-"Vous ! Hey vous ! Bonjour mon ami, auriez-vous un instant pour converser avec une âme esseulée ? Ah, vous devez aller observer un champ de fleurs ? Bonne journée alors."
-"Hey vous ! Arrêtez-vous ! Ah, enfin quelqu'un qui s'intéresse à moi. Quoi ? Comment j'arrive à vous parler ? Mais enfin par télépathie évidemment ! Vous vous doutez bien qu'un crâne dans mon genre n'est guère capable de vocaliser. Mais maintenant que vous êtes là, souhaitez-vous que nous parlions un peu ? Il y a si longtemps que je n'ai croisé âme qui vive, et les quelques rares qui m'ont aperçu n'avaient pas la force de m'écouter longtemps… J'ai grand besoin de me confier, et trop peu de temps pour cela. Si cela ne vous dérange pas, j'aimerai vous parler un peu de moi. Comment je m'appelle ? Et bien pour être honnête, je ne le sais plus moi-même. Mais le dernier patronyme dont on m'a affublé était 220, alors je suppose que vous pouvez utiliser celui-là."
La voix présente à votre esprit laisse alors place à une succession d'images, de mouvements, de sons multiples et variés. Il semble que ce crâne veuille partager avec vous certains de ses souvenirs, tout du moins vous supposez que ce sont les siens, car vous ne les reconnaissez pas comme vôtres. Une légère migraine accompagne ce foisonnement d'informations dans un premier temps, mais votre esprit y met finalement de l'ordre alors que se dessinent les premiers motifs.
PREMIER ACTE
Scène première
PERSONNAGES :
Professeur Deux-cent-vingt
Eugène Riesnert
Décor
La scène prend place dans un bureau d'esthétique ancienne. De nombreux documents sont éparpillés sur le plan de travail. A côté d'un téléphone fixe, une plaque est posée, mais le nom inscrit y est illisible. Les murs sont en bois, ornés de moulures sculptées. Au centre de la pièce se trouve un bureau de style directoire bien entretenu. On retrouve également dans la pièce…
Pardon ? Pourquoi les images ont cette forme ? Et bien vous savez, quand on a vécu aussi longtemps que moi, on se représente ses souvenirs plus qu'on ne se les rappelle. D'autant plus dans mon cas, car ma mémoire me joue des tours, voyez-vous. Des souvenirs disparus, d'autres récemment réapparus, ce qui reste s'est un peu agencé bizarrement dans mon esprit, c'est justement pour cela que j'ai besoin de vous. En parler remet les choses en ordre en quelque sorte. Si vous me le permettez, je vais reprendre.
On retrouve également dans la pièce une armoire Louis XV, ainsi que plusieurs titres, diplômes et schémas anatomiques accrochés aux murs. Plusieurs montages osseux de Beauchêne, appartenant à diverses espèces animales, normales comme anormales, sont exposés dans la pièce, la plupart étant dans une armoire sous vitre. La scène débute lorsque Eugène rentre dans la pièce, dans laquelle se trouve Deux-cent-vingt, assis à son bureau.
C'est de nouveau moi, 220. Attention, 220, pas Deux-cent-vingt. Je ne suis plus lui depuis bien longtemps. Bien sûr, je ne m'appelais pas comme ça à cette époque, mais je vous ai dit, ma mémoire s'est reconstruite un peu n'importe comment. J'interviendrai comme narrateur par ce biais si nécessaire, comme ça je n'aurai pas à interrompre le déroulé à nouveau, alors n'hésitez pas à m'arrêter si vous êtes perdu.
EUGÈNE RIESNERT claque la porte en rentrant.
Professeur ! Cette fois-ci vous ne pourrez pas vous cacher une nouvelle fois derrière votre secrétariat ! Je vous somme de vous expliquer immédiatement !
PROFESSEUR DEUX-CENT-VINGT
Riesnert ? Mais enfin qu'est-ce que vous racontez ? Calmez vous mon ami. Je ne sais pas quelle affaire vous met dans un tel état, mais je suis sûr qu'elle n'est pas grave au point de perdre à ce point vos nerfs.
Deux-cent-vingt invite Eugène à s'asseoir d'un geste de la main. Eugène s'exécute.
EUGÈNE RIESNERT
Vous savez très bien pourquoi je suis en colère ! Vous m'avez volé mes travaux ! C'est moi qui aurait dû recevoir le prix du Collège International des Enseignants en Parachirurgie. Votre exposé n'était qu'un plagiat de mes travaux de recherche.
PROFESSEUR DEUX-CENT-VINGT
Plagiat ? Et bien, vous n'y allez pas de main morte ! Je ne vais pas nier que votre thèse de sciences sur l'étude de l'implantation de para-substituts osseux synthétiques après ablation d'une tumeur aquamantique vertébrale thoraco-lombaire de stade III et IV est un élément que j'ai pris en compte dans mes inspirations. Mais un plagiat ! Vous n'avez pas honte ? Mon travail est le fruit de longues années d'expériences, j'opérais déjà des tumeurs aquamantiques avant votre naissance. Je me dois également de vous rappeler que vos travaux n'en étaient qu'au stade théorique, et, si je puis me permettre, toute la partie sur l'aquamancie et la thaumaturgie en général était certes brillante, mais la partie médicale de votre thèse n'était pas aussi aboutie.
EUGÈNE RIESNERT
Et c'est pour cela que vous avez choisi de ne mentionner mon nom absolument nulle part peut-être !? Et puis comment osez-vous ? Tout le monde dans le service sait que vous n'êtes plus capable d'opérer qui que ce soit ! Des années que vous n'avez plus touché un patient, trop occupé à vous pavaner de réunions en congrès grâce à notre travail à tous ici !
PROFESSEUR DEUX-CENT-VINGT
Il suffit ! Depuis quand un assistant peut-il parler de la sorte à un professeur ? Aussi brillant puissiez-vous être, vous allez vous adresser à moi avec le respect qui m'est dû, mon garçon ! Sinon je peux vous jurer que je vous sortirai moi-même de ce bureau.
EUGÈNE RIESNERT
Pas la peine, je n'ai plus rien à faire ici. J'espérais déceler un peu de honte sur votre visage, mais même pour cela, il faut croire que je vous ai surestimé.
Eugène se lève brusquement. D'un geste appuyé du bras, il fait tomber du bureau de Deux-cent-vingt la plupart des documents et objets qui s'y trouvent avant de quitter la pièce.
Scène deuxième
PERSONNAGES :
Professeur Deux-cent-vingt
Professeur Immas
Directeur Pontigo
Eugène Riesnert
Décor
Une salle de conférence de taille moyenne. Sur les murs se trouvent des représentations d'un logo en plusieurs exemplaires. Il s'agit d'un planisphère rond dont le centre est traversé par un caducée d'Hermès.
Il s'agit du logo de l'Organisation Mondiale de la Para-santé (OMPS). Voyez vous, nous, les professionnels de la médecine occulte, sommes beaucoup moins nombreux que nos collègues de l'autre côté du Voile. Du coup, tous les établissements de soins et centres de recherches "réguliers" en lien à la médecine anormale sont directement affiliés à l'OMPS, qui assure aussi une fonction ordinale.
À l'avant de la salle est présente une estrade de faible hauteur. Sur celle-ci, une petite table et une chaise sont disposées au niveau central, Eugène y est assis. Sur le côté droit est disposée une table plus longue ainsi que plusieurs chaises, sur lesquelles sont assis Deux-cent-vingt et deux autres personnes. Sur le côté gauche est présent un pupitre. Chaque assise permet d'accéder à un micro.
Le reste de la salle est composé de quelques rangées de chaises pour le public. Celui-ci est complet, des dignitaires de l'OMPS en costume et des médecins en blouse. La scène débute alors que l'un des personnages à côté de Deux-cent-vingt est en train d'exposer des chefs d'accusation contre Eugène.
PROFESSEUR IMMAS
… a choisi d'abandonner ses fonctions. Nous savons que pendant six mois, monsieur Riesnert a postulé au sein de plusieurs centres hospitaliers, mais sans succès, et a donc stoppé ses candidatures. C'est à partir de là que la situation, si vous me permettez l'expression, a commencé à dégénérer. Monsieur Riesnert est revenu à plusieurs reprises dans le service du professeur Deux-cent-vingt dans un état, selon plusieurs témoignages concordant, de tension extrême, allant jusqu'à s'adonner au vandalisme à l'encontre du matériel médical et du bureau du professeur.
Suite à cela, les mesures de sécurité ont été augmentées autour du service du professeur Deux-cent-vingt. Mais cela n'a malheureusement pas stoppé l'escalade. Au contraire, il a commencé à rôder autour du domicile personnel du professeur Deux-cent-vingt, allant jusqu'à l'obliger à déménager pour se protéger. Malgré cela, allez savoir comment, Riesnert l'a encore retrouvé, et c'est là que nous arrivons à ce qui nous a réuni ici, l'affront le plus grave, non seulement envers le professeur Deux-cent-vingt, mais également envers, et je pèse mes mots, l'entièreté de la médecine occulte, car Riesnert a tenté d'utiliser la thaumaturgie contre le professeur Deux-cent-vingt. Professeur, voulez-vous nous relater les événements précis qui ont conduit à convoquer cette assemblée ?
PROFESSEUR DEUX-CENT-VINGT
Bien entendu. Je ne vais pas m'attarder sur les éléments que vous avez déjà décrits, j'aimerai plutôt revenir sur le conflit à l'origine de tout cela. Il m'accuse de fourberie. Et je dois bien avouer que l'acte dont il m'accuse, le vol de son travail, mérite parfaitement ce qualificatif. Seulement, cette accusation est infondée. Pour recontextualiser, monsieur Riesnert était assistant au sein de mon service, et, je dois le reconnaitre, il était brillant. J'avais de ce fait accepté d'encadrer sa thèse, pour laquelle il a pu bénéficier de toutes nos données de recherche. Il est donc logique qu'il ait pu y avoir quelques similitudes, son travail étant directement issu des données du service, et sous ma supervision. Je me dois en effet confesser n'avoir qu'un seul esprit et ne pas changer de personnalité selon les aspects de la profession auxquels je fais face. Cependant, le travail de thèse de monsieur Riesnert était avant tout un projet annexe, découlant certes des mêmes données qui m'ont permis d'obtenir ce prix, mais dans un objectif de précision simplement.
PROFESSEUR IMMAS
Merci professeur pour ces éclaircissements. Monsieur Riesnert, voulez vous nous donner votre version des événements ?
EUGÈNE RIESNERT
Oui professeur. Si vous me pardonnez l'expression, ce que nous venons d'entendre est un tissu de mensonges. Je maintiens l'accusation envers le professeur Deux-cent-vingt. Il a intégralement plagié mon travail de thèse, ce qui lui a permis d'obtenir le prix du Collège International des Enseignants en Parachirurgie. Et à cause de cela, non seulement j'ai été spolié, mais j'ai tout perdu. Je ne pouvais plus présenter ma thèse, car ironiquement on m'aurait accusé de reproduire le travail qu'il s'est attribué. Il m'a chassé de son bureau et de son service, et s'est assuré que je ne sois plus embauché nulle part, afin d'étouffer son forfait. Alors oui, je reconnais avoir perdu mes nerfs, et avoir voulu me venger, qui ne l'aurait pas voulu à ma place ? Mais au départ de toute cette affaire, la véritable victime, c'est moi, et j'espère que vous saurez l'entendre.
PROFESSEUR IMMAS
Merci monsieur Riesnert. Directeur Pontigo, je vous laisse prendre la parole afin que vous puissiez conclure.
DIRECTEUR PONTIGO
Merci professeur. Monsieur Riesnert, j'ai bien entendu votre version des faits, mais aucun élément matériel ne permet de corroborer votre version. De plus, les états de services du professeur Deux-cent-vingt sont irréprochables. Et, aparté personnel, j'ai du mal à croire qu'un médecin en début de carrière, même brillant, puisse si jeune prétendre au prix du Collège International des Enseignants en Parachirurgie. En conséquence, je dois rejeter les accusations à l'encontre du professeur Deux-cent-vingt. De plus, au vu du harcèlement que vous avez exercé à son égard, incompatible avec l'éthique médicale, je prononce une interdiction permanente d'exercice de la médecine, classique comme occulte. Circonstance aggravante, l'usage de la thaumaturgie hors de tout exercice médical est rigoureusement interdit par l'Organisation Mondiale de la Para-Santé de par son affiliation à la Coalition Mondiale Occulte. Seul son usage à but médical nous est autorisé par la convention de Newport. En conséquence, vous serez donc à partir de maintenant pris en charge par la Coalition Médicale Occulte qui décidera des suites à donner à cette affaire.
EUGÈNE RIESNERT
Quoi !? Mais vous plaisantez ?
La scène se termine sur une tentative d'Eugène de quitter brusquement la salle d'audience, alors qu'entrent des agents de sécurité qui le menottent et l'emmènent hors de la salle.
FIN DU PREMIER ACTE
Toutes ces images, ces sons, ces informations… Alors que s'estompent les silhouettes d'Eugène et des agents de sécurité, toute votre attention est accaparée par cette migraine débutante que vous sentez arriver, en même temps que des phosphènes s'invitent à votre perception. Vous avez besoin d'une pause, c'est évident. Le crâne semble l'avoir perçu également.
Veuillez m'excuser, c'était peut-être trop d'informations d'un seul coup. C'est que je manque d'occasions de communiquer depuis déjà longtemps, alors parfois mon enthousiasme me dépasse. Allons-y plus lentement pour l'instant, le temps que votre esprit s'habitue. Si vous me le permettez, je vais vous éclairer sur les raisons de mon état actuel.
De nouveau, votre vision laisse la place aux images de votre esprit. 220 n'a pas menti, vous ne ressentez pas le même afflux d'informations. Alors que vous prenez une bonne inspiration, l'image d'un document se dessine, une lettre manuscrite.
INTERLUDE
NARRATEUR
Le narrateur n'apparait pas. Seule sa voix est perceptible, qui lit le document.
Je ne sais pas par où commencer.
J'imaginais que de nombreux souvenirs me reviendraient en tête au moment d'écrire ces mots. Mais seule la douleur est là. Tenir cette plume est une torture et bouger mon bras un supplice…
Je m'étais toujours vu couler une retraite paisible, dans notre mas d'[̷̨̫̖̙͍̌͗͊̀I̵̡̖͙̊̑̓͑͜͠ͅL̸̜̬̪͖̺̾͛̌̕L̶̙͖̣͈̕I̸̲̦͓͓̼̽̍͝S̷̢̹͊̆Ỉ̴̻̫̱B̸̫͖̙̓͂̓L̵̪̥̱͓͌͒̓͘͠E̴͉̟͖̾́͂̈]̶̻̺̗͚̺̆͋̓̚, mes journées occupées par les randonnées et la lecture. Paradoxal j'imagine, après une carrière si active et prolifique. Mais après avoir tout donné pour la médecine, cela me paraissait une requête raisonnable d'avoir enfin du temps pour moi.
Mais il faut croire que c'était trop demander. Je n'ai au final eu que six mois… Mais je crois que ce qui est le plus dur à digérer, même après tant d'années, c'est de ne pas avoir d'explication. Enfin d'explication valable j'entends, car je n'ai jamais cru à cette fibromyalgie que l'on m'a diagnostiquée. Je n'ai pas consacré ma vie à la médecine pour qu'elle ne me donne qu'un diagnostic de comptoir !
C'est pourquoi, après avoir tant résisté, je vous dis adieu aujourd'hui. Mais ne me pleurez pas, car je pars fier. Fier de tout ce que j'ai accompli durant toutes ces années à [̷̨̫̖̙͍̌͗͊̀I̵̡̖͙̊̑̓͑͜͠ͅL̸̜̬̪͖̺̾͛̌̕L̶̙͖̣͈̕I̸̲̦͓͓̼̽̍͝S̷̢̹͊̆Ỉ̴̻̫̱B̸̫͖̙̓͂̓L̵̪̥̱͓͌͒̓͘͠E̴͉̟͖̾́͂̈]̶̻̺̗͚̺̆͋̓̚. Car tout ce que j'ai fait, c'était pour faire avancer la médecine, et même maintenant, je ne rejette rien de mes actes. Fier également de partir de la façon que j'ai choisi.
C'est donc la tête haute que je vous fais mes adieux, car mon corps lui est bien bas, plus que je ne peux le supporter.
PS: Vous trouverez à la page suivante les instructions détaillées nécessaires à la réalisation d'un montage de Beauchêne de mon crâne, que je lègue à la faculté de médecine et parachirurgie de [̷̨̫̖̙͍̌͗͊̀I̵̡̖͙̊̑̓͑͜͠ͅL̸̜̬̪͖̺̾͛̌̕L̶̙͖̣͈̕I̸̲̦͓͓̼̽̍͝S̷̢̹͊̆Ỉ̴̻̫̱B̸̫͖̙̓͂̓L̵̪̥̱͓͌͒̓͘͠E̴͉̟͖̾́͂̈]̶̻̺̗͚̺̆͋̓̚. Si je ne peux plus contribuer à ma discipline, je souhaite au moins pouvoir en observer les progrès futurs, ne fût-ce que symboliquement.
FIN DE L'INTERLUDE
Avec le recul, je n'aurai pas pu faire pire choix. Pour ma défense cependant, je ne m'imaginais pas reprendre conscience. Quoique le plus dur ne fût pas de voir ce que j'avais retrouvé, mais plutôt ce que j'avais perdu. De mes souvenirs, il ne restait plus que des lambeaux épars, que j'ai péniblement raccroché…
Mais vous savez ce qu'a été le pire dans tout ça ? De voir que mes dernières volontés avaient été complètement piétinées ! Je n'étais pas du tout au sein de la faculté de médecine mais…
Vous essayez de rassembler vos esprits pendant que le crâne se lance dans une longue diatribe de ses mésaventures et questionnements post-résurrection. Votre respiration se fait déjà moins rapide, signe que vous récupérez quelque peu. Mais vous ne comprenez qu'à moitié ce qu'il raconte, entre considérations thaumaturgiques sur sa malédiction et une étrange fondation qui l'aurait gardé captif. En même temps qu'il déroule son récit, vous commencez à ressentir au fond de vous une pulsion de partir faire autre chose. N'importe quoi d'autre. Tiens, pourquoi pas aller vous baigner ? Il y a un lac pas loin justement.
Non ! Vous comprenez ce qui est en train de se passer, 220 vient d'en parler dans son monologue, cette malédiction d'ennui qui touche tous ses interlocuteurs. Mais une partie de vous souhaite connaître la suite de l'histoire. Et puis finalement, pour vous ce n'est que quelques minutes de plus, mais pour lui, coincé sous cette forme à devoir subir seul le temps qui passe, c'est un moment rare.
… J'ai eu beaucoup de peine quand j'ai su ce qui était arrivé au Dr. Arlington, c'était un homme bien, et d'une conversation agréable. Nous avions pu collaborer sur un problème de confinement qu'il cherchait à résoudre.
C'est peu après ce qui lui est arrivé que les premiers souvenirs me sont revenus, d'abord parcellaires, puis plus nombreux avec le temps. Si vous le voulez bien, je vais partager avec vous un dernier souvenir, un de ceux réapparus tardivement, qui vous aidera à mieux cerner ma problématique.
De nouveau, les images, les sons commencent à se former, se substituant à vos sens. Vous sentez qu'il s'agit d'un souvenir important, car vous le ressentez comme plus "lourd" que les précédents, si tant est que la mémoire ait un poids. Quelle est cette vérité que 220 souhaite partager avec vous ? Au prix d'une grande concentration, vous mettez de côté la migraine qui réapparait pour vous plonger complètement dans cette séquence.
SECOND ACTE
Scène première
PERSONNAGES :
Professeur Deux-cent-vingt
Eugène Riesnert
Décor
Une salle dotée d'une table d'opération autour de laquelle sont disposés plusieurs petits chariots et tables à roulettes, sur lesquels sont disposés du matériel chirurgical ainsi que des fioles et autres contenants au contenu indiscernable. La salle, sans être insalubre, apparait en désordre, négligée, comme si le matériel avait été préparé à la hâte. Des bâches en plastique sont disposées sur les murs et une partie du sol. Des cercles concentriques contenant divers symboles sont tracés au sol sous la table d'opération. Les formes luisent légèrement.
Deux-cent-vingt est attaché sur la table d'opération, dans un état second. La scène débute lorsqu'Eugène rentre dans la pièce. Il est vêtu d'une surblouse, d'un masque, de gants et d'une charlotte. Les deux personnages semblent plus vieux que lors des scènes précédentes.
EUGÈNE RIESNERT
Dernières vérifications, les bistouris… ok, le matériel de suture… ok. Le matériel chirurgical, le thaumaturgique… Hmm… Ici, ce sera très bien. Et bien, il ne nous manque plus que notre invité spécial !
Eugène commence à secouer Deux-cent-cingt, d'abord doucement, puis finit par lui mettre deux claques pour le réveiller.
Ho ! C'est bon, vous êtes avec nous ?
PROFESSEUR DEUX-CENT-VINGT
Hm.. Aouch ! Mais enfin, qu'est-ce que…? Eugène, c'est vous ?
Deux-cent-vingt regarde autour de lui et semble prendre conscience de sa situation. Il s'agite alors.
Mais… Mais… Mais qu'est-ce que c'est que ça ? Détachez-moi ! Vous êtes devenu fou ?
EUGÈNE RIESNERT
Silence ! Économisez vos cordes vocales, car croyez moi, elles vont être très sollicitées d'ici peu.
Eugène bâillonne Deux-cent-vingt rapidement avant de reprendre son discours.
Eh bien, vous savez quoi, cher professeur ? Je n'aura pas crû dire cela un jour, mais je suis heureux de vous revoir. C'est qu'après notre conflit, j'ai dû partir loin voyez vous ? J'ai eu l'occasion de voir du pays, et même un peu plus. Vous connaissez la bibliothèque des vagabonds ? Un endroit extrêmement intéressant, j'ai eu l'occasion d'y apprendre beaucoup de choses sur la thaumaturgie. Bien au delà de ce que l'on peut trouver dans un établissement de para-santé.
Eugène marque une pause alors qu'il commence à chercher parmi les instruments chirurgicaux jusqu'à saisir un bistouri.
Mais j'ai fini par avoir le mal du pays disons. Alors je me suis dit, et si j'allais voir ce bon vieux professeur Deux-cent-vingt ? Lui montrer tout ce que j'ai appris ? Après tout j'étais quand même votre élève, et tout ce que j'ai appris durant mon exil, c'est finalement grâce à vous. Alors si vous le voulez bien, démarrons ! Oh, une dernière précision, j'aurai bien aimé pouvoir utiliser des anesthésiants, mais n'ayant plus mon diplôme de médecine, je n'en ai malheureusement pas le droit, je suis sûr que vous comprendrez.
Eugène commence alors à pratiquer une incision allant du sternum jusqu'à l'aine, d'un geste lent mais assuré. Vous pouvez voir le sillon rouge apparaitre et s'étendre, en même temps que des gouttes de sang strient de part et d'autre le corps de Deux-cent-vingt. Deux-cent-vingt se contracte mais ne peut réellement se débattre du fait des contentions qui le retiennent. Les cris de douleur sont discernables malgré le bâillon.
Quatre autres incisions sont ensuite pratiquées, suivant la ligne des clavicules et des hanches, jusqu'à former deux volets qu'Eugène ouvre méticuleusement, dévoilant à la vue les muscles intercostaux et le système digestif de Deux-cent-vingt. Du sang s'écoule abondamment des plaies, jusqu'à ce qu'Eugène tapote du pied un des glyphes tracé au sol, ce qui met fin à l'écoulement.
EUGÈNE RIESNERT
Il serait dommage que nos retrouvailles se terminent si vite non ? Mais rassurez vous, les glyphes au sol empêcheront que vous ne succombiez. J'en ai également un pour vous maintenir conscient. Vous seriez surpris de tout ce qu'on peut imposer au corps humain quand on sait s'adresser à lui correctement. Mais j'ai bien peur que le temps nous manque pour des explications plus détaillées.
Il pratique des incisions également au niveau des bras et des jambes, dévoilant leur structure interne. Vous pouvez discerner les mouvements des fibres musculaires qui se rétrécissent à chaque nouveau contact. Il s'attaque ensuite au scalp, les gouttes de sang se mêlant aux larmes de Deux-cent-vingt, donnant à ses yeux une teinte rougeâtre.
Eugène change alors d'instruments, troquant son bistouri pour deux sortes de crochet qui, d'après ce que vous en voyez, servent à écarter les fibres musculaires. Une nouvelle tape du pied sur un autre glyphe semble paralyser les muscles de Deux-cent-vingt, qui se relâchent aussitôt. Vous pouvez voir Eugène dégager les fibres une par une, de façon extrêmement méticuleuse, jusqu'à dévoiler les os qui se trouvent en dessous. Cela prend un assez long moment, car malgré la facilité apparente du processus, les fibres sont nombreuses, et Eugène semble vouloir dégager ainsi l'accès à une bonne partie du squelette de Deux-cent-vingt. Malgré l'absence de mouvement, vous pouvez distinguer les larmes de plus en plus nombreuses, celles-ci ayant pris une teinte rosée en se mélangeant au sang qui a recouvert une bonne partie du crâne malgré le faible écoulement.
Vous ne pouvez pas ressentir la douleur de la scène à proprement parler mais une part de votre esprit semble comprendre ce que vit Deux-cent-vingt. La sensation d'arrachement de la peau, des cellules qui hurlent à vif comme si chacune pouvait transmettre ce qu'elle vit, le métal froid et tranchant qui perce à travers les chairs et les déplacent comme de vulgaires bouts de viande. Ces gouttes de sang, depuis son scalp, qui lui rentrent dans les yeux, le nez, la bouche. La sensation de se noyer tout en étant brûlé à vif. Chaque seconde qui apparait découpée, étirée, figée, comme si le temps subissait les mêmes sévices que ceux que vous êtes en train d'observer.
Laissant Deux-cent-vingt à vif dans son triste état, Eugène pose ses instruments et commence à chercher sur la table de matériel thaumaturgique quelque chose, qu'il finit par trouver et brandir d'un geste triomphant.
EUGÈNE RIESNERT
Le voilà ! Réjouissez-vous chez professeur ! nous allons enfin entrer dans le vif du sujet, si vous me pardonnez l'expression. Voyez-vous, je ne suis pas là seulement pour vous montrer mes compétences chirurgicales. Ce que nous faisons là est bien plus que ça ! Nous sommes là pour l'Art ! La thaumaturgie ! Après tout, vous me l'avez dit il y a longtemps, c'est sur ce point que ma thèse était la plus aboutie. Et croyez-moi, ce n'était rien par rapport à tout ce que je sais maintenant.
Il stoppe alors son discours pour appliquer sur le corps de Deux-cent-vingt ce qui semble être du sel fin, d'un blanc immaculé, qu'il prend soin d'étaler sur toute la surface disponible, tout en récitant des incantations que vous n'arrivez pas à percevoir en détail, à cause des cris de Deux-cent-vingt qui redoublent d'intensité.
Tout cela a un but, un but moral. J'ai beaucoup souffert de ce que vous m'avez fait à l'époque vous savez ? J'y pense encore chaque jour. L'exil n'est pas une condition facile, je devais vivre caché, ou aux crochets de gens peu fréquentables. Vous n'imaginez pas tout ce que j'ai dû subir pour ne pas sombrer. Cette injustice, cette douleur, à cause de ce que vous avez fait, elles sont comme gravées en moi maintenant. Alors maintenant, c'est à mon tour de graver la douleur en vous. Mais littéralement cette fois. Certaines disciplines occultes permettent cela, au prix d'une préparation adéquate.
Tout en parlant, Eugène se saisit d'un nouvel instrument, une sorte de pistolet de tatouage, gravé de plusieurs symboles occultes. Après avoir resserré le bâillon de Deux-cent-vingt, il actionne alors son outil et commence à graver sur les os du professeur des sillons et symboles différents. Aucun os parmi ceux dévoilés auparavant n'est épargné. Durant tout le processus, les cris de Deux-cent-vingt sont discernables, différents de ceux que vous percevez depuis le début de la séquence. Ils sont plus graves, plus sourds et quasi-ininterrompus, semblant peser physiquement sur qui les entend. Eugène semble être impacté par cela, car au fur et à mesure de l'avancée de sa tâche, vous pouvez le voir ripper et planter l'aiguille dans les tissus mous, déclenchant de nouveaux cris à chaque fois, plus aigus cette fois. Il ne semble cependant pas s'inquiéter de cela.
Avant d'arriver au crâne, il prend toutefois le temps de mettre des bouchons d'oreilles, et reprend son ouvrage de façon plus lente, marquant plus de temps d'arrêts entre deux traçages de symboles, comme si ces tracés étaient plus importants que ceux du reste du corps. Vous pouvez voir l'ensemble du visage de Deux-cent-vingt vibrer de façon synchrone au pistolet de tatouage, secouant les lambeaux de peaux du scalp qui viennent périodiquement heurter le visage de Deux-cent-vingt au rythme des vibrations.
Eugène marque ensuite une pause pour récupérer une fiole d'un liquide bleuté, légèrement fluorescent, avec lequel il oint les os de Deux-cent-vingt, en récitant de nouvelles incantations. Vous pouvez discerner les gravures lorsque le liquide s'y engouffre, mais celles-ci disparaissent de suite après. Cela semble marquer la fin de l'entreprise d'Eugène, celui-ci, essoufflé, s'affalant sur une chaise à côté de la table d'opération. Il s'allume alors une cigarette, tout en regardant Deux-cent-vingt dans son triste état, l'air concentré. Lorsqu'il arrive à la fin de la cigarette, il se relève et l'écrase sur le visage de Deux-cent-vingt, prenant soin de maintenir le mégot pendant de longues secondes.
EUGÈNE RIESNERT en même temps qu'il parle, il est en train de préparer un produit à perfuser.
Ça, c'était pour le plaisir ! Pfou.. Enfin terminé… On peut dire que vous ne m'avez pas facilité la tâche à hurler comme un goret. Mais bon, c'est surtout dommage pour vous. Si vous aviez su vous tenir, cela m'aurait évité quelques… Imprécisions disons…
Mais passons ! Il ne nous reste plus qu'une étape avant que je vous reconstitue. C'est que je ne voudrais pas attirer l'attention sur mon travail en vous laissant des cicatrices, ça doit rester notre petit secret, ou plutôt mon petit secret.
Eugène marque une nouvelle pause alors qu'il accroche la poche qu'il a préparé sur un pied à perfusion et prépare une aiguille, qu'il plante ensuite au niveau d'une veine de Deux-cent-cingt.
Vous, vous ne vous rappellerez de rien, rien de tout cela. Tout ce qu'il vous restera, c'est la douleur, gravée directement dans vos os. Et croyez-moi, aucun médecin occulte de l'OMPS n'a le niveau pour repérer mon travail. Et pendant que vous maudirez chaque jour qui passe pour le supplice qu'il vous fait endurer sans raison, moi je saurai. Et j'aurai tout le loisir de vous imaginer, à chaque instant, sentir votre corps s'ouvrir, votre peau être arrachée, vos muscles être tiraillés, à chaque seconde jusqu'à ce que vous n'en puissiez plus. Et à cet instant, ça ne sera encore que le début. Vous n'aurez aucune échappatoire, ni dans cette vie, ni dans aucune autre, je m'en suis assuré.
Je suppose qu'il ne me reste plus qu'à vous dire adieu cette fois, avant que la perfusion d'amnésiques ne fasse son effet. Bonne route professeur ! Appréciez en chaque pas, car chacun vous coûtera !
La scène se trouble alors devant vos yeux alors que les motifs semblent se fondre en une masse informe de couleurs qui finit par disparaître à son tour.
FIN DU SECOND ACTE
Votre esprit arrive enfin à s'extraire de ce qu'il vient de voir, alors que votre propre corps se rappelle à votre perception. Cette scène, c'est comme si… Comme si le crâne vous avait forcé à la visionner. Impossible de s'en détacher malgré vos tentatives pendant le déroulé. Et même maintenant, une partie de vous reste concentrée sur ce qu'elle vient de voir. Certainement le choc de ces images ! Foutu crâne, qu'est-ce qu'il lui a pris de vous montrer ça !? Avant même qu'il ne puisse enchaîner, vous puisez en vous pour mettre fin à cette télépathie qui vous apparait maintenant plus forcée que consentie, afin de mettre le maximum de distance entre vous et ce… Et cette chose !
220 soupira intérieurement… Il avait apprécié cette conversation, et était triste de cette fin abrupte. C'était toujours la même chose. Mais au moins il avait pu se décharger un peu. Cela lui était devenu nécessaire avec le temps. Car ces images, depuis qu'elles lui étaient revenues après les fâcheux événements relatifs au Dr Arlington, étaient là en permanence autrement.
Chacune des conversations qu'il avait pu mener depuis qu'il avait échappé au contrôle de la Fondation avait été l'occasion de faire taire temporairement ces images. Oh bien sûr, il n'avait plus de corps et ne souffrait plus physiquement, mais la répétition permanente de cette séquence dans son esprit représentait une souffrance comparable.
Son esprit pour l'instant libéré, il put percevoir télépathiquement l'espace autour de lui. Avec le temps, même la végétation l'évitait et ne poussait plus autour de lui. Mais malgré cela, le tableau global restait appréciable. Le calme lui était devenu un sentiment trop rare pour ne pas en profiter à sa juste valeur. D'autant que chacun de ces moments glanés était plus court que le précédent, celui-ci ne durerait sans doute qu'une minute ou deux… Jusqu'au jour où peut-être, ces moments n'existeraient plus.
La route fut longue mais vous voilà enfin rentré chez vous. Un sentiment de soulagement se fait maintenant sentir, vous allez pouvoir vous reposer et oublier toute cette histoire. D'autant qu'il se fait maintenant tard, et cuisiner vous aidera certainement à vous changer les idées.
…
Rien de tel qu'un bon repas pour se remettre d'aplomb ! Il ne vous reste maintenant plus qu'à aller vous coucher, et demain, une nouvelle journée commencera, laissant celle d'aujourd'hui se fondre dans la masse du passé. Il ne vous faut que quelques minutes pour sombrer dans les bras de Morphée et visualiser un sympathique étang où votre père vous emmenait pêcher enfant. Le ciel est d'une couleur que seuls les rêves peuvent produire, et l'eau est suffisamment claire pour y voir l'hameçon de votre canne à pêche s'y enfoncer. Oh ! Une prise ! Il a l'air appétissant celui-là. Mais alors que vous luttez de toutes vos forces pour remonter la bête, une lame tranche le fil. Eugène ! Il est là, sur la barque avec vous. Et alors que la surprise vous fait tomber à l'eau, votre postérieur heurte un carrelage dur et froid. L'étang a laissé place à une salle d'un blanc immaculé. Vous ne pouvez plus bouger. Eugène est toujours là, tendant son bistouri, qui s'enfonce en vous comme du beurre. Il tranche dans [̷̨̫̖̙͍̌͗͊̀I̵̡̖͙̊̑̓͑͜͠ͅL̸̜̬̪͖̺̾͛̌̕L̶̙͖̣͈̕I̸̲̦͓͓̼̽̍͝S̷̢̹͊̆Ỉ̴̻̫̱B̸̫͖̙̓͂̓L̵̪̥̱͓͌͒̓͘͠E̴͉̟͖̾́͂̈]̶̻̺̗͚̺̆͋̓̚ et [̷̨̫̖̙͍̌͗͊̀I̵̡̖͙̊̑̓͑͜͠ͅL̸̜̬̪͖̺̾͛̌̕L̶̙͖̣͈̕I̸̲̦͓͓̼̽̍͝S̷̢̹͊̆Ỉ̴̻̫̱B̸̫͖̙̓͂̓L̵̪̥̱͓͌͒̓͘͠E̴͉̟͖̾́͂̈]̶̻̺̗͚̺̆͋̓̚, l a dou leures t atr[̷̨̫̖̙͍̌͗͊̀I̵̡̖͙̊̑̓͑͜͠ͅL̸̜̬̪͖̺̾͛̌̕L̶̙͖̣͈̕I̸̲̦͓͓̼̽̍͝S̷̢̹͊̆Ỉ̴̻̫̱B̸̫͖̙̓͂̓L̵̪̥̱͓͌͒̓͘͠E̴͉̟͖̾́͂̈]̶̻̺̗͚̺̆͋̓̚, vousvousdébattezmaisc'estsans [̷̨̫̖̙͍̌͗͊̀I̵̡̖͙̊̑̓͑͜͠ͅL̸̜̬̪͖̺̾͛̌̕L̶̙͖̣͈̕I̸̲̦͓͓̼̽̍͝S̷̢̹͊̆Ỉ̴̻̫̱B̸̫͖̙̓͂̓L̵̪̥̱͓͌͒̓͘͠E̴͉̟͖̾́͂̈]̶̻̺̗͚̺̆͋̓̚ xmq ..zijf!!piqfh [̷̨̫̖̙͍̌͗͊̀I̵̡̖͙̊̑̓͑͜͠ͅL̸̜̬̪͖̺̾͛̌̕L̶̙͖̣͈̕I̸̲̦͓͓̼̽̍͝S̷̢̹͊̆Ỉ̴̻̫̱B̸̫͖̙̓͂̓L̵̪̥̱͓͌͒̓͘͠E̴͉̟͖̾́͂̈]̶̻̺̗͚̺̆͋̓̚ [̷̨̫̖̙͍̌͗͊̀I̵̡̖͙̊̑̓͑͜͠ͅL̸̜̬̪͖̺̾͛̌̕L̶̙͖̣͈̕I̸̲̦͓͓̼̽̍͝S̷̢̹͊̆Ỉ̴̻̫̱B̸̫͖̙̓͂̓L̵̪̥̱͓͌͒̓͘͠E̴͉̟͖̾́͂̈]̶̻̺̗͚̺̆͋̓̚ [̷̨̫̖̙͍̌͗͊̀I̵̡̖͙̊̑̓͑͜͠ͅL̸̜̬̪͖̺̾͛̌̕L̶̙͖̣͈̕I̸̲̦͓͓̼̽̍͝S̷̢̹͊̆Ỉ̴̻̫̱B̸̫͖̙̓͂̓L̵̪̥̱͓͌͒̓͘͠E̴͉̟͖̾́͂̈]̶̻̺̗͚̺̆͋̓̚ [̷̨̫̖̙͍̌͗͊̀I̵̡̖͙̊̑̓͑͜͠ͅL̸̜̬̪͖̺̾͛̌̕L̶̙͖̣͈̕I̸̲̦͓͓̼̽̍͝S̷̢̹͊̆Ỉ̴̻̫̱B̸̫͖̙̓͂̓L̵̪̥̱͓͌͒̓͘͠E̴͉̟͖̾́͂̈]̶̻̺̗͚̺̆͋̓̚.