Bon, eh bien, je crois qu’il est temps pour moi de faire le grand plongeon.
Je t’aime.
Je t’aime, je t’aime, je t’aime.
Tu m’as hameçonné, harponné, je suis pris dans tes filets.
Je pourrais te l’écrire de deux cent façons différentes, mais à quoi bon ? À quoi bon reformuler alors que ces quelques mots devraient suffire à te faire comprendre toute l’étendue de mes sentiments ? « Je t’aime ».
Je sais bien qu’un message privé sur Parawatch n’est pas la façon la plus romantique de procéder, mais quel choix ai-je ? Après tout, ça fait partie du contrat : m’éprendre de toi, ç’a d’abord été m’éprendre d’une suite de caractères, anonyme et sans visage - tout juste un avatar. Alors tant pis. Comme dirait l’autre : « à Rome, fais comme les requins ».
Tu te demandes alors sans doute ce qui a bien pu me frapper chez toi, moi qui ne t’ai même jamais rencontré. Eh bien, l’uppercut a bien entendu été ton rapport d’exploration de cet aquarium désaffecté, découvert par un merveilleux hasard. J’ai d’abord essayé de me convaincre que mon intérêt n’était que le fruit d’une déformation professionnelle. Que tu ne serais qu’un instant fugace dans mes pérégrinations informatiques, bien vite oublié.
Et puis tout est parti en queue de poisson.
Les jours suivants, je me suis lancé dans la pêche à tes contributions. Dans l’espoir que tu sonderais d’autres mystères maritimes, essayai-je de me convaincre. Ce ne fut pas le cas, et pourtant… Et pourtant, je continuai à te lire avec avidité, guettant ta curiosité aussi rafraîchissante qu'une brise marine, les traits d’humour subtils disséminés dans tes rapports, tes petites habitudes d’écriture et d’exploration que j’appris à connaître par écrans interposés. Tu ne parlais même pas de puncher des requins, et pourtant j’étais attiré par la moindre trace de ton existence comme par un poisson-lanterne.
Je suis quelqu’un de sensé et rationnel, comme tout boxeur de poissons qui se respecte, mais ces choses-là échappent à la raison. J’ai même crains de devenir un peu requin-marteau, pour tout te dire, avant de comprendre enfin que c’était un véritable amour, sincère et pur, qui m’habitait. Un amour qui m’emporte comme un tourbillon alors que j’écris ces lignes.
Je sais qu’il y a de quoi montrer les dents face à quelqu’un que tu connais à peine et qui t’inonde de ses sentiments de la sorte. Je n’aurai donc pas l’outrecuidance d’espérer que tu y répondes positivement, ni même que tu y répondes tout court.
Je ne demande pas à être autre chose qu’un anonyme parmi des centaines qui, le temps d’un message, et d’un message seulement, aura été un peu plus que ça.
Sache seulement qu’à partir de maintenant, mes pensées dériveront toujours vers toi, même lorsque je frapperai mes squales (au niveau des branchies, là où ça leur fait le plus mal).
Il y aura toujours au moins une personne pour laquelle tu compteras en ce monde.
À bientôt, si les courants de la destinée daignent à nouveau me mettre sur ta route.
Note du Superviseur L███████ : Écoutez, je sais que la rédaction de mots doux n’entre pas dans vos attributions usuelles, mais nous avons besoin de la contribution de tout le personnel si nous voulons avoir une chance de sauvegarder le Voile après le confinement de SCP-███-FR « Cupidon ».
Votre lettre n’est pas crédible une minute : beaucoup trop vague, comme si vous ne saviez même pas à qui elle est adressée, trop courte, et c’est sans parler des calembours douteux dont elle est truffée. À vous lire, on croirait que le SPC n’est qu’une accumulation de blagues oiseuses sur la frappe de requins.
Je vous laisse imaginer l’effet désastreux que produira un tel écrit sur les sentiments de son destinataire.
À revoir.
Note de l'Agent H██████ : Écrivez-la vous même si vous êtes pas content.