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Crédits
Titre original : Ties That Bind
Auteur : Jacob Conwell
Traducteur : Theshipening
Date de publication originale : 17 avril 2016
Phineas s'examina dans le miroir de la salle de bain.
Où sont passées ces années, vieil homme ? pensa-t-il.
Sa tête chauve réfléchissait les lumières de la salle de bain. Des veines étaient légèrement visibles sous sa peau pâle. Sa longue barbe blanche contrastait fortement avec sa chemise noire, une cravate rouge vif étant la seule chose colorée sur sa personne. Comme l'homme dedans, les vêtements étaient visiblement usés, couverts de deux décennies de tourmente. Phineas poussa un profond soupir. Son froncement de sourcil se transforma en sourire et il se dirigea vers la porte, un léger cliquètement mécanique remplissant le silence à chaque pas.
Phineas sortit de la salle de bain et dans l'atelier au-delà. Une fête battait son plein et on attendait son apparition.
"Qu'est-ce que tu as à me montrer, Vince ?" demanda Phineas.
Il s'assit dehors au soleil d'été plaisant à un café dans le centre-ville de Portland. La manche droite de sa chemise de flanelle était soigneusement retroussée tandis que la manche gauche restait épinglée sous le moignon de son avant-bras gauche. Une barbe méticuleusement taillée couvrait son visage, aisément la partie la plus soignée de son apparence. Il balaya quelques boucles de cheveux marrons hors de ses yeux alors qu'il observait la valise que son compagnon posait doucement sur la table.
Le jeune homme assis de l'autre côté de la table eut un sourire penaud. Ses longs cheveux noirs étaient attachés en une queue de cheval, et sa peau bronzée suggérait qu'il avait récemment passé du temps dans un lieu plus chaud. Ses yeux verts sombres étaient fixés sur la serrure à combinaison de la valise avant de laisser le couvercle s'ouvrir triomphalement.
"Admire !"
Posé au fond de la boîte était une petite boule de caoutchouc argenté. Phineas examina attentivement l'orbe, clignotant alors qu'un gros point rouge apparaissait en son centre. Le point se fixa sur Phineas alors qu'une série de quatre jambes en forme d'aiguille émergeait sur les côtés de l'orbe. L'orbe se leva, et salua alors Phineas avec une de ses petites jambes.
"Je l'ai appelé Benny," dit Vince avec un sourire satisfait. "Plutôt cool, hein ?"
"Vince," Phineas sourit, "Tu as construit un robot ?"
"Plutôt donné vie," répondit Vince. "De la même manière que l'âme pilote le vaisseau de chair qu'est le corps humain, j'ai créé une intelligence simple pour piloter les circuits de ce petit gars. J'ai trouvé quelques schémas d'un homme appelé Durand quand j'étais en Europe. C'était une vraie révélation."
Benny fit un petit hochement d'entente, puis commença à rouler à l'intérieur de la valise avant de s'arrêter pour regarder Phineas à nouveau.
"À quel point est-il intelligent ?" Phineas plaça doucement sa main dans la valise et laissa le petit robot ramper sur sa paume. Benny grimpa immédiatement sur son bras et se percha sur son épaule.
"Eh bien, je veux dire, il n'a pas inventé l'eau chaude, mais il est plus intelligent qu'un chien ou chat moyen."
Benny fit un petit salut en réponse, faisant ricaner les deux hommes.
"Il peut aussi enregistrer des vidéos et du son," ajouta Vince. "Je pensais, peut-être qu'on pourrait les vendre en tant que droïdes de reconnaissance. Je connais quelques personnes qui seraient intéressées par ce genre de choses."
"Tu vas démarrer une entreprise de robotique ?" Phineas se renfrogna. "Tu penses que tu as le sens des affaires pour ce genre de choses ?"
"En fait, j'espérais que nous démarrerions une entreprise de robotique. J'ai beaucoup d'autres plans en tête, et tu as toujours été si bon avec le genre d'incantations dont nous avons besoin. On serait complètement capables de partir sur les chapeaux de roues."
Phineas fronça ses sourcils. Il reposa doucement Benny dans la valise et fixa le petit droïde pensivement pendant un bon moment.
"Je te laisserai nommer les produits…"
Phineas eut un sourire diabolique en retour.
"Tu vas regretter ça," dit-il en offrant une poignée de main. "Je suis ton homme."
Vince accepta.
"Bienvenue à bord !"
Phineas se dirigea lentement à travers la cantine bondée pour retourner à sa chaise à une table vide, une bouteille de bière nouvellement ouverte dans sa main gauche. Il regarda ses nombreux pairs socialiser autour de lui. La plupart de la foule était composée d'employés d'Anderson Robotics, de clients, ou d'amis personnels de Vincent Anderson. Quelques représentants de Marshall, Carter & Dark participaient aussi, leurs tenues professionnelles ayant l'air déplacées parmi les tenues décontractées de la majorité du personnel d'Anderson.
Phineas but une longue gorgée de sa bière et regarda l'autre bout de la salle. Une bannière sur laquelle était inscrit "10 000 VENDU !" s'étendait à travers le mur éloigné. Il ferma les yeux et soupira.
"Quelqu'un fait le rabat-joie ?" demanda une voix pleine d'entrain. Phineas ouvrit les yeux pour voir une petite femme d'âge mûr avec des cheveux marron à hauteur d'épaule et des yeux bleus clairs. Elle portait une robe d'été à fleurs et souriait chaleureusement en s'asseyant en face de lui. "C'est autant ton jour que le nôtre. Tu devrais être aux anges."
"Je pense qu'il a retiré sa capacité à ressentir de la joie quand il a installé cette dernière prothèse," dit un grand et maigre jeune homme qui s'assit à côté d'elle. Ses yeux étaient un peu cachés derrière une serpillière de cheveux blonds frisés, mais les lunettes épaisses qu'il portait étaient toujours aussi visibles. Quand il ne parlait pas, ses lèvres semblaient former un rictus permanent. "Enfin, sérieusement, tu es l'homme du moment. La série Gerfaut n'aurait jamais marché sans toi. Cette fête est presque pour toi."
"Bonjour, Medea, Jason." Phineas leva les sourcils par amusement. "Toujours sympa de voir le duo dynamique. Mais tes louanges sont mal utilisées sur moi. Vous deux êtes ceux qui ont enfin réussi à faire marcher les saletés. C'est votre bébé maintenant. Je suis juste le vieil idiot qui n'arrêtait pas de le foirer."
"Toujours si modeste," dit Medea avec un petit rire. "Tu dois commencer à t'attribuer du mérite, Phineas. De nous tous, tu es celui qui a versé tout son être dans l’entreprise. Nous serions morts sans toi."
Phineas répondit avec un petit haussement d'épaule.
"Si vous voulez bien m'excuser," dit-il alors qu'il se remit sur pied et commença à s'éloigner. Il traversa la salle et entra dans le couloir. Jason le suivit rapidement.
"Hé mec," dit-il en se mettant devant Phineas. "Tout ce que ma mère essayait de faire était de te faire un compliment. Le moins que tu puisses y faire est de ne pas être un monumental connard."
Phineas attrapa rapidement le garçon par le bras. Jason laissa échapper un petit cri de surprise.
"Je sais pour ce petit projet Bihoreau sur lequel tu travaillais avec Isaac, et pour Ian, et comment la Fondation l'a récupéré," chuchota Phineas à l'oreille de Jason. "Donc, je suggère que si tu ne veux pas que j'en parle à Anderson, tu retournes d'où tu es venu et vous deux me laissez respirer aujourd'hui. Je ne suis pas d'humeur à féliciter quiconque, surtout pas moi. Je suis clair ?"
Phineas relâcha le bras du jeune homme et regarda Jason faire quelques pas en arrière.
"Comme de l'eau de roche…"
Jason retourna dans la cantine sans un autre mot. Phineas s'assit sur le sol avec son dos appuyé contre le mur. Il leva sa bière dans un toast moqueur.
Au monumental connard, pensa-t-il, et il but une autre gorgée.
Vince et Phineas étaient assis dans le salon d'un petit appartement de Seattle. La salle était peu meublée, à part un canapé contre le mur éloigné, et deux bureaux alourdis par une ménagerie d'ordinateurs et de disques de logiciels. Un petit fanion sur lequel était marqué "Alexylva" était visible sur le mur éloigné. Un petit garçon avec des cheveux blonds frisés tapait rapidement sur l'un des ordinateurs, le moniteur se réfléchissant sur les verres de ses épaisses lunettes. La mère du garçon revint de la cuisine avec deux tasses de café, ses cheveux bruns attachés en arrière dans un chignon alors qu'elle offrait les boissons.
"Merci beaucoup," dit Vince alors qu'il acceptait la boisson et en but une petite gorgée. Pendant les quelques derniers mois, Phineas avait remarqué que la peau autrefois bronzée de son partenaire prenait une teinte pâle, presque couleur d'ivoire. Son autrefois fière et rebelle queue de cheval avait été remplacée par une coupe traditionnelle, qui ne rendait pas sa perte de cheveux si évidente. Phineas accepta sa propre tasse avec un gentil hochement de tête, son nouveau bras gauche faisant un cliquètement audible alors qu'il amenait le café à sa bouche.
"Donc, Medea," commença Vince, "Quel est le nom de ce petit bonhomme, et qu'est-ce qu'il est en train de faire exactement ? S'il tape plus vite il va faire fondre ce clavier."
"Le petit bonhomme s'appelle Jason," Medea fit un petit rire et ébouriffa les cheveux du garçon. "Et, je ne sais pas trop sur quoi il travaille en ce moment."
"Star Wars !" répondit Jason sans ralentir le rythme.
"Oh, d'accord," Medea sourit. "Il se programme un jeu sur ordinateur."
Vince et Phineas se regardèrent l'un l'autre et hochèrent la tête en accord.
"Vous avez nommé votre fils Jason ?" Phineas leva un sourcil alors qu'il reporta son regard sur Medea.
Medea leva les yeux au ciel et secoua la tête.
"Je ne l'ai pas nommé quoi que ce soit ; les parents du pauvre Jason sont morts dans un accident de voiture quand il avait trois ans. Quand je l'ai rencontré dans le processus d'adoption, on a juste fait tilt. Le nom était juste une coïncidence."
Phineas acquiesça, et regarda le fanion sur le mur éloigné.
"Je crois comprendre que vous avez un doctorat en informatique. C'est votre alma mater ?" demanda Phineas. "Je n’en ai jamais entendu parler avant."
Medea fronça un peu les sourcils.
"C’est une longue histoire, mais oui. Je pense que personne par ici n’a entendu parler d’Alexylva. Tout ce que vous avez besoin de savoir est que c’est une université technique de premier ordre dans le Tennessee. En tout cas… Rick a dit que vous aviez une offre d’emploi."
"En effet," répondit Vince, ouvrant rapidement sa valise. Il sortit un disque de céramique lisse noir et le donna à Medea.
"Où exactement avez-vous trouvé un de ces trucs ?" son visage rougit pendant quelques secondes avant qu’elle ne brise enfin le silence.
"Ce n’est pas vraiment important," répondit Vince. "Ce qui est important est que nous aimons votre travail, et voulons que vous réalisiez des projets similaires pour nous à Portland. En plus de nous aider à travailler sur quelques-uns de nos plans, vous aurez une grande liberté pour créer vos propres produits. Liberté qui vous a été refusée par vos employeurs précédents, si je comprends bien."
"Je suis… Je suis flattée, vraiment… Mais je ne peux pas juste tout déraciner sur le champ. Jason a son école, et…"
"Je pense que tu devrais accepter le boulot," intervint Jason.
"Quoi mon chéri ?" Medea, surprise, se tourna vers son fils.
"Ça ne me dérange pas de changer d’école," élabora Jason. "Et tu parles toujours de comment tu t’étais amusée à travailler sur des robots. Je pense que tu devrais accepter le boulot que M. Anderson t’offre."
"Tu le penses vraiment, hein ?" Medea ricana. Elle regarda Vince à nouveau, et sourit. "J’aurais besoin de temps pour donner mes deux semaines à mon travail actuel… et il faudra trouver un nouvel endroit où vivre… une nouvelle école… nous n’avons même pas encore parlé du salaire…"
"Prenez tout le temps dont vous avez besoin pour vous préparer," interrompit Phineas. "Vince et moi vous enverrons une copie de votre contrat avant la fin de la semaine. Je pense que vous trouverez la paie assez généreuse. En plus il y aura toujours un poste pour Jason dans nos ateliers, s’il le veut."
"Génial !" cria Jason, courant vers Medea, l’attrapant dans un gros câlin. "Tu dois accepter ce boulot maintenant !"
Medea gloussa et acquiesça.
"Je suppose que je ne peux pas dire non," rit-elle. Vince offrit une poignée de main que Medea secoua avec enthousiasme.
"Bienvenue à Anderson Robotics," dit-il.
Peu après, Vince et Phineas tirèrent leur révérence, passant de l’appartement de Medea à la pluie froide de Seattle. Phineas eut un regard en arrière vers leur future employée et secoua sa tête.
"J’espère qu’elle ne prendra pas trop longtemps à arriver à Portland," dit-il. "On a besoin du personnel supplémentaire aussi tôt que possible. On est complètement dépassé par les commandes des séries Amour et Aplomado."
Phineas leva les yeux quand il entendit des pas. Un homme d’âge certain à la peau noire approcha, son visage constamment enfoncé dans une expression d’inquiétude. Il tenait une bouteille de bière dans sa main, et fit un petit hochement de tête à Phineas. Suivant derrière lui était un jeune homme dans sa mi-vingtaine. Sa peau était de la même teinte que le premier homme, et sa tête était rasée.
"Je pensais que tu étais un peu à court là," dit l’homme mûr en donnant la bouteille à Phineas. Le vieil homme ricana et décapsula le haut de la bouteille avec sa main gauche.
"Merci, Jeffery." Phineas but une longue gorgée. "Comment ça va ? Tu apprécies les jubilations ?"
"C’est pas vraiment mon truc," soupira Jeffery.
"Et toi, Miles ?" Phineas regarda le jeune homme.
"C’est juste un tas d’employés qui lèchent les bottes des riches et des prospères." Le jeune homme haussa les épaules. "Pas vraiment mon truc non plus."
"Je suppose qu’on pourrait démarrer notre propre club," Phineas rigola et but une autre gorgée de sa bière.
"Miles, j’aimerais parler à Phineas seul un peu, ça te gêne ?" demanda Jeffery. Miles acquiesça et retourna dans la cantine. Jeffery regarda le jeune homme partir avant de se retourner vers Phineas.
"J’ai toujours apprécié que tu l’appelles Miles. Isaac insiste pour l’appeler Sacre-00."
"Et bien, de tout point de vue il est Miles."
"Pour ma défense, j’ai dit à Anderson que cette fête n’était pas une super idée," dit Jeffery. "Mais il maintient que nous avons une réputation à tenir maintenant, et que cet événement pourrait être l’opportunité parfaite pour monter la barre avec les investisseurs."
"Anderson aime vraiment faire un spectacle," Phineas soupira. "J’apprécie la tentative quand même. Merci."
"Quand tu veux." Jeffery commença à repartir vers la porte de la cantine. "Tu vas revenir à l’intérieur bientôt ?"
Phineas hocha lentement la tête.
"Dans quelques secondes. Laisse-moi juste finir cette dernière bière."
Jeffery sourit brièvement et repartit dans le vacarme de la fête.
Alors qu’ils étaient assis à une table de cuisine dans une résidence située à Beaverton, Phineas regarda Vincent du coin de l’oeil. La peau de son employeur était maintenant complètement de couleur ivoire. Ses cheveux étaient tombés depuis longtemps, lui laissant un cuir chevelu lisse. Il portait par-dessus son œil gauche un cache-œil argenté. Les changements furent progressifs, mais maintenant qu’il avait le temps d’examiner son ami, il était temps de reconnaître que Vincent n’était pas nécessairement l’homme qui lui avait offert un boulot ce jour d’été à Portland. Phineas s’examina ensuite. Il sentait qu’il n’était pas en état de le juger. Après tout, son bras gauche et ses deux jambes avaient été remplacés par des prothèses de sa propre conception. Peut-être que c’était juste ce que travailler dans leur domaine faisait aux gens comme eux.
Phineas observa ensuite l’androïde qui se tenait de l’autre côté de la salle. Un homme noir au début de sa trentaine l’examinait avec admiration. Finalement, il reporta son attention vers Vincent et Phineas, et siffla.
"Je dois bien l’admettre, c’est un modèle impressionnant,” dit-il. “Mais qu’est-ce que c’est exactement ?"
"C’est le prototype de notre nouvelle série Pèlerin," répondit Vincent. "Ils sont sûrs d’être une de nos meilleures ventes une fois qu’on aura enlevé tous les bugs. C’est pour ça que vous êtes ici, Jeffery. Nous aimerions votre aide pour le finir. Un de nos associés mutuels nous a informé que vous travailliez sur une nouvelle forme d’IA aux Laboratoires Prometheus avant leur effondrement."
"Je vais vous arrêter là," Jeffery soupira. "Le projet était une impasse depuis le début. La technologie n’existera pas avant très longtemps."
"Vous dites ça alors que nous avons littéralement un androïde debout derrière vous ?" demanda Phineas avec un sourcil levé.
"Un androïde que je suppose être con comme un balai," répliqua Jeffery. "Vous voulez que je vous fournisse des IA, c’est ça ? Eh bien croyez-moi quand je vous dis que ça ne va pas arriver."
"Pourquoi ça ?" questionna Vincent.
"Vous voulez l’explication ? D’accord," céda Jeffery. "Mon modèle impliquait grossièrement de cartographier un cerveau humain numériquement, puis de recréer sa conscience dans l’espace numérique. J’ai la partie cartographie en état de marche, mais ensuite LP a explosé, et peu après mon fils a eu un diagnostic de carcinome à petites cellules. J’ai essayé de finir le projet tout seul pour espérer sauver Miles, mais comme je l’ai dit, la technologie n’était juste pas là, et ensuite Miles est mort. Vous perdez votre temps !"
La salle devint silencieuse. Jeffery regardait simplement le sol.
"Je suis désolé pour votre perte," dit Phineas.
"Ouais… moi aussi," répondit Jeffery.
Vincent posa ensuite sa valise sur la table, brisant le silence avec le claquement de loquets. Il sortit plusieurs papiers et diagrammes et les glissa à l’autre côté de la table, la plupart étaient étiquetés "PÈLERIN" mais la page au sommet avait "SACRE". Jeffery les lut attentivement puis regarda l’unité Pèlerin derrière lui pendant quelques instants avant de se retourner brusquement vers Vincent.
"Nous avons la technologie qu’il vous manque," Vincent sourit. “Enfin, techniquement je suppose que c’est une forme de magie, mais je digresse. Vous avez cartographié l’esprit de Miles avant son décès ?”
"Je… euh, je…" Jeffery bredouilla quelques instants avant d’acquiescer.
"Venez travailler pour nous," roucoula Vincent, "Aidez-nous à rendre intelligente la série Pèlerin, et je vous promets que Phineas et moi vous aiderons à récupérer Miles."
Jeffery acquiesça. Il ferma les yeux, et se tourna vers la fenêtre.
"Marché conclu," dit-il avec une profonde respiration.
Vincent fit un hochement de tête satisfait à Phineas. Les deux hommes placèrent un long manteau sur l’unité Pèlerin et commencèrent à se diriger vers la porte. En route, Phineas s’arrêta et posa une main sur l’épaule de Jeffery.
"Bienvenue dans l’équipe," dit-il.
Vincent et Phineas quittèrent alors la résidence, rentrant dans une simple camionnette blanche qu’ils avaient louée juste pour l’occasion.
"Ça résoudra le problème Pèlerin," dit Vincent avec un sourire satisfait.
"Peut-être que si on a de la chance on aura la série Sacre en état de marche aussi," ajouta Phineas. "On dirait qu’on commence vraiment à prendre notre envol."
Phineas avait juste fini sa deuxième bière quand il entendit les portes de la cantine s’ouvrir à nouveau. Levant les yeux, il vit un homme musclé dans un complet approcher. Les cheveux de l’homme étaient peignés en arrière, et une légère odeur d’après-rasage semblait le suivre où il allait. Phineas leva les yeux au ciel.
"Que me vaut le plaisir, Isaac ? Il n’y a personne avec qui papoter ici."
"Marrant," répondit Isaac. "Anderson te veut. Il est sur le point de faire sa grande annonce."
"Est-ce qu’il a besoin que je parle pour lui ?"
"Arrête d’être une telle petite pétasse et vient," dit Isaac platement. "Anderson ne veut pas commencer sans son meilleur ami et partenaire, et tu devrais vouloir être là. La série Taita était ton idée après tout. Un petit peu de socialisation ne te tuera pas."
"Se socialiser avec des représentants de MC&D pourrait," murmura Phineas entre ses dents. Il soupira alors et se remit sur pied. Isaac le suivit alors qu’ils se dirigeaient tous deux vers la cantine.
Phineas s’assit dans une chaise inconfortable dans un petit bureau privé à San Francisco. Dans la chaise à côté de lui était assise une créature complètement chauve à peau d’ivoire dans une tenue couleur charbon. Des veines étaient visibles sous l’éclairage puissant de la salle. Sa tête était sans oreilles, et son visage était caché par un masque de comédie d’argent. Son nom était Vincent Anderson.
De l’autre côté du duo, derrière un grand bureau, se trouvait un jeune homme musclé. Il avait un sourire sournois alors qu’il examinait plusieurs documents, puis il porta son attention vers Anderson.
"Je dois l’admettre," dit Isaac froidement, "Quand Jericho m’a dit que j’allais rencontrer un homme nommé Anderson, je m’attendais à un peu plus de rouille."
"Eh," répondit Anderson avec une voix métallique. "Euh, ouais ça arrive tout le temps. Soyez assurés, je n’ai aucune affiliation avec James Anderson ou sa, euh, fabrique."
"Donc qu’est-ce que vous cherchez exactement, en termes de services ?"
"Pour être franc," ricana Phineas, "nous avons besoin d’un homme d’affaires. En ce moment, notre entreprise est composée de nous deux, quelques concepteurs et spécialistes informatiques, notre équipe de fabrication, et quelques gros bras. Les comptes deviennent trop gros pour que nous nous en occupions, et nous allons bientôt dépasser notre clientèle. Jericho a dit que vous seriez l’homme parfait pour l’emploi."
"Ce n’est pas pour me jeter des fleurs, mais il a raison. Donc, maintenant que nous avons établis que vous avez besoin de moi. Demandons nous pourquoi j’aurais besoin de vous. Je veux dire, vous avez une entreprise prometteuse, avec une ligne de produits très intéressante, mais on pourrait dire la même chose de toute firme de paratech. Vous n’êtes pas les seuls à me vouloir en salarié. Donc, qu’est-ce qu’Anderson Robotics apporte de nouveau ?"
"Eh bien, comme vous l’avez sûrement vu, votre salaire sera très généreux," Phineas fronça les sourcils. Il feuilleta rapidement ses notes pour trouver les perles dans l’huître. "Vous auriez une promotion massive sur n’importe lequel de nos produits, dont l’utilisation de notre Série Sacre, sans mentionner…"
"Phineas," interrompit Anderson, "Je sais, hum, ce qui doit être fait."
"Nous avions dit que ce serait l’option nucléaire," protesta Phineas, se taisant quand Anderson claqua des doigts avec un volume étonnamment fort.
"Vous êtes, euh, sur la liste noire de Sycamore Gordon, n’est-ce pas ?" demanda Anderson. "Avec toute l’affaire de l’incident de Vegas, si vous mettiez le pied au Nevada à nouveau, euh, vous seriez un homme mort, correct ?"
"Qu’est-ce que t’essaies de dire ?" demanda Isaac. Son rictus devint un air renfrogné.
"Rien de trop compliqué," répondit Anderson. "Nous avons, euh, juste fait nos devoirs. Si vous rejoignez notre équipe, nous nous assurerons que le vieux Sycamore ne sera, hum, plus un problème pour vous."
Isaac resta silencieux, penchant sa tête alors qu’il tournoya dans sa chaise et regarda par la fenêtre.
"Combien de temps ai-je pour décider ?"
"Jusqu’à ce que Phineas et moi quittions la salle. Après ça, euh, nous chercherons simplement quelqu’un d’autre."
Isaac tourna.
"Seigneur, vous êtes durs en affaire," dit-il avec un sifflement. "D’accord. Je suis d'accord. J’espère que Sycamore ne sera plus un problème avant que j’arrive à Portland."
"Il, euh, il sera hors de votre chemin avant demain," répondit Anderson. "Heureux de vous avoir dans notre équipe."
Phineas et Anderson rassemblèrent silencieusement leurs papiers et partirent. Alors qu’ils se déplaçaient dans les couloirs isolés du building de bureaux avoisinant, Phineas s’éclaircit la gorge.
"Était-ce vraiment nécessaire Vince ? Il résiste un peu et tu acceptes de tuer un chef de la pègre pour lui ?"
"Il est exactement ce dont nous avons besoin," Anderson haussa les épaules. "Parfois, on doit casser des œufs et faire de l’omelette, ou euh, quel que soit le proverbe. En plus, ce n’est pas comme si le monde sera en pire état quand, euh, Sycamore aura disparu. Merde, dans certains groupes nous serons des héros. Assure toi juste que Sacre # 21 soit, hum, prêt à agir dans l’heure."
Putain… pensa Phineas, suivant lentement son vieil ami alors qu’ils se dirigeaient vers la voiture.
La salle devint silencieuse alors que Phineas se dirigeait lentement vers le devant. L’attendant, à côté d’un grand objet caché par un drap, était Anderson. Son employeur portait une chemise bleue avec une veste argentée et un pantalon assorti. Le masque de comédie argent brillait à la lumière de la cantine. Phineas finit par prendre sa place à côté d’Anderson.
"Le, euh, l’homme du moment est arrivé," Anderson gloussa. L’audience rit avec lui. "Comme vous le savez tous maintenant, ce petit ramdam est pour fêter la vente de notre 10 000ème prothèse de la série Gerfaut. La, hum, borne n’aurait pas été possible sans des mois de dévouement de cet homme juste là."
La foule éclata en applaudissements. Phineas fronça légèrement les sourcils et se tourna vers Anderson. Son vieil ami posa une main sur son épaule et calma l’audience.
"Mais, euh, en plus de cet incroyable exploit, aujourd’hui nous sommes heureux d’annoncer la finalisation de notre nouveau prototype. Le Droïde de Sécurité Série Taita d’Anderson Robotics. Cette, hum, nouvelle ligne est le bébé de Phineas, et va facilement devenir notre nouvelle meilleure vente."
La foule commença à applaudir à nouveau alors qu’Anderson donna à Phineas un coin du drap.
"Me feras-tu l’honneur, mon ami ?"
Phineas acquiesça, soupirant en se tournant pour faire face à la foule, le coin du drap dans la main.
"Avant que je ne révèle la série Taita, il y a quelque chose que j’aimerais dire." La foule se calma instantanément pour entendre ses mots.
"La plupart d’entre vous qui ont travaillé avec moi savent que je ne fais pas souvent de discours. Pas mon truc, je suppose. Cependant, il y a quelque chose que j’ai voulu dire depuis longtemps. Vous pouvez aller vous faire foutre les bâtards pompeux. Surtout ceux d’entre vous de MC&D. Et surtout Skitter et cette Lana Fuentes dévoreuse d’âme."
D’un geste fluide, Phineas prit un globe de gelée bleue néon dans sa poche, le lançant aisément sur l’objet couvert d’un drap. Le droïde en dessous lâcha un horrible hurlement et tomba en poussière de rouille. La foule devint silencieuse alors que Phineas tira sa révérence.
“Passez une bonne fête,” dit-il avec un sourire, et il sortit de la cantine en trombe.
Phineas se tenait en haut du bâtiment administratif d’Anderson Robotics, ses yeux fixés sur le coucher de soleil de Portland alors qu’il tirait une longue bouffée de sa cigarette. Le son d’une porte s’ouvrant derrière lui indiqua qu’il n’était plus seul.
"Tu, euh, a vraiment fait le con aujourd’hui, Phineas," dit Anderson alors qu’il approchait. Phineas regarda par-dessus son épaule. Le masque d’Anderson était passé de la comédie à la tragédie.
"Peut-être, oui," dit Phineas avec un haussement d’épaule. "Mais j’ai enfin pu dire ce que je voulais vraiment dire."
Anderson se tint à côté de son ami et observa le coucher de soleil. Phineas lui proposa une cigarette. Anderson accepta avec hésitation, et enleva lentement son masque. À la place d’yeux, il avait ce qui semblait être deux petites lentilles de caméras qui brillaient d’une faible lumière verte. Plutôt qu’un nez, il avait un grillage triangule qui sifflait occasionnellement avec le passage de l’air. Anderson alluma la cigarette et tira plusieurs petites bouffées.
"Donc, hum, tout ça était censé être ton préavis de deux semaines ?"
"Plus ou moins. J’aurai mon bureau vide d’ici lundi."
"Tu ne peux juste pas accepter le fait que nous ayons du succès maintenant, n’est-ce pas," continua de questionner Anderson. "Tu dois vraiment être l‘opprimé, hein ? Ça, euh, t’emmerde vraiment que tu pourrais être, euh, Le Boss maintenant."
"Succès est une étrange manière de voir la transformation d’un petit magasin sur mesure à quelque chose d’à peine mieux qu’une cellule terroriste," répondit Phineas. "Surtout si tu mesures que notre entreprise non seulement s’implique régulièrement dans de l’espionnage, elle a catapulté toute une portion de la population dans une course à l’armement pour devenir le plus gros et le meilleur cyborg. Et la vraie cerise sur le gâteau est que tu fais tout ça à la botte de MC&D."
"Qui es-tu pour juger qui que ce soit voulant s’améliorer, sale hypocrite !" cria Anderson. "Comment est-ce que tu as une jambe sur laquelle te tenir ?"
Phineas lâcha sa cigarette et l’écrasa avec la semelle de sa chaussure, se retournant pour faire face à son ami.
"Tu as raison," dit-il avec un sourire mélancolique. "Je suis coupable aussi. Aussi dur que j’essayais de couper la tête de l’hydre, deux de plus prenaient toujours sa place. Finalement c’était plus simple de se laisser porter par le courant. Mais plus maintenant. Je démissionne."
Phineas commença à se diriger vers les escaliers, s’arrêtant quand trois unités Pèlerin émergèrent en face de lui, chacune brandissant un pistolet de haut calibre.
"Donc c’est comme ça que ça va se passer ?" demanda Phineas, se retournant pour faire face à son ami.
"Tu es, euh, plus que bienvenue pour rester," répondit Anderson. "En fait, j’insiste. Ne part pas s’il te plaît, Phineas. Ne me laisse pas seul."
"Ne fais pas ça Vince. Laisse-moi juste partir."
"Je, euh, suis sûr que si tu quittes cette entreprise, tu reviendras pour nous jeter tous les bâtons du monde dans les roues de nos opérations. Ne part juste pas."
"Ce n’est pas pour ça que je me suis engagé en 94 mec !" Phineas secoua la tête.
"Pas vrai ? On est vraiment des vendus," dit Anderson avec un rire triste. Il reposa ensuite le masque sur sa tête et jeta son mégot de cigarette. Il fit un signe de tête aux droïdes.
Les droïdes ouvrirent le feu à l’unisson. Au même moment, Phineas claqua ses mains, envoyant une onde sonique sur le toit. Les balles en approche se dispersèrent. Les Pèlerin et Anderson furent jetés en arrière, se fracassant sur le béton comme des jouets abandonnés. Ne perdant pas de temps, Phineas se retourna sur lui-même, lançant un grand arc de gelée bleue néon aux unités Pèlerin. Les trois droïdes gémirent et se tordirent de douleur sur le sol en se désintégrant en tas de rouille.
Le vieil homme commença alors à sprinter vers le bord du bâtiment, tournant sa tête rapidement pour voir Anderson courir derrière lui. La main droite d’Anderson était tendue, l’index et l’annulaire pointés comme si c’était un pistolet. Phineas sauta immédiatement sur le côté. Un éclair le dépassa, frappant le béton du côté éloigné du toit avec une puissante détonation. Des éclairs continuèrent à dépasser le vieil homme alors qu’il approchait du rebord du bâtiment. Avec un grand bond, il sauta par-dessus la corniche, mais pas avant qu’un dernier éclair ne le frappe en plein dans le torse. Phineas tomba alors quatre étages jusqu’au sol en dessous.
Anderson poussa un profond soupir alors qu’il approcha du rebord du bâtiment. Il jeta un regard au parking en bas. Phineas était écrasé dans le petit cratère qu’il avait créé en se posant. Son bras gauche et ses jambes formaient des arcs électriques alors qu’il criait de douleur. Sa main gauche plongea dans sa poche et sortit un tas de gelée noire, l’écrasant rapidement contre le bitume sous lui. Anderson leva rapidement sa main et tira un dernier éclair, mais en vain. Phineas disparut dans la gelée noire, et était parti. L’éclair frappa inoffensivement le bitume en dessous.
"À un de ces jours, vieil ami," murmura Anderson dans sa barbe. Il fit ensuite demi-tour et rentra à l’intérieur.
L'agent Sasha Merlo était assise seule dans son bureau au Site-64. Elle but une longue gorgée de café froid, et éloigna silencieusement une mèche de cheveux bruns de ses yeux alors qu'elle lisait la liste de rapport la plus récente de la FIM Gamma-13. Comme d'habitude, toutes leurs pistes actuelles s'étaient transformées en impasses. Elle poussa un long soupir. Elle ne savait pas ce qu'elle dirait au Directeur Holman cette fois-ci.
Bzzzzzzzt
Le son de son téléphone portable recevant un message et brisant des heures de silence la fit presque tomber de sa chaise. Elle ouvrit nonchalamment le SMS, ses sourcils se fronçant car il n'y avait pas d'envoyeur listé. Le message lui-même contenait une seule phrase.
Je sais comment l'attraper.