnis par les insectes et blanchis par le soleil d’après-midi.
La vie suivit son cours.