Un silence préoccupant

Le Site Armé-98 était à l'heure actuelle la base militaire la plus protégée de la planète.

Chaque mètre carré était occupé par une mitrailleuse, un lance-grenade ou tout autre engin expérimental dont la seule existence permettait de dissuader l’entièreté des forces ennemies d'attaquer, sous peine de venir grossir la rubrique nécrologique du journal local.

Rajoutez à cela trois bataillons de soldats surentraînés, un hangar d'aviation intégré, plus de 35 kilomètres d'étalement stratégique, et vous obtenez le bijou des compagnies manufacturières, la crème de la crème de l’excellence en matière de force de frappe brute.

Il va sans dire que le jour où la base cessa d'émettre, tous les hauts dirigeants du monde entier commencèrent à spéculer sur les raisons du pourquoi et du comment.

La Fondation fit dépêcher sur place la meilleure équipe d'intervention en terrain hostile, les Screaming Eagles. Ils étaient connus pour désamorcer tous les types de situation, rarement à la pointe d'une plume mais plus souvent à celle de l'épée. Les otages étaient secourus avant même qu'ils ne puissent s'en rendre compte, les cibles se faisaient assassiner en un clignement d’œil, bref, les meilleurs des meilleurs.

La tension redoubla lorsque l'avion des meilleurs se fit abattre par un système de missiles sol-air, sans un seul cri. Pas d'actions héroïques ni de drapeaux flottants dans l'horizon couchant, juste un tas de tôle enflammé s'effondrant sur le sol.

Tous se tournèrent ensuite vers le général Burt Scratch, le légendaire tacticien ayant participé à tous les conflits armés, officiels ou non, dans lesquels les États-Unis d'Amérique ont été engagés depuis le Vietnam. Il s'assit à la table des Nations Unies, retira ses lunettes de soleil ambrées, se servit un scotch et annonça d'une voix aussi grinçante que l'essieu mal graissé d'une vieille carriole de cow-boy :

"On va tous mourir".

Après cette intervention aussi rapide qu'efficace, la FIM Thêta-1 ("Dernière Solution") se fit amener sur les lieux afin de poser une bombe sur le réacteur central et "d'empêcher qu'un putain de bloc de béton géant se rebelle contre l'humanité toute entière".

Durant le forage du trou qui leur aurait permis de contourner l'installation, ceux-ci tombèrent sur un plateau de granite. Qu'à cela ne tienne, le commandant ordonna la pose de la bombe directement à l'extérieur, afin de prouver qu'ils-n'étaient-pas-tous-des-tapettes-Nom-de-Dieu.

Une fois la FIM Thêta-1 dissoute dans un brasier atomique, une équipe de hackers juvénile se fit amener, contre la promesse de reconnaissance éternelle, d'argent, et de porno.

Alors qu'ils étaient en train de pirater le système de défense, un des jeunes agents cliqua sur un pop-up "tu veu une caupine hot et blonde ?" résultant au téléchargement d'un virus dans la base de donnée de la Fondation et à la perte de plus d'une dizaine de milliards d'euros.

Une fois "les très jeunes agents prometteurs" de retour chez leurs parents, le projet Force d'Intervention Mobile Oméga-7 ("Boite de Pandore") fut réhabilité. C'est avec l'accord du directeur de la Zone de Confinement-25b qu'Abel fut amené afin d'éradiquer la menace grandissante.

Grâce à la mort d'un petit millier d'agents et des poussières, Abel réussit à s'infiltrer à l'intérieur du Site. Le contact fut malheureusement perdu dans la salle de stockage des vivres, où des bruits suspects s'étaient faits entendre.

Les fonctions vitales d'Abel cessèrent peu de temps après, le fait que son corps ne retourna pas dans son cercueil à ce moment précis permit de conclure que l'ennemi était en possession d'un artefact de niveau Alpha-Supérieur, permettant d'arrêter le processus de reconstitution et d'acheminement d'un corps immortel.

Le plan consistant à amadouer SCP-682 afin de le faire charger la base ayant échoué, il ne restait pas grand choses à tenter, et c'est avec effarement que s'inscrit l'image de la fin du monde dans l'esprit de tous.

Suite à la compréhension de leurs statuts d'êtres inférieurs, les états du monde entier décidèrent d’arrêter la manière douce et d'envoyer tous les missiles nucléaires, non-nucléaires, non-nucléaires mais quand même puissants, non-nucléaires mais "capables de leur créer un deuxième trou de balle" droit dans la gueule de l'ennemi, résultant très certainement en la création d'un scénario de classe XK-Chocolat-Bravo mais permettant au moins de se débarrasser de ces enculés.

Alors que le président était sur le point de déclencher l'ordre d'activation, celui-ci reçu une transmission directe du Site Armé-98. C'est avec la grâce d'un président, mais aussi avec celle d'un homme sur le point de craquer, qu'il ordonna d'établir la communication sur l'écran géant de la salle de conférence.

"Hé bien… bonjour M. le président. Je tenais à vous demander d’arrêter d'essayer des simulations de combat sur la base. Je sais que c'est mon rôle en tant que technicien suppléant de maintenir le système de défense automatique en place, mais j'ai l'impression que mon crâne va exploser avec la cuite qu'on s'est tous prise hier soir, en plus de la doublette faite avec Abel tout à l'heure. Merci de votre compréhension."

Y'a pas à dire, le Site Armé-98 était vraiment la base militaire la plus protégée de la planète.

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