L'Incroyable Limaçon
Limace ou Homme ?
Venez voir ses yeux pousser en branches !
Une créature merveilleuse à observer !
Il danse !
Il chante !
Venez assister au spectacle de votre vie !
Est-ce un Homme ou une limace ? Les deux ! Un de nos meilleurs artistes, l'Homme-Limace va vous faire taper du pied sur la musique tandis qu'il danse et chante pour vous. Regardez-le utiliser ses antennes pour former votre nom, ou MÊME VOTRE VISAGE !
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Nés pour le Cirque
L'Incroyable Limaçon
ne voulait pas me vendre à M. Fuller, mais je ne crois pas qu'il avait le choix. Quand on se fait virer pour avoir insulté le contremaître local, on a une réputation. Il ne pouvait plus se faire engager nulle part, et croyez-moi, il a essayé. Nuit après nuit il rentrait mort de fatigue et brisé.
Bien sûr j'ai pleuré toutes les larmes de mes petits yeux aveugles quand Fuller m'a emmené avec lui en ce jour humide de Juin 1912, mais vous devez comprendre que pour un petit garçon, le cirque est aussi une aventure, et les émotions ne durent que rarement. Mais je ne réalisait même pas ce que tout cela signifiait : après une petite heure de reniflage, tout ce que j'avais en tête était les lions et les ours dansants que je pensais voir. En plus, M. Fuller m'avais promis que ma mère et mon père pourraient toujours venir me voir quand je serais en ville. Il me dit plus tard que mes parents ne manquaient de rien durant les années qui suivirent. Je ne sais si c'était vrai ; nous ne sommes jamais revenus dans ma parcelle natale de Louisiane, et je ne les revis jamais.
Qu'importe ; en arrivant au cirque, je m'émerveillais. C'était aussi grand que possible. Une grande tente, toutes sortes de caravanes et wagons, certaines très luxueuses. Il me prit à part et m'expliqua que pour travailler au cirque, j'avais besoin de quelque chose d'unique. Il dit qu'il connaissait quelqu'un qui pourrait me rendre spécial. Et ça, Seigneur, pour m'avoir rendu spécial ! Je ne savais pas le sens du mot "inquiétant" à l'époque, mais j'allais vite l'apprendre. Il m'emmena à Sally la Couturière, Dieu ait son âme, et me dit : "Maintenant, Uriel, Sally va raccommoder tes yeux. Ne bouge pas." Et Sally se contenta de sourire de ses grandes dents blanches de poupée et m'invita à m'approcher. Tout sentait la lavande et les roseaux, une combinaison très étrange. J'hésitais un instant, mais Fuller me poussa doucement dans ses bras. Sally me réconforta, car elle savait que je n'étais qu'un petit garçon apeuré, et alors elle commença à faire marcher sa magie. Et ça ne fit pas mal, c'est ça le plus étrange. Bien sûr, je sentais ma peau s'étirer, et couvrir mes orbites. Et bien sûr, je sentis quand elle cousit les croix, mais ça ne fit pas mal. Et alors, c'est arrivé. Elle embrassa les coutures et soudainement, je voyais ! Laissez-moi vous dire que quand vous voyez pour la première fois en sept ans, c'est comme une seconde naissance. Je découvris que rien n'était comme je l'imaginais. Je ne savais même pas de quoi j'avais l'air, sans parler du reste du monde. Je crois que c'était le plus inquiétant. Fuller a dû m'asseoir de peur que je m'évanouisse et me cogne la tête. Et il avait raison, je me suis évanoui.
Je me réveillai dans ma propre caravane. Vous imaginez, un garçon de sept ans avec sa caravane ? Je me rappelle que celle-ci était jaune éclatant à l'intérieur. Elle avait appartenu à un des premiers clowns de Fuller, Gusto. Italien, je crois. Je n'ai jamais su ce qu'il lui est arrivé. Fuller me répétait que Gusto n'était pas "compatible" avec sa vision du cirque, sans jamais détailler. Mais je sais que chaque fois que je mentionnais son nom aux autres artistes, ils se taisaient et prenaient l'air sombre. Faites-en ce que vous voulez. Bref, Fuller me présenta à Manny, l'homme au visage à l'envers, et il se mit à développer mon numéro. Bon, j'avais toujours été bon danseur, faisant rire les filles et se pâmer les dames à l'église, mais ça n'était pas assez. Un numéro Fuller devait être bon à s'en évanouir, pour ainsi dire. Manny m'appris comment contrôler les antennes, comment les tordre dans certaines formes. Simples, au départ. Cercles, carrés, puis plus complexes comme des triangles et ce qu'il appelait hexagones. Après quelques temps, je pouvais former cœurs, lettres, et après des années d'entraînement, visages. Ça, c'était le clou du spectacle, croyez-moi.
Je ne commençais pas mes spectacles avant d'avoir passé environ six mois dans le Cirque mais quand je m'y suis mis, je fus numéro principal pendant un bon moment. Toutes les affiches qu'ils posaient avaient mon nom en haut, en grand caractères gras. "URIEL FISHBONES, L'INCROYABLE LIMAÇON". J'en étais fier et j'espérais que quand mes parents verraient ça, ils le seraient aussi.
Après chaque spectacle, je devais m'allonger dans ma caravane. Les autres numéros étaient bien plus athlétiques. Courir, culbuter, se balancer partout, et moi, je m'asseyais sur un tabouret et je bougeais mes antennes. Et pourtant, chaque fois, j'étais épuisé. Mais j'avais besoin des applaudissements, c'était la seule
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