Document 499-FR.1
"Le commencement" |
Traduit par : Spé. Provoste |
Au commencement était l'abîme, le Ginnungagap, séparant les mondes de feu et de glace. En son froid glacial gelait l'eau mortelle qui n'avait jamais plu, formant cascades et cristaux d'une beauté infinie loin de la lumière qui les aurait fait étinceler et bien des éons avant que des yeux puissent les voir. Des volutes de givre et des flocons d'argent tournoyaient dans le Ginnungagap, craquelant la pierre comme les lèvres d'un homme se brisent sous le froid.
Puis de Muspellheim coula le feu, les langues brûlantes sorties des bouches craquelées de l'hiver, faisant fondre les flocons ciselés. Les terres de feu vomissant tout le sang chaud de la pierre dans le gouffre sans fond du Ginnungagap, sa glace frissonna et fondit en gouttes froides et vapeur brûlante.
La fumée s'éleva jusqu'à quitter l'abîme, et fut emportée par le vent le long de Ginnungagap. Le feu de Muspellheim, se déversant dans les profondeurs et les emplissant de magma, laissait place à la première terre où la beauté évaporée des premiers éclats se déposa, lasse. Elle y fleurit, voyant pour la première fois la douceur de la terre et la chaleur du feu autour d'elle et dans les ciels. Émergea du sol l'Yggdrasill, né de la rencontre entre les deux beautés du froid et des flammes. Son tronc robuste poussa et s'élargit, couvert de l'écorce rugueuse des arbres qui savent déjà tout de ce qui existe. Ses branches se tendirent s'élevèrent dans les ciels, si riches de ramures et de feuillages, la vie de l'Yggdrasill jaillissant de lui telle la semence de tous les mondes.
Et les mondes naquirent, perchés dans sa canopée ou enfouis sous ses racines bien trop grandes pour que les yeux de onze hommes en fîssent le tour. [ILLISIBLE]
Et alors que la première vapeur germait en l'Yggdrasil, l'eau des onze sources, dont le poison avait été chassé par le gel, jaillit, repoussée par l'abîme du Ginnungagap en qui nulle eau saine ne désirait ruisseller. Et du côté de Niflheim des glaces, l'eau donna naissance au géant Ymir, la première cervelle à penser et les premiers pieds à fouler le sol de la terre originelle.
Document 499-FR.2
"Naissances" |
Traduit par : Spé. Provoste |
Après la naissance du Hel au-delà de la portée de ses yeux, Ymir dormit. Il dormit et de la sueur se forma de son corps et s'évapora à la proximité des flammes léchant l'autre bord du Ginnungagap et donna naissance au premier homme, à la première femme, au premier enfant.
Le sel de sa sueur resté sur sa peau frissonna au contact du sol gelé de Niflheim et enfla, se boursoufla, la vapeur qui en naquit dans l'air glacial formant la race des géants. Ymir se réveilla ensuite, et constata la naissance des êtres d'après. Les Hommes craignaient la morsure de Niflheim et déjà rêvaient de passer de l'autre côté de Ginnungagap pour y rejoindre l'arbre-monde qui s'élevait jusqu'à des ciels qu'ils ne pouvaient même encore imaginer. Il partirent donc tous trois, marchant au bord de l'abîme, cherchant un point où il fût possible de le traverser.
Restèrent avec Ymir les géants, nés de la brûlure du gel, qui se sentaient eux incommodés de la chaleur des flammes de l'autre côté. Ils partirent donc dans la direction opposée, là où Niflheim s'était fondu dans Niflhel. Et Ymir fut seul à nouveau.
Il resta assis à penser, et longtemps après dormit à nouveau. À nouveau il sua, et la chair de son dos boursouflée, étirée par la glace, prit la forme de cheveux. Mais Ymir n'en prit nulle conscience et continua à vivre, profitant du simple bonheur de respirer qui est celui des êtres qui savent tout de tout ce qui existe. Et il dormit à nouveau, plusieurs fois. Après bien des temps, sa chair blessée finit par prendre forme d'un visage puis d'un corps puis par se détacher de son dos, et donna naissance à Búri.
Quand Búri se détacha de lui, Ymir en ressentit une grande douleur et se retourna vers lui, choqué de découvrir ce qui était sorti de sa chair. Voyant son visage barbu marqué par l'expérience d'avant le début du temps, Búri prit peur et fuit dans les montagnes et le blizzard de Nilfheim.
Document 499-FR.3
"La chute" |
Traduit par : Spé. Provoste |
Ayant pris en âge et en vigueur, les trois fils de Bor voulurent retourner au-delà des montagnes de glace qu'ils avaient seules vues pour voir celui dont ils venaient, ne fût-ce que ses os blanchis, comme chaque fils le doit de ses ancêtres. Vili, Vei et Odin saluèrent la colline où était mort Búri et partirent.
Les trois rêvaient de créer le monde, un monde plus grandiose que l'ébauche qu'ils foulaient. Pour eux l'existence était glaise et ils manquaient d'outil pour y porter forme. Ils espéraient en secret qu'Ymir qui créait les hommes et les géants de sa sueur possédait la Sagesse. Et ils parlèrent lors de tout le voyage de ce qu'ils feraient de celle-ci.
Enfin arrivèrent les trois fils devant Ymir, assis sur un rocher proche de Ginnungagap, contemplant l'éternité au-delà de ses yeux. Il ne bougea pas mais les vit, et leur demanda ce qu'ils étaient et ce qu'ils venaient voir ici. Vei les présenta et s'ouvrit de leur désir de création, priant le premier être de s'ouvrir de l'infini qu'il savait.
Ymir posa sur eux les yeux bleus nés de l'abîme et une larme en coula. Elle roula au sol et alla se mêler à un filet d'Élivágar à ses pieds. Ainsi il pleura car il aurait voulu leur offrir l'infini, mais il ne le pouvait. Il était seul à le connaître, et la véritable Sagesse ne pouvait être apprise. Il le leur dit, et il regarda à nouveau l'Yggdrasill de l'autre côté, pensant aux mondes qui bourgeonnaient en son sein.
Vili, brûlé par la rage de l'ignorance, menaça Ymir, et dans sa main était Skaldnir, la pierre ronde aux bords tranchants. Ymir soupira, et son souffle glissa sur le sol de pierre froide et devint la brise du soir qui écarte les bras de la brume. Il répondit à Vili que, s'il ne pouvait lui apprendre le tout qu'il désirait, il pouvait bien le guider et le conseiller, car il souhaitait la Sagesse pour tous ceux du monde qui n'avait pas encore fini de naître. Vili vit la bonté dans ses yeux et son bras s'abaissa, intimidé et heureux de se voir offrir une chance d'accéder à la sagesse.
Mais Odin ne regardait pas les yeux d'Ymir. Il ne les avait jamais regardés, car toujours Odin regardait au-delà. Il écarta son frère et arracha de ses doigts desserrés Skaldnir, la pierre ronde aux bords tranchants, et trancha la chair du premier être. Le sang jaillit de la cuisse d'Ymir, sa bouche encore ouverte où des mots de conseil moururent dans les flocons de Niflheim. Vei, le moins intelligent et le plus robuste des trois frères, frappa Ymir de son poing et ses phalanges se brisèrent en même temps que le côté du crâne de celui qui Savait. Vili ne bougea pas, et les deux frères frappèrent Ymir jusqu'à ce que Skaldnir et les os à vif de Vei fussent luisants de sang et que le premier né soit immobile.
Vili, tremblant, les joignant, tous trois frères prirent du corps d'Ymir la glaise du monde. De sa chair, ils comblèrent Ginnungagap jusqu'à ce qu'il n'en reste qu'une mince faille. Et le sang d'Ymir jaillit telle la cascade des premiers temps, inondant les deux mondes au-delà des montagnes de Niflheim et jusqu'au tronc de l'Yggdrasill en Muspellheim et noyant tout ce qui avait commencé à vivre sur le sol en bas de celui-ci et ailleurs. De son sourcil, ils firent Midgard, le monde du milieu où ils allaient vivre. De ses cheveux, ils firent les arbres en les y plantant. Arrachant et parfois rompant ses dents en ses os, ils les jetèrent aux quatre vents en ils devinrent les montagnes. Enfin de sa cervelle ils parsemèrent le ciel de nuages.
La bouche d'Ymir ne produisait plus un son et de ses yeux coulaient des larmes, les larmes d'incompréhension d'un être qui ne pouvait assimiler qu'on pût tuer pour de telles raisons. Odin saisit son corps dépecé, à vif et pulsant, et le jeta dans la faille restant de Ginnungagap où il chuta et se brisa bien loin dans les ténèbres, là où nul œil ne s'était jamais posé et où nulle oreille n'entendit l'impact de son corps détruit.
Document 499-FR.4
"Le poison" |
Traduit par : Spé. Provoste |
Dans le flot du sang d'Ymir le premier être se mêlèrent les rivières mortelles de l'Élivágar qui rendirent le flot délétère, tuant rapidement tout être qui fut submergé de sa masse. Mais le sang finit par perdre son élan et coaguler lentement, puis être absorbé par le sol où toute chose qui a été vivante finit.
Et dans le sol du royaume de Muspellheim, le sang toxique d'Ymir trouva les racines d'Yggdrasill. Yggdrasill le but comme le font les arbres de tout fluide, et vite sa sève verte se teinta de violet. Les mondes les plus éloignés et les plus récents, reposant loin dans les ciels les plus éloignés sur de fins rameaux, se flétrirent et moururent. Seuls les premiers mondes subsistèrent, appuyés sur les plus larges branches.
Mais avec le temps, Yggdrasill même s'affaiblit, et lentement ses branches les plus vigoureuses se crispèrent en se repliant comme les doigts d'un mort. L'arbre-monde se tordit pour garder les mondes exposés à la lumière dans sa mort lente, se piégeant lui-même sous la pierre morte que devenait leur sol. De ses racines Yggdrasill s'accrocha aux mondes de Niflheim et Muspellheim, et lentement l'arbre se recroquevilla, se roula en boule jusqu'à reposer dans les ténèbres, entouré des mondes qu'il avait portés.
Tout le feu de Muspellheim consuma le poison des sangs d'Ymir par leur contact et le fit gicler en vapeur avant de se déverser dans ce qui restait de Ginnungagap, s'insinuant ainsi sous les mondes et enveloppant Yggdrasill de marécages ardents. Les sangs d'Ymir recouvrirent plusieurs des mondes, noyant dans les abysses les nombreuses ruines des premiers mondes. Et le calme demeura.
Conclusion : Les théories d'interprétation émises vis-à-vis des documents ci-haut, particulièrement le Document 499-FR.4, suggèrent que les inscriptions trouvées dans SCP-499-FR font directement référence à l'hypothétique formation de la Terre, les différents "mondes" évoqués correspondant approximativement aux plaques tectoniques du globe. Cette théorie n'est basée sur aucun fondement scientifique mais constitue possiblement la version romancée d'un événement anormal réel. En conséquence, le personnel de recherche du Site He-499-FR a été chargé de dresser un tableau d'équivalence provisoire.
Mise à jour du 16/04/1953 : Depuis la découverte de SCP-499-FR-1, l'éventualité que les inscriptions découvertes rapportent des évènements majoritairement réels doit être revue à la hausse.
Répartition des plaques tectoniques, représentation publique officielle (maintenir appuyé pour agrandir, voir grand format ici).
Plaque tectonique |
Monde |
Éléments de preuve |
Plaque sud-américaine
(Violet) |
Muspellheim |
Notes retrouvées de Fernand de Magellan à propos de la découverte de la Terre de Feu. Des manifestations anormales similaires semblent avoir été remarquées à plusieurs autres reprises depuis. |
Plaque Scotia
(Bleu-vert) |
Aucun ; Ginnungagap |
Correspond au contour approximatif de SCP-499-FR sur une bien plus grande surface. Pourrait avoir été la faille tectonique à laquelle les inscriptions de SCP-499-FR font référence comme "Ginnungagap" avant son obstruction. |
Plaque antarctique
(Bleu) |
Niflheim / Niflhel |
Analyse et datation d'échantillons de glace prélevés en Antarctique, révélant la présence d'éléments chimiques possiblement reliables au sang évoqué dans le document 499-FR.3. |
Plaque eurasienne
(Vert) |
Midgard ? |
Mentions imprécises dans des documents retrouvés notamment sur le site de recherche 499-FR-C. Aucune certitude acquise, à confirmer. |
D'autres mondes sont évoqués par la mythologie scandinave, que rejoignent les inscriptions retrouvées dans SCP-499-FR et sur d'autres sites, mais aucun d'entre eux à l'exception de Vanaheim n'a été retrouvé sur un site anormal. Malgré sa valeur documentaire notable, la mythologie non anormale seule ne doit en aucun cas être utilisée par le personnel de recherche comme base théorique pour d'autres projets.