Nekra Myrminkia (Fourmis mortes)
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Le jour où Nous avons remarqué que l'une d'entre Nous manquait fut le début de la fin.

Nous sommes une Colonie. Une Sororité. Une Hiérarchie. Nous prenons soin les unes des autres, car nous sommes toutes des travailleuses Synchronisées dans la Société du Nid. Nous perdons parfois l'une d'entre Nous, et cela passe généralement inaperçu - certaines qui s'aventurent à la recherche de bouillie nourricière ne reviennent souvent pas, car Nous sommes fortes, mais seulement en nombre, et petites et faibles par Nous-mêmes. Il y a beaucoup de créatures en dehors du Nid qui nous veulent du mal, mais c'est la loi de la nature, et Nous nous sommes habituées aux sacrifices. Mais le jour où Nous avons remarqué que l'une d'entre Nous manquait, Nous avons su que quelque chose n'allait pas. Parce qu'Elle a disparu de la file, et pas pendant une expédition en solitaire.

Nous ne nous sommes pas posé beaucoup de questions, car il y avait beaucoup à faire, beaucoup de travail. Nous devions encore apporter une pomme entière au Nid ; heureusement, Elle avait déjà été à moitié mangée par une grosse créature. Mais un sentiment général de malaise flottait dans l'air parmi nous, et Nous savions que Nous devions rester sur nos gardes. Aucune de nos Ouvrières ne s'était jamais écartée de la file comme ça, sans même émettre de phéromones pour nous dire qu'Elle avait aperçu une autre source possible de nourriture. Celle-ci, cette fois-ci, avait fait demi-tour sans un mot, dès qu'Elle était sortie du Nid. Nous pensons l'avoir vue grimper sur un jeune chêne qui faisait de l'ombre à notre Nid. Mais aucune Ouvrière n'est allée la voir, car Nous savions que Nous avions d'autres choses à faire ce jour-là.

Nous aurions dû vérifier qu'Elle allait bien. Peut-être aurions-Nous alors pu empêcher le Carnage, si Nous avions enlevé cette feuille-là assez tôt et l'avions enterrée dans la litière de la forêt, loin du Nid.

Les six jours suivants se sont déroulés de manière relativement normale. Nous avons travaillé, nous avons nourri la Reine et sa Progéniture Royale. Nous bavardions les unes avec les autres, surtout au sujet de l'Ouvrière. L'une d'entre nous a évoqué une légende, qu'elle avait entendue d'un Drone, et Nous en avons ri et n'y avons pas cru. Qui aurait pu croire à de telles sottises ? Une terreur venue d'en haut ? Du contrôle mental ? Il existait déjà des menaces bien réelles en dehors du Nid, certaines d'entre elles répandant même déjà la terreur d'en haut, sous la forme très physique d'un Oiseau. Mais les Oiseaux ne contrôlent nos esprits qu'avec une peur naturelle, parce que Nous sommes leurs proies. Un Oiseau n'aurait pas pu la forcer à faire demi-tour.

Le sixième jour fut le jour du Carnage. Ce matin-là, Nous sommes parties comme à l'ordinaire, en direction de l'ouest, là où une Ouvrière avait trouvé une étrange chambre cylindrique faite de métal rouge et fin, avec un liquide brun sucré à l'intérieur. Nous avons remarqué que l'ombre du jeune arbre était différente de d'habitude. Une de ses feuilles était anormalement bombée, comme si quelque chose y était accroché. Nous avons pensé que c'était peut-être le cocon d'un papillon ; nous avons espéré que ce n'était pas une araignée. C'était quelque chose de bien pire qu'une araignée, cependant.

À première vue, Elle avait l'air d'être attachée à la feuille avec une toile d'araignée, mais quand nous l'avons dépassée, chacune de nous regardant en l'air, rendant toute la file irrégulière et hésitante, nous avons réalisé la terrible réalité de sa situation. Son corps mort et évidé était suspendu par ses mandibules serrées sous une feuille de chêne, et de sa carapace sans vie, d'étranges excroissances d'un blanc laiteux poussaient vers l'extérieur. Certains de ses membres semblaient avoir gelé comme en plein hiver, mais nous n'avions aucune illusion quant à la nature de sa mort, car chaque regard sur son dos écartelé instillait davantage d'horreur dans nos cœurs formiques. Nous nous souvenions toutes de l'histoire du Drone, de la Terreur d'en haut qui contrôlait l'esprit de nos Sœurs et les dévorait de l'intérieur. Nous ne voulions pas y croire, mais comment pouvions-Nous ne pas y croire, à présent ? Nous avions les conséquences sous nos propres yeux. Mais Nous avons néanmoins continué, car Nous avions du travail à faire. Un événement inexpliqué et étrange, même effrayant, ne doit pas faire obstacle à une Colonie qui se respecte. Nous étions des Ouvrières Synchronisées, après tout.

Et c'est là qu'Elle a libéré les spores.

Les premières atterrirent sur le sol, entre Nous, nous donnant le temps de réagir - ce dont Nous n'avons pas profité, car Nous ignorions ce qui se passait. Nous avons juste continué à avancer. Mais ensuite, d'autres spores sont tombées d'en haut, et cette fois, elles atterrirent sur certains d'entre Nous. Ou plutôt, sur ce qui était désormais les Autres.

La Terreur ne les a pas affectées immédiatement. La plupart d'entre Elles n'ont même pas remarqué quoi que ce soit, car le vent soufflait dans la direction où Nous marchions, et Elles étaient bien au-delà du jeune arbre maudit quand Elles ont été infectées. Quelques-unes ont essayé de s'en débarrasser, mais les spores s'accrochèrent à Elles comme une mouche à une toile d'araignée, sauf qu'Elles étaient la mouche. Celles d'entre Nous qui ont été épargnées étaient trop loin en arrière pour les prévenir, bien que Nous n'aurions pas su comment les aider de toute façon. Elles étaient plus nombreuses que nous.

La nuit du Carnage, Nous avons travaillé dur, comme toujours, et Nous sommes retournées au Nid. Nous avons inventorié nos trouvailles, Nous avons fait nos rapports à la Reine, Nous avons nettoyé les couloirs et les chambres du Nid. Quand le soleil s'est couché, Nous avons voulu sortir à nouveau, comme Nous le faisions toujours. Mais les Autres étaient déjà malades, et Elles ont bloqué toutes les sorties. Elles étaient agitées de soubresauts étranges, nous disant dans des cliquetis bizarres de rester à l'intérieur jusqu'à ce que le jour se lève. Leurs phéromones avaient une odeur anormale et mauvaise, presque malade et tordue. Nous n'avions pas envie de les toucher, ni même de réfléchir à la signification de tout cela. Leurs jambes étaient d'ores et déjà couvertes d'un léger duvet blanc qui n'était pas là, auparavant. Nous avons senti que si Elles nous touchaient, nous tomberions malades aussi.

Celles d'entre Nous qui étaient sûres de ne pas avoir été contaminées par la Terreur se sont regroupées dans une chambre. Nous avons décidé que Nous devions en parler à la Reine et lui demander conseil, et Nous avons donc envoyé des émissaires à la Chambre Royale. Mais il était déjà trop tard. La Reine elle-même tressaillait sur son trône, les yeux blancs, les jambes couvertes de filaments. Elle se tordait de douleur, essayant de faire naître des œufs tout en succombant à la Terreur. Son mucus était mélangé à des flocons blancs écœurants teintés de sang. Elle a tendu sa patte vers Nous, mais Nous nous sommes rapidement dispersées. Trois d'entre Nous ont attrapé les Reines Larves qui étaient les plus éloignées de notre Reine infectée et les émissaires sont rapidement retournées dans la chambre des survivantes.

Heureusement, Elles n'étaient pas très hostiles et restaient essentiellement à leur place, gardant les sorties. Avec notre groupe, il y avait trois Drones, et comme Nous avions réussi à sauver deux Reines Larves, Nous avons pensé que Nous pourrions nous échapper et former une nouvelle colonie lorsqu'elles seraient adultes. Le seul problème était les sorties bloquées, mais nous avons rapidement trouvé une solution. Nous avons commencé à creuser, très prudemment, afin de ne pas briser les couloirs existants, ce qui risquerait de faire s'effondrer le Nid entier. Nous avons réussi à sortir avant le lever du soleil, et aussi simplement que cela, Nous étions en sécurité. Pour le moment.

Nous sommes sorties dans le calme d'un matin gris. Nous avons marché pendant un long moment, jusqu'à ce que Nous trouvions un endroit approprié pour un nouveau Nid. Nous n'étions que 30, mais c'était suffisant pour reconstruire une petite communauté. Pour l'instant, Nous n'avions pas encore de Reine ; Nous devions attendre que les Reines Larves grandissent. Nous nous sommes installées à côté de la carcasse d'une grande créature, car de cette façon, il y aurait beaucoup de nourriture laissée par ses restes tout autour de Nous. Puis, un jour, peu de temps après notre installation, Nous avons envoyé trois Ouvrières au Vieux Nid pour voir ce qui était arrivé aux Autres.

Lorsque Nous sommes revenues sur les lieux du carnage, ce que Nous y avons vu ne peut être décrit correctement dans aucun langage formique. De loin, Nous avons vu ce qui ressemblait à un horrible siège ; mais l'assaillant était immobile et d'un blanc blafard. Nous avons vu notre famille, nos amies, et même des étrangères, tous rattrapées par la Terreur, certaines se tortillant désespérément, grimpant sur toutes les tiges qu'Elles pouvaient trouver, d'autres ayant déjà leurs mandibules agrippées à des feuilles, si serrées qu'elles semblaient blessées, et d'autres encore déjà dévorées vivantes, entourées par la toile de la Terreur, dont les vrilles avaient écartelé leur abdomen. L'endroit sentait l'horreur ; Nous n'avions jamais perçu une telle odeur auparavant. Soudain, Nous avons senti une autre odeur, mais très faiblement, tant celle de la Terreur était écrasante. Malgré cela, Nous avons reconnu cette nouvelle odeur instantanément - c'était celle des Envahisseurs. Nous nous sommes rapidement cachées sous une feuille et avons prié pour rester inaperçues.

Nous aurions dû faire demi-tour aussi vite que possible, car ce qui s'est passé ensuite était bien pire que ce que Nous aurions jamais pu imaginer. Les Envahisseurs n'ont pas vu les effets de la Terreur ou ne s'en sont pas souciés ; quoi qu'il en soit, ils sont entrés dans le Vieux Nid. Nous ignorons ce qu'ils y trouvèrent, mais ils sont restés à l'intérieur. Un autre escadron d'entre eux commença à achever les malades, ce qui s'est rapidement transformé en un chaos total - car chaque morsure que les Envahisseurs infligeaient aux malades créait un nouvel hôte pour la Terreur. À chaque fois qu'une de ces effroyables Fourmis tressaillantes était attaquée par un Envahisseur, elle explosait comme une tête de pissenlit en projetant ses excroissances blanches, prenant immédiatement le contrôle de l'Envahisseur ; c'était épouvantable, et Nous n'arrivions pas à croire qu'autant de la Terreur puisse tenir dans une si petite Fourmi. Nous étions figées par la peur, et ne pouvions trouver un moyen sûr de retourner au Nouveau Nid.

Mais bientôt, Nous n'avons même plus eu besoin de réfléchir, car l'un des combats se déroula dangereusement près de Nous. La Terreur explosa, ses flocons et ses spores éjectés dans toutes les directions. Y compris la nôtre. Notre premier instinct fut de fuir, mais l'une d'entre Nous réalisa que si Nous retournions au Nouveau Nid, à présent, toute la nouvelle Colonie serait en danger. Nous avons été obligées de rester.

Peut-être que c'est mieux comme cela. Peut-être que, si Nous ne revenons pas,

GRIMPE.
elles raconteront des histoires dans le Nouveau
GRIMPE .
Nid, au sujet de cet endroit dont
GRIMPE. NOUS AVONS BESOIN DU SOLEIL.
nulle Fourmi ne revient jamais, et cette hoALLEZ. GRIMPE.rreur sera oubliée
TU VOIS CETTE TIGE ? TU DOIS Y GRIMPER. NOUS AVONS BESOIN DU SOLEIL QUI LA RÉCHAUFFE.
pour toujours.














































PARFAIT. MAINTENANT, MORDS.

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