Entre les étoiles, conversez avec les morts

Ici SEMELIEL GRAPHUN-MAL GALORTH-GALUNUN-NA'HATH-GON-GAL, transmettant vers Terreau. Aucune nouvelle transmission n'a été reçue au cours des 6 derniers cycles.


Ici SEMELIEL GRAPHUN-MAL GALORTH-GALUNUN-NA'HATH-GON-GAL, transmettant vers Terreau. Aucune nouvelle transmission n'a été reçue au cours des 27 derniers cycles.


Ici SEMELIEL GRAPHUN-MAL GALORTH-GALUNUN-NA'HATH-GON-GAL, transmettant vers Terreau. Aucune nouvelle transmission n'a été reçue au cours des 78 derniers cycles.


Ici SEMELIEL GRAPHUN-MAL GALORTH-GALUNUN-NA'HATH-GON-GAL, transmettant vers Terreau. Aucune nouvelle transmission n'a été reçue au cours des 137 derniers cycles.


Ici…

Ici SEMELIEL GRAPHUN-MAL GALORTH-GALUNUN-NA'HATH-GON-GAL, qui s'ennuie, transmettant vers Terreau. Aucune nouvelle transmission n'a été reçue au cours des 214 derniers cycles.


Ici SEMELIEL GRAPHUN-MAL GALORTH-GALUNUN-NA'HATH-GON-GAL, qui s'ennuie et veut retourner chez elle, transmettant vers Terreau. Aucune nouvelle transmission n'a été reçue au cours des 487 derniers cycles.


Ici SEMELIEL GRAPHUN-MAL G-…

Ici… Ici Semeliel. Je suis Semeliel. Cela fait longtemps que je suis partie de Terreau. Je sais quelle est la durée exacte, mais je préférerais ne pas le dire…

Je sais qu'ils sont morts. Cela fait trop longtemps.

L'espace est vaste. Vaste et impossiblement morne.
Je suis seule.
Je suis…


Un jour de plus. Rien de nouveau à l'horizon. J'ai mémorisé les trois ou quatre cents documents holographiques qu'ils m'ont donnés. Entendre leurs voix… Cela me réconfortait au début, mais désormais, c'est comme si je n'arrivais plus à les supporter. Cela fait 50 cycles qu'ils traînent dans ma mémoire, redoutés et rien d'autre.


Deux cent trente-deux mille cent quatre-vingt-quatorze… deux cent trente-deux mille cent quatre-vingt-quinze… Deux cent trente-deux mille cent quatre-vingt-seize cratères. Cette face de cette lune a deux c-

[TRANSMISSION REÇUE.]

…OH ? OH !? ENFIN ! OUI. ENFIN QUELQUE CHOSE. IL SE PASSE ENFIN QUELQUE CHOSE. OUI. OUI ! MERCI ! MERCI ! ENFIN ! ENFIN ! IL SE PASSE QUELQUE CHOSE ! FANTASTIQUE !

Voyons ça ! Voyons ce qu'elle contient !


OK, OK. C'est juste du texte. Il semble y avoir deux signatures génétiques provenant toutes deux d'individus mâles. Elle a été légèrement endommagée, ce qui peut être dû à une cellule dégradée, l'exposition aux radiations, une période de légère malnutrition ou simplement la corruption du signal.

Je vais restaurer le texte…

Mon très cher Fellindilon :

Cela fait trois éclats que tu es parti, et pourtant mes souvenirs de toi restent si vivaces qu'ils semblent gravés sur ma peau.

Je me souviens encore du jour de notre première rencontre. Toi, assis de l'autre côté du hall, en train de me jeter autant de regards furtifs que tu le pouvais. Et moi, qui essayais d'être un visage valant la peine qu'on s'en souvienne. À cette époque, je ne pensais pas que tu serais quelqu'un que je rencontrerais à nouveau. Les jours ont passé et il restait de toi un visage, un souvenir heureux et rien d'autre. Pas de nom, pas de voix, pas d'odeur, simplement tes deux paires de lunettes qui me rendaient mon regard. Tu peux donc aisément imaginer ma surprise lorsque je t'ai retrouvé.

Tu étais toujours aussi beau. Tu bougeais et respirais de cette façon qui t'est propre. Toujours la même lueur dans tes quatre yeux. Tu m'as regardé et m'a reconnu instantanément. Nous avons quitté le centre ensemble ce jour-là. Te souviens-tu comme nous étions heureux ? Moi, certainement.

Nous étions deux balbutiements qui nous comprenions. Je savais tout de ton père dès que tu m'as raconté comment tu avais eu cette cicatrice sur ton bras, et tu savais tout du mien lorsque je t'ai dit de murmurer. Nous nous sommes découverts, tu m'as ouvert à toi et j'ai fait de même. Lentement, au fil des neuvièmes, chacun de nous a vu de plus en plus de l'autre. Et comme nous nous sommes découverts ! Tu sais que j'ai toujours été le plus pudique de nous deux, mais je sais que tu sais ce que je veux dire par là.

Chaque nuit que je passais avec toi était la meilleure chose qui me soit arrivée. Tu étais ma place dans notre spec rouge et je suis sûr que j'étais également la tienne. Je sais que tu es la meilleure personne que j'aie jamais rencontrée, car même en ton absence, je sais que je m'en sortirai. Car si ce monde peut donner naissance à quelqu'un comme toi, alors je refuse de croire qu'il est aussi affreux que certains disent. Car s'il se trouve un endroit pour les gens comme toi en ce monde, il en existe forcément un pour ceux comme moi.

Tu nous as été arraché bien trop tôt, Fellindilon.

J'espère que le Berceau des Étoiles est aussi beau que ce que tu en disais toujours.

- Ton mari Ulfsang, qui ne peut que t'aimer.


Je…

Ils… Ils s'aimaient si intensément, hein…?

Mon espèce. On les comptait en milliards. Combien d'entre eux étaient un Fellindilon ? Combien d'entre eux aimaient comme Ulfsang ? C'est… L'univers, ce lieu. Il est plein de tragédies, je crois. Quelle sorte d'endroit laisserait une telle chose arriver ? La mort de tant d'amours, de tant de gens… C'est cruel. Il n'y a pas d'autres façons de le décrire.

Et pourtant… Ulfsang semblait être tellement en paix avec lui-même…

Je… Je ne pleure pas ? Pourquoi je n'y arrive pas ? Je… Je ne crois pas que je le puisse. Évidemment que non. Pourquoi auraient-ils fait en sorte que cela soit possible ? C'est idiot… Que je suis bête.

…si bête…


Tu sais, Fellindilon, je voulais te demander quelque chose.

Cet endroit, le berceau des étoiles… Y a-t-il là-bas une place pour quelque chose… quelqu'un comme moi ?

C'est bien ce que je me disais.

Après tout… Je ne semble être qu'une énorme erreur de conception.

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