Extrait du Journal d'Aframos Longvoyage, pèlerin
Annoté par Avos Torr, Érudit de la Bibliothèque de Rheve
Mardi, seizième cycle, septième année, 81ème tour
Dix-neuvième jour dans les Arbres
Nous avons trouvé un ruisseau aujourd'hui, et Torne et moi nous sommes tous deux baignés tandis que Souja donnait des coups de patte dans l'eau. C'était un ruisseau à l'eau claire et vive, mais l'eau n'était pas très froide.
Torne a testé l'eau avec un bâton avant d'y tremper le pied. J'aurais trouvé sa prudence amusante s'il n'y avait pas eu l'épisode des fleurs hier. Mais une fois certain que le ruisseau était sûr, il s'est déshabillé et peu de temps après, il projetait de l'eau en tous sens, aussi énergique que d'habitude. De bonne humeur, nous avons commencé à nous asperger l'un l'autre. Nous faisions jeu égal. Ma queue me permettait de déplacer plus d'eau, mais il représentait une cible bien plus petite.
Pendant que nous nous séchions, je lui ai demandé pourquoi ses poignets et ses chevilles étaient enveloppés, même lorsqu'il se baignait. On aurait dit des bandages, mais ils n'étaient pas tachés de sang. Il me semblait étrange qu'une calamité touche simultanément ses deux poignets et ses deux chevilles.
Son sourire n'a pas changé, mais il y avait une dureté dans son regard que je n'avais pas vue auparavant. Il m'a dit que ce n'était rien, et que je ne devrais pas m'en préoccuper. Il a ensuite fait mine de danser avec un papillon qui passait par là. J'ai décidé de ne pas creuser plus le sujet. Si c'était difficile à aborder pour lui, je n'allais pas l'assaillir de questions.
J'ai vu une autre de ces créatures chevalines étranges et grâcieuses1. Torne a dit que leur viande était comestible, mais je ne sais pas si je pourrais me forcer à en manger une, même si j'arrivais à en attraper une. Elles sont trop belles. Évidemment, je dis cela avec un ventre plein et un gibier abondant. Je ne saurais dire ce que je ferais si j'étais vraiment affamé.
Je pense que je vais me replonger dans le livre avant d'aller me coucher.
Je viens de regarder le livre, et je n'arrive pas à croire ce que je vois. Il a changé depuis la dernière fois que je l'ai regardé. Des parties que je ne pouvais auparavant pas déchiffrer sont maintenant visibles. J'ai réussi à discerner des références à une révolte dans un pays dont je n'ai jamais entendu parler. Le récit semble être raconté du point de vue d'un des rebelles. Le texte fait référence à des injustices impardonnables, des souffrances insupportables, et un gouvernement tyrannique. De ce que je comprends, la rébellion a échoué, et les perdants furent en fin de compte bannis vers un autre pays au climat plus âpre, où ils ont bâti un foyer plus égalitaire. Je peux même apercevoir une signature dans cette section. Je me demande qui était ce "—2", et où était le pays de Paradys. Leur rébellion valait-elle ce qu'ils ont perdu ?