Un jour, j'ai rencontré une araignée nommée Touche-à-tout. C'était un spécimen de belle taille, aussi gros que mon poing, avec huit pattes aussi longues que ma main. Et ces pattes étaient adroites, les rendant complémentaires à son esprit vif. C'était de là que venait son nom, Touche-à-tout, car avec chacune de ces pattes il excellait dans une tâche différente.
Avec l'une, il était un forgeron, fabricant de la soie aussi dure que l'acier, qu'il enroulait avec une autre patte pour en faire des pièges mortels. Avec une troisième, il était un architecte, réfléchissant longuement à l'apparence de ses toiles. Avec la quatrième, il grimpait aux arbres les plus hauts et se prélassait dans la lumière du jour, pour que tous puissent voir sa splendeur et s'en ravir.
Oh oui, il était fier. Comment ne pas l'être ? Il était l'araignée la plus talentueuse à avoir jamais foulé cette terre, ses créations étaient nombreuses et grandioses.
"Je ne tisse pas seulement des toiles", m'a-t-il dit. "Je tisse des œuvres d'art, et mes pièges sont les meilleurs instruments de mort au monde."
Un jour, Touche-à-tout élabora un plan. Il grimpa au sommet du plus haut des arbres. Il ne se reposa pas durant deux nuits et deux jours, jusqu'à ce qu'il atteigne la plus haute des branches. Certains proclament que de là, il pouvait toucher la lune, mais c'est une autre histoire ; une chose était sûre : la hauteur qu'il avait atteinte était tout à fait impressionnante.
Ce que Touche-à-tout fit ensuite était encore plus auguste. Usant de chacune de ses huit fameuses pattes, il tissa une toile qui s'étendait de la base de la plus haute branche jusqu'à son extrémité. Une toile si puissante que Touche-à-tout disait qu'elle lui attraperait le soleil, et qu'elle le rendrait maître de tout ce qu'elle touche.
"Ma toile m'apportera la lune également", m'a-t-il raconté, "et avec la lumière de la plus brillante des étoiles, je serai maître de la nuit."
Il les attrapa en effet, car alors que le soleil s'élevait dans le ciel, il se trouva ficelé dans les mailles de la toile de Touche-à-tout. Quant à la lune, elle se retrouva bientôt couverte par la soie de Touche-à-tout, qui s'accrochait à sa surface limpide pendant que l'astre s'approchait de son amant éternel et évasif, le porteur du jour. Ils étaient à présent liés l'un à l'autre dans le piège de Touche-à-tout, et il pouvait régner sur les deux amants. C'est ainsi qu'il se fabriqua un trône à partir de la lumière du soleil et de celle de la lune, et les cieux eux-mêmes s'inclinèrent devant tant de majesté.
Cela ne devait pas durer.
Touche-à-tout pouvait se convaincre lui-même autant qu'il le voulait, mais il ne pouvait pas modifier la réalité. Il restait un mortel, et avait toujours besoin de se nourrir. Il mangea d'abord un morceau de lune, puis encore un autre, ne laissant que la moitié de l'astre, et pourtant sa faim ne fut pas étanchée. Il essaya ensuite de manger le soleil, et en le dévorant il priva le monde de lumière durant une journée. Sa faim persistait encore.
Poussé par la famine, il descendit de son trône et chercha des mouches dans sa toile. En se perdant dans toutes ces illusions de grandeur, il avait oublié qu'aucune mouche, avec leurs ailes si faibles, ne pourrait jamais voler si haut. La toile était vide et stérile, un piège mortel dépourvu de la seule chose qui définissait son existence : la mort.
Consterné et abattu, Touche-à-tout tomba de la toile et chuta durant une heure, perçant les nuages et atterrissant violemment sur le sol. Il était là, couché, mort, et dans le repos éternel il devint un nid pour que les plus viles créatures vivantes le digèrent – les asticots.
"Ô fier Touche-à-tout", dis-je à mon ami, "tu t'es tant élevé dans ton orgueil que tu as été l'architecte qui as tissé ta propre fin. Sur un nouveau lever de soleil, tu es devenu la proie de ceux dont tu étais le prédateur : les mouches."
La toile fut délaissée, emportée par le vent avec fracas, et assez élargie pour laisser le soleil et la lune retourner dans le ciel, au-dessus de toute chose. Là, ils demeurent et survolent tout d'en haut, faisant briller sur leur domaine la lumière qui donne vie au monde.
~Le Barde.