SCP-5580

Être un hérésiographe signifie, du fait de sa nature profonde, prendre une position spécifique et surveiller depuis ce point de vue. Pour que quelque chose soit une hérésie, elle doit être définie à l'encontre d'une orthodoxie. Et, bien entendu, pour appeler quelque chose une orthodoxie, ou une vérité, ou une certitude, elle doit être définie à l'encontre de ce qui n'est pas orthodoxe, ou d'un mensonge, ou d'une certitude que quelque chose n'est pas ainsi. Définir quelque chose comme "vérité" implique le mensonge formé tout autour.

Les anciens hérésiographes, ces Musulmans et Chrétiens du Moyen Âge, avaient la certitude d'un dogme appuyé par l'état pour les guider. Ils étaient les orthodoxes, tenant une vérité divine soutenue par le pouvoir du souverain et par la constellation entière de la civilisation. Mais pour l'hérésiographe moderne, nous ne pouvons jamais savoir avec certitude absolue quelle tradition, quelle vérité, est correcte.

Que devons-nous faire ? Comment définissons-nous la vérité divine, et ainsi qu'est-ce qui est hérétique pour commencer ? Ce n'est pas une tâche facile ; certains diraient que c'est impossible. Effectivement, nous ne connaîtrons jamais le tableau complet. Tout ce que nous pouvons faire c'est obtenir des bribes, ici et là, des flashs d'illumination qui permettent quelques brefs instants de vraie définition. La tâche de l'hérésiographe, alors, est de déterminer ce qui est une antivérité et pourtant existe néanmoins.

~ Lyle Burnley, Hérésiographie moderne : Un guide d'introduction (Yellowknife: Eutopos Publishing, 1974).


SCP-5580

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Membres de l'escorte de SCP-5580-1B au cours de l'opération F

Objet no : SCP-5580

Classe : Neutralisé

Procédures de Confinement Spéciales : Tout document historique mentionnant SCP-5580, SCP-5580-1, la Confédération d'auto-défense Hmong ou une opération de l'IJIEPA dans le nord du Vietnam doit être supprimé de toute source où il est découvert quelle qu'elle soit. Des recherches sont en cours afin de récupérer des enregistrements supplémentaires des expéditions de Lyle Burnley de 1936 et 1939 au Vietnam ; il est supposé que ceux-ci se trouvent en la possession de la fille de Burnley, Matilda, dont la localisation actuelle est inconnue.

Une zone de 5 km2 entourant SCP-5580 a été interdite d'accès au public. Bien qu'il soit supposé être neutralisé, la prudence préconise que tout accès ou expérimentation sur SCP-5580 soit strictement interdit.

SCP-5580-1 est supposé avoir été détruit, mais les robots d'indexation de la Fondation sont programmés pour signaler toute information sur sa localisation potentielle.

Description : SCP-5580 est une base militaire japonaise en ruine se trouvant dans ce qui est maintenant la Province Lào Cai, au Vietnam.

SCP-5580 a été construit par l'Institut Japonais Impérial d'Étude des Problèmes Anormaux (IJIEPA) en 1944, au cours de l'occupation japonaise de l'Indochine française. Son but était d'abriter et de servir de base opérationnelle à SCP-5580-1B dans le cadre de l'Opération F, un projet de recherche militaire visant à utiliser SCP-5580-1B afin d'aider les forces japonaises au cours de la Seconde Guerre mondiale.

Avant sa destruction, SCP-5580 semblait subir une série de modifications anormales, s'étendant considérablement et affectant l'état moral et physique de ses occupants. Immédiatement avant sa destruction, il est supposé avoir atteint au moins 100 m de hauteur.

SCP-5580 a été détruit par le GdI#991 "Confédération d'auto-défense Hmong" au cours de l'Incident 5580-2, en utilisant SCP-5580-1A.

Addendum 1 : SCP-5580-1

SCP-5580-1 était un artefact cinquiste découvert par Henrietta Jackson1 en 1923, à la suite d'une expédition archéologique dans le sud de l'Arizona. Bien que les origines de l'artefact aient été inconnues à l'époque, le chef des Cinquistes du Sud Johan Headley-Smythe, impliqué dans les mouvements cinquistes d'Arizona à la fin des années 10, déclara lors d'un interrogatoire de 1984 qu'il s'agissait "d'un corps" ou "d'un œuf mort" ; ce que cela signifie exactement n'est pas entièrement compris.

Les fonctions et capacités de SCP-5580-1 ne peuvent être complètement déterminées. Cependant, en se basant sur les rapports récupérés de l'ancienne IJIEPA et les témoignages des membres de l'ancien GdI#991, les capacités suivantes lui ont été attribuées :

  • Capable de créer des "éclats" ou des "rayons" de lumière qui étaient exploités pour "changer" ou éliminer un individu.
  • Capable de créer des "illusions" ou "d'étranges lumières", permettant la construction d'environnements virtuels complexes.
  • Capable d'altérer et d'étendre des structures construites de mains d'homme.
  • Capable d'améliorer la pousse de plantes ou de cultures.
  • Capable de fournir anormalement de grande quantité d'énergie, telle qu'exploitée par l'IJIEPA au cours de l'Opération F.
  • Capable de créer un "passage" ; voir ci-dessous pour des informations supplémentaires.
  • Possédant un degré de pensée semi-consciente, possiblement une réflexion des pensées de ceux l'exploitant ou l'entourant.

SCP-5580-1 passa en la possession de Lyle Burnley en 1934, à la suite d'un accord de nature inconnue avec Henrietta Jackson. À un certain moment en fin d'année 1934, Burnley sépara l'artefact en deux moitiés lors d'une expérience, ci-après désignés SCP-5580-1A et SCP-5580-1B.

La roche était, de bien des façons, complètement ordinaire ; un bon morceau de basalte de l'Arizona ayant été découpé et taillé par son ancien propriétaire. C'était un peu chaud au toucher, mais ce n'est pas en soi un signe d'anormalité. Je me suis demandé, un moment, si Henry ne s'était pas fait avoir par l'un de ces p*tain de marchands d'anomalies à la sauvette, la menant vers guère plus qu'un gros caillou enterré dans un mesa en le disant magique.

J'aurais dû y penser à deux fois avant de douter de son jugement. Sur un caprice, j'ai utilisé le couteau de béryllium qu'Ackerly m'a procuré pour le découper, juste au cas où ses entrailles révéleraient quelque chose d'autre. À ma grande surprise, le spécimen tout entier – intérieur et extérieur – se mit à briller d'une intense lumière rose, illuminant la petite pièce et éclipsant bien ma lampe pâle.

J'ai regardé dedans. Vous devez comprendre – j'étais naïve et encore quelque peu jeune en ce temps. Je n'avais pas cette richesse d'expérience octroyée par le temps. Le Cinquisme restait un jeune culte et peu d'entre nous connaissaient les forces exactes auxquelles on avait affaire, ou le degré de leur insondable hérésie. Le frémissement que les mots "lumière rose" inspire désormais était inconnu de la plupart d'entre nous, spécialement de ceux qui n'ont pas de vécu ou de souvenir des vieilles Guerres occultes.

Mais je fus chanceuse. Cette lumière-là n'émanait pas de cette terrible étoile de mer. Ça ne tentait pas d'attaquer ou d'asservir. C'était la puissance brute, ni ternie ni modelée. Je l'ai touchée, et il me semblait me déplacer dans un océan doux et délicieux. Il n'y avait rien des transformations mentales qu'on associe aujourd'hui aux reliques cinquistes. Je subodore que c'était, peut-être, quelque chose de lié au dieu cinquiste mais pas de lui – une substance similaire, d'une origine semblable, mais ultimement sans connexion. Manquant d'une forme vers laquelle se modeler, composée d'assez d'esprits, elle ne montrait pas le moindre pouvoir psychique.

Mais j'étais – je suis – un hérésiographe. Je comprenais de quelle façon la foi et l'occulte pouvaient être manipulés, ou pouvaient révéler. Et plus que tout, je voulais comprendre. Je ne vis pas alors dans quels lieux sombres cette pulsion me piègerait.

~ Lyle Burnley, Souvenirs tabous et interdits, 1933-1937.

En 1936, Burnley, un hérésiographe indépendant en ce temps, fut employé par le gouvernement colonial français en Indochine en tant que consultant sur de nombreuses pratiques anormales parmi la communauté Hmong dans ce qui est maintenant le nord-ouest du Vietnam. Burnley laissa une grande quantité d'informations en discutant de ses activités dans son journal.

Ça nous prit peut-être une semaine pour trouver le village. Les autorités françaises avaient été vagues, évasives. J'ai trouvé ça bizarre ; pourquoi engager un homme et ne pas vouloir divulguer le nécessaire basique de ce travail ? Ils parlaient de "pratiques menaçantes" mais rien d'autre. Je commençais à penser que je fonçais dans un piège.

Je subodore à présent, cependant, qu'ils ne savaient pas ce qu'ils voulaient. Ils étaient conscients que cette zone, une partie de ces hautes-terres étendues et sauvages dans le nord de la région, sont toujours restées au-delà des limites de la civilisation conventionnelle. Les états à rizières des basses-terres n'ont jamais réussi à les subjuguer ; elles restaient, tel que c'était, une frontière où tout pouvait arriver. Les Français voulaient probablement et simplement l'assurance que toute menace potentielle avait été neutralisée.

Les locaux étaient, naturellement, inutiles. Jusqu'à maintenant, ma recherche m'a tenu pleinement dans les quartiers occultes d'Europe et d'Amérique ; j'ai simplement répliqué la même attitude envers eux que n'importe quel américain aurait montré. J'ai honte de dire que je les ai imaginés, pour l'homme, une race sombre et stupide.

~ Lyle Burnley, Souvenirs tabous et interdits, 1933-1937.

Burnley a choisi de garder les deux moitiés de SCP-5580-1 sur sa personne en permanence, déclarant qu'elles étaient "des assistants de recherche inestimables". Dans la nuit du 26 septembre 1936, un groupe de villageois vola SCP-5580-1A à Burnley, ne laissant que peu de traces de leurs activités.

La folie que nous portions tous avec nous fut de croire, consciemment ou non, en un certain ordre du monde. Même un homme à l'esprit relativement libéral tel que moi aurait envisagé une centaine de justifications différentes pour expliquer pourquoi les choses étaient telles qu'elles étaient, ne soupçonnant jamais qu'il soit impossible et inutile de placer et catégoriser la nature immense de l'expérience humaine dans de si petites boites. J'ai supporté, lorsque ce n'était pas pratique financièrement, l'autonomie des peuples colonisés, mais mon analyse ne serait pas allée plus loin.

Il n'est pas suffisant de simplement croire, dans un sens abstrait, que le colonialisme est mauvais. Est-ce que la libération de ces états, vietnamien, lao ou thaï, aurait été suffisant pour apaiser ma conscience ? Cela aurait produit trois états de producteurs à l'Ouest d'escroquer de nouveau, chacun d'eux se tournant vers l'intérieur pour justifier quelque nouvelle subjugation dans les anciens modèles de tout état coercitif. Il existe toujours plus de marécages à drainer, plus de jungles à abattre, plus de personnes à qui attribuer leur position dans un système globale des saisons.

Je ne pouvais rien voir de cela. Comme je l'ai dit de nombreuses fois déjà dans ce volume, j'étais jeune et fou. Mon orthodoxie était le monde avec lequel j'avais grandi. Je m'étais mis au service de l'intérêt libéral de l'ouest large d'esprit. Le peu de sympathie abstraite que je tenais était pâle devant le vol de la pierre. Je désirais vengeance, et je la désirais.

Après avoir perdu la pierre, j'ai passé une semaine enrageant dans la jungle, fouillant le moindre village pour mon butin. Je n'ai blessé personne, mais j'ai permis deux équipes des gardes engagés à conduire leurs propres expéditions. Je n'ai jamais ordonné la moindre atrocité, et pourtant, je me suis trouvé me demander de nombreuses fois au cours des années ce qu'ils avaient fait tandis que je menais une troisième équipe dans la campagne. Ça me pèse encore sur la conscience.

Au final, cependant, ma recherche fut vaine, et une arrivée si bruyante mit un terme à tout espoir d'attraper un occultiste la main dans le sac. Tout ce que ces expéditions furieuses avaient fait n'était que d'alerter les autorités douanières françaises de l'objet en ma possession.

~ Lyle Burnley, Souvenirs tabous et interdits, 1933-1937.

Comme Burnley fait allusion ci-dessus, les autorités coloniales françaises saisirent SCP-5580-1B lors de sa sortie du territoire. Celui-ci resta en leur possession jusqu'en 1940, lorsqu'ils le remirent à l'IJIEPA dans le cadre de l'accord de reddition avec l'Empire japonais.

Addendum 2 : GdI#991, la Confédération d'auto-défense Hmong

Le groupe désigné comme la Confédération d'auto-défense Hmong s'est formé en début d'année 19372. La Confédération était un réseau de défense constitué de plusieurs villages Hmong proche de la frontière chinoise. Elle n'avait aucune structure gouvernementale officielle, les décisions étant prises par les membres de ces villages.

La Confédération a été formée lorsque SCP-5580-1A arriva en la possession de Lauj Gao-Jer, une récente veuve Hmong provenant d'un village se trouvant dans ce qui est maintenant la province Lào Cai. Lauj, ainsi que plusieurs hommes et femmes des environs, commença à tenir des réunions en fin d'année 1937 afin de discuter des formes d'auto-défense contre les institutions de l'état colonialiste français. À partir du milieu de l'année 1938, beaucoup de Hmong étaient dans une forme de résistance ouverte mais relativement passive contre l'Union Indochine :

L'idée était simple. Il n'y aurait aucun soulèvement, aucune rébellion : ils auraient simplement arrêté d'obéir aux ordres et de payer les taxes. Ils se seraient assis, avec leurs morceaux de la pierre et auraient attendu que viennent les Français. Je les ai admirés, et je voulais les rejoindre, mais ils disaient que j'étais trop jeune.

Pourtant, je me souviens avec quelle facilité nous nous sommes tous acclimatés à cette nouvelle réalité. Pendant des générations nous avions été en conflit, ouvert ou non, avec ceux qui voulaient nous contrôler ou nous imposer leur structure étatique. Mes ancêtres avaient fui de Chine des décennies auparavant, où les Qing faisaient tout leur possible pour nous forcer à nous fixer. Nous avions vécu dans les montagnes et nous y étions adaptés car elles fournissaient une échappatoire aux basses-terres en contrebas, à leurs rizières et leurs villes.

Et au final, en ce lieu, nous avions l'avantage. La première tentative française pour réimposer le contrôle échoua dramatiquement. Gao-Jer se tenait sur une large plaine, souriant aux soldats, ses camarades déployés derrière elle. Les soldats approchèrent, pensant qu'il serait facile de tirer sur ces fous de gens des collines et de les mettre à terre. Elle assembla les morceaux de la pierre ensemble, ferma les yeux et, dans une lumière rosée, ils fusionnèrent tous de nouveau en une unique roche. Cela effraya les Français assez pour les rendre plus prudent. Puis elle la tint en l'air et laissa la lumière rose s'écouler.

Le plus drôle était que Gao-Jer n'était pas une révolutionnaire. Elle ne voulait pas déranger l'ordre des choses. Le frère de son premier mari ; Rwg, l'épousa peu après le début des réunions comme c'était courant parmi nous. Elle continua de vivre une vie de femme, travaillant dans les champs et faisant de la couture la nuit. Nous vivions nos vies comme nous l'avons toujours fait pendant des générations.

~ Phab Tooj, Témoignage au Dr Henry Maxwell

À partir du milieu d'année 1939, les Français avaient perdu le contrôle d'une grande zone le long de la frontière chinoise. Des rapports avaient également commencé à arriver disant que la Confédération agissait dans des zones du Yunnan. Après quatre tentatives échouées pour rétablir le contrôle, le gouvernement français appela Lyle Burnley afin de négocier avec le GdI#991, promettant de lui rendre le contrôle de SCP-5580-1B s'il obtenait la réussite.

C'était une idée démente, il y avait réellement peu de chose que je pouvais faire, mais les Français devenaient désespérés. J'avais refusé de les aider à découvrir les secrets de leur moitié de la roche, mais j'ai accepté de parler à la femme Hmong. Ils étaient terrifiés qu'elle puisse utiliser la pierre pour lancer une guerre de libération. Je voulais simplement une chance de récupérer mon butin.

Elle accepta de me rencontrer dans une clairière proche de Sa Pa. Il faisait sombre lorsque nous sommes arrivés. La pluie était passée, mais pas complètement la mousson ; juste une bruine constante et désagréable. Elle me rit au nez et je suppose que j'avais l'air d'un fou ; quelque Américain arrogant à la moustache hérissée, portant une veste incolore par-dessus ma tête. Son mari était à ses côtés, brandissant un morceau de la pierre ; je crois que son nom était Roug. Je fixais la pierre avec envie. Je crois qu'elle vit mon expression.

Elle me conduisit dans une tente de fortune. Son expression était amusée en permanence ; ou peut-être avais-je juste projeté ça, je ne sais pas. Son français était étonnamment fluide. Je découvris bien plus tard qu'elle avait passé quelques temps à Hanoi lorsqu'elle était jeune, travaillant à l'usine.

J'ai passé le clair des négociations à essayer de découvrir où était la roche. J'ai tenté d'être subtil, mais ne l'était clairement pas. Après un moment, elle sourit et souleva une bâche dans le fond de la tente. Elle se trouvait là ! Tout près d'elle ! J'aurais pu tendre le bras et la prendre – merde, j'ai essayé. J'ai bondi en avant et je me suis retrouvé immobilisé.

Des tentacules de la lumière m'avaient attrapé par-dessous les épaules. Je me suis débattu, mais je ne pouvais pas bouger. Sa tête était basse alors, me regardant avec tristesse. "Qu'est donc la roche pour vous ?", demanda-t-elle.

Je suis désolé de dire que j'ai employé là quelques mots infâmes. Puis je répondis, "Connaissance." C'était vrai, après tout.

Elle secoua la tête vers moi. "La connaissance n'est qu'un seul aspect du pouvoir," dit-elle, "et la roche est le pouvoir." Elle se pencha et la caressa, prononçant quelques mots en Hmong que je n'ai pas compris.

Une lumière s'étendit vers le fond de la tente. Au début, c'était comme un projecteur ; mais ensuite, ça devint plus solide. Un passage. Il était composé de briques roses, formant une majestueuse arche. Au-delà, rien d'autre que la lumière rose.

Nous l'avons tous deux fixé pendant un moment, puis j'ai poussé un cri. Un garçon – un type Hmong – en émergeait. Il en sortit, sourit à la femme, puis quitta la tente. La femme hocha la tête tandis qu'il passait, puis caressa à nouveau la roche. Le passage disparut.

J'ai demandé ce que j'avais vu. La femme répondit, "c'est une autre colline. C'est la plus haute des collines, et là ils ne pourront jamais nous suivre."

Et je compris. La lumière rose, la roche – ils ne l'utilisaient pas pour conquérir ou imposer leur contrôle. C'était simplement les gens des collines, et en ce lieu et temps, ces quelques villages avaient compris ce que d'innombrables conquérants et rebelles n'avaient pas pu comprendre ; que le seul moyen de briser ces cycles infinis était de leur échapper complètement. Lorsque le temps sera venu, ils allaient mener leur peuple hors de ce monde et dans un lieu où personne ne pourrait les suivre.

J'ai arrêté de me débattre. Je fus libéré. À la fin de la semaine, j'avais quitté le Vietnam et m'étais résolu à ne plus interférer à nouveau où je n'étais pas désiré. Mais, ah, que le corps est faible ! Trente années ont passé depuis lors et je me sens lié de plus en plus vers le cœur de la toile, piégé comme un insecte dans mon éternelle tentative de distinguer le bien du mal, l'orthodoxie de l'hérésie. Si seulement j'avais pu prendre le chemin de la femme Hmong. Si seulement il y avait eu quelque chose, quoi que ce soit, que j'avais pu faire pour aider.

~ Lyle Burnley, Testament de l'Œil de l'Araignée, 1937-1945

À la suite de cette rencontre, le gouvernement français changea de stratégie, se concentrant sur des manières d'exploiter SCP-5580-1B pour une utilisation militaire contre la Confédération. Cependant, ces plans furent abandonnés à la suite de l'invasion japonaise de l'Indochine.

Addendum 3 : IJIEPA et SCP-5580-1B

L'IJIEPA a pris conscience de SCP-5580-1 en 1938 et, à la suite de la capitulation de l'Indochine française en 1940, a pris le contrôle de SCP-5580-1B. À partir de 1941, ils avaient commencé à travailler sur un moyen d'exploiter SCP-5580-1B dans un cadre militaire, résultant en l'Opération F.

Le but de l'Opération F était de transformer SCP-5580-1B en une arme de destruction massive, avec l'intention de l'utiliser dans la guerre en cours comme une alternative aux programmes d'armement nucléaire de plus en plus lourds. À cette fin, une base de recherche – SCP-5580 – a été établie dans ce qui est maintenant la Province Lào Cai, abritant SCP-5580-1 et menant des expériences afin de déterminer les potentiels usages militaires.

Nous étions une petite force d'intervention dédiée – une trentaine ou une quarantaine de personnes sur la base entière, je crois. Nous étions patriotes, comme la plupart des hommes de l'IJIEPA. Nous étions également engagés dans une rivalité féroce avec la MIJ3 – en ce temps, leur propre programme d'armement anormal était un secret de polichinelle et il était de plus en plus important pour l'IJIEPA d'établir sa suprématie anormale.

Il n'était pas agréable de travailler dans de telles conditions. Le climat n'était pas en accord avec nous ; beaucoup de mes compatriotes ne s'entendaient pas les uns avec les autres. Je ne sais pas comment nous avons réussi à atteindre un succès si rapide et une part de moi se demande si la roche elle-même ne nous aurait pas aidés en ce sens. La lumière rose altère, je pense, dépendamment de qui l'utilise et de son objectif. Les murs de métal et de béton de la base se mirent à prendre des couleurs si étranges, même lorsqu'aucun test n'était en cours.

Ce n'était pas le nombre cinq qui était gravé dans nos têtes, comme pour les autres cultes cinquistes. C’était autre chose. Ça avait la même origine que l'étoile de mer, mais n'en était pas un morceau. Nous n'avions donc pas de mantras de cinq par cinq mais un rythme différent qui s'était installé dans nos têtes. Qu'importe à quoi ça pouvait s'accrocher. Et dans ce lieu, cet environnement – bien, c'était les têtes d'hommes désespérés qui voulaient faire du bon travail. Des hommes qui voulaient tant réussir à en faire une arme. Des hommes piégés dans un simple bloc de métal leur vie entière.

~ Dr Nakamura Kenji, Témoignage au Dr Henry Maxwell.

À partir de 1942, peu de progression ayant été apparente, le gouvernement japonais avait décidé de réduire ses pertes en mettant un terme à l'Opération F. Cependant, le personnel en poste dans SCP-5580 ne répondit à aucun ordre de départ, et aucun des hommes envoyés pour les récupérer ne revint. Après avoir perdu une force armée significative en janvier 1943, l'IJIEPA décida d'abandonner toute tentative de récupération de SCP-5580 ou de SCP-5580-1B.

Malgré ça, les opérations de SCP-5580 continuèrent pendant une nouvelle année, jusqu'à l'Incident 5580-1. Des rapports éparpillés qui atteignirent la naissante opération Saigon de la Fondation indiquait un degré élevé d'activité anormale dans ses alentours, avec des déclarations d'un bâtiment "se construisant lui-même" et "s'étendant constamment" par-dessus les collines alentours.

Pour être honnête, je n'arrive pas à me rappeler grand-chose des quelques derniers mois. Je ne peux vous dire à quoi le bâtiment ressemblait ou ce que nous y faisions. J'étais presque enchaîné à mon bureau, essayant de tout mon possible de faire une arme de la lumière rose. Je n'aimais pas lever la tête. Je me baladais, tête baissée, entre mes quartiers et mon labo, ne questionnant jamais ce que faisaient les autres ou pourquoi nous avions toujours les ressources dont nous avions besoin.

Je me demande si l'expérience des rebelles avec la lumière était si différente car il leur manquait un objectif aussi clair. Ou ça n'est peut-être pas vrai – ils avaient un objectif, mais c'était moins obsessif, moins singulier. Il n'y avait plus de place en nous pour les schémas ordinaires de la vie. Nous devions achever la mission. Les soldats qu'ils envoyèrent pour nous relever l'ont senti aussi, et de plus en plus d'entre eux patrouillaient les terres, désespérés de sauver le camp et, de fait, l'Empire.

Le travail avançait bien.

~ Dr Nakamura Kenji, Témoignage au Dr Henry Maxwell.

Les effets de SCP-5580 sur la région devinrent extrêmes. De nombreux villages étaient pris d'assaut par le personnel de l'IJIEPA pour des ressources, menant souvent à des contacts mineurs avec les membres du GdI#991. Bien que leur utilisation active de SCP-5580-1A leur donnait systématiquement l'avantage dans ces conflits, le GdI#991 était réticent à s'engager dans un assaut direct sur SCP-5580 ou un conflit plus ouvert avec l'IJIEPA.

C'était Rwg qui poussait le plus vers un assaut. Nous savions à ce moment que les Japonais avaient l'autre moitié de la pierre et ce que ça signifiait pour nos perspectives. Mais Rwg était persuadé qu'un assaut court et brutal nous sauverait tous. Je crois qu'il se rangea lorsque Gao-Jer lui montra son désaccord ; ça le faisait sembler faible quand sa femme détenait plus de pouvoir.

Mais c'est Gao-Jer qui avait libéré le peuple, Gao-Jer qui avait renvoyé les Français à Hanoi et libéré les contrées des collines. De plus en plus de villages et de nomades affluaient sous notre bannière. Et Gao-Jer exhortait à la prudence, encore et encore, et le peuple acquiesçait.

Mais ensuite les choses sont devenues plus bizarres. Les Japonais stoppèrent leurs raids et ne reçurent plus aucun convoi et pourtant le bâtiment grandissait. Il était devenu tel une tour, s'étendant de plus en plus haut vers le ciel, empli d'angles étranges et de flèches ne menant nulle part.

Il y avait de l'activité là-dedans, nous pouvions le voir ; des scientifiques se déplaçant, des soldats patrouillant. Il y avait quelque chose à l'intérieur qui leur fournissait la nourriture, agrandissant la structure. Les arbres alentours brûlaient de jour comme de nuit. C'est lorsque les éclairs se mirent à frapper les flèches que Gao-Jer passa à l'acte.

~ Phab Tooj, Témoignage au Dr Henry Maxwell

Addendum 4 : Incident 5580-1

Le 16/05/1943, les expériences de SCP-5580 atteignaient leur stade final. Plusieurs protubérances à l'extérieur de l'enceinte avaient commencé à agir comme des puits à foudre, s'en servant apparemment comme source d'énergie. Des villageois proches et des membres de la Confédération rapportèrent voir de la "lumière rose" s'échapper de la flèche centrale de la tour.

Le 18/05/1943, une réunion de la Confédération résulta en une décision unanime d'attaquer SCP-5580. Un petit groupe d'insurgés, menés par Lauj Gao-Jer, pénétra la base le 20/05/1943 dans le but de récupérer ou d'annihiler SCP-5580-1B ; la force principale du groupe attaqua la base 30 minutes plus tard pour fournir une distraction.

J'ai suivi le groupe car ils voulaient quelqu'un de petit, quelqu'un pouvant se déplacer dans les lieux étroits. La lumière avait changé et altéré le bâtiment et nous n'avions aucune idée de comment serait la navigation là-dedans. Gao-Jer était nerveuse, mais Rwg, se sentant enfin légitime, était plein d'audace et d'excitation.

Ce n'était pas si difficile d'entrer. Les gardes agissaient de façon irrégulière, comme un simulacre de patrouille. Il y avait une porte de service, une chose étrange et courbe. De là, nous avons pénétré un système d'aération avec de petites grilles tous les quelques mètres.

Je ne sais pas si cette aération avait le moindre but. Je me rappelle voir à travers les grilles ; de petites choses, des scènes humaines. Sept scientifiques tous debout dans un cercle, écrivant des mots insensés sur du papier en psalmodiant. Un drapeau japonais en rose et blanc, étalé sur le sol et le distordant, des soldats essayant de l'équilibrer tandis qu'ils espéraient et priaient. Un chercheur absorbé par un mur, de l'électricité lui traversant le corps, hurlant.

C'était un cauchemar, une copie de la réalité, le rêve fiévreux de quelqu'un. Je ne crois pas qu'ils aient été encore humain, juste ce que la lumière pensait que les humains devraient être ; et c'était filtré par la moindre idée démente que les scientifiques avaient rêvée.

~ Phab Tooj, Témoignage au Dr Henry Maxwell

Je m'étais échappé il y a deux mois lorsque j'ai finalement pu me réveiller et voir ce que je faisais. J'ai fui dans la nuit. Les choses que j'ai vu à la fin étaient inhumaines. À la place d'une étoile de mer se trouvait un drapeau, un état, un modèle de pouvoir.

Pensez à comment nous concevons la nation. Nous, en tant que personnes, savons tous que nous y appartenons. Ça a une sorte d'existence réelle, tangible. Nous voyons l'état comme son bras physique, son Saint Esprit, et tout passe au travers dans un ordre parfait qui, sur le papier, reflète nos valeurs. Ce monde n'est pas un champ de bataille de négociation, de diplomatie et de compromis – il n'y a pas du tout même de vraies personnes. Juste des avatars de la nation, complétant tous le rôle qui leur a été alloué, labourant les champs dans la conviction que leur petite contribution est un morceau d'un plus grand tout.

Imaginez si le monde était réellement comme ça.

Et donc le développement de la tour était la seule fin possible. Tout était fait sans question, chaque décision bizarre et distorsion de la réalité étant juste vu comme un autre morceau de la grande entreprise. Pour le Japon ! Pour l'Agence ! L'Empire ! Toutes les flèches menant vers ce simple et vaste point, montant, de plus en plus haut, plus spécifique et singulier à chaque instant passé.

Notre travail était si proche à cet instant. Un peu plus longtemps, et cette tour serait capable de faire tout ce qu'elle désirait.

~ Dr Nakamura Kenji, Témoignage au Dr Henry Maxwell.

L'infiltration débuta à 22:30 heure locale. À 23:00, l'assaut principal débuta, dérivant une grande partie du personnel de SCP-5580 loin de la base.

SCP-5580-1A avait été distribué parmi les membres de la petite force d'intervention, dans l'espoir que cela serait utile contre SCP-5580-1B. En conséquence, les membres de la Confédération étaient obligés d'employer des armes conventionnelles, menant à de nombreuses pertes. Malgré cela, leur opération fut un succès et les troupes japonaises étaient en grande partie absentes de la base à partir de minuit.

À approximativement 00:30, la force d'intervention s'était frayé un passage jusqu'au laboratoire principal, au centre de l'enceinte.

Il n'y avait pas de plafond là-dedans ; juste la flèche, s'étendant si loin au-dessus. Je n'ai aucune idée à quel point elle était haute à ce moment. Le toit caverneux était craquelé de lumière rose.

Une partie toucha Rwg ; il tomba instantanément. J'ai vu Gao-Jer sursauter physiquement face à ça, mais elle prit juste son morceau de la pierre et continua vers le centre du laboratoire. Nous nous étions attendus à un affrontement, mais les scientifiques étaient éparpillés un peu partout, clairement morts. Il n'y en avait pas beaucoup ici. L'un d'eux avait toujours ses lunettes en place, un peu de travers ; il tenait une liasse de papiers et saignait des oreilles. C'était presque comique.

Au centre se trouvait leur moitié de la pierre. Elle semblait malade. La lumière rose enroulait des filaments vers le haut, pile au centre de la flèche, aussi loin que nous pouvions voir. C'était comme une étrange cathédrale. Un chercheur était là, toujours en vie, lui murmurant. Il ne sembla pas nous remarquer. Il ne leva pas les yeux.

Nous avons passé beaucoup de temps à essayer de la sortir. Nous avons tiré, soulevé, tranché l'encadrement de métal et la lumière rose – rien. La foudre au-dessus de nous devenait de pire en pire. Finalement, Gao-Jer nous ordonna d'utiliser la pierre dessus. Ça fonctionna – la lumière recula – mais ce n'était pas assez puissant. Ils étaient trop petits. Un cri inhumain retentit au-dessus de nous et deux des membres de notre groupe furent abattus par la foudre.

Alors Gao-Jer nous demanda de lui donner ses pierres et puis de sortir. Je me rappelle son visage. Elle avait les yeux grands ouverts, les sourcils haut. Je ne sais pas ce qu'elle ressentait. Je ne pense pas jamais le savoir. Elle ne voulait pas qu'on prenne la pierre avec nous au début, je crois – elle avait semblé réticente. Et maintenant, ici, se tenait la fin de tous ses grands desseins pour son peuple.

Nous avons assemblé les roches ensemble et elle les fusionna, comme je l'avais vu faire de si nombreuses fois. Puis ceux qui restaient partirent par la ventilation. Je fus le dernier à partir. J'ai regardé en arrière vers elle, juste avant d'y aller ; elle fixait la lumière rose, ses cheveux fouettant l'air autour de sa tête. Son visage était tourné de l'autre côté.

~ Phab Tooj, Témoignage au Dr Henry Maxwell

À approximativement 02:00, SCP-5580 a été détruit dans une énorme explosion qui annihila une zone d'un diamètre approximatif de 1,5 km. Aucun membre de la Confédération ne fut blessé, étant donné que les derniers s'étaient retirés à partir de 01:45. De nombreux soldats japonais, les pourchassant, survécurent également ; cependant, quelques-uns qui étaient retournés à la base, ainsi que tous les chercheurs, sont décédés.

Le corps de Gauj Gao-Jer n'a jamais été retrouvé. L'enceinte était largement en ruine, seuls restants quelques structures de la fondation. Aucun de ceux-ci n'avait été sérieusement augmenté par SCP-5580-1B. Il est également supposé que SCP-5580-1 a été détruit dans l'explosion.

À la suite de ces événements, le GdI#991 fut rapidement dissout, ses deux principaux leaders étant décédés et son principal moyen de pression détruit. À la suite de la guerre, les autorités coloniales françaises rétablirent leur contrôle sur la région. Ils furent incapables de trouver ou de poursuivre les membres du gdI#991, bien qu'ils aient commis plusieurs crimes en représailles contre la population Hmong.

Les habitants locaux ont rapporté avoir vu des silhouettes "fantomatiques" dans les ruines de SCP-5580 au travers des décennies ; cela n'a pas été confirmé par les sources de la Fondation.

Addendum 5 : Interrogatoire avec M. Phab Tooj

Ce qui suit est un interrogatoire mené par le Dr Henry Maxwell avec l'ancien membre de la Confédération Phab Tooj le 17/09/1991. Phab, âgé de seulement 14 ans en 1943, a plus tard emménagé dans le nord du Laos dans les années 50, avant d'être forcé de fuir aux États-Unis avec sa famille en 1975 à la suite des actes de représailles contre les Hmong pour leur implication perçue avec les opérations de la CIA au Laos. À partir de 1991, il était un étudiant diplômé d'histoire de l'Université de Chicago.

Cet interrogatoire prit place après que Phab eut lu le document ci-dessus, comme le Dr Maxwell se demandait à quel point il correspondait à sa version des événements.

<Début d'enregistrement>

L'interrogatoire prend place dans une salle d'interrogatoire standard. Phab est assis d'un côté de la table, lisant une copie du document de SCP-5580. Maxwell est assis de l'autre côté de la table, observant Phab avec attention.

Maxwell : Alors, qu'en pensez-vous ?

Phab : Hmm.

Phab repose le document sur la table.

Phab : C'était… intéressant.

Maxwell : Vous ne confirmez pas ça ?

Phab : Non, non, c'est juste… je trouve que c'est un compte-rendu bien précis en termes d'événements, oui. Ça les décrit quasiment entièrement tels qu'ils se sont déroulés.

Il y a une courte pause.

Maxwell : Vous ne semblez pas convaincu.

Phab : "C'était là la fin de tous ses plans pour la lumière." Je n'ai pas parlé de lumière. J'ai parlé des collines.

Maxwell : Bien, toute traduction est vouée à-

Phab : Le truc c'est que, la manière dont vous l'avez, ah, "traduit", dans le contexte de tout le reste – ça donne l'impression que le plan de Gao-Jer était de nous emmener tous par le passage. Sur la terre de la lumière rose.

Maxwell : C'est ce que Burnley déclara. Il est l'unique source que j'ai de ses intentions – vous disiez ne pas savoir.

Phab : Vous n'avez pas interrogé un autre survivant que moi ? Je sais qu'il y en a là-dehors.

Maxwell : C'est – difficile de suivre ces personnes par là-bas. Spécialement parmi les Hmong.

Phab : Mm. Mais je suis en Amérique, donc plus accessible.

Maxwell : Exactement.

Phab : Mm.

Phab ramasse le papier et le feuillette à nouveau.

Phab : J'ai parlé des collines. Les Hmong sont un peuple des collines. J'étais un enfant. J'ai vu ses yeux briller de si nombreuses fois, brillant de la promesse du futur, mais… je ne crois pas que ce soit ce qu'elle allait faire, Dr Maxwell. Je ne crois pas qu'elle voulait un Shangri-La et je ne crois pas que la lumière devait être une demeure permanente. Pourquoi est-ce que Burnley sait ce qu'elle pensait ?

Maxwell : C'était un homme perspicace…

Phab : C'était un homme de l'ouest qui ne pouvait même pas se rappeler du nom de la femme qu'il interrogeait. Je sais qu'il était – ou, bon, qu'il est devenu sympathique, mais il ne voyait toujours pas les choses que nous voyions. Il n'a pas passé des années avec elle, à ses côtés.

Phab repose le papier sur la table.

Phab : Un seul survivant. Et même avec vos autres sources, vous vous reposez tant sur Burnley. Ce que vous avez construit là, docteur, est une – une sorte d'orthodoxie. C'est une position. C'est une variante ce la vérité. Peut-être que vous et Burnley avez raison sur Gao-Jer, et que j'ai tort. Je ne sais pas.

Phab allume une cigarette.

Phab : Il y a tellement de vérités. Ma vérité est le bruit des insectes dans le crépuscule de la nuit et une communauté rassemblée autour d'un rocher ouvert, regardant des étincelles roses allumer les espoirs d'un futur. C'est la pluie coulant sur les visages et une femme, il y a si longtemps – mon dieu, si longtemps – faisant des discours que je ne comprenais pas.

Maxwell : Il n'y a qu'une seule vérité.

Phab : Mais pourrez-vous jamais y accéder ? Même pour l'entrevoir ? Je vois beaucoup de faits rédigés, mais aucun à propos de la décision que Gao-Jer a dû prendre.

Maxwell : Laquelle ?

Phab : celle où elle devait sacrifier le seul pouvoir qu'elle possédait, le seul pouvoir qu'aucun d'entre nous avait. Celle où nous devions accepter la loi des Japonais, des Français, des Viet Minh – où nous étions une fois encore plongés dans un cycle éternel de vie précaire. Elle le fit pour vous, docteur, pour tout le monde, lorsqu'il n'y avait personne d'autre qui puisse le faire. Et elle n'aurait jamais dû avoir à le faire. Voici ma vérité, docteur.

Phab plante sa cigarette allumée dans le document ; celui-ci prend feu. Le Dr Maxwell fait un bond en arrière mais Phab reste assis, fixant les flammes.

Phab : Autant pour la vôtre.

<Fin de l'enregistrement>

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