Extrait du Journal d'Aframos Longvoyage, pèlerin
Annoté par Avos Torr, Érudit de la Bibliothèque de Rheve
Byrdi, quatorzième cycle, septième année, 81ème tour
Sixième jour dans les Arbres
Les chatons ont faim. J'en suis certain. Mais ils ne mangent pas. J'ai essayé tout ce que j'ai pu trouver, mais ils n'en ont rien mangé. Je suis certain que ce sont des carnivores, avec ces petites dents pointues. Mais alors, pourquoi ne mangent-ils pas les oiseaux ou les petits animaux que j'ai attrapés pour eux ? Que leur donnait leur mère, sinon cela1 ? J'ai même essayé de leur donner des plantes, mais ça n'a guère arrangé le problème.
Ils sont déjà moins vifs qu'ils ne l'étaient hier. Ils ne montent plus sur moi et n'explorent plus le campement avec le même intérêt. Ils geignent bruyamment, et je m'inquiète de combien de temps ils vont pouvoir durer sans nourriture.
Ils ont déjà commencé à attirer des prédateurs. Ce soir, après avoir installé le camp, j'ai entendu quelque chose tout près, dans les buissons. À la limite de la lumière des flammes, j'ai vu une étrange créature. Elle marchait sur ses pattes arrière, mais sa tête était celle d'un chacal, et elle ne portait aucun vêtement2. Son corps était couvert de poils bruns et rêches. Elle ne portait pas d'arme, mais lorsqu'elle a ouvert la gueule, je voyais de longues dents acérées. J'entendais d'autres choses bouger autour de nous ; sans doute d'autres comme elle. Je me suis mis debout et j'ai ouvert ma bouche, montrant mes propres dents, en le regardant dans les yeux. Tandis que nous nous regardions en chiens de faïence, j'ai laissé tomber mes robes, recouvrant les chatons, et ai fait le gros dos pour me faire sembler plus grand que je ne le suis. Après quelques instants, il s'est retourné et est parti, et j'ai entendu les autres s'en aller également.
Après cela, j'ai rajouté des bûches dans le feu, mais il me faudra longtemps avant de réussir à fermer l'œil.