Objet no : SCP-589-FR
Niveau de Menace : Jaune ●
Classe : Euclide
Procédures de Confinement Spéciales : SCP-589-FR doit être conservé dans une salle de sécurité blindée. Cette salle doit rester sous surveillance vidéo constante, en vertu des protocoles standards appliqués aux anomalies trans-dimensionnelles.
Tout déclenchement non provoqué de l’anomalie doit être considéré comme acte hostile à l’humanité et déclencher une évacuation du site en plus d’une réponse armée.
Description : SCP-589-FR désigne un ensemble constitué de cinq candélabres de la ville de Paris datés du début XXe, reliés entre eux par un amas de pavés fondu. Le socle fondu est parsemé de sillons d’un ou deux centimètres reliant les candélabres entre eux, s'entremêlant pour former plusieurs symboles oppidiques1.
Des résidus de craie et de sang humain carbonisés ont été retrouvés dans ces sillons, sous entendant une création humaine, bien que ceux-ci soient aujourd’hui gravés dans la pierre. La traçabilité de cette anomalie est sujette à débat, mais elle faisait partie des artefacts perquisitionnés aux Archives Noires par le SKP sous le régime de Vichy avant de revenir aux Archives Noires, avant don à la Fondation en vertu des accords de 1973 sur la privatisation partielle du stockage anormal par l’État français.
L’anomalie se déclenche lors de l'allumage des candélabres. Les flammes augmentent alors grandement, jusqu’à atteindre le barycentre des cinq. Rapidement, une porte de bois rouge aux gonds d’acier trempé incandescent apparait parmi les flammes. Cette porte, bien que sans serrure, était initialement fermée jusqu’à l’ouverture en force de la Fondation en 1983.
Cette porte débouche sur une bulle-univers labyrinthique en spirale2 à sous-réalité, désigné SCP-589-FR-A. Ce micro-univers est composé d’un immense3 champ de lampadaires et de candélabres, s’allumant à intervalle régulier. Le sol est entièrement recouvert de cadavres de papillons de nuit (plusieurs espèces confondues, majoritairement européennes) sur une hauteur de presque 30 cm, avant de tomber sur de la roche dure. Cet espace est théorisé comme une extension du ███████████████████ et possède donc des règles de fonctionnement a priori analogue à ████████████████████████████████████.
Les candélabres s’allument selon un cycle jour/nuit analogue à celui de notre monde (suivant le fuseau horaire GMT+1), en dépit de l'absence de soleil dans ce monde. Les candélabres exploitent les rejets de méthane des cadavres au sol pour s’alimenter, par un moyen encore assez mal compris. Les zones de clairière non couverte par les lampadaires sont pour la plupart irrespirables, sous entendant également un rôle de filtration.
Population de SCP-589-FR-A
SCP-589-FR-A est habité par une grande population de papillons de nuit. On y dénombre de très nombreuses espèces (2521 formellement identifiées), majoritairement correspondantes à l’écosystème français, ainsi que plusieurs espèces exotiques. La plupart des papillons errent près des lampadaires jusqu’à leur mort, en général causée par une non alimentation. L’origine de cette population est inconnue, la dimension de poche étant impropre à leur survie par défaut d’alimentation.
Toutes les espèces de papillons présentes dans SCP-589-FR-A correspondent à des espèces terrestres identifiées, à l'exception d’une seule, qui semble elle viable dans cet environnement. Celle-ci, désignée comme SCP-589-FR-B0, est proche des Miletinae et se présente comme un grand papillon brun à taches blanches. L’espèce semble atteinte d’un défaut de développement ne limitant pas la croissance des individus. La taille des spécimens adultes varie donc grandement, allant d’une envergure de 12 cm à 2,3 m. L’espèce semble pouvoir vivre une cinquantaine d'années en se nourrissant des cadavres de papillons au sol, avant de mourir de faim une fois devenue trop grande pour subvenir à ses propres besoins. Bien qu’étant majoritairement détritivore, il semblerait que les instances de SCP-589-FR-B0 soient également capables de prédation et se montrent hostile envers l’homme. Leur trompe est entourée de deux mandibules capables de déchirer la chair, alors que la trompe elle-même sert à déployer un autre organe spécifique, attaché à elle. Celui-ci, nommé appendice parasapiens, est composé d’un morceau de système nerveux déployable, capable de se greffer sur un système nerveux externe et de le parasiter. Cet organe est parfois utilisé pour prendre le contrôle d’autres individus (souvent d’autres instances de SCP-589-FR-B0) blessés.
La cible perd alors progressivement ses capacités motrices et ses facultés mentales au profit de l’instance qui le parasite. Généralement, SCP-589-FR-B0 va simplement utiliser l’individu infecté comme "annexe" de lui même, de façon à économiser de l’énergie en lui faisant accomplir différentes tâches de base en restant accroché à celui-ci à la manière d’une tique. Cet effet à déjà été observé sur les mammifères, en particulier l’homme.
Deux sous-espèces de SCP-589-FR-B0 ont également été identifiées parmi les cadavres de papillons au sol, bien qu’estimées éteintes.
SCP-589-FR-B1 possède, en dépit de nombreux points communs avec SCP-589-FR-B0, plusieurs variations anatomiques anormales. La plupart des cadavres retrouvés ont une longueur d’un à deux mètres, possèdent un début de squelette en cartilage et une proto colonne vertébrale en plus du squelette externe propre aux insectes. On note aussi plusieurs appendices préhensiles à l'extrémité des pattes, à la manière de mains rudimentaires. Plusieurs cadavres complets issus de l’incident de "la marche des diables blancs" sont encore détenus par les Archives Noires même si la plupart des instances retrouvées le furent directement dans SCP-589-FR-A.
SCP-589-FR-B2 est un individu unique, dont le corps a été également été retrouvé sans vie dans SCP-589-FR-A. Il s’agit d’un individu gigantesque (3,87 m) aux ailes atrophiées retrouvé transpercé de plusieurs sabres et décapité. Celui-ci possède les mêmes caractéristiques anormales que SCP-589-FR-B, ainsi qu’une hypertrophie des organes génitaux (féminins). Cette variation anatomique peut faire penser au système reproductif de certains insectes avec une "reine pondeuse", mais ce n’est pas le cas des papillons.
Il est d’ailleurs à noter que les individus de SCP-589-FR-B0 sont normalement sexués et parfaitement capables de reproduction ; le doute existe cependant pour SCP-589-FR-B1, faute de spécimens vivants.
Traces d'activité humaine :
La porte menant à SCP-589-FR-A était verrouillée de l’intérieur à la récupération de l’artefact par la Fondation. La décision de forcer la porte fut donnée le 30/01/1982 à 10h30.
La porte montra rapidement un jeu qui permit son ouverture. Rapidement, la salle de stockage de SCP-589-FR fut envahie par un flot de restes de papillons, manquant d’étouffer l’équipe d’assaut. Après nettoyage, l'équipe a pu pénétrer dans SCP-589-FR-A pour la première fois.
La porte a été retrouvée ensevelie sous une montagne de cadavres de papillons, de SCP-589-FR-B0 et B1. La porte était également originellement bloquée par un drapeau français raccordant les deux battants entre eux via un nœud entre les deux poignées.4
Un campement sommaire abandonné a également été retrouvé aux environs de la porte. Des tentes ont visiblement été réalisées à partir de peaux de chevaux et de lampadaires brisés; On trouve également quelques équipements rudimentaires, à base d’os et de carapaces de SCP-589-FR-B0. Les corps de 82 hommes (probablement de l’escadron Robert-Houdin) ont également été retrouvés carbonisés à proximité du campement. Les corps semblent avoir été disposés en rang, à la manière de l’organisation d’un cimetière. Un corps humain fut également retrouvé carbonisé près de SCP-589-FR-B2. Celui-ci porte également de nombreuses traces de dégâts post mortem.
Addendum 1 : Document confisqué à MC&D
FR84P/PS176/921AA | |
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Statut | Vendu |
Demande | Moyenne |
Valeur | 20 000 francs, possibilité de vente "à la pièce" |
Disponibilité | Unique |
Identifiant | Louis-Auguste de France |
Description | Dépouille du dernier roi de France consacré. Présente de nombreuses traces de scarification rituelle, issue de la tentative de ████████████████████████, dernier intendant du Fond de Versailles de sauver le roi de la guillotine, puis de ████████████████████████████████████████████████ de ramener le suzerain à la vie.5 |
Marshall, Carter and Dark, Ltd. |
Rapport Initial | |||
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Auteur | William T. Tomslow | Date | 12/12/1856 |
Intérêt | Moyen | Identifiant | Louis-Auguste de France |
Article acheté à Andrée de Saint-Juste, courtière à Paris, conservé dans un tonneau de formol. L’article présente un intérêt pour de nombreux nécromants de part l’étude de ses scarifications, mais également quelques cellules absolutistes.6. Le corps étant dans un état de conservation passable, une vente rapide et définitive est sans doute le mieux : la peau peut être tannée pour être vendue au détail au besoin, Possibilité de mise aux enchères, en gros ou au détail. |
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Dossier ouvert sous : | FR84P/PS176/921AA | ||
Marshall, Carter and Dark, Ltd. |
Informations de Suivi | |||
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FR84P/PS176/921AA | |||
Propriétaire | Date | Commentaires | |
Patrice Petiot, fossoyeur au cimetière de la Madelaine | 21 janvier 1793 | Échange le corps avec celui d’un badeau. | |
Hubert Legrand, homme de spectacle | 1 février 1793 | Achat de l’article pour son cabinet de curiosité | |
Julius Montartre, ancien agent du fond de Versaille | 14 avril 1801 | Récupération de l’article lors de la mise aux enchères du cabinet de curiosité d’Hubert Legrand après la mort de ce dernier. | |
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Andrée de Saint-Juste, courtière | 25 juillet 1888 | Récupération de l’article pour mise en vente. L’article est généralement loué "à la consultation" par plusieurs nécromants français. | |
Marshall, Carter and Dark, Ltd. | 10 février 1933 | Achat de l’article à but spéculatif. | |
Jean-Eliot de Tricot, grand maître de la loge du Monarque | 02 mars 1933 | Achat de l’article en un seul morceau pour la somme de 20000 francs. | |
Marshall, Carter and Dark, Ltd. |
Addendum 2 : Chant royaliste, hymne de la loge absolutiste du Monarque
Bien sûr nous étions dévastés
Mais les fidèles sont restés
Le roi est mort vive le roi,
Pour la France et pour la croixQuand ils ont voulu l'enterrer,
Dans une fosse, dans un charnier,
Ils n’ont pas parié un denier
Que les rois un jour reviendraientMais il faut croire que même les papillons
Ont plus de goût que ces couillons
Car le cimetière en fut fleuri,
La reine ailée lui a souriLes graines du retour seront semées
La reine ailée a son aimé
En sein d’un terreau couronné
Reviendra le sang bleu rayonnerSes fils marcheront sur la terre,
Celle du royaume de naguère
C’est quand son peuple l'appellera
Que naîtront les fils du roi !Les sans culottes étaient sans honneur,
Sans dignité et sans fierté
Mais un jour un retour vengeur,
Étouffera la gueuse sans puretéCeux qui reconnaîtront leur erreur,
Ceux là peut être seront épargnés
Mais pour les autres le malheur
Ceux-là, ils se feront saignerAlors chante fort et marche droit,
La reine ailée enfantera.
Alors la nation renaîtra
La France qu’on aime, celle du roi.
Addendum 3 : résumé des évènements de la "marche des diables blancs"
Le 6 février 1934 au soir se déroule une grande manifestation antiparlementaire à Paris, à l'initiative des grandes ligues d’extrême droite françaises en protestation du limogeage du préfet de police Jean Chiappe à la suite de l'affaire Stavisky. On note la participation entre autres de l’Action Française et des Camelots du roi, du parti francisme, de la Ligue des patriotes, des croix de feu, Solidarité française. La gestion de la manifestation est déléguée à la préfecture de Paris et supervisée par Édouard Daladier en personne. Au dernier moment, Lucien Desmartres, maréchal des logiques à la Gendastrerie, est intégré en urgence à la cellule de crise face à une suspicion d’action des loges absolutistes.
Rapidement, une émeute éclate place de la Concorde et au niveau du pont de Solférino, mobilisant la quasi totalité des forces de la garde républicaine pour protéger le Palais Bourbon. Des tirs éclatent, et la marche tourne rapidement au combat de rue. On dénombre plusieurs blessés par balle alors qu’il est fait état à l’état major d’un groupe dissident, convergeant non pas vers le Palais Bourbon mais vers celui du Luxembourg. Une troupe de la garde mobile est envoyée en renfort pour stopper ce second groupe.
à 20h03, un messager revient rapidement faire état de la présence de plusieurs loges absolutistes dans ce second cortège : on y a entendu l’hymne de la loge du Monarque, vu plusieurs étendards de la ligue du droit homme et de la loge de Prusse. Lucien Desmartres averti immédiatement la cellule du danger, mais dans le chaos ambiant, peu de troupe sont encore déployables pour ce second cortège. Un bataillon de la garde républicaine est envoyé sur place avec l’ordre de charge pour dispersion séante faute de mieux, les troupes de gendastres sont mises sous alerte avec pour ordre de rejoindre le bataillon républicain sur le boulevard Saint Germain.
Une demi-heure plus tard (20h37), on rapporte l'anéantissement du contingent de la garde. Les quelques gendarmes survivants font état de créatures ailées grosses comme des diablotins envahissant le boulevard, s’attaquant à vue à tout individu blessés. Il est fait état de nombreuses pertes, aussi bien civile que militaire, mais pas de la dispersion de la foule. Il est rapporté que "les diables"7 se fixent sur les blessés, les morts à la manière d’une tique, avant de les forcer à se jeter sur les barricades à la manière de pantins désarticulés. L’ensemble des troupes parisiennes de la Gendastrerie sont mobilisées et envoyées sur le "front Saint Germain".
La situation dégénère avant l'arrivée des troupes, et lorsque les bataillons arrivent sur place, le Palais du Luxembourg est déjà encerclé d’une foule lobotomisée : les portes ont tout de même l’air de tenir. Les troupes se contentent de limiter l'avancée de la foule et d'abattre les "diables" tentant de s’échapper du périmètre. Plusieurs charges sont tentées en vain, occasionnant plus de pertes côté force de l’ordre que manifestant.
Dans les deux heures qui suivirent, les gendastres ne purent que céder du terrain face des vagues ininterrompues de ces diables. La manifestation avoisinante empêche le déploiement d'armement lourd ou de gaz tout en gênant l'approvisionnement des troupes de barrage. Le nombre de manifestants infectés est estimé à 81 000 personnes. Le risque principal est la jonction de l'émeute du palais Bourbon et du groupe d’infecté : un rassemblement de ce type aurait des conséquences catastrophiques.
Faute là encore des manifestations, l’évacuation des alentours est rendue impossible. La manifestation des diables gagne encore du terrain, la situation est ingérable. Plusieurs tentatives d’assaut sont effectuées, sans succès. Aucune solution ne semble viable dans ce contexte ; les troupes de gendarmerie et de police régulières sont appelées en renfort, mais leur grande incompréhension des sujets occultes envenime la situation. À 22H00, la manifestation principale et la manifestation des diables ne sont plus séparées que de trois rues : le périmètre de défense a quadruplé de volume et devient incontrôlable, le palais de Luxembourg est injoignable depuis plus d’une heure. Le flot de diables ailées ne faiblit pas.
Le maréchal des logiques L. Desmartres propose l’abandon pur et simple du 5e et 6e arrondissement pour attaque thaumaturgique lourde, seule option envisageable à ce stade pour sauver la ville : la fusion des deux manifestations doublant possiblement le nombre d’infections.
Joseph Teyssèdre, commandant de l’escadron Robert-Houdin, demande alors la permission de lancer un dernier assaut avant d’abandonner le centre de la capitale. L. Desmartres refuse, mais cède finalement sous la pression d’Édouard Daladier.
La "charge de la dernière chance" est lancée à 22H20.
à 23H00, seuls quelques derniers diables isolées volent au-dessus du boulevard, passifs. Les manifestants parasités restent immobiles, ce qui permet de les récupérer et de neutraliser leur parasite. Ceux-ci, malgré des blessures graves, reprennent peu à peu leur esprit. Aucune trace de l’escadron Robert-Houdin.
Le 19/02/1934, l’assaut est donné dans les locaux de la loge du Monarque lors de la “nuit blanche”, signant la fin des dernières loges absolutismes.
Addendum 5 : Extrait de la conférence internationale du professeur G. ██████ au centre de formation de la Gendastrerie de Cergy
Il faut comprendre que l’incident des ligues absolutistes fut un traumatisme pour l’État Français, un triomphe doux-amer, le sacrement de son savoir faire en matière de gestion occulte, mais aussi sa chute.
De nombreux observateurs étrangers présents sur scène à l'époque avaient fui la capitale en prédisant la fin de Paris et de la République. Il faut bien comprendre que le danger était tel que plus d’un mois plus tard, l’ambassade américaine dut formellement démentir à son gouvernement la chute de Paris tant sa survie paraissait invraisemblable ; dans l’année, certains grands pontes mondiaux d’arcanisme et de thaumaturgie signèrent une tribune pour demander à l’État Français la confirmation de l'existence d’un Paris non éthéré. À l’éclatement de la guerre sept ans plus tard, l'existence d’un Paris non ravagé était encore contestée par une partie de l’état major allemand : à la prise de la ville, le SKP rapporta toutes les pièces du dossier dans leurs locaux à Berlin pour comprendre, en vain.
Ce qu’il advint et ce qui sauva Paris ce jour-là fut appelé "le miracle Français", mais ce miracle avait un nom : l’escadron Robert-Houdin de la Gendastrerie nationale. Il s’agissait d’un corps d’élite, 106 abjurants formés dès la naissance, des pupilles de la nation triés sur le volet : la fierté de la république.
Contrairement à ce que l’on a pu raconter, ils n’étaient au centre de nul prophétie, ils n’étaient pas non plus particulièrement bien équipé, la France ayant bel et bien respecté les traités de non armement anormaux de la grande guerre. Ils n’avaient qu’un sabre, un képi et un bâton ; et bien entendu, l’amour de la patrie et de la république. Tout ce qu’il avait, c’était un savoir-faire.
On oublie souvent que Paris possède la plus grande population de plieur de réalité d’Europe : la ville est un gruyère ou leurs nids ont toujours fleuris, il suffit de se rappeler de l’affaire des portes jaunes. Paris suinte de leur influence : la cour des miracles fut en un temps bien plus qu’un nom ; on oublie trop souvent les aberrations des catacombes, la saga des bus prédateurs, l’arbre des écorchés… Aujourd’hui, presque personne ne se souvient que Gambetta n’a jamais fuit la ville en ballon, mais que ce dernier fut affrété en urgence pour rattraper le pauvre homme.
Ce qu’il faut retenir, c’est que la France et sa capitale ont toujours vécu avec ce rythme un peu particulier, il a bien fallu comprendre, s’adapter pour survivre. Pour bien comprendre le "miracle français", il faut revenir à ce qu’est un plieur de réalité. C’est un monstre, une créature aberrante, un reflet de vie. Un plieur ne vit pas vraiment : pour ça, il faudrait qu’il ait conscience qu’il existe.
Un plieur de réalité est une créature qui manipule inconsciemment la réalité ambiante, qui vit de cela : pour certains spécialistes, ils sont même moins que ceci ; ils sont le déplacement qu’ils provoquent, ils sont un vent dans la réalité. Tout ça pour dire qu’un plieur n’existe que par les effets que l’on lui attribue, il se nourrit inconsciemment de notre vision de lui-même. Ce fait, théorisé assez récemment, est en réalité connu depuis le moyen âge en France. C’est le principe même de ce qu’on appelle là "démonologie Parisienne" : croire que c’est un démon pour créer un démon, qui avec un peu de chance, exaucera nos vœux. C’est là le savoir-faire français, et celui d’un bon abjurent. Croire sans voir, renier Saint Thomas. Si l’on ne croit en rien face à ces monstres, on ne craint rien : on ne pense pas, on exécute, on applique le protocole. On suit les ordres. La procédure n’est jamais idiote, puisqu'elle règle le problème. Et si l’abjurant est convaincu que la procédure marche, alors elle marchera, leur zèle générant le doute chez l'ennemi. Un plieur n’est que le reflet que l’on leur offre, et le portrait d’un plieur par un gendastre, c’est un problème réglable par l’application des ordres. Et les ordres ici, c’était de jouer du bâton.
Il est fort à parier qu’il ne s'agissait que d’un simple plieur manipulé par la loge du Monarque, un monstre à qui on fait miroiter sa propre puissance et à qui on à cassé le dos à coup de matraque. Imaginez, vous êtes en pleine conquête de Paris, vous avez écrasé toute résistance jusqu’à présent, et vous vous retrouvez avec un escadron de fous furieux qui vous charge à cheval, puis qui descendent pour vous éclater les dents à coup bâton ; imaginez la terreur d’un escadron entier persuadé de pouvoir vous tomber en vous cognant dessus, et qui le fait ; imaginez un instant, un seul instant, que par le doute, dans un moment de faiblesse, cela fonctionne. Alors c’est la fin, la preuve est faite, la procédure fonctionne. Voilà ce qu’il advint lors de l’incident : Le doute du monstre face au zèle républicain de nos hommes.
On retrouva sur la rue des trous comme des obus, Certains ont dû se persuader de porter tous les espoirs de la République au bout de leur matraque, au sens un peu trop littéral, on trouva des corps mutilés tranchés net, le sabre d’un gendastre tranchant le mal. Ce jour-là, l’escadron Robert-Houdin libéra Paris, sauva la France ; et plutôt que de se replier, ils chargèrent le centre du maelstrom et disparurent dans le brouillard, car une menace ne saurait être laissée en liberté, et le mal impuni. Ce qu’il advint de ceux-ci, personne ne le sut vraiment, mais à la levée du jour, la capitale était sauvée.
Ainsi disparut la fine fleur de la Gendastrerie française, dans une victoire au lourd tribut : on raconte qu’ils furent pleurés, regrettés, adulés, et tellement médaillés qu’on eut jamais de cercueil vide aussi lourd ; Mais trente an plus tard, leur prouesse n’étaient pas encore comprise en dehors de l'hexagone.
Addendum 6 : article de Jean Fernand, correspondant à New-York pour la presse française, 1958
Il me faut aujourd’hui vous raconter, cher lecteur, une histoire quelque peu singulière. Comme vous le savez, la fête nationale est toujours un moment de nostalgie pour l’expatrié qu’est votre serviteur, aussi avais-je pris la décision de sortir m’aérer. Je parcourais les rues de la ville, chantonnant des airs de ma jeunesse tout en profitant du temps clément de l’outre atlantique en cette saison. Sans faire attention, j’eu vite fait de passer à la marche militaire et au chant patriote et ce fut même bientôt avec fierté que j’entamais les notes de la Marseillaise : si je ne pouvais être en France, alors la France viendrait à moi ce jour de gloire bien arrivé. Machinalement, j’entamais le refrain lorsqu’une vielle femme m’agrippa la main, les yeux mouillés. Je cru un instant avoir dérangé et je me confondis d’excuses -patriote, mais gentlemen avant tout- mais elle m’encouragea au contraire à continuer. Intrigué, je me suis plié à son vœu. À peine eu-je entamé le second couplet qu’elle fondit en larme dans mes bras à ma plus grande surprise, m’implorant de continuer.
Je poursuivis alors sans m’arrêter, regardant des larmes de joie couler sur ses joues. la pauvre ne parlait pas un mot de français et pourtant, là voici plus patriote que nous tous ! Une fois le chant terminé, elle me remercia mille fois, d’avoir pu réentendre "la chanson des lampadaires".Je lui expliquais alors qu’il s’agissait de l’hymne français, mais elle ne voulut rien entendre. "La chanson des lampadaires" me répéta-t-elle comme un mantra.
Elle m'expliqua qu’issue d’une famille pauvre de Pennsylvanie, son rêve avait toujours été de voir Paris. À force d’économie, son époux -décédé l’an dernier, m’avertit-elle-, avait réussi à l’y emmener avant la guerre, en 1937. Alors que le fascisme fondait sur l’Europe, son cœur était en fête, tel est le pouvoir de la capitale aux lumières. Elle me décrit la ville avec une telle ardeur, un tel amour que j’eu à mon tour la larme à l'œil. Elle me parla du Louvre, de Notre Dame, de la Seine, des restaurants des faubourgs, des ballades en amoureux dans les parcs, dans les avenues, des amours volant jusqu’au levé du jour, de ces moments de complicités que l’on ne vit que là-bas. La vie, la passion et l’amour à pleine dent, jusqu'au bout, jusqu’à s’écrouler sur un banc dans les bras d’un amant, et d’écouter les candélabres chanter.
Elle me soutint mordicus que la Marseillaise lui fut chantée en 1937 par un lampadaire de la capitale, alors que son mari lui passait la bague au doigt, que le chant commença au premier numéro de l’avenue pour s’arrêter à leur niveau au deuxième couplet, avant de continuer sa descente sur les quais de Seine.
La veuve nostalgique ne me laissa repartir qu’à la condition de revenir lui chanter cette chanson, "la leur" plus tard, faveur que je ne puis lui refuser ; mais ami compatriote, sache le : toi qui cherche les paroles à chaque défilé, quelque part, un lampadaire lui n’hésite vraisemblablement pas ; et sache que sur ces notes, à l’autre bout du monde, on n'y fit pas que la guerre.