La Lune, le canal et le Renard

Pour ceux qui ne le savent pas, la Lune a, chaque nuit, la tâche d'éclairer de multiples choses. Après le coucher du soleil, pendant des temps bien déterminés, sa lumière blanche se doit d'éclairer un objet précis sur la surface terrestre. Cette mission lui a été confiée il y a des temps immémoriaux. Elle la prend à cœur et y met du sien, chaque nuit, pour la réussir au mieux.

Fut un temps, l'un de ceux que l'on oublie, l'astre avait pour tâche d'éclairer un petit canal, se glissant entre deux rangées d'arbres. Malgré sa modeste taille, ce cours d'eau possédait un débit tel qu'un éléphant ne pourrait le remonter. Seuls les photons reflétés par la Lune possédaient cette capacité, et son travail était donc d'autant plus important. Mais il était d'un épuisant… Chaque nuit, la Lune se fatiguait comme jamais auparavant, se concentrant toujours plus sur ce canal. Chaque nuit, elle pensait à arrêter, à abandonner sa tâche, simplement à cause de ce canal qui lui empêchait de la faire avec joie.

Mais, chaque nuit, alors que sa tâche se terminait et que ses rayons étaient bloqués par les arbres bordant le cours d'eau, un renard sortait de sa tanière non loin de là et observait l'astre des nuits, admiratif. Après de nombreux jours, la Lune finit par le remarquer et s'intéressa progressivement à l'animal, allant jusqu'à l'éclairer un peu plus que le reste alors que l'hiver s'avançait. Elle finit par lui adresser la parole, lui demandant la raison de cette admiration.

« Aucune en particulier, fit le Renard. J’aime simplement admirer les merveilles de notre monde.

— Ah bon ? répondit la Lune, intriguée. Et qu’observes-tu donc ? »

Le Renard, n'ayant semblé qu'attendre une autorisation, s'élança sur ce qu’il a avait vu. Tout ce que la Lune ne pouvait voir avec précision. Les merveilles des terres naturelles, les merveilles du vivant, les merveilles de l'humain. L'astre lui parla en échange des merveilles du ciel, des merveilles des étoiles et des merveilles du cosmos. Puis le soleil arriva pour prendre la place qui lui revient, et la Lune s'éclipsa en annonçant son retour pour le lendemain.

Leurs discussions continuèrent des mois durant. La Lune, aussi épuisant qu'était son travail, avait toujours hâte : elle y rencontrerait le Renard par la suite, et ils s'échangeraient des merveilles. Mais voilà qu'un beau jour, le canal n'est plus, dévié par les humains. On dit alors à la Lune d'éclairer autre chose, à des kilomètres de là, et qu'aujourd'hui serait le jour où il lui faudrait éclairer une dernière fois les quelques gouttes restantes dans le lit du cours d'eau. L'astre se sentit heureux de ne plus à avoir à éclairer ce maudit canal qui le fatiguait tant. Mais une tristesse profonde s'installait. N'éclairant plus le même endroit, la Lune et le Renard ne discuteraient plus.

Une fois son travail fini, l'animal, comme tous les jours, apparut. Mais cette fois, la Lune débuta avec la dure nouvelle. Alors l'animal afficha une triste mine, mais lui dit après quelques secondes sur un ton apaisé :

« Tout doit bien se finir un jour, mais avons passé un beau moment ensemble. J'ai rendu ton travail supportable et tu as illuminé mes insomnies. Et même si l'on ne se revoit jamais, je me souviendrai toujours de nos discussions et de tous les enseignements que tu m'as prodigués. Alors promets-moi de continuer autant que tu le peux, d'aller aussi loin que possible, et de ne pas être triste. Mais promets-moi de ne jamais m'oublier, de ne jamais oublier les merveilles de la Terre, tout ce que l’on a échangé, tout ce qu’était notre relation. Tu fus importante dans ma vie, et je fus importante dans la tienne. Mais c'est désormais à d'autres de jouer ce rôle ; il nous faut l'accepter, nous formons nos vies sur de nombreux mentors. »

Ces paroles réchauffèrent le cœur de la Lune, qui se mit à briller plus que n'importe quelle nuit. Après un dernier échange de merveilles, elle le lui promit alors avant de se coucher devant son admiration pour une toute dernière fois, tandis qu'il la saluait, à l'aube. Alors le Renard retourna dans sa tanière, la larme à l'œil, se faisant la même promesse à lui-même, jurant que jamais il n'oubliait ceux qui avaient participé à le construire.

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