81ème tour, septième année, dix-septième cycle, cieldi

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Extrait du Journal d'Aframos Longvoyage, pèlerin

Annoté par Avos Torr, Érudit de la Bibliothèque de Rheve

Cieldi, dix-septième cycle, septième année, 81ème tour

Vingt-huitième jour dans les Arbres

Nous avons de la chance d'être encore en vie.

Nous traversions une zone de forêt plutôt clairsemée. Il y avait des taillis éparses, et les arbres étaient assez espacés. Ils étaient tous de la même espèce, que Torne appelle des chênes. Parmi les rares plantes qui poussaient sous eux se trouvaient des fleurs bleues pendantes. J'ai remarqué qu'il y avait beaucoup de vieilles souches sur lesquelles poussaient de jeunes arbres. Cependant, je n'y ai pas prêté plus d'attention que cela. Il faisait plus clair, et nous étions d'excellente humeur.

Puis j'ai remarqué qu'aucun oiseau ne chantait. Je ne peux pas dire exactement quand leurs chants ont cessé, mais il n'y avait aucun bruit tout autour de nous, mis à part le vent qui soufflait dans les feuilles au-dessus de nos têtes. Il n'y avait pas d'insectes autour de nous, pas de moustiques bourdonnant dans l'air. Nos voix semblaient anormalement fortes.

Le silence pesait comme du plomb sur nos langues, et nous avons arrêté de parler. Torne jetait des coups d'œil nerveux ça et là. Souja se tapissait près de mes chevilles. Nous étions tous à cran.

Le bruissement dans les feuilles s'est intensifié. J'ai également commencé à regarder tout autour de moi. Je me demandais ce qui avait rendu tout le reste silencieux. De quoi avaient-il si peur ?

Puis le vent est tombé. Le bruissement a persisté. Bien trop tard, j'ai levé les yeux vers le feuillage, et j'ai alors vu des visages noueux et glabres, comme celui de Torne, mais terriblement déformés. Leurs yeux étaient sombres et pleins de haine1. Les branches bougeaient autour d'eux, puis le déluge a commencé.

Des bâtons, des feuilles et d'autres débris ont plu sur nous. Au début, ce n'était rien de méchant, mais comme les branches allaient de plus en plus vite, la situation a rapidement empiré. Rapidement, les branches se brisaient et tombaient sur nous. L'une d'elles a heurté Torne dans le dos, et il a failli trébucher. J'ai ramassé Souja, et nous avons détalé aussi vite que nous le pouvions. Les craquements et grincements des arbres mouvants résonnaient tout autour denous. J'ai vu l'un d'eux sortir ses racines du sol, et il semblait marcher sur elles avant qu'il ne tombe. Les petits visages dans les arbres ont grimacé, et j'entendais leurs voix aigües et discordantes nous hurler dessus.

Torne a trébuché sur une racine qui a surgi du chemin, et il est tombé derrière moi. Je me suis retourné et l'ai soulevé avec ma main libre, le remettant sur ses pieds devant moi.

Nous ne sommes arrêtés que quand nous n'entendions plus les arbres bouger et que nous ne voyions plus de chênes. Nous avons repris notre souffle, attendant en plein milieu du chemin. À ma grande surprise, Torne s'est mis à rire.

Lorsque je lui ai demandé pourquoi, il a dit qu'il était heureux. Je n'ai pas compris pourquoi. Nous avions échappé de peu à la mort. Il a dit que c'était pour ça. Il était heureux d'être en vie.

Je l'ai fixé un moment, puis me suis mis à rire à mon tour. C'était bon d'être en vie. Depuis que j'ai commencé cette quête, j'avais perdu de vue cela.

Nous avons vraiment de la chance.

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