Transcription d'une conversation téléphonique, 9 août 1991

LA MAISON BLANCHE

WASHINGTON

TRANSCRIPTION D'UNE CONVERSATION TÉLÉPHONIQUE

SUJET : Conférence téléphonique pour convenir d'un déplacement de l'objet de Novaya Zemlya

PARTICIPANTS :

  • Le président
  • James Baker (Secrétaire d'État)
  • Dick Cheney (Secrétaire de la Défense)
  • John Sununu (Chef de cabinet de la Maison Blanche)
  • Gén. Colin Powell (Chef d'état-major)
  • Col. Gregory Sachs (CMO)
  • Eduard Shevardnadze (Ministre des affaires étrangères, URSS) (par téléphone)
  • Boris Pugo (Ministre de l'intérieur, URSS) (par téléphone)
  • Traducteur : G. Valentino (État)
  • Preneur de notes : S. Morrison (CSN)

DATE : 9 août 1991, 08:36-08:44 am Heure de l'Est
LIEU : Salle de crise de la Maison Blanche - Kremlin

Le président a initié l'appel téléphonique.

LE PRÉSIDENT : Eduard ? Êtes-vous en ligne ?

SHEVARDNADZE : Oui, je suis là. Boris Karlovitch est sorti chercher du thé… ah, non, il est là. Nous sommes tous là, monsieur le président.

LE PRÉSIDENT : Bien, je suis content que nous ayons pu organiser ça, mes amis. Permettez-moi de vous signaler la présence du Colonel Sachs, dans cette pièce, avec moi.

PUGO : [indistinct, en Russe]

SACHS : [répond en Russe]

VALENTINO : [en aparté, au président] Des mondanités, monsieur le président. Le ministre Pugo demande des nouvelles de la femme de Sachs, ce genre de choses…

LE PRÉSIDENT : Ah, quoi qu'il en soit, le Colonel Sachs m'a informé que, selon l'évaluation de la situation à Novaya Zemlya faite par la CMO, l'Équipe Zéro n'est plus en mesure de…

SUNUNU : [en aparté, à Baker] L'Équipe Zéro ? Qu'est-ce que c'est ? Je n'ai pas été informé…

BAKER : [à Sununu] Mais sérieusement, John, vous étiez juste là la semaine dernière.

LE PRÉSIDENT : poursuivre, attendez. [le micro est coupé ; à Sununu] John, quand vous et moi sommes allés en Russie pour le sommet START I ? On a pris l'avion vers le nord ?

SUNUNU : Euh… je ne comprends pas, monsieur. Après Moscou, nous sommes allés directement à Kiev.

LE PRÉSIDENT : [micro rallumé] Allons, Eduard, vous n'aviez pas besoin de donner une pilule jaune à mon Chef de cabinet.

SHEVARDNADZE : Nous n'avons pas…

SUNUNU : Qu'est-ce que… [inintelligible]

SACHS : Monsieur le président, c'est nous qui l'avons fait. À vrai dire, monsieur, monsieur Sununu a demandé un amnésique après la [initelligible].

SUNUNU : [inintelligible]… ce dont vous parlez, si… [initelligible]

LE PRÉSIDENT : On verra ça de notre côté. Quoi qu'il en soit, Eduard, le Colonel Sachs me dit qu'ils ne peuvent plus la contenir, et que nous devons nous mettre d'accord pour la transférer, si je puis dire.

SHEVARDNADZE : Oui, ça colle avec le rapport qu'on a reçu. Merci.

LE PRÉSIDENT : Ne me remerciez pas, nous nous contentons de la transporter. Laissons les gars là-bas, dans leur igloo ou quoi, laissons-les se débrouiller avec elle, c'est ce qu'il y a de plus prudent à faire à ce stade. Colin, j'ai cru comprendre que le bateau était prêt. Vous confirmez ?

POWELL : Oui, monsieur, l'USS New Haven arrivera aux installations du détroit de Matotchkine par Sukhoy Nos le 19 août, heure locale, et de là…

LE PRÉSIDENT : Le New Haven, hein ? Dick, je sais que vous avez été viré de Yale, mais vous n'aviez pas à vous venger en sacrifiant un sous-marin d'attaque en parfait état.

CHENEY : Je, eh bien, monsieur, c'est que…

POWELL : Monsieur le président, le Secrétaire Cheney n'est pour rien dans ce choix, et il s'agissait du transport le plus proche disponible.

LE PRÉSIDENT : Je vous fais marcher, Dick. C'est un truc de Bonesman, ha ha.

CHENEY : D'accord, monsieur.

SHEVARDNADZE : George, tout est prêt de notre côté. Vladimir Vladimirovitch et son équipe s'occuperont de charger le sujet sur votre navire.

BAKER : Excusez-moi, monsieur le ministre. C'est le Lieutenant Colonel du KGB que vous m'aviez présenté ?

SACHS : C'est lui, monsieur le Secrétaire. Il est aussi des nôtres. Il est très efficace, il a toute notre confiance.

LE PRÉSIDENT : Et Eduard, qu'en est-il de la couverture de votre côté ?

SHEVARDNADZE : Je ne sais pas… attendez [inintelligible, en Russe]… Boris dit que tout est sous contrôle.

LE PRÉSIDENT : Tout est sous contrôle ? Je ne peux pas approuver cette opération, de mon côté, en n'ayant que ça comme information. Je ne le ferai pas, Eduard. Écoutez, vous avez vu que nos gars sont de plus en plus compétents quand il s'agit d'établir une couverture, l'opération Tempête du désert devrait suffire à le démontrer. Mais il est vital, absolument vital, que nous empêchions le monde de lui prêter la moindre attention, que nous cachions le transport et le déplacement.

SHEVARDNADZE : Absolument. [inintelligible, en Russe] Attendez, s'il vous plaît. [inintelligible, en Russe]… Da. [inintelligible, en Russe]… Boris dit qu'il a un plan impliquant le président du KGB Kryuchkov, le premier ministre Pavlov, le ministre Yazov, et… quelques autres.

PUGO : [inintelligible, en Russe]

SHEVARDNADZE : [inintelligible, en Russe]

VALENTINO : [en aparté, au président] Monsieur, le ministre Shevardnadze a dit "vous avez quoi", vous savez, avec un air incrédule. Et ils parlent en même temps, monsieur, je ne peux pas comprendre ce dont ils débattent. Le ministre Pugo dit qu'ils vont profiter que Gorbatchev soit à sa datcha pour bouger. Monsieur, ils parlent d'un renversement…

SHEVARDNADZE : C'est… ce n'est pas vraiment un coup d'état, monsieur le président. C'est… une diversion.

LE PRÉSIDENT : Greg, est-ce que votre équipe a validé ce plan ?

SACHS : Le Lieutenant Colonel Poutine et moi-même l'avons examiné avec le ministre Pugo et les autres. Étant données les contraintes de temps qui sont en jeu, nous avons convenu… [inintelligible]

CHENEY : [inintelligible]… la chaîne de commandement, là. Ces cowboys ne devraient… [inintelligible]

BAKER : [inintelligible].. comme l'autre fois, Dick. Ils ont besoin de pouvoir… [inintelligible]

POWELL : [inintelligible]… quand est-ce qu'on récupère notre sous-marin ? Si on… [inintelligible]

SACHS : [inintelligible]… Général, nous ne vous prenons pas votre sous-marin. Hum, cela étant dit, vous comprendrez que je ne puisse pas m'exprimer au nom de l'équipe de réception. Quoi qu'il en soit, d'après le dossier, il n'est pas certain que le navire puisse reprendre le service…

LE PRÉSIDENT : Est-ce que ça vous convient, Greg ?

SACHS : Oui, monsieur.

CHENEY : … est extrêmement important pour nous de comprendre la situation face à laquelle nous nous trouvons, et comment elle est supposée se rétablir. Il pourrait s'agir d'une bonne couverture, mais à moyen terme, il y a des inconnues connues, et des inconnues inconnues, euh… ça pourrait être mauvais pour le commerce, et ça…

LE PRÉSIDENT : Dick, Greg et moi nous connaissons depuis longtemps, à l'époque où j'étais à Langley. Je vous dit que je suis prêt à agir en faisant confiance aux garanties que nous donne la CMO…

SHEVARDNADZE : Monsieur le président, je vous assure que Mikhail Sergeyevich et moi ferons revenir les choses à la normale en une semaine ou deux.

LE PRÉSIDENT : Dans ce cas, je pense que nous sommes tous d'accord. Ça vous va, Eduard ?

SHEVARDNADZE : Da. Oui, monsieur le président. Colonel Sachs, tout est bon de votre côté ?

SACHS : Nous sommes prêts… et, permettez-moi d'ajouter à titre personnel, monsieur le président, messieurs les ministres Shevardnadze et Pugo, que… que je suis vraiment désolé, personnellement, de l'incapacité de mon organisation à poursuivre son travail. C'est juste… Je suis désolé. Nous avons tout essayé, vraiment tout, depuis que Khrouchtchev nous l'a donnée, et… j'ai juste… monsieur le ministre, je peux vous assurer que les hommes et les femmes Soviétiques qui étaient là-bas toutes ces années ne se sont pas sacrifiés en vain.

PUGO : Grigory, [en Russe]

VALENTINO : [en aparté, au président] Il dit : "Gregory, vous avez fait de votre mieux".

LE PRÉSIDENT : Greg, nous savons tous que c'était ça ou Cold Harper, et… eh bien, aucun de nous ne souhaite en arriver là. Et, Eduard, transmettez à Mikhail que nous n'oublierons jamais ce que vos gens ont fait, là-bas, au nom du monde entier. Je suis sûr que c'est un grand soulagement, pour vous tous, de, vous savez, de laisser les blousards s'en occuper, pour changer.

SHEVARDNADZE : Oui… merci, monsieur le président. Veuillez… veuillez transmettre mes amitiés à votre famille.

LE PRÉSIDENT : Et Barbara envoie ses salutations à Nanuli, Eduard. Je suis content que nous ayons pu avoir cette conversation pour faire avancer les choses. Messieurs, autre chose avant de terminer ? Très bien, je vous remercie.

- Fin de la conversation -


ÉPILOGUE 1 :

GROTON, CONNECTICUT
22 AOU 1991 18:36 UTC
POUR REMISE IMMÉDIATE
LE COMSUBLANT1 RAPPORTE LA PERTE DE L'USS NEW HAVEN (SSN-746), UN SOUS-MARIN D'ATTAQUE DE CLASSE LOS ANGELES. DERNIÈRE POSITION CONNUE : 230 MILES NAUTIQUES SSE DE L'ISLANDE. LE PENTAGONE A DIT QUE LE NEW HAVEN AVAIT ÉTÉ DÉTACHÉ DE SON ESCADRON DE SOUS-MARINS POUR AIDER LE NOAA2 À CARTOGRAPHIER LES FONDS OCÉANIQUES DES OCÉANS ARCTIQUE ET ATLANTIQUE NORD. AUCUNE BOUÉE DE DÉTRESSE N'A ÉTÉ LOCALISÉE. UNE ÉQUIPE DE SAUVETEURS A ÉTÉ DÉPLOYÉE DANS LA ZONE.


ÉPILOGUE 2 :

Chicago Sun Times, 22 août 1991
Un conspirateur du coup d'état se suicide
MOSCOU Selon un porte-parole du KGB, le ministre de l'intérieur Soviétique Boris Pugo, un des meneurs du coup d'état contre le Président Mikhail S. Gorbatchev, s'est tué d'un tir dans la bouche pour éviter d'être arrêté.
Son épouse a également tenté de se suicider, et était dans un état critique.
Le porte parole de l'agence de renseignements Soviétique a déclaré que Pugo, qui s'était fait une réputation d'intransigeant lorsqu'il était chef du KGB à Latvia, savait qu'une équipe venait l'arrêter à son appartement après l'échec du renversement…


ÉPILOGUE 3 :

23 août 1991

Site 236, Terre de la Reine-Maud (71°40′S 02°50′O)

"Capitaine Richards ? Bienvenue en Antarctique. Je suis le Dr. Garcia. Nous sommes ravis de vous recevoir, nous n'avons pas autant de visiteurs que ce que certains voudraient, ici en Antarctique, surtout à cette période de l'année. Il fallait s'y attendre en voulant servir la patrie - ou la Fondation, dans notre cas. Merci pour la livraison, nous nous en occupons à partir de là. Vous voulez savoir pourquoi est-ce que je porte un masque à gaz ? Deux raisons. La première, c'est que ça fait partie de notre protocole de quarantaine lorsque nous réceptionnons ce genre d'objets. Pour ce qui est de la seconde, si vous voulez bien vous tourner par là, et passer sous la hotte… pas besoin de lutter, monsieur, c'est juste un amnésique par inhalation… vous voyez, le reste de votre équipage est simplement inconscient, ils vont bien… et il s'est endormi. Bien. Emilio, tu te souvient de l'ordre du Contrôle ? Ouais, mets ces gars dans les combis d'évacuation du New Haven, et ramène les avec les équipements de sortie du sous-marin en Islande dans les vingt-quatre heures. Non, on ne les recrute pas, on les largue là-bas, et la Navy va les récupérer. Euh, oui, c'est un très bon sous-marin, évidemment qu'on le garde. Et pour le truc qui est dedans… voyons voir… T'es quand même bien moche, hein, SCP-84787 ?"



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