SCP-586-FR

Objet no : SCP-586-FR

Niveau de Menace : Jaune

Classe : Neutralisé

Procédures de Confinement Spéciales : Du fait de l'état de dégradation avancé du site, la vérification annuelle de l'ancienne mine de l'Epette (Quaregnon, province de Hainaut, Belgique) doit être effectuée par au moins deux agents de terrain spécialistes des missions d'exploration urbaine. Des mesures de taux de réalité doivent être prises sur le territoire de l'ancienne mine, et tout élément anormal doit être dûment rapporté à l'antenne bruxelloise de la Fondation SCP.


sallependu

Photographie de la salle du rituel thaumaturgique de SCP-586-FR, charbonnage de l'Epette, Société Anonyme du Rieu du Cœur et de la Boule Réunis, Quaregnon, province de Hainaut, Belgique (Archive de 1959).

Description : SCP-586-FR est un rituel thaumaturgique alchimique actif du 1 janvier 1958 au 30 avril 1960, ciblant les 113 mineurs de la troisième équipe du système de roulement en trois fois huit heures du puits no2 de "l'Epette" administré par la Société Anonyme du Rieu-du-Cœur et de la Boule Réunis, à Quaregnon, Belgique.

Le rituel a été invoqué de manière involontaire par les mineurs du charbonnage de l'Epette lors de leur préparation dans le vestiaire collectif, aussi appelé "salle des pendus" (voir archive de 1959, ci-dessus), nouvellement rénovée par le directeur du site. Lorsque les ouvriers mineurs ont suspendu leurs vêtements avec le système de poulie intégré au vestiaire, ces derniers ont initié une séparation, avec d'un côté leur corps physique et les processus de proprioception associés, et de l'autre leur conscience Æthérique, via un phénomène de parturition catalysé par un Sceau Alchimique de Classe 4 installé dans la salle (voir "Inspection du charbonnage de l'Epette le 12 juin 1959", Addendum no1). D'après les témoignages des sujets atteints par le phénomène de parturition, leurs corps vivants mais inertes (dénommés SCP-586-FR-A, visibles sur l'archive de 1959) se sont reformés progressivement sur les vêtements pendus aux crochets du vestiaire en environ 24 h.

Dans un même temps, les individus ciblés ont subi une modification progressive de leur constitution organique, cette dernière se rapprochant de la composition du charbon miné dans le puits no2. Ces instances carbonées sont dénommées SCP-586-FR-B. Aucune fatigue n'a été remarquée chez les instances SCP-586-FR-B, au contraire d'une productivité accrue. De même, aucun besoin en eau et ni en nutriments n'a été constaté durant la durée du rituel thaumaturgique. Une modification de la personnalité des instances SCP-586-FR-B a pu également être notée : ces dernières sont de nature docile, constructive et favorable aux ordres. Enfin, ces instances sont douées de facultés de communication et expriment systématiquement un bonheur intense à travailler au sein de la mine.

Après la découverte de SCP-586-FR par la Fondation le 12 juin 1959, cette dernière a mené une étude approfondie de l'anomalie afin de comprendre les éléments constituant le rituel et améliorer son confinement. Le projet d'un retour d’expérience positif des méthodes de gestion des ressources humaines inspirées par SCP-586-FR a également pu favoriser la poursuite de l'étude de cette anomalie par la Fondation (voir "Avis du comité d’Éthique K.J712.3 du 27 juillet 1959", Addendum no2). Cette étude a été interrompue par l'accident du 30 avril 1960, provoquant la mise à l’arrêt du charbonnage de l'Epette (voir "Enregistrement du système de vidéosurveillance de la nuit du 29 avril 1960", Addendum no3).


Addendum no1 — Inspection du charbonnage de l'Epette le 12 juin 1959.

Contexte : La veille industrielle effectuée par la Fondation met en évidence une irrégularité dans les comptes du charbonnage de l'Epette appartenant la Société Anonyme du Rieu du Cœur et de la Boule Réunis. Ce dernier atteste une croissance de 5 % en 1958 et de 15 % durant le premier semestre de 1959, cas unique dans le bassin wallon alors que l'industrie de la Houille chute inexorablement depuis 1955. Le cas de cette mine est d'autant plus inhabituel que les deux tiers des effectifs ont été licenciés au début de l'année 1958, coïncidant avec sa surproductivité.

Les agents Maria Theresia Borrekens (MTB) et Jan de Gheet (JG), diplômés de la Faculté polytechnique de Mons, ingénieurs des mines et historiens du laboratoire des para-techniques industrielles et artisanales de l'antiquité à nos jours, sont désignés pour effectuer le repérage d'une potentielle anomalie sous couvert d'une inspection de la sécurité des mines.

L'inspection débute à 6 h 30 UTC+1, sous la présence de Monsieur René Vanbasset, directeur de la mine, nommé par la Société de Bruxelles pour la Finance et l'Industrie, actionnaire unique de la Société Anonyme du Rieu du Cœur et de la Boule Réunis.

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— Retranscription de l'inspection—

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— Le 12/06/1959 à 6 h 30 UTC+1 —

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[La partie non anormale de l'inspection est retirée de la retranscription]

[MTB et JG entrent dans la salle principale en compagnie de RV, la cage est au milieu.]

RV   Comme vous voyez tout est en règle. Tout le monde porte les équipements réglementaires, et plus encore que la loi ne l'exige, et personne ne reste plus de 8 heures dans les carrières.

JG   Et le machineur, depuis combien de temps gère-t-il la descente et la remontée de la cage entre le fond et le jour ?

RV   Pas plus de deux heures, comme tous les machineurs.

MTB  Je peux lui demander ?

RV   …Il est assez occupé. Nous ne voudrions pas qu'un ascenseur s'écrase sur la mine avec les ouvriers n'est-ce pas ?

MTB  Pourtant c'est le moment de la décharge, il doit bien avoir 5 minutes de répit. Je vais faire vite, faites-moi confiance.

RV   Je… bien-sûr Madame l'inspectrice.

MTB  [Au machineur] Mon cher, navrée de vous importuner, depuis combien de temps conduisez-vous la machine d'extraction ?

M   18.

MTB  18 HEURES ?

M   Non ma bonne dame, 18 mois.

[Quelques minutes plus tard, MTB, JG et RV dans la salle des pendus.]

RV   Si je vous dis comment c'est arrivé, vous ne me croirez jamais.

JG   Sachez que nous pouvons tout entendre, vraiment tout.

MTB  Au contraire, si vous omettez des informations importantes, vous risquez de graves poursuites judiciaires. Nous vous conseillons d'être coopératif.

RV   Heu… Donc… tout a commencé l'année dernière. Je revenais de la région du Souss, voyez-vous je suis ce qu'on peut appeler un orientaliste spécialiste de langues berbères et arabe. Avant d'être nommé directeur de cette mine après avoir épousé la fille de l'ancien dirigeant, j'étais linguiste. Vous savez, cette usine ne m’intéresse guère, ce qui me passionne c'est…

MTB  Venez-en au fait Monsieur Vonbusset, ne palabrez pas.

RV   V-veuillez m'excuser. Dans une optique de motiver les ouvriers de ma mine, à majorité issus de l'immigration marocaine, j'ai voulu leur rappeler leur pays avec un symbole qu'ils pourraient reconnaitre quand ils se changent dans la salle des pendus. Cela est allé au delà de mes espérances.

JG   [Devant le Sceau] Comment avez-vous trouvé ce symbole et comment l'avez-vous installé ?

RV   Je ne m'en rappelle plus trop, je crois que j'avais trouvé cet emblème durant une vente aux enchères à Agadir, qu'un ami à moi m'a conseillé de suivre. Ce symbole est censé être "antique et religieux".

MTB  Vous rappelez-vous de la société qui a organisé l'enchère ?

RV   Heu… MDC ? DM et C ?

JG   [Souffle] Continuez, continuez…

RV   Et je voulais qu'il soit beau, très lumineux, alors avec l'acier qui a servi à fondre le symbole, j'ai rajouté du - - - -.

MTB  [À demi-mot à JG] Ça conduit l'Æthers alchimique ça non ? Nom didjosse…

RV   Et depuis le jour où je l'ai installé en stoemelings, la mine ne s'est jamais arrêtée. C'est bien simple, ils ne demandent qu'à travailler et refusent de faire des pauses. Il faut dire que la conjoncture est très défavorable pour les mines du Borinage. Si je n'ai pas fermé, c'est uniquement grâce à ce petit miracle. Bien sûr il y a toujours cette présence, un peu malsaine je dirai, de corps pendus dans la salle des pendus, mais ils sont inertes et ça ne gène pas du tout les ouvriers. Qui suis-je pour les interdire de travailler ?

JG   Vous avez conscience que ça ne peut pas durer.

RV   Alors vous allez mettre à la porte des centaines d'ouvriers, ainsi que leur famille. Ils résistent aux coups de grisou mais pas à un éboulement, il n'en reste que des cendres. Je prends soin d'eux. Ils sont payés chaque semaine à l'heure, et comme ils font du 24h par jour, leur famille, qui ne savent rien, vivent très grassement. Grâce à moi.

MTB  Jan, j'ai cru voir un pendu bouger, je pense que nous avons besoin de renforts.


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Addendum no2 — Avis du comité d’Éthique K.J712.3 du 27 juillet 1959.

Date 27/07/1959 De Jan de Gheet, WFL:5391, CORAIL
Demande Constate la reprise de l'activité de la mine de l'Epette, pourtant anormale et susceptible de lever le Voile. Demande précisions, réévaluation et dans le cas échéant, confinement total de SCP-586-FR.

Réponse du Comité : Une évaluation a été menée par le Département des Ressources Humaines et de Psychologie durant l'été 1959, conduisant à l'innocuité de l'activité de la mine de l'Epette.

Plus précisément, les psychanalystes Freudiens et Lacanistes du Département de Psychologie, ainsi que le Docteur Jung du Département ███, considèrent la séparation du "moi" et du "ça" comme un élément positif dans l'accomplissement personnel des individus.

De plus, les instances SCP-586-FR-B semblent incapables de reprendre leur corps physique SCP-586-FR-A. Toute tentative de revenir à un état précédent semble impossible. Les instances SCP-586-FR-B éprouvent un plaisir à travailler dans la mine, comme ces témoignages l'attestent :

« J'ai pris le contrôle de ma vie. »
« Je sais accéder à mes meilleures ressources. »
« J'ai un immense désir de santé et de vitalité. »
« C'est tof d'être libre. »

Au contraire, les instances SCP-586-FR-A sont mortes cérébralement, les rares spasmes para-sympathiques ne constituant pas une preuve de leur conscience.

Les instances SCP-586-FR-B sont liées aux SCP-586-FR-A, si bien que la neutralisation d'une instance de SCP-586-FR-A induit invariablement la mort de sa conscience Æthérique dans SCP-586-FR-B. D'autre part, le décrochage des instances SCP-586-FR-A semble réduire la productivité et le bonheur des instances SCP-586-FR-B, et n'est donc pas prévue.

Enfin, une surveillance constante de l'usine est prévue par l'enregistrement vidéo et sonore de l’intérieur et l’extérieur du site.

Nous vous remercions pour l'attention que vous portez à ce dossier et nous rappelons que votre fonction d'historien ne vous donne aucune expertise sur la gestion de la psychologie humaine.

Cordialement.

Conséquence Poursuite de l’expérimentation 586-FR.

Document annexe : Réponse du Département de Psychologie au Département d'Alchimie.

Le 21/02/1960 à Paris.

Chers collègues,

Nous accusons réception de votre demande de précisions concernant l’expérimentation 586-FR en cours, ainsi que la brochure explicative des rituels thaumaturgiques de parturitions catalysées par des manipulations alchimiques.

Vous exprimez un doute raisonnable concernant la mort clinique des instances SCP-586-FR-A, arguant que la parturition est un processus avec trois composantes : corps physique, esprit communicant et âme pensante. Vous émettez l'hypothèse que seul l'esprit des sujets ciblés par le rituel thaumaturgique s'est retrouvé dans les instances SCP-586-FR-B. Les instances SCP-586-FR-B seraient donc douées de facultés de communication mais pas de raison. Vous envisagez ensuite que l'âme des sujets se trouve encore dans les instances SCP-586-FR-A pendues, et que nous serions involontairement responsables d'atroces souffrances commises sur des entités conscientes mais incapables de communiquer.

Nous apprécions le temps que vous avez pris à émettre ces candides hypothèses relevant de la psychologie. Nous sommes néanmoins dans le regret de vous annoncer qu'elles sont pour la totalité d'entre elles inexactes, pour des raisons que votre domaine de compétence ne saurait appréhender. Nous pourrions vous expliquer les principes fondamentaux de psychanalyses mises en œuvre dans le cas présent, mais ces dernières requièrent bien des années de pratique pour en déceler le sens pratique.

Nous regrettons votre utilisation de termes si peu méthodiques dans l’évaluation de problématiques aussi importantes, comme "âme" et "esprit". Avec toute notre bienveillance, nous sommes en 1960, chers collègues. Une actualisation scientifique serait peut-être nécessaire au sein du Département d'Alchimie. Nous serions heureux de vous aider dans cette mission. Avez-vous entendu parler des concepts robustes de "moi", "surmoi" et de "ça" ? Du "signifiant" et du "signifié" ?

Il est évident que les instances SCP-586-FR-B se sont libérées de leur "ça" au profit d'un "moi" libre, et à partir de cet état de fait, à quoi sert le "surmoi" ? La récente progression du nombre d'instances SCP-586-FR-A ouvrant les yeux et fixant les agents présents dans la salle des pendus valide notre hypothèse car le "moi" tutoie ("tue toi") et le "ça" vouvoie ("vous voit").

Un élément supplémentaire d'analyse lacanienne : les instances sont des "ouvriers-mineurs", "mineurs" donc aussi des "enfants", donc naturellement naïfs. Leur "esprit" est pris par la main de leur corps vidé ("l'âme-un-deux leur corvidé"). Si vous n'avez pas compris cette interprétation psychanalytique, vous risquez de ne pas saisir la suite du raisonnement de cette expérimentation.

Enfin, nous ne pourrions que vous conseiller à l'avenir de nous contacter directement si vous avez des questions d'ordre psychologique. Nous décelons dans votre requête des éléments d'une discussion que nous avons eu précédemment avec des membres peu recommandables du Département d'Histoire. L'obscurantisme concernant le corpus maintenant établi des méthodes psychanalytiques Freudiennes, Lacaniennes et Jungiennes ne passera pas l'épreuve du temps.

La science avance sans les esprits conservateurs et nous prouverons avec l'expérimentation de 586-FR, si besoin était de prouver quoi que ce soit, que la psychanalyse peut être utilisée pour confiner de manière optimale des anomalies de l'esprit ("qui est pris").

À ce propos, nous vous proposons de méditer sur ces paroles sages : "L'interprétation doit être preste pour satisfaire à l'entreprêt. De ce qui perdure de perte pure à ce qui ne parie que du père au pire."

Cordialement.

Le Département de Psychologie.

Addendum no3 — Enregistrement du système de vidéosurveillance de la nuit du 29 avril 1960.

Contexte : Après un an d’expérimentation sans incident, le site de la mine de l'Epette réduit progressivement la présence d'agents de la Fondation à son minimum.

Quelques semaines plus tard, les spasmes cérébraux des instances SCP-586-FR-A se font plus récurrents, des témoignages évoquent des bruits semblables à des "gémissements" de la part de ces dernières. Elles sont néanmoins toujours diagnostiquées mortes cérébralement, et les psychanalystes présents sur place déterminent que ces gémissements "valident à nouveau [leur] hypothèse". Dans un même temps, la productivité des instances SCP-586-FR-B augmente de 3 % par mois, ainsi que leur indice de bonheur.

Dans la nuit du 29 avril, les instances SCP-586-FR-A se sont agitées, les agents sur place n’eurent vraisemblablement pas le temps d'intervenir, le point de rupture des câbles accrochant les instances a été dépassé quelques minutes après le début de l'agitation. Les instances SCP-586-FR-A s'écrasent sur les agents présents dans la salle des vestiaires, qui pour la plupart meurent sur le coup.

La caméra de la salle principale de la mine accueillant la cage filme la mise à sac du site par les instances SCP-586-FR-A. Les instances SCP-586-FR-B ne se défendent pas, une grande partie d'entre elles meurent écrasée lors de la chute de la cage sur plusieurs centaines de mètres, dont la remontée a été freinée par l'incident en cours. Lorsqu'une instance SCP-586-FR-B est neutralisée, une instance SCP-586-FR-A s'effondre. L'inverse est également constaté.

Avant d'être entièrement consumée dans l'incendie, une scène se déroule devant la caméra de la salle principale :

[Une dernière instance SCP-586-FR-A se traine sur les décombres de la mine, semblant chercher quelque chose.]

[Elle tire d'entre deux planches une instance SCP-586-FR-B. Cette dernière agonise dans son matériel de mineur.]

[SCP-586-FR-A étreint SCP-586-FR-B au niveau du buste.]

SCP-586-FR-B : Lâche-moi… Tu vas nous tuer tous les deux…

[SCP-586-FR-A semble gémir et trembler. Elle pleure et serre SCP-586-FR-B plus fort.]

SCP-586-FR-B : Laisse-moi je te dis… Arrête… Arrête.

[Un craquement est entendu. Des cendres de charbon s'évaporent à travers le masque respiratoire de SCP-586-FR-B. SCP-586-FR-A tombe en arrière, inerte.]

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