INTERROGATOIRE DE SCP-600-FR-1 No1
Date : 13/09/2007
Interrogateur : Dr Olpergo
Interrogé : SCP-600-FR-1
Avant-propos : Interrogatoire mené juste après la capture de l'entité
[DÉBUT DE LA RETRANSCRIPTION]
Dr Olpergo : Bonjour, SCP-600-FR-1.
SCP-600-FR-1 : Curieux nom que vous m'attribuez. J'imagine que le vôtre s'avère tout aussi fantasque ?
Dr Olpergo : Vous pouvez m'appeler "docteur", puisque tel est mon rôle.
SCP-600-FR-1 : Quel manque d'imagination.
Dr Olpergo : Je pourrais en dire autant de vous : ce titre de "Héraute", que vous ne cessez de vous attribuer depuis votre confinement, n'est-il pas du même acabit ?
SCP-600-FR-1 : Touchée. Ce sera donc l'Héraute contre le "docteur".
Dr Olpergo : Ce sera SCP-600-FR-1 contre le "docteur".
SCP-600-FR-1 : Très bien. J'imagine que la suite de cet entretien consistera en un banal échange de questions hermétiques et de réponses rétives ?
Dr Olpergo : Tout dépendra de votre coopération.
SCP-600-FR-1 : Alors je vais vous faciliter la tâche afin d'en terminer au plus vite avec ces présentations.
Dr Olpergo : Parfait, merci pour votre coopération. Nos premières informations indiquent que vous seriez Caroline Huette, cadre supérieure dans un cabinet de comptabilité, célibataire et sans croyance religieuse particulière : êtes-vous en mesure de les confirmer ?
SCP-600-FR-1 : Je l'étais.
Dr Olpergo : Développez, je vous prie.
SCP-600-FR-1 : Je l'étais, et ne le suis dorénavant plus. Désormais, je suis l'Héraute.
Dr Olpergo : Je vois. Une réponse succincte. Vous aviez dit que vous vous montreriez plus coopérative.
SCP-600-FR-1 : Vous comprendriez si vous vous rappeliez de votre don, si vous vous efforciez de laisser de côté votre science si terre-à-terre et embrassiez votre véritable nature. Alors vous me considéreriez comme Son Héraute.
Dr Olpergo : "Mon" don ?
SCP-600-FR-1 : Notre don, à tous. Je ne vous le transmets pas par mes discours un brin exaltés, par mes démonstrations détonantes ou par une quelconque magie des mots, non. Je vous le rappelle. Je vous remémore ce talent si merveilleux, si émancipateur, offert il y a bien longtemps en gage de reconnaissance. Ce talent que nous oubliâmes par erreur, ce jour où nous désapprîmes tout pour nous libérer. Mais ce don nous resta : il nous est inhérent, inséparable, intrinsèque. Nous sommes parce que nous le possédons, même si nous ne l'utilisons pas.
Dr Olpergo : Vu le nombre d'accidents et de décès que vous avez provoqués, j'en doute.
SCP-600-FR-1 : Notre don s'apprend et se maîtrise. Des millénaires sans pratique peuvent mener à quelques tristes expériences. Moi-même à mes débuts, je peinais à tenir plus de quelques secondes. Mais voyez comment vos agents trimèrent afin de me capturer. Je ne suis pour autant pas particulièrement athlète et je manque encore d'entraînement. Ces personnes que je convainquis en sont tout autant capables. Vous en êtes capable, docteur.
Dr Olpergo : J'en doute.
SCP-600-FR-1 : Vous vous mentez. Vous vîtes vous-même certaines personnes y arriver : ne niez pas, je vous remarquai alors que vos agents tentaient de m'attraper. Vous me jalousâtes un bref instant avant que votre froide et inexacte science ne reprît le dessus.
Dr Olpergo : Non.
SCP-600-FR-1 : Si, docteur. Comme vous, je jalousais toutes les personnes en étant capables par des moyens détournés et vulgaires, avantagées par leur fortune ou leur situation. C'est le plus vieux rêve de l'Homme, docteur, le plus vieux parce que nous oubliâmes que nous en étions tous capables naturellement. Essayez, docteur, essayez. Maintenant que vous le savez, vous pouvez y parvenir, même par erreur. Et vous verrez que l'Héraute a raison.
Dr Olpergo : …
SCP-600-FR-1 : Je sens déjà la curiosité attaquer votre foi aveugle en cette science si incomplète. Je ne suis pas une crédule fanatique prête à défendre des idéaux rapidement dépassés par les événements. Je suis une femme de raison, docteur, je me base sur des faits, des faits cohérents entre eux : ce qui me fut révélé lors d'un sommeil agité, je l'appliquai en premier lieu par curiosité, avant de corréler mes hypothèses et observations pour en arriver à une conclusion sans appel. Vous devriez faire de même, "docteur".
Dr Olpergo : Qui vous l'a révélé ?
SCP-600-FR-1 : Celle dont je suis l'Héraute.
Dr Olpergo : Qui est-ce ?
SCP-600-FR-1 : Un être divin, qui nous guida dans la terrible guerre contre ceux qui ne le vénéraient pas. Nos ancêtres les écrasèrent, et ces sceptiques disparurent de l'Histoire, se raréfiant et tombant dans la consanguinité avant de s'éteindre. Notre Déesse se nourrit de leurs cadavres, effaçant leurs dernières traces, puis nous récompensa de ce don qui lui était réservé, à Elle et aux êtres qu'Elle contrôlait, avant de tomber repue dans un profond sommeil.
Dr Olpergo : …
SCP-600-FR-1 : Mais la Reine de la Nuit s'éveille enfin. Sa si longue léthargie arrive à son terme. Mais, les paupières encore closes, elle fut consternée de constater que nous nous encombrions de volumineux et contraignants appareils, afin d'à peine répliquer ce don qui nous est inné. Elle me désigna alors pour vous le rappeler, et ainsi préparer son retour.
Dr Olpergo : …
SCP-600-FR-1 : Quelle est votre décision, docteur ?
Dr Olpergo : …
SCP-600-FR-1 : Préféreriez-vous refuser notre don et vivre dans le regret, ou m'aiderez-vous à le partager aux autres, afin que chacun puisse se saisir de cette divine gratification et goûter à ses plaisirs ?
Dr Olpergo : Je pense…
SCP-600-FR-1 : Pensez bien.
Dr Olpergo : Je pense que ce don, cette aptitude si particulière, dénote du modèle scientifique admis. Je ne peux permettre à l'Homme de l'utiliser, même s'il est inné. Il s'agit d'une anomalie, et je confine les anomalies.
SCP-600-FR-1 : Vous préférez donc nier.
Dr Olpergo : Je préfère confiner, SCP-600-FR-1. Par protocole, je vais vous expliquer ce qui va se passer : je vais immédiatement contacter le Département d'Essophysique et leur confier le devenir de SCP-600-FR-2. Les spécialistes forceront cette aptitude à devenir un véritable rêve.
SCP-600-FR-1 : Comment…
Dr Olpergo : Oui ?
SCP-600-FR-1 : Comment osez-vous ?
Dr Olpergo : Pour le bien de la Normalité, SCP-600-FR-1, la Fondation ose tout.
SCP-600-FR-1 : Vous ne pouvez refuser ce don !
Dr Olpergo : Nous le renions même.
SCP-600-FR-1 : Vous faites preuve d'un tel égoïsme afin de protéger votre Normalité. Que diront les autres lorsqu'ils apprendront que vous rabaissâtes volontairement leur condition, limitant leurs facultés, pour vos propres intérêts ?
Dr Olpergo : Personne ne le saura jamais.
SCP-600-FR-1 : Alors le remords vous tuera. À jamais vous regretterez ce choix déraisonné.
Dr Olpergo : J'oublierai. Et je vous ferai taire pour que plus jamais vous ne nous le rappeliez.
SCP-600-FR-1 : Éliminer l'Héraute ne fera que L'irriter, Elle me vengera.
Dr Olpergo : Aux gardes présents à l'entrée de la cellule Bâillonnez-la. Rédigez le rapport, transmettez les instructions, puis nous prendrons tous des amnésiques.
[FIN DE LA RETRANSCRIPTION]
INTERROGATOIRE DE SCP-600-FR-1 No2
Date : 18/11/2007
Interrogateur : Dr Olpergo
Interrogé : SCP-600-FR-1
Avant-propos : Interrogatoire mené dès que SCP-600-FR-1 fut aperçu à proximité de SCP-600-FR-2. Son bâillon lui fut retiré pour l'occasion
[DÉBUT DE LA RETRANSCRIPTION]
Dr Olpergo : Bonjour, SCP-600-FR-1.
SCP-600-FR-1 : …
Dr Olpergo : Mes souvenirs sont encore flous étant donné ma récente prise de mnésiques, mais j'aurai mes notes afin de m'aider dans cet entretien. Comment allez-vous ?
SCP-600-FR-1 : …
Dr Olpergo : Sachez que nos chercheurs n'ont pas chômé. Nous avons fait marcher le réseau CORAIL et découvert nombre de choses… particulièrement prévisibles. Puis-je vous en faire un résumé ?
SCP-600-FR-1 : …
Dr Olpergo : Puisque vous n'y voyez pas d'objections, je me lance. Votre "Reine de la Nuit" apparaît véritablement exister, comme prévu : même si, malgré nos efforts, nous n'avons pu mettre la main sur une Vénus paléolithique la représentant, certaines peintures rupestres décrivent assez précisément les effets de SCP-600-FR-2. Datées d'environ 15 000 ans d'après les analyses. Une époque où l'Homme était presque le maître de la Terre avec ce don.
SCP-600-FR-1 : …
Dr Olpergo : Mais notre principal problème résidait plutôt dans cette fameuse date de l'amnésie collective. Les spécialistes se sont creusé la tête et certains ont même abandonné les recherches, mais nous avons fini par trouver !
SCP-600-FR-1 : …
Dr Olpergo : Savez-vous quand les copies commencent à dévier de l'original ? Lorsque l'original n'est plus justement. Alors il nous a suffi de remonter les mythes et légendes jusqu'à retomber sur des versions similaires. Nous sommes tombés sur une étrange figure, présente dans le monde entier et reflétée dans des cultures hétéroclites, une silhouette cachée au plus profond de l'iconographie de chaque empire antique ou civilisation moderne. Minerve, Mout, Ereshkigal… des reliquats de cette divinité ailée, des souvenirs de son emprise sur notre culture. À partir de là, la chronologie a aisément pu être rétablie. Voici un extrait du recueil photographique, afin de vous donner une idée :
SCP-600-FR-1 : …
Dr Olpergo : Impressionnant, non ? Toute l'Histoire de l'Homme, et même sa Préhistoire, est truffée de ce genre de références. Depuis des milliers d'années, les humains vivent dans l'ombre de cette divinité, dans le regret oublié de son don.
SCP-600-FR-1 : …
Dr Olpergo : Et vous savez quoi ? Nous nous en sortons très bien comme ça, malgré tout. Mieux : sans ce genre d'anomalie, nous avons pu établir un modèle stable sur lequel progresser, cohérent et logique. Le modèle scientifique, SCP-600-FR-1, n'a pas de place pour notre don. Et même si je le regrette sincèrement, car devenu un rêve à part entière, je suis en mesure de l'oublier.
SCP-600-FR-1 : …
Dr Olpergo : Mais je ne suis pas venu pour ça, n'est-ce pas ? Je distingue votre sourire naissant sur votre visage. Je ne suis pas venu étaler devant vos yeux le résultat de nos recherches. Je suis venu pour quelque chose de bien plus grave.
SCP-600-FR-1 : …
Dr Olpergo : J'ai lu un autre dossier que celui du réseau CORAIL. Le voici : "Enquête permanente sur les accidents de la vie courante". Émis par l'Institut de Veille Sanitaire, rien à voir avec la Fondation SCP. Qu'est-ce que je remarque ? Une augmentation plutôt inquiétante des chutes. De simples statistiques et interrogatoires nous ont permis de remarquer que cet accroissement reposait en grande partie sur des plongeons volontaires. Et même que ces victimes particulières avaient pour la plupart récemment rêvé de SCP-600-FR-2. Par un quelconque pouvoir que vous a octroyé votre divinité, vous réussissez dorénavant à vous déplacer librement dans l'espace onirique. C'est fascinant.
SCP-600-FR-1 : …
Dr Olpergo : Une vaine tentative n'ayant provoqué que plus de victimes. D'autant plus vaine que, même en leur révélant ce don oublié, elles n'auraient pu l'exploiter. Il leur est inaccessible dorénavant, le comprenez-vous ?
SCP-600-FR-1 : …
Dr Olpergo : Bien sûr que vous l'avez compris. C'est pourquoi vous avez cherché à nous rendre notre don.
SCP-600-FR-1 : …
Dr Olpergo : Ne niez pas. Nos agents vous ont aperçue à proximité de SCP-600-FR-2. Courageux de votre part, mais inconscient : seule, vous ne pouvez réussir à passer le cordon de sécurité établi par nos agents. Vous risquez même d'être blessée, et aucun de nous deux ne souhaite vous voir périr. Restez à l'écart de SCP-600-FR-2, pour le bien de tous.
SCP-600-FR-1 : …
Dr Olpergo : Cependant, nous ne pouvons pas prendre de risques. Il suffirait d'un manquement de nos agents pour que vous réussissiez sur une plus grande échelle. Et même si notre Département de Censure et de Désinformation fait des miracles, je doute que camoufler l'entièreté des personnes usant de SCP-600-FR-2 soit dans leurs cordes, voire même possible selon moi. À moins d'obliger les gens à fixer le sol.
SCP-600-FR-1 : …
Dr Olpergo : C'est pourquoi nous allons modifier nos Procédures de Confinement Spéciales. Le meilleur moyen de vous empêcher de rêver reste encore de vous empêcher de dormir.
SCP-600-FR-1 : …
Dr Olpergo : Avez-vous quelque chose à ajouter ? Profitez-en, vous n'avez pas votre bâillon.
SCP-600-FR-1 : …
Dr Olpergo : Rien ?
SCP-600-FR-1 : …
Dr Olpergo : Très bien, je—
SCP-600-FR-1 : Elle…
Dr Olpergo : Oui ?
SCP-600-FR-1 : Elle se réveillera peu à peu. La Reine de la Nuit vous enverra un autre émissaire.
Dr Olpergo : Que nous confinerons et oublierons aussi. Pour que l'Homme ne puisse plus jamais voler à nouveau, la Fondation est prête à empêcher plus d'une personne de rêver.
SCP-600-FR-1 : …
Dr Olpergo : Je laisse l'équipe médicale se charger de la suite. J'espère que nos chemins ne se croiseront pas à nouveau, SCP-600-FR-1. Adieu.
Le Dr Olpergo sort.
SCP-600-FR-1 se met à pleurer.
[FIN DE LA RETRANSCRIPTION]