Centre de Recherche Orbital de la Fondation 05, CCC
13 Juillet 1973, 00h23 GMT.
"Monsieur," dit le Lieutenant Mackie tout en entrant un code sur sa console, "nous avons une communication entrante."
Cooper soupira, "Vidéo ?"
Mackie secoua la tête, "Audio uniquement."
"Coupez les alarmes ici, et mettez-nous en contact. "
"Ici Vladimir Vernadsky, Directeur Général de la Division de Renseignement "Psychotronics". Veuillez m'excuser d'être aussi laconique, mais nous avons un problème avec notre vaisseau. Je suis conscient, tout comme vous, que la Terre est partie. Nous sommes actuellement en attente d'ordres pour enquêter sur votre rôle dans cette disparition. Malheureusement mes frères ont décidé que cela signifie votre destruction. Je suis bien conscient que cela ne nous apportera pas plus d'information que nous ne possédons pas déjà.
Notre plan de bataille est de manœuvrer nos vaisseaux en formation rapprochée jusqu'à ce que nous puissions vous engager avec les armes à courte portée. Nous avons déjà lancé les impacteurs cinétiques. Vous devez les arrêter avant qu'ils ne se rapprochent trop. Je vais essayer d'aider d'ici.
Bonne chance."
"Ici CROF-05. Me recevez-vous ?"
"Le signal a été coupé monsieur." Mackie tourna un nouvel interrupteur. "J'ai plusieurs contacts radars. Plus de contact radio, bien que nous émettions sur toutes les fréquences avec les codes de plusieurs organisations."
"Enseigne Jennings." Le Directeur Cooper se retourna. "Rebootez les ordinateurs du CIWS1 et faites en sorte qu'ils soient parfaitement opérationnels. Nous ne pouvons pas nous permettre qu'ils merdent comme lors du dernier exercice incendie."
"Bien monsieur. Donnez-moi 10 minutes et nous serons capables de tirer sur tout ce qu'ils nous balanceront de là-haut " répondit Jennings, avant de se précipiter vers la sortie.
"Colonel." Cooper s'interrompit lorsque l'homme fit un pas en avant. "J'ai besoin que vous et vos prototypes soyez à l'extérieur. Nous synchroniserons nos données de contrôle de tir aussitôt que possible, mais il me faut vos oiseaux en vol immédiatement.
"Bien monsieur." répondit le Colonel Leonard, montant sa main pour saluer.
Cooper se serait esclaffé face à une telle absurdité, mais cet homme était sur le point de mettre sa vie en jeu pour eux tous. À la place, il hocha la tête et sourit.
Centre de Recherche Orbital de la Fondation 05, Baie de Hangar 4
13 Juillet 1973, 00h35 GMT.
Le Colonel Leonard inspira lentement et uniformément dans le fluide épais du pont de commandement exigu de son vaisseau. Au travers du brouillard de gel perfluorocarbone, conçu pour les protéger des fortes accélérations, il pouvait voir son équipage, voûtés au-dessus des panneaux de contrôle partiellement installés. Les moteurs du VCP As de Carreau s'allumèrent, et le vaisseau quitta le hangar, rapidement suivi par ses vaisseaux jumeaux. Ils accélérèrent avec une grâce maladroite – personne ne s'attendait à utiliser les démonstrateurs de Vaisseaux de Contremesures expérimentaux dans une situation réelle aussi grave, et leurs moteurs n'étaient pas tout à fait conçus pour le poids de l'armement qu'ils embarquaient.

Bien qu'il n'y ait actuellement aucun besoin immédiat d'un vaisseau conçu pour le combat, les prototypes VCP fournissent des installations d'essai pour de futures technologies de combat en microgravité.
Leonard tapota sur sa console de com', "As de Carreaux, Hangar Dégagé."
"Capitaine Wesker, Roi de Trèfle, Hangar Dégagé."
"Reine de Pique, Hangar Dégagé." Rapporta le Capitaine Jennifer Jackson, leur plus jeune pilote.
"Whooo." La voix familière et totalement inappropriée du Capitaine John Ulner leur parvint, "ici le Valet de Cœur, Hangar Dégagé."
Leonard ricana, puis tapota sur sa console à nouveau, "Valet. Calmez-vous un peu. Nous avons des cibles hostiles en approche. Roi, vous prenez le quadrant un, Reine, vous prenez le deux, Jack, vous prenez le trois et je prends le quatre. L'ennemi est en approche du nord planétaire selon une orbite polaire, au-dessus de l'écliptique, donc nous allons suppléer le CIWS sur l'hémisphère supérieur. Soyez prêts à vous déplacer si nécessaire vers la moitié inférieure de votre quadrant. Ne poussez pas vos canons magnétiques trop fort, et rappelez-vous que nous n'avons toujours pas complètement réglé ces problèmes de boucle de refroidissement. Bonne chasse."
Un tour de confirmations filtra du canal ouvert. Leonard se pencha sur son ordinateur de ciblage et commença à analyser les données. Vingt gros projectiles - trop rapides pour être des missiles, trop imposants pour être des impacteurs cinétiques. Seulement deux vaisseaux, heureusement. Les engins allaient arriver dans 25 minutes, les vaisseaux dans une heure. Peut-être une heure et demie s'ils avaient de la chance.
54,451 kilomètres de CROF-05. Orbite Terrestre Haute.
13 Juillet 1973, 00h55 GMT.
Ils s'étaient propulsés sur une distance considérable, larguant des rideaux de leurres sur les approches les plus probables et chauffant leurs canons magnétiques. Maintenant, ils attendaient. Leonard avait toujours fermement cru en la vieille platitude selon laquelle le combat est un ennui ponctué par de brefs instants de terreur. Le mieux qu'il pouvait espérer était plus d'ennui, mais la terreur, si l'on se fiait aux données déversées par les quatre radômes du VCP, était déjà en route.
Leonard entraperçu un léger flash de lumière violette par le petit hublot du pont. Ses yeux s'écarquillèrent quand le flash de lumière fut suivi rapidement par l'enregistrement par les senseurs d'un impacteur explosant violemment quand il rencontra la nuée de leurres. Il s'autorisa un rapide sourire intérieur tandis que les flashs violets illuminaient le ciel face à lui. Et alors les traces sur l'écran de l'ordinateur commencèrent à s'infléchir.
"À tous les vaisseaux ! Ces trucs changent de direction ! Battez en retraite et préparez-vous à intercepter les missiles guidés dans le quadrant 4."
Le timonier tira sur le manche, le fluide du pont tourbillonnant alors que le vaisseau pataud pivotait, les propulseurs d'attitude à pleine puissance. Ils s'alignèrent sur la trajectoire des projectiles, le moteur nucléaire virant au cramoisi. Il n'avait pas cru que des impacteurs aussi gros pouvaient être aussi agiles, mais ils étaient à présent en train d'éviter activement son nuage de leurres. S'il était chanceux ils pourraient choper le premier avant qu'il se fragmente. Il ne comptait pas vraiment dessus cependant.
Une question continuait de résonner dans son esprit : comment étaient-ils guidés ?
8 secondes lumière de CROF-05. Espace Interplanétaire
13 Juillet 1973, 00h55 GMT.
Vladimir Vernadsky regarda les autres Vladimir Vernadskys et fronça les sourcils. Les apparitions qui l'entouraient se déplaçaient de station en station, se préparant pour le macabre travail qui les attendait. Les moteurs commencèrent à crachoter. Vladimir savait que sans une connexion avec la Terre leur réserve d'énergie était limitée, mais le reste de son équipage n'en avait cure. Ils avaient mis le cap pour un passage proche de la station de la Fondation, et ils n'auraient qu'un seul essai. Le hurlement au plus profond du vaisseau s'intensifia.
S'il n'arrivait pas à arrêter cela, un essai était tout ce dont ils auraient besoin. Pire encore, si la Fondation ne pouvait pas arrêter les missiles déjà lancés sur eux, cela n'aurait aucune importance. La Coalition Mondiale Occulte, la Fondation, quelqu'un devra les aider quand les vaisseaux finiront par s'arrêter. Ses camarades non-humains ne le comprenaient pas. Tout ce qui leur restait était la confusion et la rage.
54,423 kilomètres de CROF-05. Orbite Terrestre Haute.
13 Juillet 1973, 00h55 GMT.

La manière dont les vaisseaux du GRU-P ciblent ou lancent ces armes est particulièrement obscure. Leur conception non conventionnelle ne semble pas avoir d'influence sur leur efficacité ballistique.
V-13 ouvrit ses yeux pour la première fois. V-20 venait juste d'exploser. Il y avait un mur invisible en face de lui, mais il connaissait la solution. Ils le contourneraient. Il pouvait sentir les vaisseaux autour de lui. 18 de ses frères et 4 autres. Les autres seraient le problème.
V-13 chanta pour lui-même, apportant le calme dont il avait besoin pour rediriger sa cage. Les énergies spirituelles derrière lui s'embrasèrent et il s'orienta dans une nouvelle direction. Un petit nuage de métal se déchira vers lui, mais il l'esquiva avec une aisance dédaigneuse. Il lui faudrait plus de temps pour tuer ces voleurs, mais ils finiraient par mourir.
52,679 kilomètres de CROF-05. Orbite Terrestre Haute.
13 Juillet 1973, 01h15 GMT.
"J'ai plusieurs échos." Le Capitaine Ulner, pour la première fois depuis que Leonard l'avait rencontré, semblait inquiet. "Les artilleurs ont des difficultés à trouver suffisamment de métal dans l'air. Je commence à croire que ces machins sont un peu plus intelligents que des missiles guidés, monsieur."
Leonard grogna alors qu'il calculait la solution de tir sur la cible la plus proche. Le canon magnétique du bord supérieur prit vie, vomissant un flot de tungstène sur sa cible. Il fut récompensé par un petit flash de lumière. Wesker avait réussi à tuer 3 amas mais ses systèmes d'armes avaient surchauffé lors du dernier engagement, laissant son vaisseau dériver dans l'espace. Jackson en était à 7 amas et poursuivait sur sa lancée. Ulner luttait toujours pour se débarrasser des 5 amas qui avaient décidé de le prendre pour cible, et pas l'inverse.
Aucun d'entre eux ne s'était encore fragmenté. Le décompte de Leonard était de 4. Ce qui laissait 1 amas non pris en compte. De petites alarmes rouges avaient commencé à clignoter sur la console principale chaque fois qu'il changeait de cap.
"Reine !" Dit-il, frappant son com'.
"Oui, monsieur ?" La voix de Jackson lui parvint dans l'oreille.
"Allez aider Valet. À l'instant où ces trucs décident de se séparer, nous sommes foutus."
"Et pour la dernière cible ?"
"Je m'en charge."
La télémétrie de Leonard indiquait que la dernière cible se dirigeait directement vers la base.
"Amenez-nous là-bas ! Moteurs à pleine puissance !"
34,502 kilomètres de CROF-05. Orbite Terrestre Haute.
13 Juillet 1973, 01h15 GMT.
V-13 était seul à présent. Ses camarades étaient tous perdus où poursuivaient stupidement les mauvaises cibles. Il était le seul à connaître le véritable ennemi. La Fondation et leur mal seraient éradiqués.
Son poursuivant gagnait du terrain cependant. Comment était-ce possible ? Il tenta d'augmenter sa vitesse, mais il se senti vidé. L'énergie. Son énergie ! Elle était partie !
Il ferma les yeux à nouveau et se dispersa en une explosion de rage. Immédiatement un unique impacteur cinétique devint une centaine de missiles de la taille d'un pied-de-biche dans une constellation qui s'élargissait toujours plus.
6 secondes lumière de CROF-05. Espace Interplanétaire
13 Juillet 1973, 01h25 GMT.
Vladimir Vernadsky regarda par-dessus l'épaule de l'officier de l'armement. Il sentit l'énergie qui alimentait ces copies s'estomper. Cette copie de lui ne semblait tenir compte de rien d'autre que son indicateur de portée, qui montrait, à Vladimir, un nombre inconfortablement petit. Il passa sa main au travers de l'abdomen de l'esprit, et attrapa quelque chose d'invisible. La moitié d'homme disparu. Vernadsky fit un pas en avant et pressa plusieurs boutons. Le système de ciblage de l'émetteur de rayons gamma trouva sa cible, le vaisseau à côté d'eux. Il fit feu, et un léger bourdonnement se réverbéra au travers du vaisseau.
Il n'y avait à présent plus qu'un seul vaisseau. Vernadsky ferma ses yeux et leva ses mains au plafond, tandis que lentement, les esprits autour de lui… disparurent, tout simplement.
Vernadsky sourit quand sa propre énergie fut restaurée. Les copies imparfaites ne drainant plus sa propre puissance, il atteint les esprits-moteurs du vaisseau, les décélérant vague après vague par force psionique.
9,564 kilomètres de CROF-05 – Orbite Terrestre Moyenne
13 Juillet 1973, 01h25 GMT.
"Colonel, je prépare l'interception. Valet a subi de gros dommages. Trois des amas ont été détruits. Je ne peux pas l'avoir sur les com', mais il semble être actif."
"Bien reçu."
"MERDE." Hurla Reine dans les coms'. "Colonel. J'ai le dernier. Mais le Valet de Cœur a cessé tout contact. Leur réacteur-"
"Compris. Vous êtes trop loin pour être d'une quelconque aide. Allez remorquer Roi, et retournez à la base aussi tôt que possible."
Ulner et Leonard étaient passés par l'entrainement ensemble, mais ils savaient tous dans quoi ils se lançaient lorsqu'ils avaient décollé ce matin. Leonard pourrait pleurer plus tard.
À présent il avait désespérément besoin de se tirer de ce nuage. Les alarmes lumineuses sur sa console s'intensifiaient.
Centre de Recherche Orbital de la Fondation 5, Bureau du Directeur Cooper
19 Juillet 1973, 09h22 GMT.
"La télémétrie du VCP du Colonel Leonard indiquait que ses moteurs étaient sur le point de tomber en panne." Cooper fit de son mieux pour détourner ses yeux de la silhouette d'O5-10.
"J'ai la télémétrie en face de moi, je vous demandais vos conclusions sur la pertinence de ses action."
"Ahh. Il y avait approximativement cent impacteurs, ses actions en ont éliminé quarante-deux, et le point de défense a réussi à réduire le nombre restant à quatre."
"Que s'est-il passé ensuite ? " Déterminer l'émotion derrière ces questions était impossible à cause de l'électrolarynx d'O5-10, mais celle-ci avait toutes les marques d'une interrogation.
"Deux des impacteurs ont manqué la station. Les deux autres l'ont atteinte. L'un a touché la section résidentielle, et l'autre a frappé l'aile des Classe-D. "
Cooper ne pouvait pas voir O5-10 très clairement, mais il était sûr que l'homme changea de position avant de poser la question suivante. "Victimes ? "
"Deux Classe-D, et le Dr Marko aussi. Il semble qu'il ait ignoré l'ordre d'évacuation."
"Quels Classe-D ? "
Cooper s'arrêta et chercha sur la fiche de renseignement qu'il avait sous les yeux. "D-1153 et D-2045."
O5-10 s'arrêta un moment avant de poursuivre. "Que pensez-vous qu'il se serait passé si la totalité des 100 impacteurs étaient passés ?"
"Le point de défense fut incroyablement efficace. Probablement 4 impacteurs de plus auraient frappé la station. Étant donné que la frappe sur la section résidentielle fut presque catastrophique en elle-même… je dirais que le Colonel a pris la bonne décision."
"Bien. Je veux le rapport complet avant la fin de la semaine."
L'écran d'ordinateur s'éteignit, et le Directeur Cooper respira librement pour la première fois depuis plusieurs minutes. Il prit quelques instants pour reprendre ses esprits, puis pressa un bouton sur son bureau. "Faites entrer Mademoiselle Jackson."
"Bien monsieur." lui vint la réponse de l'intercom.
Le capitaine Jackson ouvrit la porte, entra et s'assit.
"Mademoiselle Jackson, Avant toute chose, je voudrais vous dire que…"
"Capitaine Jackson," interrompit-elle.
"Je vous demande pardon ?"
"C'est Capitaine. Pas Mademoiselle."
"Oh." Cooper senti son visage s'empourprer de honte. "Toutes mes excuses. Capitaine Jackson." Cooper tenta de se recentrer. "Je suis désolé pour vos amis. Ulner et Leonard étaient des types bien."
"Les équipages de l'As et du Valet savaient dans quoi ils s'embarquaient. Ils ont sauvé des vies, le meilleur hommage qu'on puisse leur rendre, c'est de continuer de vivre en leur honneur."
"Certes. Mais Leonard s'est sacrifié en se plaçant devant ce dernier essaim. Et vous êtes responsable de la destruction de la moitié des amas."
"J'ai simplement été au bons endroits aux bons moments."
"J'ai reçu la responsabilité de remettre les promotions de terrain." Cooper sorti une feuille de papier d'une des piles devant lui. "Vu que vous êtes probablement le meilleur pilote que nous ayons à présent, cela semble être la décision la plus logique."
Jackson prit la feuille de papier et y jeta un coup d'œil. "Vous voulez que je prenne l'ancien poste de Leonard ?"
"En effet."
"Je peux m'en charger."
Cooper se leva. "J'ai une autre réunion pour laquelle je dois me préparer, mais plus tard aujourd'hui l'équipe de commandement va avoir une réunion. 13h00."
"J'y serai, monsieur." Jackson fit de même et salua Cooper de façon crispée.
Cooper fut pris au dépourvu par cela, et tenta de faire de son mieux pour lui rendre proprement son salut. Les deux se tinrent ainsi pendant quelques secondes les yeux dans les yeux quand Jackson éclata de rire. Cooper ne parvint pas se retenir non plus.
"Nous allons devoir travailler ce salut, monsieur." dit Jackson, faisant demi-tour vers la porte.
"En effet." dit Cooper en se rasseyant.