81ème tour, septième année, seizième cycle, chrodi

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Extrait du Journal d'Aframos Longvoyage, pèlerin

Annoté par Avos Torr, Érudit de la Bibliothèque de Rheve

Chrodi, seizième cycle, septième année, 81ème tour

Vingt-sixième jour dans les Arbres

Aujourd'hui, nous avons trouvé un corps.

Je devais me soulager, et m'étais donc écarté du chemin quelques minutes. Pendant que je faisais cela, j'ai vu quelque chose dépasser de derrière un arbre proche de moi. C'était un bras.

J'ai fini ce à quoi j'étais occupé et ai appelé Torne. Nous avons fait le tour de l'arbre, et nous avons vu que le propriétaire du bras était mort.

Il n'était pas mort depuis très longtemps, peut-être moins d'une journée. Les charognards n'avaient pas encore touché le corps. Il était plus grand que Torne, mais plus petit que moi, et recouvert de longs poils drus et bruns. Son visage ressemblait à celui d'un cheval. Et c'était un esclave.

Les chaînes étaient toujours attachées à ses poignets et chevilles1. Ses vêtements étaient plus en loques que les miens. Il était sale, dégoûtant, et avait probablement été affamé. Il n'avait rien sur lui, excepté un couteau rouillé.

Il n'y avait aucune blessure sur le corps. Torne est pratiquement certain qu'il est mort de faim ou de froid. Il était très maigre. Mais pourtant, il avait pris le temps de graver un seul mot sur l'arbre contre lequel il était allongé.

Libre.

"Enlève ces chaînes de ses poignets, de grâce," dit Torne. J'ai regardé son visage, et il semblait plus sérieux que je ne l'avais vu jusqu'à présent. Il n'y avait aucun jeu de mots sur ses lèvres, ni de rire dans ses yeux. Sa voix était cassée, comme s'il avait du mal à faire sortir les mots de sa bouche.

Je me suis exécuté en utilisant les outils que mon premier-père m'avait donné. Torne a jeté les chaînes aussi loin qu'il le pouvait, comme si elles étaient maudites. Puis nous avons enterré le pauvre hère à la base de l'arbre pour qu'il lui serve de pierre tombale.

Nous autres Baro ne gardons pas d'esclaves. Nos voisins non plus. Mais nous savons ce qu'est l'esclavage. Les caravanes passent, et amènent parfois avec elles des esclaves d'une partie du monde à une autre. Parfois, nous en achetons un ou deux, et les libérons pour qu'ils puissent rentrer chez eux. Mais ils sont si nombreux qu'il semble impossible qu'ils soient tous libres un jour. Mais nous espérons que ce jour arrive.

Je suis triste pour celui que nous avons enterré. Mais il fut libre, au moins pour un temps. Que cela soit son épitaphe. Libre.

Qui que tu aies été, étranger, puisses-tu avoir de l'eau pour ton voyage, et que les étoiles guident tes pas.

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