Les informations connues aujourd’hui sur SCP-610-FR ont été découvertes en plusieurs temps :
- Au cours de l’année 1957, de nombreux signalements se sont accumulés depuis l’année précédente dans toute la Corse (littoraux exceptés) de dommages de propriétés en lien à des glissements de terrain. Cela a mené la Fondation à enquêter sur la propriété de M. Charles-Antoine Cesari, point de départ géographique et chronologique de ces phénomènes. Il a été mis à jour la présence sur cette propriété de fouilles archéologiques, et notamment la découverte de plusieurs vestiges de type statues-menhirs en 1956, peu avant le début des perturbations. Plusieurs agents de terrain ont été infiltrés à ce stade au sein de l’équipe de fouille, sans qu’un caractère anormal des statues puisse être mis à jour.
- Au premier trimestre 1970, une nouvelle série d’effondrements de terrain semblant suivre un schéma de dispersion linéaire par rapport à la première série amène à nouveau la Fondation à enquêter sur place. Il est découvert que cette deuxième série ne fait pas directement suite à de nouvelles excavations, la dernière découverte d’envergure étant datée de quatre ans auparavant. L’hypothèse d’un lien entre les statues-menhirs et l’attention qui leur est portée est rapidement émise avec la réputation grandissante de la propriété dans toute la Corse, maintenant connue comme "Site archéologique de Filitosa". Le site est en effet l’objet de nombreuses visites scolaires, et est cité cette année-là à plusieurs reprises dans la littérature locale. L’hypothèse est jugée suffisamment probable pour référencer à l'époque les statues-menhirs comme ensemble d'objets SCP-610-FR (maintenant référencées comme SCP-610-FR-α) et engager la construction du site-He-610-FR (maintenant Poste d'observation 610-FR) en Corse pour le confinement, leur déplacement hors de l’île étant jugé trop dangereux au vu de la méconnaissance autour de leurs propriétés anormales et leur influence présumée sur la géographie locale.
- En septembre de la même année, alors que le transfert est en cours sous couvert d’une nécessité de restauration, un convoi est attaqué par une troupe armée, repoussée de justesse. L’analyse a posteriori de la tactique et des armes employées par les agresseurs (armes à feu mais aussi explosifs, tous étant des modèles utilisés pendant la Seconde Guerre mondiale) a permis de désigner SCP-610-FR SCP-610-FR-α comme la cible principale de l’attaque. Durant l’attaque, un agresseur a pu être appréhendé mais n’a pas pu être interrogé, celui-ci s’effondrant dès sa capture. Les témoins de l’événement décrivent un discret flash bleuté dans les yeux de l’individu au moment de son effondrement. Un examen médical suivant la fin de l’attaque a permis de constater le décès de l’individu. Le rapprochement entre les agresseurs et la légende corse des mazzeri est fait par l’agent Fabbro, originaire de Corse, présent lors de l’attaque, grâce à la présence d’asphodèles rameux à la ceinture de l’individu. Les mazzeri sont alors dénommés SCP-610-FR-1 SCP-610-FR-2.
Mission 610-FR
Devant ces nouveaux éléments, il est décidé d’organiser une mission de recherche afin d’obtenir de plus amples informations sur ce groupe et leur lien aux statues. La première phase de la mission consiste à approcher et interroger une signadora, figure locale présente dans les villages, connue dans la croyance corse pour délivrer les gens de l'Ochju et avoir des liens avec d’autres figures du milieu occulte corse. Cette option fut proposée par l’agent Fabbro, choisi pour la mission, du fait de la présence d’une signadora dans son village natal. Le scénario de couverture établi pour la mission implique qu’il soit poursuivi par un individu correspondant à la description d'une entité SCP-610-FR-1 SCP-610-FR-2 et cherche un moyen de lui échapper. La divulgation d’éléments précis concernant l’attaque des statues et les agresseurs n’est pas autorisée.
Retranscription écrite de l’enregistrement de la rencontre entre l’agent Fabbro et la signadora Bartoli.
Date : 05/11/1970
[DÉBUT DE LA RETRANSCRIPTION]
Agent Fabbro : Bonsoir, signadora, je ne sais pas si vous vous souvenez de moi, je suis Paul Fabbro, j’ai grandi ici au village.
Signadora Bartoli : Paul ? Paul du vieux Jean ? je croyais que tu étais parti sur le continent.
Fabbro : C’est bien ça signadora, mais je suis de retour pour quelques temps, j’ai des affaires à régler. C’est le père Poli qui m’a dit où vous trouver, je suis allé le voir mais quand je lui ai expliqué ma situation, il m’a dit de venir vous consulter de sa part. J’ai besoin de vous signadora.
Signadora : Le père Poli tu dis ? Ah ! Avec celui-là, je pourrais jamais être tranquille ! Entre alors.
Fabbro : Merci signadora ! Ecoutez, j’ai besoin de vous pour…
Signadora [le coupe] : Eh ! Mange un morceau d’abord !
Fabbro : Je n’ai pas le temps, signadora, j’ai absolument besoin de vous pour…
Signadora [le coupe à nouveau] : Je t’invite chez moi et tu refuses l’hospitalité ? Ils t’ont volé ton éducation sur le continent ?
Fabbro : D’accord.
[COUPURE DE MONTAGE — BRUITS DU REPAS]
Signadora : Alors, dis-moi maintenant.
Fabbro : Merci signadora. Comme je vous disais, j’ai besoin de vous, je crois que quelqu’un ou quelque chose veut ma mort.
Signadora : Qu’est ce que tu as fait ? Tu as volé ? Tu as tué ?
Fabbro : Rien de tout ça, je n’ai rien fait du tout. Mais je suis poursuivi, il y a un homme en noir à mes trousses, il s’enfuit dès que je le vois, mais j’ai beau bouger, il revient toujours.
Signadora : Et qu’est-ce que tu veux que j’y fasse ? Ce qu’il te faut, c’est un policier, ou un psychiatre c’est selon. Il parait qu’il y en a un bien à Ajaccio maintenant.
Fabbro : Vous ne comprenez pas. Ce n’est pas un homme normal, et je ne suis pas fou. Il porte ces fleurs blanches, les mêmes qui poussent dans le maquis. Ça m’a rappelé les histoires de mon père quand j’étais gosse, et c’est pour ça que je suis venu vous voir.
Signadora : Des fleurs blanches ? U tallavellu ! C’est un mazzeru qui te poursuit ? Et c’est chez moi que tu viens ? Je t’ai offert le repas et tu apportes la mort sur ma maison ? Sors d’ici !
Fabbro : Signadora, ne me renvoyez pas ! Je ne peux pas fuir cet homme et je ne sais pas pourquoi il me suit, j’ai besoin de votre aide pour comprendre et pour que ça s’arrête. S’il vous plait, nous sommes tous les deux du village !
Signadora : Je te dis ce que je sais sur eux et tu t’en vas ! Si un mazzeru te poursuit, c’est que tu as dérangé les morts, et alors ça ne sert à rien de t’enfuir, il te retrouvera toujours. Ça n’est pas toi qu’il suit, c’est ton âme ! Si tu l’as offensé, tu dois aller le trouver et lui demander de te pardonner, ou te battre pour ta vie.
Fabbro : Et comment je le trouve ?
Signadora : Tu dois attendre la nouvelle année, il ne faut pas le chercher maintenant. Là les mazzeri sont en chasse, ils traquent les grammante, les pinnachji et tous les autres spectres de sortie, et pendant la chasse les mazzeri ne parlent pas. Une fois l’année commencée, tu n’as qu’à aller dans le maquis, et c’est lui qui te trouvera. A machja, ochji un ha ma ochji teni. Et prends de quoi partager un repas aussi, aucun corse, même un mazzeru, n’insulte l’hospitalité quand elle lui est proposée. Et maintenant va-t'en !
[FIN DE LA RETRANSCRIPTION]
La deuxième étape de la mission consiste en une expédition d’exploration au sein du maquis corse, afin d’approcher une entité SCP-610-FR-1 SCP-610-FR-2, pour pouvoir l’appréhender et l’interroger. Suivant les informations recueillies auparavant, la décision est prise de démarrer l’expédition le 15 janvier 1971. Celle-ci est programmée pour durer une semaine, comporte 4 agents dont l’agent Fabbro, chacun équipé de talkie-walkie, de matériel de bivouac et d’un armement standard. Devant l’absence de résultats de cette première expédition, une deuxième est décidée le mois suivant, qui ne donnera pas plus de résultats. Au 5ème jour de la troisième expédition, l’agent Fabbro fut porté disparu par les autres membres de l’équipe. Il ne fut retrouvé que quelques heures plus tard, déclarant avoir pu entrer en contact avec une entité SCP-610-FR-1 SCP-610-FR-2. La mission fut interrompue à ce stade, pour interrogatoire de l’agent Fabbro sur ces éléments.
Retranscription écrite de l'interview de debriefing de la rencontre entre l’agent Fabbro et l'entité SCP-610-FR-1 SCP-610-FR-2 Ange Santoni.
Date : 21/03/1971
[DÉBUT DE LA RETRANSCRIPTION]
Capitaine Euzèbe : Très bien, agent Fabbro, ça enregistre à partir de maintenant. Pouvez-vous me décrire votre rencontre avec l’individu dénommé Ange Santoni lors de la 3ème expédition d’exploration du maquis ?
Agent Fabbro : Oui Capitaine. On en était au 5ème jour d’expédition, début d’après-midi, 12h-13h environ. Pour ne rien vous cacher, après deux expéditions sans résultats, on commençait un peu à désespérer avec l’équipe et on ne savait pas où aller.
Capitaine : Continuez.
Fabbro : On venait de lever le camp pour repartir après la pause de midi, et c’est là qu’il s’est présenté devant nous, en sortant d’un fourré. Un autre l’accompagnait, mais il est resté en retrait et avait le visage encagoulé. Les deux étaient armés et me tenaient en joue.
Capitaine : Devant vous tous ? Vous êtes pourtant le seul à déclarer les avoir rencontrés.
Fabbro : Justement, c’est là que j’ai compris qu’il se passait quelque chose de pas naturel, les autres ont continué sans y faire attention. J’ai essayé de les alerter mais on aurait dit qu’ils ne m’entendaient plus non plus. C’est là que le premier des deux m’a dit que je pourrais crier toute la journée sans que ça n’y change rien.
Capitaine : Hum… Ça correspond aux témoignages des autres agents, ils ont tous déclaré vous avoir oublié et ne s’être rappelé votre existence que quelques kilomètres plus tard. Faudra que la division antimémétique se penche là-dessus. Et ensuite ?
Fabbro : C’est là qu’il s’est présenté. Il m’a tout de suite demandé pourquoi nous le cherchions, d’un ton assez froid.
Capitaine : Vous pouvez le décrire ? Est-ce qu’il avait des signes distinctifs ou particuliers ?
Fabbro : Il était plutôt grand, 1,80 m à peu près, de constitution athlétique, visage anguleux et cheveux noirs. Il était armé également, un fusil semi-automatique que les Allemands utilisaient pendant la guerre, un Walther je crois. Il avait aussi des fleurs à la ceinture, les mêmes qu’on avait observées pendant l’attaque du convoi. Mais le plus perturbant, c’était ses yeux…
Capitaine : C’est-à-dire ?
Fabbro : C’est dur à expliquer à quelqu’un qui n’était pas là, mais c’était dans son regard. C’est comme s’il regardait directement en moi, comme s’il voyait des choses que même moi je saurais pas. L’autre me faisait la même impression.
Capitaine : D’autres effets ou impressions ? Des choses dans votre esprit par exemple ?
Fabbro : Non juste cette impression quand je voyais leurs yeux. Ensuite il a baissé son arme et s’est assis, il m’a invité à faire de même. L’autre était toujours de côté, debout et la main sur son arme, tout le long que ça a duré. Comme je pouvais pas m’enfuir, je me suis dit que j’allais obtempérer pour essayer de récolter des informations, le temps de trouver une solution.
Capitaine : Bon réflexe. Que vous a-t-il dit du coup ?
Fabbro : Il a commencé par me demander pourquoi on les cherchait. J’ai commencé par nier, en lui disant qu’on était de simples chasseurs en sortie, mais il m’a parlé des deux premières expéditions, il savait qu’on était à leur recherche.
Capitaine : Comment il le savait ? La vieille a pas pu communiquer, on l’a faite surveiller 24h/24.
Fabbro : Je pense pas non plus, la signadora n’aurait jamais trahi quelqu’un du village. Il m’a parlé de l’esprit du maquis, que rien de ce qu’il s’y passait ne lui échappait, en montrant le sol. Puis il m’a parlé des statues de Filitosa.
Capitaine : Alors il vous avait vraiment identifié… rassurez-moi, vous ne lui avez pas dévoilé la destination du convoi ?
Fabbro : Non ! Jamais je n’aurais fait ça. Il voulait négocier en fait, pas avec moi, mais avec vous, enfin avec mes supérieurs. Apparemment en déterrant les statues, on aurait pas mal chamboulé leur fameux esprit dont je vous parlais, et ils craignent qu’on fasse plus de dégâts en continuant à les étudier.
Capitaine : Et qu’est ce qu’ils proposent en échange ?
Fabbro : Qu’on n’entende plus jamais parler d’eux, qu’ils ne lanceraient plus aucune attaque contre un site habité.
Capitaine : Et puis quoi encore ? Ces individus sont de toute évidence des anormaux, s’ils croient qu’on va gentiment les laisser traficoter je-ne-sais-quoi avec les statues dans leur coin, ils ne savent pas sur qui ils sont tombés !
Fabbro : Il m’a aussi demandé de transmettre qu’en cas de refus, son groupe prendrait ça comme une déclaration de guerre, et qu’il y avait assez d’anciennes caches d’armes dans le maquis pour qu’on entende parler d’eux longtemps.
Capitaine : Des menaces maintenant ! Comme si quelques maquisards pouvaient tenir tête à la Fondation ! Et comment on est censés leur communiquer notre réponse ?
Fabbro : Ils m’ont dit de revenir au même endroit, pour la "Mandrache", le 31 juillet prochain. Qu’ils voulaient que ce soit moi, et que ça ne servait à rien de venir accompagné car personne d’autre que moi ne les verrait de nouveau. Ils m’ont aussi assuré que je repartirai vivant quelle que soit notre réponse.
Capitaine : D’autres éléments qu’on n’aurait pas abordés ?
Fabbro : Non, capitaine.
Capitaine : Très bien, Fabbro, merci pour ces informations, vous pouvez disposer.
[FIN DE LA RETRANSCRIPTION]
Un examen médical approfondi de l’agent Fabbro a permis d’éliminer toute suspicion de contamination anormale ou influence mémétique.
L’organisation d’une nouvelle mission, incluant l’agent Fabbro, fut autorisée. L’objectif défini de la mission consistait en la neutralisation de la base de l’ennemi, la capture du maximum d’entités SCP-610-FR-1 SCP-610-FR-2, ainsi que la récupération de tout objet anormal repéré.