Le Siège menace à l'Horizon (Partie Une)

“Ce n’est plus qu’une question de temps Sigurrós. Ils seront bientôt là maintenant que les animaux sont morts et partis.” Dans les ténèbres du plus profond sanctuaire de la Maison de Bright, Jaelen réajusta le collier de la Fondation qui reposait sur sa poitrine. Il avait du mal à parler mais força chaque mot à sortir de sa bouche. “Ils vont vouloir te prendre.”

Sigurrós leva les yeux vers le visage Jaelen, les lèvres serrées. “Je sais.”

Jaelen enfouit ses mains dans ses robes. Lentement il fit un pas en avant. “Nous ne sommes pas en sécurité ici, tu le sais aussi bien que moi. Cela fait plus d’un an et demi que nous avons chassé les animaux, la cité va…” Il soupira. “Tout se passera bien en ton absence.”

Dès que les mots eurent franchi ses lèvres son expression se durcit et elle le dévisagea avec colère.

“C’est mon peuple Jaelen.” dit Sigurrós. “Les murs nous protégeront.”

“Pour l’amour de Bright, Sigurrós,” répondit Jaelen, l’irritation transperçant dans sa voix. “Les Templiers ne sont toujours que vingt-sept ! La Fondation enverra probablement des centaines- non, des milliers d’hommes pour te capturer. Nous avons des archers oui, mais ce sont encore des bleus et ils manqueront plus souvent leur cible qu’ils ne la toucheront.”

Sigurrós franchit la petite distance qui les séparaient et regarda Jaelen droit dans les yeux avec un regard glacial.
“Nous avons déjà discuté de ça à de nombreuses reprises Jaelen. Je n’ai aucune envie d’aborder de nouveau le sujet avec toi.”

Elle le laissa là sans lui laisser l’opportunité de répondre et sortit en trombe du sanctuaire du temple, la robe pourpre tourbillonnant derrière elle.

Vaincu, Jaelen s’adossa sur un pilier de marbre à côté de lui et se laissa glisser sur le sol d’exaspération.

Les Saints la maudissent. se dit-il en lui-même. Elle refuse d’écouter.

Une voix provenant d’un recoin sombre du sanctuaire trancha à travers l’air froid de septrimbre.

“La prêtresse refuse d’entendre raison ?” demanda le Grand-Maître Melbrecht en boitillant hors de l’ombre. En tant que l’un des conseillers principaux de Sigurrós, il arborait en permanence un air crispé et fatigué et se plaignait fréquemment de la douleur constante que lui faisait subir ses blessures de la bataille de la Corne.

“Oui,” soupira Jaelen. “Comme toujours.” Il tourna la tête pour regarder Melbrecht, et le dévisagea de haut en bas d’un mouvement de tête fatigué. “Comment vont votre bras et votre jambe ?”

Melbrecht laissa échapper un petit rire que le timbre profond de sa voix fit résonner à travers tout le sanctuaire. “Douloureux, comme toujours, Frère.” Il fit un ou deux pas en avant et s’arrêta à quelques mètres seulement de Jaelen. “Par les Saints, je n’ai jamais mérité ce poste. Ça se jouait toujours entre Galahania et moi, à nous rentrer l’un dans l’autre tandis que nous gravissions tous deux les échelons des Templiers. Elle aurait été parfaite pour tous ces trucs de conseiller, pas moi.”

Il leva son bras gauche mutilé et montra à Jaelen les quatre doigts et la portion de paume significative qui lui manquaient. “Je n’étais qu’un guerrier, un bon guerrier et maintenant je n’ai même plus ça.”

Jaelen gloussa. “Je n’aurais jamais pensé que vous étiez du genre nostalgique Grand-Maître.”

Melbrecht lui sourit en retour. “Jack vous emporte, Jaelen. Je n’aurais moi-même jamais imaginé devenir le vieux radoteur que je suis aujourd’hui.”

Lentement et douloureusement, le vieux Templier se mit à genoux, la tête au même niveau que celle de Jaelen. “En revanche je sais ceci,” dit-il, ses yeux gris fixant intensément ceux de Jaelen, “Sigurrós ne s’autorisera jamais à perdre un combat- que ce soit une querelle verbale contre vous ou une guerre contre la Sainte Fondation elle-même.”

“Elle a appris tant de choses en si peu de temps, je dois bien lui céder ça.”

“C’est précisément cette facette de sa personnalité qui a permis à cette cité de continuer à tenir comme avant. Elle ne sait peut-être pas comment défendre ce qu’elle aime, mais son cœur se trouve toujours à la bonne place. Vous pouvez lui faire confiance là-dessus”

Jaelen baissa les yeux sur ses robes. “Je m’en souviendrai. Merci, Grand-Maître.”
Melbrecht se redressa et s’apprêta à partir. “C’est Melbrecht pour vous, le moine,” dit-il en s’éloignant. “Je suppose que vous serez présent à la séance du conseil dans trois jours ?”

“Bien sûr.”

“Bien.” dit sèchement Melbrecht en gravissant les marches qui menaient hors du sanctuaire.

Jaelen se remit lentement sur ses pieds et soupira. “Espérons simplement que vous êtes dans le vrai, vieil homme,” se dit-il pour lui-même.


Le soleil était haut dans le ciel lorsque Jaelen quitta sa chambre de la Maison de Bright et se hâta vers la salle du conseil du temple, vêtu de la stricte robe de cérémonie des Frères de la Fondation par-dessus une simple tunique.

Lorsqu’il arriva, presque tous les six membres du Conseil des Temple étaient déjà assis, les seuls sièges vides autour de l’antique grande table de bois sacré étant le sien et celui de la Grande Prêtresse en personne.
Tandis qu’il prenait place, le Grand-Maître Melbrecht se sourit silencieusement à lui-même, amusé par le retard inhabituel du moine. Le Maître de Guilde Raetor, chef des marchands et des hommes libres de la cité, garda un air renfrogné dans son fauteuil et regarda passivement Jaelen s’asseoir. Dame Maera, la Conseillère de la Noblesse, et Garvin, le maréchal, semblaient se chuchoter quelque chose à l’oreille en voyant Jaelen entrer et ne s’arrêtèrent qu’en surprenant le regard hargneux que Raetor leur adressa depuis l’autre bout de la table.

Jaelen soupira bruyamment et se renfonça dans son siège. Bien qu’ayant accepté avec joie le poste de conseiller de confiance de Sigurrós, la dernière année et demi lui avait appris que le travail d’un membre du conseil n’était jamais celui qu’il avait prévu de faire. Dame Maera semblait toujours chercher un moyen subtil de le faire culpabiliser pour ses erreurs. Raetor dirigeait son humeur maussade et souvent glaciale à part égales envers lui-même et les autres membres du conseil. Melbrecht était toujours soit ennuyeusement aimable, soit excessivement agressif au cours des discussions. Quant à Sigurrós- Eh bien, se dit-il, Elle a tellement changé.

Une année et demi et plus à diriger le peuple d’Arnven avait endurcie Sigurrós, l’éloignant de plus en plus de la gamine qu’elle était vers le chef qu’elle essayait de devenir- et le fait qu’elle était toujours terrifiante lorsqu’elle laissait échapper sa fureur n’aidait pas.

“Conseillers.” dit la Grande Prêtresse en entrant dans la salle ornée, sa toge ecclésiarchale rouge sombre dégageait une impression d’autorité tandis qu’elle prenait place à la tête de la table.

D’un même mouvement, Jaelen et ses pairs se levèrent et s’inclinèrent.

Sigurrós hocha la tête. “S’il vous plaît, prenez place.”

Jaelen se redressa, s’éclaircit la gorge et se releva pour énumérer les problèmes qui nécessitaient l’attention du conseil. “Grande Prêtr-“

Elle leva la main pour lui commander de s’arrêter. “Avant de commencer cette réunion du Saint Conseil, je voudrais vous dire quelque chose à tous.”

Ses yeux se posèrent sur Jaelen.

“Au cours du mois d’aouste de l’année dernière, nos anciens frères de la Saint Fondation ont… demandé à cette cité de me livrer à la Cathédrale de Supervision pour y être confinée dans les règles en tant que Supprimé.

“Lorsque nous avons porté ce sujet au vote cependant, tous les membres de ce conseil ont fait le choix de décliner.

“Cela a, à mon grand regret, fortement irrité de nombreux docteurs cardinaux de la Sainte Fondation qui ont menacé d’envoyer une armée vers la Cité Sainte pour me capturer de force dans le but d'appliquer l’acte d’excommunicata totalis sur la population de notre cité. Lorsque nous avons également ignoré cet ultimatum nous nous imaginions qu’ils n’iraient jamais au bout de leur menace. Après tout, ces derniers sont actuellement occupés par les attaques en cours de l’Insurrection du Chaos dans le nord et par le reste des animaux dans l’est.

Elle soupira profondément pendant un moment et continua. “Nous avions tort.”

“Nos éclaireurs ont repérés une armée de trois milles hommes faisant route vers la Cité des Temples, menée par nul autre que le Docteur Cardinal Asser Clef en personne.”

"Ils seront ici sous deux jours au mieux, un seul dans le pire des cas."

À cette déclaration, la salle du conseil resta silencieuse.

Le Maréchal Garvin fut le premier à réagir, il se releva lentement pour regarder la Grande Prêtresse. “Mais… mais ils sont restés silencieux pendant plus d’un an Madame.” Ses yeux étaient largement ouverts et effrayés. “Nos archers sont encore à l’entraînement et notre milice…”

Raetor sauta à son tour sur ses pieds, une expression contrariée sur le visage. “Madame, les guildes ne sont pas prêtes à fermer les marchés et les postes de commerce. Ces nouvelles vont irriter nos marchands.“

La voix de Melbrecht s’éleva dans un tonnerre et retentit à travers la salle du conseil. “Madame, les néophytes ne sont encore qu’au tout début de notre entraînement. Cela prendra des années avant qu’ils ne soient prêts !“

Dame Maera parla depuis son siège d’une voix calme et mesurée. “La noblesse est encore sous le choc du dernier assaut Madame. Nous ne pouvons pas nous permettre de convoquer les nobles et leurs serviteurs pour la guerre.“

“Le commerce en souffrira, nous en souffriront !“ ajouta Raetor.

“Nous allons nous faire massacrer Madame ! Massacrer !“ cria Garvin.

“Nous ne sommes que vingt-sept, et nos réserves d’armes et d’armures sont affreusement basses !“ explosa Melbrecht.

“La noblesse ne manquera pas de manifester son désaccord, je peux vous le garantir.“ dit tranquillement Maera.

Et ils continuèrent ainsi, Jaelen et Sigurrós seuls gardant le silence et se regardant l’un l’autre depuis les bords opposés de la table.

La pagaille continua dans la salle du conseil, s’amplifiant de plus en plus.

Finallement Jaelen en eut assez.

“Silence !” cria-t-il, attirant sur lui l’attention des quatre conseillers et mettant un terme au vacarme.

“Mes seigneurs, madame,” dit-il. “Nous ne pouvons pas nous permettre de nous affronter ainsi à un moment aussi critique. Asser Clef en personne frappera à nos portes dans une poignée de jours. Chaque fois que nous nous montrons désunis nous affaiblissons l’âme même de cette cité et nous risquons de la laisser tomber une fois de plus aux mains de nos ennemis.”

Il regarda Sigurrós qui restait silencieuse en face de lui. “S’il vous plaît,” dit-il avec gêne, “ayez confiance en notre Grande Prêtresse.”

Sa réplique achevée il se rassit.

Le visage de Sigurrós avait gardé une expression stoïque et sérieuse. “Nos efforts pour créer les murailles entourant la cité ont été une préparation en vue de ce jour précis.”

Elle se tourna vers Garvin. “De même que pour l’entraînement incessant de notre milice et de nos archers,”

Puis vers Melbrecht, “…la sélection de nos nouveaux néophytes,”

Puis vers Raetor, “…les efforts pour préserver nos ressources en vue d’un siège,”

Puis vers Maera, “…les services continus de la noblesse,”

Et enfin vers Jaelen lui-même. “…ou les services de nos Docteurs et Frères au peuple de la Cité Sainte.”

Ses yeux vert-de-gris prirent une teinte dure et acier. “Nous savions que ce jour viendrait depuis le moment où nous avons refusé de me livrer aux gens de la Fondation. Bien que l’aliénation de notre population par la Cathédrale de Supervision nous mette en colère…”

Elle soupira. “Nous ne pouvons pas nous permettre de reposer sur quiconque d’autre que nous même.”

Instantanément la jeune maîtresse de la cité presque indomptable de dix-neuf ans eut l’air lasse et fatiguée. “Vous avez tous été choisis pour être mes conseillers parce que vous savez ce qui est le mieux pour la cité et que vous ferez tout ce qui est en votre pouvoir pour la préserver. La crise de foi que nous paraissons traverser en ce moment face au problème actuel est quelque chose que nous avons dû tous supporter et je vous demande simplement de continuer à tenir sur le chemin plus difficile encore qui nous attend.”

“Nous ne fléchirons pas, mes dévoués conseillers. J’en suis persuadée.”

Elle se releva bien droite et regarda chacun de ses conseillers pendant quelques instants.

“Vous avez tous beaucoup de choses à préparer. Ce conseil est ajourné.”


Sigurrós ne parvint pas à dormir cette nuit.

En vérité, cela faisait plusieurs nuits qu’elle n’avait pas dormi, son esprit s’attardant constamment sur l’état des murailles ou les inquiétudes de son peuple.

À présent que les forces de la Fondation se trouvaient aussi près, elle avait pris l’habitude de regarder par la fenêtre de la petite bibliothèque de la Maison de Bright- adressant parfois une prière à Bright ou à ses Saints, méditant sur le sort qui l’attendait pour les jours à venir.

C’est ainsi que Jaelen la découvrit tandis qu’elle regardait par la grande fenêtre- pensive et contemplative.

“Tu n’arrives pas à dormir ?” demanda Jaelen qui tenait une lanterne dans sa bonne main.

Sigurrós sourit faiblement. “Oui. Je n’ai pas fermé l’œil au cours des dernières nuits.”

Jaelen posa délicatement la lanterne sur une table et s’assit sur le rebord de la fenêtre en face d’elle.
Il soupira. “Moi non plus.”

Elle le regarda. “Tu as peur ?” demanda-t-elle.

“Oui. Et toi ?”

Sigurrós s’attrapa les genoux et les serra contre sa poitrine. “Oui.”

Un long silence se fit.

Sigurrós le rompit. “Sais-tu pourquoi j’ai proposé de diriger cette cité Jaelen?”

“Pourquoi ?”

Sa voix se transforma en murmure. “Je n’ai jamais voulu le pouvoir, je n’ai jamais voulu de ce poste. Je me sentais juste… coupable.”

Elle leva la tête et regarda Jaelen, ses yeux rencontrant les siens tandis qu’elle continuait.

“Cette cité… si les gens y sont morts la dernière fois c’est à cause de moi… à cause de Seth.

“J’ai massacré ces Docteurs et ces frères sans remords, brûlé deux des temples de la cité et laissé le peuple dans… dans la peur.”

Jaelen parla. “Je… Je croyais que tu t’étais sentie mieux après avoir tué Seth ?”

Sigurrós eut un petit rire ironique. “Seth… Seth était mon père Jaelen. Je n’ai jamais voulu le tuer… pas après ce qu’il m’a dit.”

“Je voulais rendre cette cité meilleure pour lui. Pour moi. Pour toutes les personnes que nous avons tuées et les morts que nous avons causées.”

Elle soupira profondément. “Tout ce que je fais aujourd’hui c’est pour garder tout le monde en sécurité, pour que personne d’autre n’ait plus jamais à mourir à cause de moi. Absolument tout- les murailles, le gouvernement, les temples- j’ai fait tout cela pour pouvoir me sentir mieux.”

“Rien ne m’a soulagé après tout ce qui s’est passé Jaelen.”

“Le fait de savoir que d’autres personnes vont mourir pour que je puisse vivre- me… me terrifie.”

“C’est une dette que je ne pourrai jamais rembourser. Un péché que je ne pourrai jamais expier.”

J’ai juste peur que dans quelques jours beaucoup de personnes viennent à mourir.

Les larmes vinrent sans même qu’elle s’en rende compte et coulèrent sans s’arrêter.

Sa voix se mit à trembler. “Je… Je ne pense pas pouvoir y arriver Jaelen. Je suis trop jeune. Je ne peux pas-”

Jaelen l’étreignit contre lui sans un mot et la laissa pleurer sur son épaule en la serrant plus fort.

“Je ne peux pas.” gémit-elle.

Plus aucun mot ne fut échangé cette nuit là- mais tous deux dormirent mieux qu’ils ne l’avaient fait au cours des dernières journées.


L’armée arriva au point du jour.

C’était une armée monstrueuse- cinq cent fantassins de la Garde Omega, deux cent chevaliers des Ordres de Light et Kondraki, cinq trébuchets, une centaine d’artilleurs, sept cent hommes d’arme et plus de mille cinq cent Castes-D.

À leur tête chevauchait un homme de grande taille équipé d’une armure d’argent resplendissante et arborant le sceau de Saint Alto et le heaume légendaire de son fils, Saint Ardam. Il montait un formidable destrier harnaché d’un caparaçon de mailles légères et portant les armes de son cavalier.

C’était le Docteur Cardinal Asser Clef, le légendaire docteur de la guerre de la Croisade du Nord et héros d’un millier de batailles.

“Aux pieux résidents de la Sainte Cité d’Arnven,” déclama-t-il, sa voix de stentor portant jusqu’aux sommet des murailles de pierres grises. “Je viens pour votre sorcière et ai amené avec moi trois milliers de fidèles serviteurs de Bright pour m’assister dans ma mission.”

“Nous savons les épreuves que vous avez traversées au cours de la dernière année et demi et nous venons vous soulager tous de la tyrannie de la magicienne hérétique que vous connaissez sous le nom de Sigurrós.”

Sa voix se fit glaciale. “Nous vous donnerons une journée pour délibérer entre vous- bien que nous ne souhaitions pas détruire la belle Cité des Temples, nous devons accomplir notre devoir solennel envers Bright. Demain au point du jour, si vous ne nous livrez pas la sorcière tyrannique, nous utiliserons nos engins de siège et feront pleuvoir la pierre sur la cité.”

“J’en fais serment sur mon sang sacré et mon honneur de Clef.”

Du haut de la muraille, les conseillers de la cité regardèrent impuissants le Cardinal en armure s’éloigner lentement dans les lignes de son armée et commencer à donner des ordres pour établir le camp à l’extérieur des murs.

Sigurrós les rejoignit au bout d’un moment entièrement vêtue pour la guerre.

“Conseillers,” dit-elle en couvrant intensément du regard l’armée qui campait juste à l’extérieur de ses murailles, “Barrez les portes, que les archers et la milice se tiennent prêts et prévenez tout le monde de ce qui vient de se passer.”

Elle se tourna vers eux. “Nous sommes assiégés.”


Partout dans la cité la vie commença à s’arrêter.

Dans le Quartier d’Agatha, Raetor annonça les nouvelles aux gens des guildes, affranchis et marchands de la cité, les prévenant de se tenir prêts pour les dures journées à venir. La nouvelle fut accueillie dans une ambiance maussade, mais bien peu murmurèrent leur mécontentement.

Dans le Quartier de l’Esprit, Dame Maera demanda aux nobles de se réunir devant la Maison de Bright et s’adressa à eux en leur faisant part de la situation actuelle. Beaucoup accueillirent l’annonce avec outrage et s’en retournèrent dans leurs manoirs en remettant en question les ordres de la Grande Prêtresse et de ses conseillers.

Dans le Quartier de la Rivière et la Ville d’Alto, Jaelen appela au calme et à l’ordre, assurant aux paysans de la cité que bien que les jours à venir seraient difficiles, leur coopération serait indispensable pour assurer leur propre sécurité. Cela fut accueilli avec un sentiment général d’accord et d’approbation, à son grand soulagement.

Garvin, pendant ce temps, commença à donner des ordres aux fabricants de flèches et aux forgerons pour qu’ils fabriquent plus de flèches, d’armes et d’armures pour la guerre à venir. Peu de temps après, il appela la milice et les archers à garnir les murailles et à assigner des tours de garde aux unités sur ses différentes sections jour et nuit.

La Grande Prêtresse Sigurrós en personne passa la plus grande partie de la journée à préparer les murailles de pierres grises pour l’assaut à venir et à renforcer la solide structure de ses enchantements pour les endurcir.

À la fin du jour la cité toute entière avait commencé à se préparer pour s’accoutumer à la vie de siège- pour le meilleur ou pour le pire.


L’aube se leva sur le deuxième jour du siège et les trébuchets se tinrent prêts à relâcher leurs charges.
Sigurrós et ses cinq conseillers regardaient depuis le sommet de la muraille les larges pierres qui étaient chargées dans les trébuchets par les équipes d’artilleurs, prises la veille dans une carrière non loin de là. À côté d’eux, un groupe de Castes-D exténués tirant un grand chariot chargé d’un étrange métal cramoisi entre les engins de sièges et en plaçaient à chaque fois un petit morceau dans les frondes avec les gros rochers.

“Tu es prête ?” demanda Jaelen à Sigurrós qui avait commencé les gestes et les incantations nécessaires à un sort de protection avancé.

La prêtresse fatiguée sourit. “Je suis perdue si je ne le suis pas.”

Raetor hocha la tête en direction du chargement du chariot. “Je me demande à quoi sert ce métal. Un dispositif incendiaire ?”

Melbrecht croisa les bras. “Je n’ai jamais rien vu de tel auparavant. Peut-être du Feu de Light.”

“Le Feu de Light n’est pas censé être bleu ?” remarqua Garvin. “Et même s’il s’agissait de Feu de Light, la prêtresse devrait être capable de le repousser seule.”

Maera rit silencieusement en pointant du doigt la fronde d’un trébucher dans laquelle les hommes chargeaient davantage de métal cramoisi. “Il y a plusieurs types de substances dans l’arsenal de la Sainte Fondation. Il y a le mystérieux Scrantonum- bien qu’il ait disparu depuis plus d’un siècle. Il y a l’explosive Flamme des Saints- affreusement chère m’a-t-on dit. Il y a le mortel sable de Monger- mais j’ai entendu dire qu’on ne pouvait l’extraire que loin dans l’ouest.”

Melbrecht se tourna vers la noble dame à ses côtés. “Et quel est votre avis sur le sujet exactement, Dame Maera ?”

Maera prit une gorgée de son verre de vin et continua. “Mon avis, Grand-Maître, est que nous n’avons aucune idée de quel type d’armes antiques dispose la Fondation. Ces dernières sont assurément fort rares et difficiles à acheminer, mais il n’est pas difficile d’imaginer que notre dame prêtresse représente pour l’Église une menace aussi importante que les plus sérieuses incursions de la Main du Serpent.”

Au pied de la muraille un homme de haute taille s’était avancé face aux conseillers, un petit sourire s’étirant sur son visage.

“Tyrans d’Arnven,” déclama-t-il. ”Face à votre refus de nous livrer la sorcière Sigurrós, nous nous trouvons réduis à la plus détestable des extrémités.”

“Sur mon ordre, ces pieux frères de la Sainte Fondation lâcheront ces rochers sur la cité et tueront de nombreuses personnes. N’avez-vous aucune réponse à cette menace ? N’avez-vous cure des gens de votre cité ?”

En entendant cela Sigurrós se mit à trembler tout en continuant à réciter ses incantations et tandis qu’elle chantait en bégayant un large dôme vert se forma au-dessus des murs de la cité.

Jaelen avait gardé les yeux rivés sur elle pendant tout le temps où le Cardinal avait prononcé son discours. “Sigurrós…” dit-il.

“Je vais bien Jaelen.” répondit-elle entre deux incantations.

Asser porta narquoisement la main à son oreille en faisant mine d’écouter.

Puis il baissa la main, se tourna vers les trébuchets derrière lui en levant son autre bras paré à donner le signal.

“Prêt,” cria-t-il.

Sigurrós avait finalement terminé son incantation qui solidifiait le dôme transparent qui surplombait les murs avec une onde d’énergie vert pâle.

Les conseillers à côté d’elle se crispèrent, anticipant la première volée des engins de siège.
Le Docteur Cardinal abattit sa main. “LÂCHEZ !

À son commandement, les quatre trébuchets assemblés à l’extérieur furent relâchés et les énormes rochers s’envolèrent dans les airs en direction de la muraille et du dôme.

Seule Maera remarqua la pulsation qui accompagnait chaque pierre, faisant remonter un souvenir depuis longtemps enfouit dans sa mémoire.

“Oh par les Saints, non.” Murmura-t-elle.

La première pierre s’écrasa sur le dôme avec un crac assourdi et le traversa presque sans efforts. Une explosion cramoisie accompagna la brèche du dôme transparent- le seul autre indice sur ce qu’était réellement le mortel métal rouge.

Le dôme commença instantanément à s’affaiblir et l’énergie verte qui le composait s’atténua petit à petit.

Sigurrós sentit soudain ses genoux fléchir sous elle et son esprit défaillir et s’affaiblir, mais continua de tendre les bras devant elle pour maintenir le dôme magique avec ce qu’il lui restait de volonté.
Alors que ce qui restait du premier rocher pénétrait le dôme, ses fragments s’écrasèrent sur les maisons de la Ville d’Alto tuant une douzaine de personnes.

Le deuxième et le troisième rocher s’écrasèrent en même temps sur le dôme avec un gros crac, explosant en petits morceaux dans la même explosion cramoisie qui illumina l’air autour du dôme. Ces morceaux s’écrasèrent comme les précédents à l’intérieur de la cité et détruisirent de nombreuses autres maisons et bâtiments entre le Quartier de la Rivière et le Quartier de l’Esprit.

Enfin, le quatrième et dernier rocher fit son entrée, détruisant ce qui restait du dôme et rencontra le Temple de St Alto, détruisant ses magnifiques colonnes de marbre ce qui le fit s’effondrer sous son propre poids.

Sigurrós s’écroula en même temps que le temple, le corps saisit de convulsion tandis que ses conseillers se rassemblaient autour d’elle.

Maera ne put que regarder avec horreur tandis que le nom de la substance lui revenait à l’esprit.

“Bright tout puissant, ils n’ont jamais di…” dit-elle en faisant un pas en arrière. “Comment ont-ils fait pour mettre la main sur du Scrantonum ?”


Et ainsi le siège dura, pendant onze jours et dix nuits.
Et ainsi la cité brûla, et le nœud se resserra autour de la cité.
Et ainsi Sigurrós dormit, dévorée par une fièvre brûlante tandis qu’elle se reposait dans la Maison de Bright.

Depuis le second jour du siège, ses conseillers dirigèrent la cité à sa place, calmant la population tandis que leurs maisons brûlaient et que leurs temples étaient détruits.

Après onze jours de siège constant et de bombardement, le peuple d’Arnven était brisé, effrayé et au bord de la mutinerie ouverte.

La Ville d’Alto et le Quartier de la Rivière étaient restés tranquilles pour l’essentiel, grâce aux efforts de Garvin et Melbrecht.

Le mécontentement du Quartier d’Agatha s’amplifiait jour après jour, à mesure que les marchands perdaient leurs profits et gagne-pains sous les volées des trébuchets. Raetor fit de son mieux pour rembourser les marchands en colère et les guildes de sa propre bourse, bien que son trésor s’amenuisât de plus en plus au fil des jours.

C’était le Quartier de l’Esprit qui constituait la plus grande menace à l’intégrité de la cité. Les obligations que Maera avait imposées aux nobles et à leurs domestiques avaient tout d’abord rencontré une acceptation rétive, mais à mesure que les jours passaient et que leurs serviteurs se faisaient tuer ou blesser sur les murailles, la colère des nobles monta de plus en plus. Hormis quelques conversations animées cependant, tous les dissidents les plus virulents furent apaisés par Dame Maera qui leur promettait que le siège s’achèverait sous peu.

En onze jours, ce dont ils avaient le plus besoin apparaissait clairement au conseil. Ils avaient besoin de la Grande Prêtresse, pour le meilleur ou pour le pire.

Jaelen était resté au chevet de sa Dame au cours des onze derniers jours, guettant le moindre signe d’un regain de conscience. Tandis que les autres conseillers allaient et venaient là où leur devoir les appelaient, Jaelen demeurait aux côtés de Sigurrós, priant jour et nuit pour son rétablissement.

“Prier le Seigneur Bright ne servira pas à grand-chose, vous savez,” dit Melbrecht en entrant d’un pas claudiquant dans la chambre de la Dame la onzième nuit. “Vu comment se déroule le siège, il ne faudra pas longtemps avant qu’Asser et les siens ne fassent irruption dans la cité et la capturent eux-mêmes.”

“Que les Saints les emportent Melbrecht.” dit Jaelen en tournant ses yeux rouges et gonflés vers le Grand-Maître. “Elle vit, sa fièvre s’estompe- ce… ce ne sera plus bien long désormais.”

Melbrecht frappa du poing la porte de bois derrière lui et le bruit résonna à travers toute la chambre. “Je ne pensais pas que vous étiez un imbécile Jaelen ! Vous y croyez vraiment ?!’’

Jaelen serra les dents. “Oui.”

Le Grand-Maître s’approcha du moine et approcha son visage du sien. “Par Bright, cela fait onze jours, le moine ! Elle ne se réveillera jamais, ou si elle le fait ce ne sera pas avant qu’Asser-maudit-soit-il-Clef ne s’empare de la cité et nous tue tous !”

L’expression de Jaelen se durcit tandis qu’il regardait Melbrecht. “Surveillez vos propos Grand-Maître.” dit-il la voix sourde et grondante. “Vous vous approchez dangereusement de la trahison.”

Le poing du Templier s’écrasa sur son visage l’envoyant rouler sur le sol.

“Par les Saints, vous êtes vraiment un imbécile.” dit Melbrecht en boîtant vers la forme avachie du moine. “Vous osez me traiter de traître, moine ? Je suis devenu Grand-Maître pour elle ! J’ai mené mes frères à la mort pour elle ! J’ai tenu tranquilles les paysans de la Ville d’Alto pour elle ! Parmi tous les conseillers de cette cité oubliée de Bright je suis le plus dévoué- pas Raetor, ni Garvin, ni Maera,”

Melbrecht l’attrapa par le col de ses robes de sa bonne main et le souleva en l’air. “Et- pas- même- VOUS !” Il projeta sa tête en avant et heurta le visage de Jaelen, ponctuant chaque syllabe d’un nouveau coup de tête contre celle du moine.

Jaelen s’effondra sur le sol, le nez brisé et sanguinolent et gémissant de douleur.

Melbrecht se tint au-dessus du corps inanimé du moine, le souffle court et haletant.

“Par les Saints Melbrecht-“ dit une voix familière derrière lui. “Qu’avez-vous fait ?”

Derrière lui, la Grande Prêtresse Sigurrós se redressa dans son lit, les yeux écarquillés d’horreur.

“M-madame…” commença le Grand-Maître, sa colère évanouie en un instant en se tournant vers la Grande Prêtresse. “Je ne voulais pas-“

Sigurrós sauta de son lit et s’agenouilla auprès de Jaelen pour poser sa tête sur ses genoux, formant des gestes dans les airs tandis qu’elle prononçait un sort.

“Je ne voulais pas-“ dit de nouveau Melbrecht.

“Épargnez votre salive Grand-Maître.” répondit froidement Sigurrós en coupant le Grand-Maître. “Que s’est-il passé dans la cité depuis ?”

“L-la cité est au bord de la rébellion ouverte Madame. La Ville d’Alto et le Quartier de la Rivière sont calmes p-pour le moment, de même que l’Agatha, mais le Quartier de l’Esprit…“

“Par Bright…” s’exclama Sigurrós en finissant son sort. Elle laissa Jaelen inconscient qui commençait à guérir.

“À-à-propos du Frère Jaelen…”

“Comment s’est déroulé le siège pendant que je dormais ?” demanda Sigurrós.

“Très mal Madame. Le temple de St Alto s’est effondré ainsi que de nombreux autres bâtiments dans la Ville d’Alto. La Maison de Bright elle-même a souffert des bombardements, mais les temples de Ste Rights et de la Rivière sont restés intacts.”

Sigurrós soupira et serra les dents en se mettant sur ses pieds.

“Prévenez les Templiers et les néophytes Grand-Maître.” dit-elle. “Faites aussi chercher le Maréchal Garvin, dites-lui de prendre la moitié des chevaux et des miliciens.”

Melbrecht fit un pas en avant, choqué par ce que la Grande Prêtresse venait de dire. “Mais Madame, et le Scrantonum ?”

Sigurrós enfila sa cotte de maille légère et plaça ses robes noires par-dessus. “Pas la peine de m’en parler, ils seront certainement à court de moyens pour m’abattre depuis les airs.”

“Les airs ? Vous avez l’intention de voler Madame ?”

“Bien sûr que j’ai l’intention de voler.” Elle plaça son capuchon de maille sur sa tête et se tourna vers le Grand-Maître pour lui répondre. “Vous, Garvin, les Templiers et la milice fournirez un moyen de diversion en faisant une sortie par la porte de l’ouest. Puis j’arriverai depuis le ciel et je détruirai chaque tente que je survolerai jusqu’à atteindre celle où se trouvera Asser Clef.”

Son regard d’acier rencontra celui de Melbrecht et elle fit demi-tour pour sortir. “Nous discuterons de votre agression sur le Frère Jaelen plus tard. Pour l’instant-“

Nous avons ce maudit siège à briser.


Le Maréchal Garvin enfourcha son cheval aux côtés du Grand-Maître Melbrecht tandis que les portes s’ouvraient en tremblant, révélant les formes des tentes de l’armée de la Fondation que dévoilait la lueur des torches au moin. D’une main il tenait les rênes de sa monture, de l’autre une lance de sept pieds de long.

À sa droite il distinguait la silhouette de la Grande Prêtresse perchée sur les murs de pierre grise endommagés. Il pouvait sentir son regard d’ici et ravala nerveusement sa salive en brandissant dans les airs pour donner le signal de l’attaque.

“Pour la cité ! Pour les temples ! CHARGEZ !” cria Garvin en lançant son cheval au galop, la lance en avant et menant derrière lui les cinquante cavaliers de la milice sur les sentinelles de l’armée de la Fondation prises de court.

Derrière lui, le Grand-Maître Melbrecht le suivait en courant avec ses deux cents Templiers et néophytes depuis la porte de l’ouest en direction du camp. Armés de hallebardes, de piques et de boucliers, leurs armures chatoyaient à la lueur nocturne tandis qu’ils poussaient leur cri de guerre.

Sigurrós regarda depuis la muraille la petite force de deux cent cinquante soldats fondre sur le camp assoupi des envahisseurs. Se souriant à elle-même, elle murmura une incantation et s’envola en invoquant des flammes depuis le bout de ses doigts tandis qu’elle se ruait en direction des centaines de tentes au loin.

Lorsqu’elle déchaîna les enfers depuis ses doigts, ceux qui se tinrent devant elle n’eurent aucune chance d’en réchapper.
Elle enflamma trois des tentes, puis cinq, puis dix. Les hommes qui n’avaient pas été réveillés par le chaos ambiant furent brûlés vifs dans leur sommeil et sortirent en hurlant de leurs tentes métamorphosés en colonnes de flammes ardentes.
L’air était saturé des cris de panique et de l’odeur de chair brûlée tandis que les forces de la Cité des Temples surprenaient leurs assaillants dans la nuit.


“Monseigneur ! Réveillez-vous monseigneur, je vous en prie !” dit une voix à son oreille.

Asser Clef ouvrit les yeux et aperçut son aide-de-camp, un Docteur nommé Aelin, qui se tenait auprès de lui.
“Qu’est-ce que c’est Aelin ?” demanda-t-il d’un ton glacial et intransigeant.

Aelin s’étrangla nerveusement avant de continuer. “Ce sont les défenseurs votre éminence. Les hérétiques.”

Asser sortit de son lit et fit un pas en direction d’Aelin. “Quoi les hérétiques ?”

C’est alors qu’il remarqua l’odeur de toile et de chair brûlées dans l’air ainsi que les hurlements paniqués des mourants.

Aelin bafouilla nerveusement en répondant. “C-c’est la sorcière et sa milice. Ils nous ont attaqués par surprise au milieu de la nuit et-“

Asser l’interrompit d’une claque qui l’envoya rouler sur le sol herbeux.

Il retroussa les lèvres. “Dans ce cas pourquoi me suis-je donné la peine de poster des sentinelles Aelin ?” Il se dirigea vers le râtelier derrière lui en commença à enfiler son armure pièce par pièce.

Aelin resta prostré sur le sol, terrifié. “Je-je suis désolé seigneur… sincèrement désolé. Ils étaient à cheval, et les Templiers, ils-”

“Ça n’a plus d’importance Aelin.” répondit Asser en ajustant son plastron de plate. “Va dire à tous les hommes du camp de faire sonner les cloches, qu’ils délivrent notre message à nos amis de la cité-”

Il prit son épée sur le râtelier et la tira de son fourreau de cuir, exposant le cramoisi sombre de la lame de Scrantonum.

Il se sourit légèrement pour lui-même en admirant l’épée-sorcière bâtarde de Sainte Agatha.

“Nous tuerons la sorcière et les siens ce soir.”

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