SCP-5600

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  Crédits

  Titre original : A December To Remember
  Auteur : ManyMeats
  Traducteur : Dr Manoa does not match any existing user name et Mamiebel
  Date de publication originale : 14 janvier 2020
  Image : Informations manquantes.

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Elk Grove, vers 1978.

Objet n^o : SCP-5600

Classe : Keter

Procédures de Confinement Spéciales : Une zone d'exclusion a été établie à une distance de 5 km de SCP-5600 et signalée par des avertissements concernant des déchets dangereux. Un accord conjoint avec le Département des ressources naturelles du Wisconsin a désigné la zone entourant SCP-5600 comme polluée, et toutes les routes ont été redirigées hors de la zone d'exclusion.

La Force d'Intervention de Sécurité Sigma-10 ("Rolling Stones") a été chargée de surveiller la zone d'exclusion et d'intercepter toute personne ou tout objet tentant d'entrer ou de sortir de SCP-5600. Les membres de la FIS Sigma-10 doivent être équipés d'un dosimètre à chronitons¹ en toutes circonstances et effectuer une rotation à l'extérieur du site si cela est nécessaire pour des raisons de sécurité. L'accumulation de chronitons² pourrait avoir des interactions imprévisibles avec les intérêts de la Fondation, y compris le confinement de SCP-5600.

En raison des difficultés inhérentes à la récupération du personnel, l'entrée dans SCP-5600 n'est pas autorisée pour le moment.

Description : SCP-5600 est une faille temporelle affectant la ville d'Elk Grove, dans le Wisconsin, où le temps n'avance pas au-delà de décembre 1979. Les résidents d'Elk Grove se réveillent chaque jour avec la compréhension intrinsèque qu'ils sont encore à un moment pendant "décembre 1979" et sont capables de maintenir un sens de progression entre chaque jour individuel.

Les émissions de radio, les émissions de télévision et le journal local au sein de SCP-5600 continuent tous de publier des informations ou de produire quotidiennement de nouvelles émissions. Ces publications comprennent des éléments synthétisés à partir d'événements locaux, régionaux et nationaux datant de 1979. Cependant, d'importantes parties de toutes les publications consistent en du lorem ipsum³.

La communication directe n'est pas possible entre l'intérieur et l'extérieur de SCP-5600. Bien qu'il soit possible d'observer et de surveiller en toute sécurité l'anomalie depuis l'intérieur des limites, les objets ou le personnel qui tentent de quitter l'anomalie subissent un cisaillement temporel lors de leur transition vers l'espace-temps normal. À ce jour, cet effet de cisaillement a été ultimement fatal à tous les membres du personnel, mais permet la transition de certains objets inorganiques.

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Rapport d'enquête.5600.1 :
Après de nombreuses tentatives pour enquêter sur SCP-5600 à l'aide d'appareils sans pilote et télécommandés, une mission habitée a été approuvée et programmée pour le 20/03/1985, avec les agents Dureau et Jonas. Les deux agents étaient équipés d'un équipement de précaution pour environnement dangereux, ainsi que d'appareils d'enregistrement VHS.

Le 21/03/1985, des alarmes de proximité dans la zone d'exclusion ont indiqué que plusieurs objets étaient apparus près de la limite de SCP-5600. Une équipe de récupération a été dépêchée et a inventorié un total de vingt cassettes VHS. Plusieurs cassettes étaient calcinées au-delà de toute récupération, mais plus de 80 heures d'enregistrement au total ont été récupérées.

Décembre 1979 Cassette n° 1

L'enregistrement débute avec la caméra pointée vers un sol carrelé sale. Il y a de nombreuses empreintes de bottes mouillées et des flaques de neige fondante éparpillées. La caméra se rapproche de l’intérieur d’un commerce de proximité. L’agent Jonas est visible dans l’aile adjacente, regardant en direction la caméra derrière un paquet de chips. Une main se tend, attrape l’un des paquets de chips et l’approche plus près de la caméra.

Agent Dureau : "Regarde ça…" L’agent Dureau retourne le paquet de chips. Il s’agit d’un emballage générique de couleur grise avec des lettres blanches qui indiquent "CHIPS" près du haut. Il n’y a pas d’étiquettes nutritionnelles ou d’autres informations visibles sur le paquet.

Agent Jonas : "Très étrange… Des chips, des boissons gazeuses, des chewing-gum, des bonbons. Où est le Coca ? Où sont les oursons Haribo ? J’ai entendu parler des sous-marques, mais là il n’y a pas de marque du tout." La caméra continue son panoramique alors que Dureau parcourt le magasin. Il approche d’une porte de réfrigérateur et la tire pour l’ouvrir. Des packs de "Bonne Bière" sont alignées sur l'étagère du haut, avec de la "Bière Moyenne" en dessous et enfin de la "Bibine" sur l'étagère du bas.

Agent Dureau : "Cet endroit me fout les jetons. On sort de la bientôt, j’espère ? Si c’est la pire chose qui se passe à l’intérieur de cette bulle, ça va bien se passer."

Agent Jonas : "Ouais, on sortira soit ce soir soit dem-"

Une voix hors-champ les interrompt avec un "Joyeux Noël !", et alors que la caméra se retourne pour lui faire face, la cassette s’arrête en raison des dommages. Le reste de la cassette est irrécupérable.

Décembre 1979 Cassette n° 4

L'enregistrement débute dans un restaurant, la caméra étant positionnée pour montrer une rangée de personnes assises et buvant du café.

Agent Dureau : "Là, c’est l’équipe du café du matin du restaurant. Mon père avait toujours l’habitude de me dire que les endroits comme celui-ci sont le pouls de toute bonne ville. Toutes les informations sont échangées ici, toutes les histoires, tous les accords, toutes les rumeurs sont examinées et confirmées autour d’une tasse de café et d’une part de tarte." La caméra zoome sur l’homme debout derrière le comptoir, qui tient une carafe de café et remplit les tasses des autres habitants.

Agent Dureau : "Et là, c’est Joe Kirschbauer, le propriétaire du meilleure établissement ici, à Elk Grove. Dis bonjour et joyeux Noël pour notre vidéo, Joe." Joe fait un signe de la main à la caméra mais se détourne avec une déférence timide.

Client du restaurant : "Joe fait la meilleure tarte citron meringué de ce côté du Mississipi 364 jours par an. À part pour Noël." De nombreux autres clients confirment cette affirmation avec enthousiasme.

Kirschbauer : "Eh bien, sans Betty derrière le comptoir, vous allez devoir trouver votre dose de sucre d’une autre manière." Plusieurs client rient, comme Kirschbauer, mais le sourire de ce dernier s’évanouit rapidement.

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La vidéo coupe mais reprend ensuite dans le même restaurant. L’un des clients du restaurant est assis en face de la table, l’agent Jonas est sur la chaise à droite du centre, l’agent Dureau est derrière la caméra. Les trois hommes parlent à voix basse.

Client du restaurant : "Joe a vécu ici pendant presque toute sa vie, et pendant quelques années il est parti pour faire une école de commerce. Il est revenu juste après et s’est marié à son amour de lycée. Une femme magnifique, Betty. Son nom de jeune fille était Ansbach, je crois."

Agent Jonas : "La façon dont vous formulez les choses suggère que quelque chose lui est arrivé, hein ? Divorce, mort prématurée, infidélité ?"

Client du restaurant : "Bon sang mec, parle moins fort. Si Joe t’entend, il va briser cette cafetière sur ta tête ! Betty était une femme douce, très douce. Active au conseil pastoral, à l’association des parents d’élèves, tout ce que vous voulez. Elle et Joe ont ouvert ce restaurant ensemble. Il préparait les repas, elle faisait le café et les tartes, et cette ville les a soutenu jusqu’au bout. Ils avaient deux enfants. Le premier, ils l’ont perdu à cause de la coqueluche. Vraiment, vraiment triste. Deux ans après ils ont essayé encore et eu un garçon, Daniel. Il a dix ans maintenant si je me souviens bien."

Agent Jonas : "Betty et Joe sont restés ensemble et ont eu un autre enfant ? Waouh, c’est une relation forte. Je ne peux pas imaginer."

Client du restaurant : "Ouais. Nous étions tous comme une grande famille pour eux à l’époque. Ça les a tous les deux changé, mais ce n’est pas vraiment le genre de chose qu’il est poli de demander ou d’aborder. Nous avons fait ce que nous pouvions. Mais ensuite, peu de temps après que Daniel a fêté ses… 4 ans, je crois ? Ils revenaient tous les trois de Shullsburg et ont été percutés par un conducteur ivre. Betty est morte sur le bord de la route et Daniel n’a plus dit un mot depuis."

Agent Dureau : "Le garçon est complètement mutique ? C’est une histoire terrible."

Client du restaurant : "Aucun de ses professeurs n’a réussi à lui faire dire un mot. Il arrive à lire et à écrire correctement, mais le garçon ne veut juste pas parler. Le toubib en ville, c’est un psychologue, donc il a dit que le trauma a fait ça à la psyché du gamin. Il a besoin de quelque chose-"

Plusieurs minutes sont perdues en raison des dommages causés à la cassette.

Agent Jonas : "-des projets pour Noël ?"

Client du restaurant : "Oh bien sûr. Moi et madame, nous ferons le service matinal à l’église, puis nous passerons déposer le cadeau pour Daniel, ensuite nous irons dîner chez la sœur de ma femme de l’autre côté de la rue."

Agent Jonas : "Pardon, est-ce que vous avez dit que vous allez déposer un cadeau pour Daniel ? Le fils Kirschbauer ?"

Client du restaurant : "Je l’ai dit, oui. Pourquoi ?"

Agent Dureau : Bien sûr, nous voulions juste être sûrs que nous vous avions correctement entendu. Est-ce qu’on peut ravoir du café ?"

Le client du restaurant sourit, fait un signe de la tête et articule silencieusement "Joyeux Noël". Les agents Jonas et Dureau se regardent avec inquiétude.

Décembre 1979 Cassette n° 16

L'enregistrement débute à l’intérieur d’un salon dans une maison. La caméra est pointée sur un canapé convertible où Joe Kirschbauer est assis. Son fils, Daniel Kirschbauer, est assis sur le sol devant lui et joue avec des blocs de construction de la marque Lego. L’agent Dureau est assis sur une chaise à l’extrémité droite de l’écran.

Agent Dureau : "Merci Joe, on ne va pas te prendre beaucoup de temps."

Kirschbauer : "C’est bon, les gars. Vous avez acheté tellement de tarte et de café pour les habitants que je devais céder tôt ou tard. Si je ne vous avez pas arrêté, tout le monde serait trop gros pour passer par la porte après Noël !" Kirschbauer rit, et les agents rient poliment également.

Agent Dureau : "Tu es en fait la dernière personne dans la ville à accepter d’être interrogé. À part ton fils, évidemment, mais-"

Plusieurs minutes de vidéos ont été perdues en raison de la cassette endommagée. L'enregistrement reprend alors que Joe Kirschbauer s’assoit et tapote la tête de son fils. Il se penche vers l’oreille de son fils et lui dit quelque chose que l’audio de la caméra n’a pas été capable de relever, puis le garçon se lève et quitte la pièce. Joe attends que son fils soit bien en dehors de la pièce avant de poursuivre.

Kirschbauer : "Les gars, je ne vois pas ce qu’il y a de plus à gagner à me parler. Vous me voyez au restaurant tous les jours, vous parlez à tous mes clients et je sais qu’ils vous ont déjà raconté toutes les rumeurs de la ville qui méritent d’être entendues. Donc pourquoi vous ne me dites pas pourquoi vous avez l’intention de ruiner l’ambiance d’un autre Noël ?"

Agent Dureau : "Noël est important pour toi, n’est-ce pas ? Ça semble être la seule chose que tout le monde a en commun ici : l’anticipation de Noël et un cadeau pour ton fils."

Kirschbauer : "Noël est important pour mon fils donc ça l’est pour moi aussi. C’est sa fête préférée. Il mérite d’en profiter."

Agent Jonas : "Il y des projets pour Noël que tu voudrais partager avec nous ?"

Kirschbauer : Joe bouge, mal à l’aise, sur son siège pendant quelques secondes. "Pas spécialement. C’est privé et je ne vous connais pas très bien."

Agent Dureau : "Je vais être direct, M. Kirschbauer. Tout le monde en ville a un cadeau pour ton fils, ou presque tout le monde. Et ce n’est pas une exagération. Je sais que ta famille a souffert d’une profonde tragédie, et c’est magnifique que tout le monde soit là pour vous, mais absolument chaque habitant, six ans après l’accident, continue de le faire ? Peux-tu m’expliquer ça-" Dureau est interrompu par Kirschbauer.

Kirschbauer : "Je ne vais pas me faire sermonner par vous deux sur ce qui est ou sur ce qui n’est pas une manière acceptable pour mon fils de passer son Noël. Tout ce qui est sûr et bon à propos de son enfance lui a été pris par un conducteur ivre et je ne vais pas laisser Noël rejoindre cette liste. Vous allez la fermer et trouver quoi offrir à mon fils pour Noël ou vous allez dégager de ma vie pour toujours. C’est votre choix."

Agent Dureau : "Joe, il ne va jamais être capable d’oublier la mort de sa mère si tu ne le laisses pas faire."

Kirschbauer : "Je pense que j’ai été assez clair. Il est temps pour vous de partir."

Jonas reprend la caméra et les deux agents quittent la maison. Tandis qu’ils descendent le chemin vers la route, M Kirschbauer est entendu leur dire agressivement "Joyeux Noël" avant de claquer la porte. La caméra est ensuite éteinte manuellement.

Décembre 1979 Cassette n° 19

L'enregistrement débute la nuit, alors que l’agent Dureau ouvre la porte du restaurant. Peu de lumières sont allumées, à l’exception de celles au-dessus d’un carré à l’arrière. Joe Kirschbauer est assis dans ce carré, tenant une tasse de café avec une cigarette à la main. Il ne lève pas les yeux vers les agents qui approchent.

Agent Dureau : "Joe, est-ce qu’on peut parler ?"

Kirschbauer : "Pas avec ça [la caméra] allumé."

La caméra est posée sur le comptoir, et le capuchon de l’objectif est mis en place. Le reste de l’interrogatoire est seulement audio.

Kirchbauer : "Je suis désolé, j’ai été un peu dur avec vous. C’est juste… c’est stressant. Je veux que tout soit parfait. Mon fils le mérite et nous allons faire tout ce qu’il faut. C’est extrêmement stressant de faire les choses bien et d’essayer de changer une ville de 1 800 personnes."

Agent Dureau : "Changer la ville comment ? Qu’est-ce que tu veux dire ?"

Kirschbauer : "Doucement. Graduellement. Tout le monde et chaque personne, jour après jour, jusqu’à ce qu’ils adoptent l’esprit de Noël et rejoignent l’effort pour améliorer la fête de mon fils. Avec certaines personnes c’est bien plus facile qu’avec d’autres, une volonté faible ou la toxicomanie les laisse sans défense. Après ça, j'ai commencé à travailler sur les autres notables. Le conseil municipal, le conseil d’établissement scolaire, le prêtre, l’adjoint au maire. Les personnes sans influence, sans connexion, elles sont les plus compliquées, et il y en a encore beaucoup. Le restaurant aide avec ça, il leur donne une raison de venir et de me parler parfois."

Agent Dureau : "Qu’est-ce qui arrivera quand, et si, tout le monde finit par coopérer ?"

Kirschbauer : "Mon fils aura le Noël qu’il mérite et trouvera la force pour parler à nouveau. Je le sais."

Agent Dureau : "Joe je… est-ce que ton fils est allé voir un psychologue ou un psychiatre ? L’aide aux personnes en deuil est vraiment importante et tout le monde réagit à un drame à sa propre façon, je ne crois pas qu’il soit juste de-"

Kirschbauer : "Oui, je l’ai amené au psy de la ville régulièrement pendant presque quatre mois après la mort de Betty. Il me serrait la main et disait que Daniel "faisait de bon progrès" mais ce n’est jamais venu. Aucun changement. Pas de paroles. Il me fait juste un signe de la tête et pointe des choses et parfois il va écrire si c’est une pensée complexe mais c’est de plus en plus rare aujourd’hui…"

Agent Dureau : "Ces choses prennent du temps, tu sais. Tu ne peux pas abandonner le traitement juste parce que toi, un observateur extérieur, tu ne vois pas les résultats. Les changements se passent à l’intérieur de ton fils, pas à l’extérieur, du moins pas pour le moment."

Kirschbauer : "C’est facile pour toi de dire ça. Je connais mon fils, et je connais la douleur. Je vois la même douleur dans mon cœur se refléter dans ses yeux et je ne vais pas le forcer à faire face à un futur incertain jusqu’à ce que nous l’ayons sorti de ça. La période préférée de l’année de Betty était celle de Noël. C’est le moment où tout le monde se réunit, fait la fête, crée une famille, des souvenirs, de la chaleur et de la joie et il mérite ça encore. Le meilleur Noël de sa vie, même si ça doit me tuer !"

Plusieurs minutes passent tandis que Joe est supposé se calmer.

Agent Dureau : "Je m’inquiète sur ce qui va vous arriver à vous deux, à cette ville, si finalement tu arrives à atteindre ton but et qu’il n'est pas à la hauteur de tes espoirs. Si ça ne soigne pas Daniel."

Kirschbauer : "Je m’inquiète aussi."

Agent Dureau : "Je réalise que je ne suis pas quelqu’un de spécial pour toi ou ton fils, mais j’ai aussi une expérience avec les drames. Parfois, la seule chose que tu puisses faire, c’est choisir de tirer le meilleur parti de toutes les merdes que la vie t’envoie. Ni toi ni ton fils ne méritaient de perdre Betty, mais s’attarder sur ça et attendre la perfection qui ne viendra peut-être jamais pour s’y confronter… ce n’est pas une façon de vivre sa vie. Qu’est-ce que Betty dirait si elle savait que tu étais bloqué ici, en décembre 1979, incapable de laisser votre fils grandir et devenir l’homme que vous avez tous les deux espéré qu’il soit ? Un homme capable d’affronter ce que la vie lui réserve."

Kirschbauer : "Je ne peux pas lui demander de laisser sa mère derrière lui."

Agent Dureau : "Il ne peut pas la laisser derrière lui, ou c’est toi qui ne peux pas ?"

La caméra continue d’enregistrer pendant plusieurs minutes supplémentaires sans conversation. De légers sanglots sont entendus jusqu’à ce que la caméra soit éteinte.

Décembre 1979 Cassette n° 20

L'enregistrement débute avec les agents Jonas et Dureau disant "Joyeux Noël" à la caméra et échangeant de petites boites emballées. Plusieurs minutes d'enregistrement sont perdues en raison des dommages, mais l'enregistrement reprend avec l’agent Dureau tenant une bouteille de vin près de la caméra et déclarant qu’il va aller voir Joe et Daniel Kirchbauer. Puis la caméra est éteinte manuellement.

L'enregistrement reprend avec l’agent Dureau descendant une allée dégagée vers une maison de style ranch. Dureau s’arrête devant le porche d’entrée et presse la sonnette, qui peut être entendue carillonner. Plusieurs minutes passent tandis qu’il essaie de regarder à l’intérieur de la maison et presse à nouveau la sonnette. Après approximativement dix minutes, Dureau quitte le porche d’entrée et fait le tour de la maison jusqu’à l’arrière de celle-ci. La caméra est pointée sur une porte vitrée coulissante et Joe Kirschbauer, qui est assis à une table à l’intérieur.

L’agent Dureau approche la porte en verre et toque. La première tentative est laissée sans réponse, mais la seconde fait lever Joe Kirschbauer de son siège, qui ouvre la porte et invite l’agent Dureau à l’intérieur.

Agent Dureau : "Salut Joe, joyeux Noël. Tout va bien ?"

Kirschbauer : "Ouais, ça va. Est-ce que je peux te servir quelque chose ? Café ?"

Agent Dureau : "Non ça ira. Mais je t’ai apporté ça." Dureau lui donne la bouteille de vin.

Kirschbauer : "Merci, c’est gentil. Désolé si je semble morose, j’apprécie vraiment."

Agent Dureau : "Hé Joe, c’est pas grave. Je pense que tu sais que tu peux te confier à moi si tu as besoin de quelqu'un à qui parler. C’est clair que quelque chose te ronge et je déteste te voir déprimé pour Noël."

Kirschbauer : "Ouais, c’est le problème. Clinton, c’est… ça ne sera jamais mieux que ça, que la manière dont s'est déroulé aujourd’hui. N’est-ce pas ?"

Agent Dureau : "Je ne suis pas sûr de comprendre ce que tu dis. Les choses ne se sont pas passées comme tu l’espérais ?"

Kirschbauer : "Si, en fait. Je me faisais de la bile à propos de ça… depuis aussi longtemps que je puisse m’en souvenir. Aujourd’hui était parfait. Daniel s’est réveillé très excité. Son petit-déjeuner s’est bien passé, j’ai bu du café dans la chaise longue pendant qu’il triait ses cadeaux, beaucoup d’amis et de membres de la famille sont venus nous souhaiter un joyeux Noël et ont apporté encore plus de cadeaux. Son sourire n’arrêtait pas de grandir pendant toute la journée jusqu’à ce que je craigne qu’il n’éclate. C’était parfait."

Agent Dureau : "Ça à l’air vraiment cool, Joe. C’est exactement ce que tu as dit que tu voulais pour ton fils. Je suis heureux pour vous deux."

Kirschbauer : "Mais maintenant que c’est fini, qu’est ce que je dois faire ? Qu’est-ce que je dois dire ? Qu’est ce qu’il a à attendre avec impatience quand il se lèvera demain ?"

Agent Dureau : "Mon dieu Joe. C’est dur. Je… ne sais pas comment répondre à ça."

Kirschbauer : "Ouais, moi non plus. Est-ce que tu veux du café ou pas ? Je vais aller me prendre une autre tasse. Avec de la crème irlandaise." La caméra continue d’enregistrer encore plusieurs minutes alors que les deux s’assoient, chacun avec une tasse de café. Les éléments audio et vidéo superflus ont été supprimés.

L'enregistrement reprend alors que la caméra est dirigée vers la télévision. C’est la nuit, et la lueur de la télévision est la seule source de lumière. Un compte à rebours est entendu alors qu’une boule descend, marquant la célébration traditionnelle de la nouvelle année. Après que la boule a atteint "1" et que "Bonne année" a été crié , la télévision coupe pour une publicité qui débute avec du lorem ipsum. La caméra est éteinte manuellement.

L'enregistrement reprend tandis que les agents Jonas et Dureau récupèrent leurs valises et vérifient une dernière fois leurs affaires dans leur chambre de motel. Dureau s’approche de la table de nuit et pose la caméra sur le sol, où une pile désordonnée de papiers peut être vue. Chaque papier a été arraché à un calendrier de table et est imprimé dans le format : "La date d’aujourd’hui est le <%> décembre". La seule feuille lisible est celle au dessus de la pile, qui indique "685 décembre 1979". Les agents Jonas et Dureau quittent leur chambre de motel, et la caméra est éteinte. Il n’y a pas davantage d'enregistrement sur cette cassette.

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Journal de récupération.5600.2 : Clinton Dureau
Le 21/03/1985, des alarmes de proximité dans la zone d'exclusion ont indiqué que deux objets étaient sortis ou avaient été expulsés de SCP-5600 dans la même zone où les bandes avaient été récupérées approximativement 50 minutes plus tôt. Une équipe a été envoyée et a découvert le corps inconscient de l'agent de la Fondation Clinton Dureau et le cadavre de l'agent Aaron Jonas, allongés à l'extérieur de la limite de la faille temporelle.

L'agent Dureau avait subi des brûlures au troisième degré sur plus de 70 % de son corps, et la majorité de ses organes internes étaient saturés de chronitons, provoquant l'entrée et la sortie progressives dans l'espace-temps normal de nombreux processus biologiques essentiels. L'agent Dureau a été placé en soins intensifs. L'agent Jonas était mort à l'arrivée sur place. L'agent Dureau a reçu des soins d'apaisement de son état après son pronostic, y compris de gestion de la douleur, afin qu'il puisse être débriefé. L’entretien a été retranscrit ci-dessous.

Ouvrir l’enregistrement de l’entretien

[DÉBUT DE L’ENTRETIEN]

Dr Eates : "Clinton, je suis désolé que nous ne puissions faire cela plus délicatement. Vous êtes avec nous dans l’infirmerie du Site-37. Quelle est la dernière chose dont vous vous souvenez ?"

Agent Dureau : "J’ai traversé la bulle, et ma vie a littéralement défilé devant mes yeux. La chose suivante que je sais, c’est que je suis ici."

Dr Eates : "Vous vous êtes soumis vous-même au cisaillement temporel qui entoure SCP-5600".

Agent Dureau : "Et quel délire c’était. Est-ce que je vais m’en sortir ?"

Dr Eates : "Je ne suis pas médecin, mais le pronostic n’est pas bon. Vous êtes gravement brûlé, et une grande portion de votre corps n’est pas synchronisée avec notre espace-temps. Nous travaillons sur un moyen de vous stabiliser aussi vite que nous pouvons, mais les choses sont mal parties pour le moment."

Agent Dureau : "Ah. Donc c'est peut-être la fin."

Dr Eates : "Peut-être. Savez-vous combien de temps vous avez passé à l’intérieur d'Elk Grove ?"

Agent Dureau : "Non, honnêtement je ne suis pas sûr. Plusieurs années au moins ? C'est difficile de donner une estimation, mais je l’ai ressenti comme à la fois une vie entière et juste quelques semaines. Je ne peux pas vraiment expliquer pourquoi j’ai pris autant de temps pour revenir. Avez-vous reçu mes messages ? Je n’étais pas sûr si…"

Dr Eates : "Oui, agent Dureau. Nous pensons que nous les avons à peu près tous. Quelques-unes des cassettes n’ont pas survécu à la transition, mais nous avons beaucoup de matériel à étudier grâce à vous."

Agent Dureau : "Bien. J’espère que ça prouve que ça en valait la peine. Ça craint de mourir pour rien."

Dr Eates : "Nos instructions initiales pour vous étaient de revenir après une heure, mais vous êtes partis pendant plus de vingt-quatre. Pouvez-vous expliquer ce qui vous a poussé à dévier de ces instructions ?"

Agent Dureau : "Un jour ? C’est tout ? C'est impossible. Je… Ça ne peut pas être vrai. Non, j’ai vécu là-bas… Je.. Il y avait tellement… Je suis." La respiration de l’agent devient audiblement faible et erratique.

Dr Eates : "S’il vous plaît, concentrez-vous sur votre respiration et essayons d’en parler. J’ai besoin que vous preniez conscience de ce que vous ressentez et que vous m’expliquiez. Concentrez-vous, s’il vous plaît. Le surplus de stress ne vous fait aucun bien." Plus de trente secondes après, la respiration retourne à la normale.

Agent Dureau : "Je pense que je vais mieux maintenant. J’espère que je peux vous faire comprendre comment c’était, mais je ne pense pas qu’il y ait une réelle façon de le décrire."

Dr Eates : "Dès que vous serez prêt, j’aimerais que vous essayiez, s'il vous plaît."

Agent Dureau : "Eh bien, j’ai finalement été capable de convaincre le père que le reste de la ville était prêt après avoir passé des nuits entières à parler. Prêt à donner à son fils le Noël qu’il avait repoussé. Je me suis réveillé le matin suivant après l’une de nos discussion nocturnes et quelque chose avait changé, je savais que c’était le 20 décembre. Je dois vous le dire, Eats, à partir de là c’était comme une marche vers la ligne d’arrivée. Tout allait bien, au moins pour moi."

Dr Eates : "Des changements chez les habitants ?"

Agent Dureau : "Non, aucun. Ils connaissaient la date comme moi, mais ce n’était pas un grand changement pour eux. Tout le monde s’occupait de sa vie. Quoi qu’il en soit, j’ai fait ma part pour enthousiasmer ceux que j’avais rencontrés et pour répandre la bonne humeur de Noël et tous ces autres clichés. Les fêtes étaient planifiées, les cadeaux achetés puis emballés, les cartes postées, les cookies cuits. Nous étions tous prêts, et je sautais presque d’excitation, ce qui était étrange parce que j’avais en fin de compte prévu de passer le jour tout seul. Aucune famille dans la ville, évidemment."

Dr Eates : "Et le jour de Noël est finalement arrivé."

Agent Dureau : "C’est exact, finalement. J’ai une tonne de vidéos pour expliquer tout ça."

Dr Eats : "Je suis désolé Dureau, mais nous allons devoir passer outre ces questions pour le moment. Les docteurs disent que vous avez besoin de repos. Est-ce que Noël était votre dernier jour à l’intérieur de l’anomalie ?"

Agent Dureau : "Non, j’ai décidé de rester un petit peu. Les quelques jours suivants ont été ressentis comme un soulagement pour tout ceux à qui j’ai pu parler, à l’exception de Kirschbauer. Donc j’ai fixé une date limite au jour de l’An pour me préparer et essayer de partir, je me sentais mal pour lui et je voulais savoir s’il allait être bien. J’ai été capable de marquer mon calendrier et me lever chaque jour pour voir le 26, 27, 28 à chaque fois passer. Pour le réveillon du Nouvel An, j’ai regardé la boule descendre à la télé, pris une coupe de champagne tandis que l’animateur débitait du charabia, et puis je suis allé au lit confus mais heureux."

Dr Eates : "Et vous voilà, comme prévu."

Agent Dureau : "Non, c’est le problème. Je me suis réveillé le matin suivant, avec en tête l’idée que mon calendrier sur la table de chevet allait passer au 1er janvier 1980, mais… ça disait 32 décembre."

Dr Eates : "Il n’y a que 31 jours en-"

Agent Dureau : "Oui je sais. Mais ça disait 32. Je suis resté quelques jours de plus pour voir si quelque chose allait changer, mais le calendrier a continué de s’allonger encore et encore. Je n’ai pas besoin de vous expliquer comment les nombres fonctionnent, mais voir 33, 34, etc.. était tellement irréel et mentalement éprouvant que j'ai du mal à le décrire. Savoir que le temps continuait mais que nous ne pouvions toujours pas passer à autre chose rendait ça pire. Bien, bien pire que de rester immobile."

Dr Eates : "Je ne peux qu'imaginer. Quand est-ce que vous avez finalement décidé de partir ?"

Agent Dureau : "Un matin au restaurant, Joe a amené son fils pour le petit-déjeuner. J’ai demandé au garçon, Daniel, comment il allait et s’il était content de son Noël. Il a juste hoché la tête et souri. J’ai levé les yeux vers son père, pensant que le garçon aurait trouvé ses mots, mais Joe a secoué sa tête et m’a regardé comme si sa femme était morte à nouveau. Certaines personnes n'arrivent pas à laisser les choses partir, et je pense que moi aussi, j'ai failli ne pas y arriver. Oh, je voulais savoir… est-ce que Jonas va bien ?"

Dr Eates : "N-… Dès qu'il quittera la quarantaine, nous vous en informerons. Jusque là, prenez un peu de repos, agent. Vous l’avez plus que mérité."

[FIN DE L’ENTRETIEN]

Footnotes

1. Un appareil qui mesure l'exposition aux particules de chroniton au fil du temps.

2. Une particule subatomique qui possède de nombreuses propriétés temporelles. Généralement inerte, mais dangereuse en interaction avec l'espace-temps asynchrone.

3. Un type de texte de substitution utilisé pour présenter une forme visuelle sans s'appuyer sur un contenu signifiant.