« Partie 2 | Smith.exe Partie 3 »
Le réveil fut difficile. Il faisait sombre, trop sombre. Ses derniers souvenirs étaient emplis de lumière, beaucoup trop de lumière. Et le silence fracassant. Et le sol dur. Et l’odeur nauséabonde. Jusqu’à la sécheresse dans sa gorge.
Il ouvrit les yeux. Mais il faisait toujours aussi sombre. Il put néanmoins discerner du bout des doigts et des pieds quatre murs autour de lui. S’il avait su que sa tête lui ferait l’effet d’être sur le point d’exploser, il aurait peut-être renoncé à la nuit dernière.
Un bruit assourdissant, un cliquetis insidieux, un grincement affligeant et la lumière, aveuglante. La porte s’ouvrit sur un homme fin portant un uniforme bleu. Il pouvait à peine distinguer les couleurs, mais il était encore capable de sentir des habits formatés à des kilomètres.
Une voix énergique qui semblait lui vriller les tympans dit : "Sors de là ! C’est l’heure."
Sans plus de cérémonie, on lui prit le bras et le tira vers le haut.
L’ex-professeur Smith fut forcé à s’asseoir sur une chaise en métal froide, devant une table en métal toute aussi froide, devant une femme au regard toujours aussi froid. Et il avait pourtant l’impression de mourir de chaud.
Qu’est-ce qui t’as pris bon sang, ça ne nous ressemble pas et tu le sais.
"Tais-toi ! Tais-toi ! Taisez-vous ! hurla-t-il en se tenant la tête dans les mains.
- Calmez-vous ! répondit la fonctionnaire. Je n’ai même pas commencé voyons."
Celle-ci réajusta les dossiers qui s’étaient éparpillés lors du sursaut de l’enseignant. Chacun des mots qu’elle prononçait sonnait comme un coup de tambour dans sa tête.
"Bien, vous avez eu la nuit pour vous calmer, alors nous allons enfin commencer. Vous savez où vous êtes ?
- En enfer, arriva-t-il à balbutier tout en grommelant.
- Probablement, et savez-vous pourquoi vous êtes là ?
- Pour échapper à ma dernière vie…
- Ça commence bien dites donc, souffla-t-elle en relisant les dossiers… Vous êtes actuellement au commissariat de Police de ████████, et vous avez été amené ici notamment parce que vous étiez soûl sur une scène de crime et que vous avez agressé un représentant des forces de l’ordre.
- Le Chaos en avait rien à foutre de l’ordre, lui ! Surtout pas de son ordre… Ah comme cette époque était plus simple.
- Je ne sais pas ce que vous baragouinez mais j’aimerais que vous vous concentriez et que vous vous rappeliez de la soirée d’hier.
Allez fais un petit effort, je suis sûr que tu es encore capable d’aligner 3 phrases cohérentes.
- D’accord. D’accord ! Mais arrête de me hurler dessus.
- Mais je n’ai pas élevé la voix, calmez-vous.
- Pas vous… Bon, vous voulez quoi ?"
La représentante du poste de police tira des dossiers face à elle une série de photo montrant le corps d’un homme vraisemblablement décédé, le visage complètement écrasé.
"C’est pas moi, rétorqua tout simplement l’enseignant.
- Nous le savons, l’autre auteur de la bagarre a avoué.
- Alors pourquoi chuis là.
- Tous les témoins sont unanimes, lors de la bagarre, vous n’avez pas bougé du comptoir, vous "engloutissiez" verre après verre. Pourtant, la salle était plutôt agitée et cela tient du miracle que vous ne vous soyez pas pris une chaise sur la tête comme ce pauvre homme.
- C’était pas de la chance.
- Qu’est-ce que c’était, si je peux me permettre ?
- C’était évident ce qui allait se passer. J’veux dire, n’importe qui de sensé l’aurait deviné.
- C’est ce qu’on appelle communément de la chance. Par contre, d’après les dires des différents témoins qui ont participé à la bagarre, avant que celle-ci ne commence, vous aviez décrit au gérant ce qui allait se passer… ? Et même qui allait mourir. Vous allez vraiment me dire que vous n’avez rien à voir avec ce qui s’est passé ? J’ai du mal à y croire.
- Croyez ce que vous voulez, je m’en fiche.
- Très bien, sachez juste que nous avons de quoi vous g…"
L’officier fut interrompue par deux coups secs frappés à la porte. Elle soupira longuement avant de se lever et se dirigea vers l’unique sortie de la pièce. Avant de disparaître, elle fixa une dernière fois Smith avant de lâcher :
"Nous n’en avons pas fini, tous les deux."
En réponse, l’intéressé se contenta de grogner en se tenant la tête entre les mains.
Le document qui suit est la retranscription de l’enregistrement de l’entretien entre l’Agent Raymond Dragano et PdI-3141 (Antoine Smith).
Avant-propos : PdI-3141 était alors détenu dans un commissariat de la ville de ████████ à la suite d’une altercation dans un bar des environs directs. Un interrogatoire eu lieu au préalable avec un agent de la police locale. PdI-3141 semblait alors sous les effets de l’alcool.
<Début d’Enregistrement>
Agent Dragano : Bonjour, monsieur Smith.
PdI-3141 sursaute en voyant apparaître l’Agent Dragano sur la chaise en face de lui.
PdI-3141 : Comment est-ce que… ?
Agent Dragano : Voyons, vous ne reconnaissez donc pas votre propre matériel.
PdI-3141 : Bien sûr que si, mais il n’y a pas dans ce bâtiment le débit électrique nécessaire pour le faire fonctionner.
Agent Dragano : C’est exact, mais nous avons les moyens de booster votre petit bricolage.
PdI-3141 : C’est évident. Et c’est vous qu’on envoie ?
Agent Dragano : Comment ça ?
PdI-3141 : Nan, rien, laissez tomber.
L’agent Dragano se racle la gorge.
Agent Dragano : Je suis mandaté par une organisation internationale et indépendante dont les objectifs primaires sont de sécuriser, contenir et protéger tout ce qui pourrait nuire à la vie de tous les jours des citoyens de notre bonne vieille planète.
PdI-3141 : Vous insinuez qu’il y a de la vie en dehors de la Terre.
PdI-3141 ouvre de grands yeux. Après une analyse de l’enregistrement, il s’avère qu’il arbore également un petit rictus presque imperceptible.
Agent Dragano : J’insinue qu’il en existe par-delà les limites de votre imagination.
PdI-3141 : Et vous venez à cause de mon petit "bricolage" ?
Agent Dragano : Je viens à propos de l’incident de juin de cette année.
PdI-3141 : Qu’en savez-vous ? Développez.
Agent Dragano : Vous n’êtes pas sans savoir qu’un virus informatique a bloqué toutes les transactions bancaires de la région entre 9 h 17 et 9 h 26 à la date du 26 ?
PdI-3141 : Ça me dit quelque chose, effectivement.
Agent Dragano : Ce que vous ignorez certainement c’est que ce virus particulièrement retors se transmettait également via les cerveaux humains.
PdI-3141 : Vous m’en direz tant. Par les cerveaux humains…
Agent Dragano : Notre organisation a eu affaire à bien pire, heureusement. Nous avons bien étudié son fonctionnement et nous sommes remontés jusqu’à vous. Vos travaux prédictifs sur l’évolution des technologies sont tout bonnement fascinants.
PdI-3141 : N’allez pas me faire croire que vous les avez lus. Je sais que c’est faux.
L’Agent Dragano paraît décontenancé pendant une seconde puis reprend son air assuré comme si de rien n’était.
Agent Dragano : Bien entendu. Cependant, des personnes très hautes placées les ont, elles, bien lus et vous considèrent désormais comme une Personne d’Intérêt.
PdI-3141 : Et qu’est-ce que ça implique pour moi, exactement ?
Agent Dragano : Et bien soit vous rentrer dans la catégorie des nuisances pour la société et, dans ce cas-là, la suite ne vous plaira en rien. Soit…
L’Agent Dragano attend patiemment une réaction en vain.
Agent Dragano : … soit, nous avons un programme d’intégration pour les gens de votre acabit. Vous aurez l’occasion de travailler avec des personnes partageants vos particularités.
PdI-3141 : Je sortirais donc d’ici les mains liées, que je le veuille ou non…
Agent Dragano : Malheureusement, je n’ai rien de mieux à vous proposer.
PdI-3141 : [CENSURÉ]… Dans ce cas, J’accepte.
L’agent Dragano entre alors dans la pièce et PdI-3141 se lève précipitamment pour serrer la main à son agent recruteur.
Agent Dragano : Parfait alors. Bienvenue à la…
PdI-3141 : La Fondation SCP, oui, je sais.
<Fin d'Enregistrement>
« Partie 2 | Smith.exe Partie 3 »