Mercredi 1er mai 2244
Ça y est, c'est terminé. Je vais pouvoir rentrer à la maison.
Après tout ce temps, nous avons enfin mis un terme à ce cycle infernal. Notre petit groupe hétéroclite a pu faire se soulever le monde et rallumer l'espoir dans leurs coeurs.
Qui l'eût cru quand tout cela a commencé ? Une alliance de personnages si improbable arriverait à sortir le monde des ornières dans lequel il était enfoncé depuis si longtemps ?
Un voyageur puis archiviste ? Un plombier devenu Père Noël ? Un vieux sorcier ? Une anartiste ? Un drôle d'enfant chauve ?
J'adorais voir sur le visage des gens cet émerveillement lorsque nous leur avons distribué tous ces jouets "magiques". Des jouets en bois qui s'animaient, parlaient, changeaient de forme, volaient même. Puis leur surprise en voyant le traîneau de Nikola et son attelage se détacher devant la lune.
Je regrette encore l'attaque contre la banque du "Liechtenstein". Nous avions fait de notre mieux pour faire sortir toutes les personnes qui n'avaient rien à voir avec ça. Mais avions-nous le choix ? Peut-être qu'une autre voie aurait été possible. Il y en a toujours.
Au moins les gens savent désormais que l'anormal existe, et la Fondation n'a plus les moyens de le dissimuler à tout le monde. Les communautés anormales qui étaient obligées de rester cachées n'en ont plus besoin. Certaines préféreront rester tout de même isolées, comme elles l'ont toujours fait, et toutes ne peuvent pas cohabiter sereinement avec l'humanité. Mais ce n'est pas le plus important.
Montrer à tous ces gens qu'il était possible de faire autre chose que répéter leurs journées, leurs semaines, les sortir de la grisaille, de leur vie morne, c'était ça notre but. Dire que nous en étions au point où nous parlions seulement en jours de la semaine et même plus en numéro du mois… sans parler d'années. Il nous fallait un électrochoc comme ça à tous.
Nous étions comme endormis dans un sommeil profond, tous léthargiques, entre le rêve et le cauchemar. Je ne sais toujours pas bien ce qui causait cela, si c'était causé par la Fondation, une entité extérieure ou autre chose, mais désormais le sort est brisé.
Jeudi 2 mai 2244
J'ai retrouvé B* aujourd'hui. Enfin.
Elle était si heureuse de me revoir qu'elle a failli sauter hors de son fauteuil. Elle a pris un coup de vieux, et j'imagine que moi aussi, de son point de vue. J'ai passé quatorze ans dans les griffes de la Fondation, et les quelques mois passés n'ont pas arrangé les choses. J'ai l'impression que je me suis enfui du Site-Aleph il y a dix ans, avec tout ce qu'il s'est passé depuis.
Mercredi 25 décembre 2244
Joyeux Noël.
Je ne verrai plus les Noël de la même façon désormais. Nikola est passé après sa grande tournée, de la neige et du sable dans sa barbe, le sourire aux lèvres comme toujours. Il nous a apporté un petit train capable de s'envoler dans les airs et de produire de la fumée. Même en l'ayant tant vu à l'oeuvre, je reste ébahi de voir ce que Jade et le vieux Max arrivent à concocter. Evidemment, ils ne fabriquent pas tout eux-mêmes, simplement un patron que les pantins de Nikola arrivent à reproduire par on ne sait quel moyen. Mais à chaque fois, c'est si beau.
Dimanche 16 mars 2245
B* et moi nous sommes dit oui aujourd'hui.
Tous nos amis sont venus pour l'occasion. Nos compagnons d'aventure, les amis d'antan et de maintenant, ceux qui ont survécu au Site-Aleph. C'est une joyeuse bande dépareillée, mais nous baignons dans l'allégresse tous ensemble.
Il aura fallu du temps, mais je suis heureux que nous ayons pu conclure cette histoire.
Comme quoi, il ne faut jamais perdre espoir.
Voyons de quoi le monde de demain sera fait.