L'ARTICLE SUIVANT CONTIENT DES DESCRIPTIONS DÉTAILLÉES D'AGRESSIONS SEXUELLES.1
Table of Contents
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Viande
Le 29/08/1989, le commandant Richard ABLE (IO) a reçu l'ordre d'interroger le commandant Allen HALL. Celui-ci dirigeait la première équipe de réponse de la Fondation dans la ville de North Access, en Cornouailles, après un appel direct au centre d'urgence de l'avant-poste du Site-34 dans la banlieue de Londres, à environ 1h 20 au sud de la ville. L'interrogatoire a eu lieu dans le laboratoire d'entretiens et d'interrogatoires du Site-34 le 02/09/1989.
IO a commencé l'interrogatoire de HALL avec une série de questions à propos de la nature générale du signal radio tel qu'il a été reçu par l'avant-poste. HALL a expliqué que l'avant-poste avait reçu le signal lors du balayage de fréquence du radar principal à environ 2000 heures trois jours avant la mission initiale. HALL a précisé qu'il n'avait aucune équipe déployée au moment du signal, que le balayage radio effectué par l'avant-poste était destiné aux équipes de réponse uniquement et qu'il n'était pas contrôlé par des agents civils, ce qui l'avait amené à penser qu'il était "d'origine anormale". L'appel consistait en bruits d'eau courante. HALL n'a pas pu se rappeler si des bruits de fond avaient pu être détectés dans le signal radio. Suspectant une erreur informatique, HALL a supprimé le signal prématurément et est retourné à son travail.
À environ 0800 heures le lendemain, la fréquence principale de l'avant-poste du Site-34 a détecté un second signal, reçu par l'opérateur David SHMITT, qui signala à HALL une particularité similaire, la proximité avec le son de l'eau courante. SHMITT a indiqué dans ses interrogatoires suivant que bien qu'il n'ait pas eu conscience de voix distinctes ou de bruits de fond, HALL lui avait ordonné de trianguler le signal, ce qui permit de le localiser dans la région de North Access en Cornouailles. Dès que la localisation a pu être déterminée, le signal a été supprimé. HALL a précisé qu'il ne croyait pas qu'il y avait eu des changements dans le contenu du signal au moment de sa suppression. IO a demandé pourquoi l'enquête n'avait pas été initiée immédiatement après le second signal. HALL a déclaré que selon la procédure normale, un signal ne provenant pas de la Fondation n'était pas suffisant pour démarrer une enquête, mais que le signal audio transmis montrait des radiations de fond typiques des champs de hume instables.
HALL a déclaré que suite à la réception de ces deux signaux, inquiet à propos d'une possible activité anormale dans la région, il a proposé de diriger une équipe afin d'explorer l'adresse donnée par le traçage du signal. HALL a assemblé une équipe composée de SHMITT (opérateur), Amy WEATSTONE (spécialiste du confinement), Ron SHULTZ (FIM) et Rodrik GRIMSKY (analyste technique). Ils ont réquisitionné un véhicule d'intervention standard de la Fondation et ont quitté l'avant-poste à 2000 heures. HALL a rapporté qu'en raison de la taille de North Access, la ville n'apparaissait pas sur les cartes standard et que sa localisation a dû être estimée avant le départ.
Allen avait travaillé dans une entreprise d'emballage de produits carnés au collège. Ça ne l'avait pas beaucoup dérangé, d'ailleurs ; la plus grande partie de son travail consistait en beaucoup de tranchage et de découpage, et quand on y pense, ce n'est pas une manière si horrible de se faire un peu plus du salaire horaire minimum. C'était l'odeur qui l'avait le plus dérangé.
La viande était tuée et dépecée juste à côté, et son travail consistait à la découper et à suspendre les carcasses dans le congélateur le temps qu'elles s'égouttent. C'était une odeur sanglante et plutôt rafraîchissante au premier abord, car la viande qu'il empaquetait était relativement fraîche à part quelques exceptions, et tout bien considéré il pouvait supporter l'odeur du sang. Celle qui l'indisposait provenait des morceaux rejetés qu'il retirait d'une main gantée et jetait dans des seaux à sa gauche ou à sa droite – des viscères, des organes, un estomac ici, un cœur là, la partie biologique du travail n'était pas vraiment abordée lors de la formation. Ce qu'il retirait était relativement indescriptible, indéfinissable – une sorte de masse d'entrailles sanglante et homogène. Tranche et découpe, connard. Ouvre l'estomac et sors les viscères. C'est comme sculpter une citrouille.
Toutes ces entrailles informes se retrouvaient dans une poubelle informe. Il craignait le moment où elle était pleine, une fois ou deux par service, car alors venait le moment où il devait la pousser sur ses roues grinçantes jusqu'à la broyeuse. Alors il vidait la poubelle, laissait la machine rugir et cracher des morceaux d'os et de chair, puis produire une pâte rose ressemblant à un doigt enflé et infecté, un tube de merde rosâtre composée de poils et d'os dans de la chair broyée. Dieu sait ce qu'ils faisaient avec ça, mais ça- ça puait. La merde des intestins, la pisse des vessies, le sang de tout le putain de reste. Un autre exemplaire de matière organique indescriptible et homogène.
Et donc, en ce matin d'août ensoleillé, alors qu'Allen conduisait son équipe en direction de North Access, il refusa de la reconnaître au premier abord, parce qu'il pensait sincèrement ne jamais la sentir à nouveau.
Mais elle était là.
Et plus ils se rapprochaient, plus elle était forte.
HALL a déclaré qu'à environ huit cent mètres des abords de la ville, WEATSTONE l'avait questionné à propos de l'odeur de plus en plus forte qui imprégnait les environs, à quoi HALL avait répondu "Oh putain, c'est des cadavres."
"Est-ce qu'on devrait pas – merde, je sais pas, appeler des renforts ou quelque chose ?" demanda David depuis le siège arrière. Le van rebondit dans un nid-de-poule et Allen put entendre Amy sur le siège passager inspirer brutalement sous la surprise.
"Pas encore," dit Allen. "Je peux me tromper. Ron, tu en as vu d'autres, qu'est-ce que tu en penses ?"
"C'est quelque chose qui est en train de pourrir, sûr," répondit l'agent de la Force d'Intervention assis juste derrière lui. Il semblait surpris, mais sûr de lui. "Ça doit être ça."
Allen hocha silencieusement la tête, l'anxiété lui rongeant les entrailles. Ils restèrent silencieux tous les cinq. Soudain, il regretta plus que tout d'avoir attendu le matin avant cette opération – les phares lumineux du van éclairaient la route juste devant eux, flanquée d'arbres épars et de champs des deux côtés. Elle était déserte.
"Putain, mais combien il faut de cadavres pour que ça sente comme ça ?" murmura Rodrik depuis l'arrière du van. Allen l'entendit et le regretta presque, parce que c'était exactement le sentiment qui lui tordait l'estomac. Combien de vaches avait-il découpées avant de devoir utiliser la broyeuse à viande ? Deux, trois ? Et c'était déjà particulièrement odorant depuis le début. Combien de cadavres fallait-il pour qu'ils les sentent avant même d'avoir pénétré dans la ville ?
"Je ne sais pas," répondit-il. Parce que c'était le cas. Et ça l'effrayait-
"Oh mon dieu," souffla Amy, "Oh mon dieu, Allen !"
Il écrasa les freins juste à temps pour arrêter le van dans un crissement juste devant une forme large et basse sur la route. Illuminé par les phares, Allen fut tout d'abord terrifie par la vision de la fourrure – il se remémora en un éclair la parade des peaux de vache, la vision des poils et du sang entremêlés.
C'était un cheval mort, et il était en train de pourrir.
Extrait du livre "Les plieurs de réalité : socio-économie, maladie mentale et critères de diagnostic", publié en 2014.
L'incident de Cornouailles : que s'est-il passé ?
Tôt le matin du 1er août 1989, une petite équipe de spécialistes du confinement de Londres est entrée dans la petite ville de North Access, en Cornouaille – une ville d'environ 1000 habitant avec une histoire obscure – après avoir reçu plusieurs appels suspects provenant de cette région. Dès son arrivée aux abords de la ville, l'équipe fut rapidement frappée par une odeur de décomposition si forte que ses membres doutèrent de leur capacité à gérer ce qu'ils pourraient découvrir. Avant leur entrée dans la ville, leur route fut bloquée par un cheval mort, en état de décomposition et de dessèchement avancé. C'est à ce moment que l'équipe a appelé des renforts.
Vers 2 heures du matin, trois vans de confinement supplémentaires arrivent à l'entrée de la ville. Ensemble, ils sont capables de dégager la route du cadavre de l'animal.
Vers 3 heures du matin, les quatre équipes sont capables de se frayer un chemin sur environ quatre cent avant de tomber sur le cadavre fortement desséché d'un homme au début de la quarantaine. Elles doivent déplacer son corps pour continuer. Le commandant Hall et ses subordonnés tirent le cadavre en décomposition sur le bas-côté afin de permettre aux véhicules de passer.
Vers 4 heures du matin, le Site-34 à Londres reçoit l'information qu'il y a plus de cadavres.
Vers 5 heures du matin, le Site-56 en Irlande est contactée afin qu'il envoie des véhicules supplémentaires. En réalité, il est contacté pour envoyer une série d'escouades. North Access est maintenant une scène de crime interdite d'accès. Elle le restera pendant six mois. Cet incident deviendra le plus meurtrier des massacres d'un Type Vert dans l'histoire, avec une estimation de 1200 personnes retrouvées mortes – 1000 habitants et 200 agents de la CMO de la campagne Ichabod, célèbre pour avoir massacré des hordes de plieurs de réalité dans les années 80 à l'aide de la méthode maintenant obsolète du diagnostic des quatre classes de Kant. Aucun être vivant n'a été retrouvé en vie dans la région, à l'exception de huit individus – six femmes enceintes et un homme avec un bébé, tous dans un état déplorable. Il y avait des signes d'une inondation soudaine, mais le lac était entièrement asséché. Ça n'avait pas pu arriver plus de trois jours auparavant. Que s'était-il donc passé ?
La vérité – telle qu'elle allait bientôt se dévoiler – se trouvait dans une relation très romantique entre deux plieurs de réalité, surnommés "A" et "B" par les enquêteurs…
Grenouille dans une bouilloire.
99% des Types Verts passent par les changements psychologiques suivants au cours du développement de leurs pouvoirs.
PHASE 1 : Refus : le sujet refuse de reconnaître ses capacités à tordre la réalité. Le Type Vert tente de rationaliser ses capacités par tous les moyens. Dans certains cas, le Type Vert s'arrête à cette étape : ses capacités resteront inhibées et ne se développeront pas plus. Cependant la plupart passent à l'étape suivante :
PHASE 2: Expérimentation : le sujet reconnaît ses capacités et commence à tester les limites de son pouvoir. En général, les Types Vert expérimentent de l'une des deux façons suivantes : lentement, méthodiquement et prudemment, avançant par petits pas, ou en un petit nombre de progrès fulgurants. Dans tous les cas, le sujet reste dans cette phase avant de passer à la suivante :
PHASE 3: Stabilité : le sujet a atteint la limite de ses pouvoirs et a déterminé les bornes de ses capacités. Le Type Vert a le contrôle sur les changements de réalité qu'il provoque et peut les manipuler autant que nécessaire. Plus important, il peut choisir de ne pas utiliser ses capacités s'il n'en a pas besoin.
La phase 3 est habituellement caractérisée par des tentatives de vivre une vie "normale". Le sujet continue ses routines habituelles, et à part les précautions nécessaires afin d'éviter une perte de contrôle, il n'utilise ses capacités qu'en privé et seulement d'une façon qui ne fera pas de mal à autrui. Ces Types Verts sont classifiés en tant que menace de niveau 1 (à surveiller, ne pas engager), mais doivent être étroitement surveillés, en raison du risque qu'ils passent à la phase 4.
PHASE 4 : L'enfant-dieu : malheureusement, la majorité des Types Verts progressent vers la phase 4. Lors de cette phase, le plieur de réalité devient obsédé par le pouvoir qu'il possède et tente de l'utiliser pour son gain personnel aux dépends des autres. Cette phase est marquée par une faible empathie pour les autres humains, par l'incapacité à accepter ses propres défaillances et par une mégalomanie accrue.
Bien que les signes avant-coureurs soient nombreux, un aspect central de la phase 4 est l'utilisation des capacités dans le but de manipuler les autres humains. Les Types Vert adolescents et jeunes adultes font généralement usage de leurs capacités afin d'obtenir des faveurs sexuelles…
-Manuel de terrain de la division PHYSIQUE 13 : circonstances spéciales, entités dangereuses humanoïdes, publié en 1984.
Elle l'avait touché pour la première fois lorsqu'ils étaient adolescents.
Ils étaient couchés dans un lit chez lui, il faisait sombre, et Lilly savait qu'il ne dormait pas parce qu'il regardait le plafond. Mais elle l'avait tout de même fait en se persuadant peut-être qu'il dormait, et il le lui devait. Il le lui devait, parce que ça devait être chiant, ça devait être chiant de toujours demander et qu'il réponde toujours non, de le désirer et de n'avoir que non pour réponse. Parfois, dans une relation, il faut faire des compromis, se dit-il. Parfois il faut laisser faire dans l'intérêt de l'autre personne.
Il pleuvait dehors et elle toucha sa poitrine. Il pleuvait sur le toit et sur les fenêtres et elle toucha sa hanche. Il pleuvait dans la rue et les nuages couvraient le ciel, et elle le toucha juste sous l'élastique de ses boxers, de ses ongles manucurés et du bout de ses doigts. Le lampadaire dehors jette sa lumière à travers la pluie et elle touche les poils entre ses jambes et son cœur accélère, et à ce moment il pensait que c'était de l'excitation, mais il apprendrait plus tard dans sa vie que c'était de la peur. Et également qu'il y avait une fine,
très fine
barrière
entre les deux,
Et elle descend encore un petit peu,
Et il sent tout,
Et elle touche la fine peau entre sa cuisse et son entrejambe,
Et son cœur bat à tout rompre et sa poitrine lui fait mal,
Et alors elle remonte deux de ses doigts et le touche, et il la laisse faire parce qu'il le lui doit,
Il le lui doit,
Il le lui doit,
Il faut pouvoir faire certaines choses par amour.
Ses doigts sont sur son pénis à présent et il pense excite-toi. Excite-toi. Tu as de la chance de l'avoir. Elle se blottit contre lui, cheveux blonds, corps fin et pluie au-dehors, elle dort dans ses jeans, elle arque son corps devant les rais de lumière orange de la lampe filtrant à travers les stores.
Fais quelque chose.
Toute sa main est dans ses sous-vêtements à présent, et la peur chauffée au blanc d'un millier de barrières franchies le cloue sur place comme un cerf dans la lumière des phares. Il se sent figé. Son cœur tressaute devant sa silhouette ; pendant un instant elle lui apparaît comme un prédateur, comme quelque chose de squelettique et de puissant, une chose avec une bouche pleine de dents acérées, et au moment où elle touche le bout de son pénis il le ressent si violemment que ses oreilles tintent et qu'il agrippe son bras un peu trop brusquement, trop violemment, trop rapidement.
"Francis," souffle Lilly. En rétrospective, il voit cet épisode comme leur première confrontation, la première fois qu'elle est entrée – il l'apprendrait dans une autre vie – dans la phase deux ; la phase du pouvoir, du contrôle.
Elle est une déesse, et ce n'est pas une bonne chose.
Pendant une seconde, Francis pense qu'elle est sur le point de se débarrasser de lui pour avoir seulement osé la toucher. Ses yeux s'obscurcissent dans la lumière et les arêtes de son échine pointent une par une, tout le long de son dos, juste sous sa peau ; elle agrippe son autre main et la presse sur sa hanche, sous son t-shirt, et il peut vaguement sentir le sommet de sa culotte dans la confusion, mais ce n'est pas ce qu'il veut ressentir, et il hait cette sensation, il la hait, il la hait-
“Francis,” dit-elle alors qu'il se débat, essayant de retirer sa main de sous la sienne sur son côté, et à ce moment c'est un avertissement. Son autre main est toujours sur sa bite, immobile, et le monde entier s'intensifie, trop brillant, saturé de la lumière blafarde de la peur paralysante, telle des vers sous sa peau, gigotant et tressautant. Son autre main glisse la sienne sous l'élastique de sa culotte, et la silhouette de cornes se dessine comme lorsqu'ils étaient enfants, mais juste à peine, comme une ombre sur le mur, comme le contour rouge de la fenêtre orange où la lumière commence à clignoter. Sa poitrine lui semble lourde et son âme compressée et le monde a l'air figé et il pense à la rapidité à laquelle ça s'est passé et à combien ils ont grandi vite en recréant des scènes de Poltergeist en changeant de station sur la radio avec leur esprit et en pliant des pennies sans les toucher et toi, toi, toi avec tes cornes et tes sabots quand tu en voulais et toi avec ta bouche pleine de dents et toi avec ta faim plus dévorante que la sienne ne le serait jamais et, en rétrospective, ça aurait dû être le premier avertissement que Francis aurait dû s'éloigner d'elle – elle avec sa silhouette furieuse dans l'ombre des gouttes d'eau et elle avec sa langue qui devenait de plus en plus acérée à mesure qu'ils grandissaient et perçait toujours un peu plus et elle avec ses milliers d'yeux quand il en avait seulement trois et elle avec sa main autour de sa bite cette nuit avec la pluie mais Francis était jeune et ignorant et Francis lui faisait confiance plus qu'à n'importe qui et Francis avait même pu l'aimer d'un façon étrange et craintive, parce que Francis n'avait pas fui alors et qu'il ne le ferait jamais avant cinq ans.
Il retira sa main de ses boxers. Elle ne lui parla plus pendant une semaine, mais il sentit ses ongles manucurés et le bout de ses doigts pendant une année.
Et il dormit avec les jambes croisées encore plus longtemps.
Objet no : SCP-4231
Classe : Euclide
Procédures de Confinement Spéciales : SCP-4231 existe à l'intérieur de la zone de confinement 4231. Le zone de confinement 4231 doit être entourée d'une barrière de 6,5 kilomètres de long sous prétexte de saisie par le gouvernement. Les portes avant et arrière de SCP-4231 doivent être remplacées par des portes d'accès au confinement en métal de classe 6 et toutes les fenêtres du premier étage doivent être condamnées afin d'éviter les incursions. L'entrée de SCP-4231-2 doit être bloquée par un panneau de contreplaqué de 10 mètres sur 10 mètres placé au-dessus de l'ouverture du fond lacustre, dissimulé comme un mécanisme de réparation du puits. SCP-4231-2 doit être accessible uniquement depuis le sous-sol de SCP-4231. SCP-2317 doit être enlevé et placé dans un confinement de la Fondation séparé.
Description : SCP-4231 est un bâtiment administratif et résidentiel de trois étages dans l'ancienne ville de North Access en Cornouailles, précédemment habitée par deux entités de Type Vert, SCP-4231-A et SCP-4231-B.
SCP-4231-A est une femme de 5’ 7”, 28 ans, 150 livres. Peau claire. Yeux bruns. Cheveux blonds. Récemment enceinte au moment de sa mort. Décédée d'une blessure par balle à la tête ; corps retrouvé dans la chambre au premier étage de SCP-4231. A le rôle de l'agresseur de SCP-4231-B dans toutes les réminiscences des événements traumatiques.
SCP-4231-B est un homme de 5’3”, 27 ans, 145 livres. Peau claire, Un œil bleu, un œil vert. Cheveux blonds. Au moment de la découverte, présente une détresse mentale extrême ; incapable de parler aux agents de façon cohérente. Nez cassé plusieurs fois. Marques de coups à l'arrière de la tête, des épaules et sur les fesses. A vomi plusieurs fois du sang et de l'eau. Les compteurs Kant affichaient un niveau 4 au moment de la récupération ; les mesures ses redescendues au niveau trois après l'hospitalisation subséquente. Montre des signes de traumatismes psychologiques graves après sa convalescence. Autorisé pour les entretiens de confinement (EC) à l'intérieur des limites de la Fondation le 06/01/1990 (voir le profil joint).
Les effets de SCP-4231 sont considérés comme le résultat directe d'une occupation longue et violente du bâtiment par des Types Verts, combinée aux effets de l'activation de SCP-2317, précédemment situé dans SCP-4231-3 directement sous le fond du lac de North Access. La ville environnante montre des signes d'inondation et de décomposition extrêmement rapides et n'a plus été habitée depuis l'incident 4231-CORNOUAILLES est depuis peu en cours de développement (voir le document 4231-SCRANTON). Le lac lui-même est entièrement asséché, et la ville de North Access est une zone de sécheresse constante locale depuis 1989.
SCP-4231 se dresse au sommet des berges du lac de la zone de confinement 4231 et consiste en un appartement au premier étage, un commerce au rez-de-chaussée semblant appartenir à un fleuriste local, et un sous-sol s'étendant sous lac jusqu'à rejoindre la chambre de SCP-2317 (SCP-4231-3) par un passage étroit. Le dernier étage de SCP-4231 – désigné SCP-4231-2 – montre d'importantes réminiscences de traumatismes liés à des Types Verts, à qui il doit ses propriétés anormales. Cette dimension de poche est à ce jour considérée comme le cas d'étude le plus complet au sujet des réminiscences ; il est largement étudié et référencé au sujet de cas comme la psychologie des Types Verts, leur violence ou leurs maladies mentales. SCP-4231-2 contient une cuisine, une salle de bain, une chambre, une chambre d'enfant, un salon et un couloir reliant toutes ces pièces. L'activité à l'intérieur de SCP-4231-2 varie en intensité avec le temps, sans schéma identifié. Pour une liste d'événements, voir le document SCP-4231-2-A.
Le sous-sol des SCP-4231 est inachevé et contient diverses réserves, derrière lesquelles une entrée vers SCP-4231-3 est cachée.

Plan SCP-4231-3. Voir la légende dans la documentation. Cliquer pour agrandir.
SCP-4231-3 est une structure funéraire datant du Moyen-Âge européen se trouvant sous le fond du lac de North Access, relié par un escalier de pierre au sous-sol de SCP-4231. Il est divisé en 11 sections.
SCP-4231-3-1 à 7 : Des cellules de pierre uniformes de 5 mètres de côté équipées de portes de fer ; elles contenaient originellement SCP-231-2 à 7. Les verrous d'origine étaient impénétrables par des moyens non anormaux. Six jours après la découverte initiale, les spécialistes en thaumatologie sont parvenus à suffisamment endommager les verrous pour qu'ils soient manœuvrables, permettant l'évacuation de toutes les instances de SCP-231. Les portes ont délibérément été laissées ouvertes pendant la suite du confinement de la structure.
SCP-4231-3-8 : Cadre de la porte de SCP-2317. SCP-2317 a été retiré et transporté vers un confinement approprié peu après la découverte, ne laissant qu'un mur de pierre sans caractéristiques remarquables (il semble que SCP-2317 ait toujours été vu comme un portail interdimensionnel et non pas comme l'entrée d'une pièce voisine, et ait été posé sans aucune structure de l'autre côté).
SCP-4231-3-9 : Pièce de l'artéfact. Scellée par deux portes identiques en acier. Des recherches archéologiques poussées et un inventaire ont été entrepris dans la 9e chambre. Environ 1943 artéfacts différents ont été documentés (voir le document SCP-4231-3-A pour une liste complète). Les artéfacts remarquables incluent exactement 500 os humains décorés de fils et de tissus (le type d'os et de décoration varie considérablement), sept autels rituels richement ornés et des gravures élaborées représentant une bête avec un œil unique, supposément SCP-2317.
“Prière d'enfermement” (telle que traduite de la page 274 du codex Erikesh) :
“Dans une vie avant celle-ci, j'étais une puissant bête esclave d'un village pour lequel je tirais des chariots de grain. J'étais nourri et logé et je marchais au milieu d'eux, mais je n'étais qu'une créature parlant leur langue, et j'en m'en irritais. Une nuit je me suis libéré de mes entraves et je me suis retrouvé à fuir follement dans la forêt, et la forêt s'écarta autour de moi ; mes pieds étaient la grêle et mon corps le tonnerre. J'ai apporté une désolation pour laquelle je ne ressentais rien, et la terre m'a offert sa soumission. J'ai couru pendant sept jours et sept nuits où j'ai apporté la peste sur ce que je rencontrais. Ils m'ont appelé ꙮ, thuem, tisseur de toiles, le déchiqueteur. La septième nuit j'étais écrasé de fatigue et le monde ne s'est pas plié à ma volonté. Je suis tombé au fond d'une profonde vallée dans la Rivière Vert ; je m'étais brisé la nuque et la sainte rivière m'a noyé sous la lumière des étoiles et a nettoyé la chair de mes os. Aucune créature n'est venue pour moi, parce qu'il n'y avait aucune créature de mon genre. La rivière m'a délivré ; oh ! l'agonie où je me trouvais ! Ma nuque brisée trouva le repos sur la berge d'un ruisseau traversant le champ d'un fermier qui faisait paître son troupeau. Il me dit "je ne suis pas Keter, mais je vais te sauver, et tu me sauveras en retour." Il lut un passage saint du Vert et grava des mots de pardon dans ma nuque brisée, puis les enveloppa de tissu et de corde. J'ai protégé sa famille durant quatre générations ; ni créatures ni esprits n'osaient me défier. La quatrième génération me bénit, me remercia et me rendit à la sainte flamme. Des fleurs sauvages fleurirent sur mes cendres. Mon pouvoir fut rendu à la terre et je me reposais profondément. Pitié, pitié, pitié ; grand est le Dieu Rouge qui lie ses anges aux eaux. Puisse le Ciel avoir pitié de mes eaux jusqu'à ce que le Maître tire sur mon joug une nouvelle fois."
SCP-4231-3-10 : un couloir de pierre de 30 mètres de long éclairé de manière intermittente par des torches. Diverses gravures illustrant des scènes du codex Erikesh ornent les murs (voir le document SCP.4231-3-B pour une traduction complète).
SCP-4231-3-11 : Un escalier de pierre descendant depuis le sous-sol de SCP-4231.
La raison pour laquelle SCP-4231-3 est rattaché directement à la maison de SCP-4231, construite fin 1974 d'après les archives, est inconnue. Il est possible que SCP-4231-3 puisse être une réplique complexe ou une création par SCP-4231-A d'après le texte du codex Erikesh. Cette théorie n'a pu être confirmée ni infirmée. Le fait que SCP-4231-3 soit resté totalement inaltéré suit à l'incident de Cornouailles, laissant ainsi indemnes toutes les instances de SCP-231 est également un mystère. Cet effet, lui aussi, est mal compris.
Le rez-de-chaussée de SCP-4231 est un une boutique de fleurs inerte.
2 décembre 1988
Il se lève de son lit aux petites heures de l'aube alors que Lilly est à ses côtés et que le bébé n'a pas encore crié pour la première fois. Il ressent toujours ce qu'elle lui a fait- ce qu'elle lui a fait au crépuscule au bord de l'eau- les contusions sur son dos, sur son pelvis, sur- il ne voulait pas s'observer de si près. C'était la première fois qu'il sortait du lit en deux jours. Il se sentait déconnecté, comme si ses bras n'étaient pas ses bras et qu'il existait légèrement à gauche de son corps. C'était la première fois qu'il expérimentait cette sensation depuis la nuit sur les berges du lac. Ce n'était pas la dernière fois qu'il la ressentirait.
Francis se tient debout à côté de la porte de la chambre pendant un instant, essayant de déterminer si ce tintement dans ses oreilles est réel ou non. Il ne sait pas où il va, mais lorsqu'il ouvre la porte de la chambre sur le couloir il découvre qu'il n'a nulle part où aller. La porte de la salle de bain de l'autre côté du couloir a disparu. La cuisine sur sa gauche s'est envolée.
S'ils ont jamais existés, se demande-t-il. Mais Francis n'est pas d'humeur à se balader pour vérifier. Pas maintenant.
“Bonjour ?” appelle-t-il sans vraiment y croire, doucement et avec hésitation. Le mot ne semble pas venir de lui. Il se répète en écho : bonjour ? jour ? our ? our ? our ?
Et si sa voix atteint une limite- quelque part au-delà du couloir qui s'est agrandi au-delà de la maison, au-delà de la tombe, au-delà du lac et de North Access vers un lieu qu'il a créé sans le savoir, où l'eau s'engouffre dans une marée infinie et où toutes les routes de sa vie s'arrêtent désormais- alors il ne l'entend pas. Et si Lilly l'entend, elle ne réagit pas. Et si quelqu'un d'autre devait l'entendre-
Eh bien.
Document SCP-4231-2-A
Type d'événement | Pièce de SCP-4231-2 | Description |
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Auditif | Cuisine | Dispute pendant 2 minutes et 34 secondes au sujet des finances. |
Auditif | Salle de bain | Insultes passagères pendant 3 secondes sur le ton de la plaisanterie. |
Physique | Salon (cheminée) | Des papiers semblant être des devoirs d'école se matérialisent en train de brûler dans le foyer. Le feu dure environ 3 heures avant de s'éteindre. |
Auditif | Chambre | Commentaire passager d'environ 10 secondes au sujet du poids de B en lien avec la relation entre A et B. |
Auditif, Physique | Cuisine | Dispute durant environ 10 minutes et 24 secondes. Atteint son paroxysme dans quelques commentaires de A au sujet de l'inaptitude de B pour les relations romantiques aussi bien que platoniques. La réminiscence se termine sur la porte de la chambre qui se claque. |
Auditif, Physique | Cuisine | Apparition durant 5 secondes d'une assiette qui se matérialise puis se brise sur le comptoir au nord de la pièce. |
Auditif | Salle de bain | Monologue de 1 heure et 14 minutes de A insistant pour que B dise la vérité. |
Physique | Chambre | Des taches de sang apparaissent sur le côté gauche du lit. Se manifestent pendant 19 minutes en moyenne. |
Physique | Salle de bain | Le cadavre d'une chatte Maine Coon adulte gravement mutilée apparaît pendu à la tringle du rideau de douche. Le chat se tord de douleur pendant environ 3 minutes et 23 secondes avant que ses signes vitaux ne cessent. Le cadavre reste suspendu à la tringle pendant environ 43 heures et 21 minutes avant de disparaître. |
Physique | Couloir | Le couloir s'étend à l'infini des deux côtés. Se manifeste uniquement durant la nuit pendant 10 heures et 34 minutes en moyenne. |
Physique | Totalité de la structure de SCP-4231-2 | Toute la structure de SCP-4231-2 se réplique continuellement vers le haut de manière périodique ; la fin du couloir est reliée à l'entrée arrivant depuis le rez-de-chaussée de SCP-4231, etc. Se réplique continuellement pendant environ 80 heures avant que l'effet ne prenne fin. |
Physique | Fenêtre de la chambre, puis totalité de la structure de SCP-4231 | Événement initial vu depuis la fenêtre de la chambre : deux personnages – A et B – sont visibles sur la plage devant SCP-4231. Les personnages marchent le long de la berge pendant 12 minutes et 17 secondes avant de s'assoir sur une portion rocailleuse, A se trouvant à gauche de B. Les personnages parlent pendant 5 minutes et 20 secondes, puis A embrasse B. B semble consentant. A se positionne sur le côté, faisant face à B. A pose une main sur la hanche droite de B. A touche le centre de la poitrine de B. B recule légèrement et parle à A. A répond et défait la ceinture de B. B rit et parle à A, A répond sérieusement. A défait la ceinture de B. B tente de déboucler la ceinture, ce dont A se rend compte. A place sa jambe gauche sur les jambes de B et se met à califourchon ; B est repoussé de force contre les rochers. B était en escale dans un aéroport à Tucson, en Arizona, en 1995 et était sur le point de quitter le bar quand il remarqua un épisode de New York : police judiciaire passer sur la télé délabrée au-dessus de lui. L'homme dans l'épisode déclarait avoir été abusé sexuellement. B était sûr que certains événements qui étaient arrivés à B avaient quelque chose à voir avec le sexe, et que le sexe était toujours aussi douloureux qu'il en avait fait l'expérience. Jusqu'à cet épisode de New York : police judiciaire sur une télé d'aéroport délabrée, B ne s'était pas rendu compte que certaines influences affectant son mental suite à sept ans d'abus de sa petite amie du collège étaient liées à ces événements, parce qu'il n'était pas entièrement certain qu'il haïssait A pour ce qu'elle avait fait. Parfois, B était encore amoureux de A, parce que A insistait qu'elle faisait ces choses à B pour son propre bien, et que B n'avait personne, et que quand il était avec A, il l'avait, elle, et que ça n'avait pas toujours été aussi difficile. Alors la télé à Tucson le fit penser à ce qui aurait été possible. B réalisa qu'il avait peut-être vraiment été maltraité, et surtout peut-être qu'il avait été violé. Il réalisa également que les spécialistes du confinement qui examinaient cette maison où il avait vécu pendant sept ans à proximité étroite d'elle avaient vu cet événement qu'il avait si désespérément essayé d'oublier, qu'ils l'avaient vu en détail des centaines, peut-être des milliers de fois, et il se sentit honteux et gêné que d'autres le sachent, parce que bien qu'il soit appelé "B" dans les procédures de confinement, il était toujours rappelé une fois par an sans faute afin d'être testé et catégorisé pour la science au sujet de ses expérience dans la maison, et il aimerait vraiment mieux ne pas parler du tout de ce que A lui avait fait, et il aurait voulu pouvoir quitter la Fondation et trouver un travail dans un Walmart quelque part. Mais ceci dit, B n'était pas entièrement certain d'avoir été maltraité par A, parce que B n'était pas très ouvert aux autres et qu'il n'avait pas fait énormément d'expériences, bonnes ou mauvaises. Lorsqu'il se réveilla encore une fois en 1995 avec les marques que A avait faites sur son corps en 1989 à nouveau fraîches et sanglantes, il se dit qu'il y avait peut-être une raison au fait que ses pouvoirs recréent ce qu'il avait ressenti d'une telle manière. Et il se sentit un peu soulagé. Et également terrifié. Quoiqu'il en soit, lorsque A s'élève de B, SCP-4231-2 se remplit entièrement d'eau en 79 heures avant de se disparaître. |
Extrait du document confisqué "L'étrange cas de SCP-4231-B"
Ensuite, bien entendu, il y a B.
La Fondation n'a jamais semblé savoir exactement quoi faire de B, le Type Vert placide qui s'est piégé lui-même au sommet de la maison Montauk avec son enfant nouveau-né afin d'échapper à l'inondation rituelle. Il se trouve dans une zone grise entre une anomalie à confiner et un passant innocent pris dans quelque chose qu'il ne pouvait pas contrôler. B – d'après les entrevues – n'a pas connaissance de SCP-231, ni de SCP-2317, ni même vraiment de SCP-4231, la réalité artificielle qu'il avait accidentellement créée afin d'échapper aux abus infligés par son amie d'enfance la plus proche. Lorsque la première équipe a atteint SCP-4231, une course-poursuite s'est engagée ; ils ont poursuivi B sur des kilomètres de corridors répliqués et de couloirs sinueux qui s'étendaient depuis le toit de SCP-4231, et B les étendait toujours plus. Lorsque les agents se rendirent compte qu'ils ne pouvaient plus contacter la base de North Access, ils l'ont enfumé avec du gaz soporifique et l'ont ramené vers le monde des vivants. Il y a eu un débat entres les équipes sur le terrain pour savoir s'il devait être menotté au brancard où ils le transportaient. Ce fut le premier de nombreux débats.
Le problème avec B, c'est qu'il était dans un état où – d'après l'état des connaissances sur les Types Verts à l'époque – il n'aurait pas dû se trouver : traumatisé. C'est devenu évident dès qu'ils l'eurent déposé sur le sol. Il y avait là un Type Vert de Classe 3 avec un SSPT et des symptômes dissociatifs si sévères qu'ils se manifestaient en recréant ses propres traumas dans des événements douloureusement évidents. B vomit de l'eau croupie provenant de l'inondation à laquelle il avait tenté d'échapper. Il se réveille de ses cauchemars avec des contusions et des coupures à des endroits spécifiques de son corps. Ses épisodes dissociatifs provoquent des anomalies spatiales de moyenne importance à proximité. Certains traits de caractère de B s'affirment avec le temps, lorsqu'il adopte une personnalité entièrement différente afin de combattre le traumatisme ; le "nouveau" B est excentrique, flamboyant, presque provoquant pour son entourage. La détresse mentale profonde et la maladie physique qui l'accompagne et qui l'ont maintenu alité pendant les deux semaines qui suivirent son extraction de SCP-4231 disparaissent. Le nouveau B ne sait rien, ou du moins semble presque tout ignorer des circonstances qui l'ont mis dans cette situation. Il ne s'inquiète plus de l'enfant, ni de A, ni de la ville de North Access où il a passé toute sa vie. Les signes de dysmorphophobie induits par la procédure Montauk ont disparu ou sont profondément enfouis.
Mais les cauchemars, les réminiscences et les épisodes dissociatifs – accompagnées de leurs altérations freudiennes de la réalité – persistent.
De fait, le nouveau B semble embrasser certains aspects de son incapacité à se contrôler tout comme il le faisait avant l'incident de Cornouailles. Le symptôme le plus évident que les médecins relèvent alors que B est toujours en confinement médical est sa nouvelle réaction aux caméras. Il ne veut pas être filmé. Alors qu'il l'affirmait verbalement avant sa transition, les médecins traitants attribuèrent ce comportement à son instabilité mentale et refusèrent de se plier à ses demandes insistantes de rester anonyme non seulement devant les caméras, mais dans tous les aspects de l'enquête, une réaction qui semblait renforcer dramatiquement ses symptômes mentaux. Après sa transformation, il s'est simplement contenté masquer son visage devant toute forme de média enregistré.
Ainsi, la Fondation se trouve devant une autre situation intéressante. Elle a placé un individu souffrant d'un traumatisme sévère dans une cage et a commencé à construire un autel afin de le réparer. L'individu demande l'anonymat, y compris l'effacement de son nom de naissance de tous les documents officiels. La Fondation refuse en avançant la précision et le traçage continu de ses actions pour le reste de sa vie. Il demande à ne pas être filmé. La Fondation refuse en arguant que les sessions d'entretien sont essentielles à l'étude, y compris ses expressions faciales et corporelles. Il demande que la Fondation cesse de chercher à obtenir des informations à propos des violences et des abus ayant mené à l'incident de Cornouailles, y compris toutes les informations à propos de SCP-231, SCP-2317 ou SCP-4231, car son expérience est extrêmement traumatisante pour lui et/ou a été enfouie de force lors des abus, dont certaines dont il n'a plus aucune conscience. La Fondation refuse en soulignant que sa coopération est permanente dans l'enquête sur l'incident de Cornouailles et sur tous les objets et êtres associées et confinés est vitale au succès des opérations de la Fondation. Il demande à ce que son vomi ne soit pas échantillonné. Il demande à ne pas être touché. Il demande que les appareils et électrodes de mesure de Hume soient retirées de sa nuque et de son dos, et qu'ils sortent l'ancre à réalité de sa chambre d'hôpital. B accepte le traitement pour son syndrome traumatique et réagit bien au traitement ainsi qu'aux premières phases de la thérapie comportementale – aussi longtemps que tout ce qu'il dit reste confidentiel et ne soit pas enregistré dans les archives de la Fondation. Toutes ces requêtes sont rejetées par la Fondation, et l'état de B durant les deux premières semaines de son confinement empire considérablement. Il demande – de façon répétée et étonnamment détaillée – qu'il soit laissé seul et hors de la documentation de la Fondation, non seulement actuellement, mais pour le reste de sa vie. Et la Fondation le traite plus comme un animal ou un sujet de test que comme une personne et refuse de se plier à ses demandes.
Par conséquent, il décide de ne plus le permettre.
Il ne s'agit pas strictement d'une brèche de confinement d'après les standards de la Fondation. B se trouve toujours dans sa cellule et n'utilise pas ses capacités dans le but de blesser ou de quitter la chambre. "Brèche", dans les termes de la Fondation, s'applique uniquement si l'entité quitte le confinement sans la permission explicite des cadres de la Fondation, ce qui signifie que beaucoup de formes de désobéissance civile par les entités, comme les grèves de la faim, le refus de parler aux employés ou de changer de cellule, sont plutôt communes. Sa transformation radicale en une nouvelle personnalité semble être moins une péjoration de son trouble dissociatif qu'une transition en un être si ouvertement irrespectueux et agaçant que toute interaction avec les employés ne peut être que frustrante. Actuellement, il refuse tout traitement ou thérapie visant à contrôler son état, tente de dévier brutalement toute conversation à ce sujet, utilise ses pouvoirs afin de masquer son visage sur tout enregistrement visuel et détruit tout équipement placé dans sa chambre dans le but de surveiller son état. Il arrache les perfusions et les électrodes des électrocardiogrammes, détruit les compteurs Kant, insulte et rabaisse délibérément les employés. Les symptômes de son SSPT continuent, avec des conséquences s'étalant de terreurs nocturnes et d'attaques de panique à des épisodes dissociatifs et des altérations de la réalité, mais il apprend à en masquer les effets aussitôt que les employés essaient d'y réagir, menant à des répliques parfois comiques. Sur un enregistrement, on peut voir une infirmière se précipiter à se chevet afin de le sortir d'un cauchemar alors que ses blessures traumatiques réapparaissent et recommencent à saigner. Elle le réveille et l'aide à vomir de l'eau comme d'habitude, puis s'inquiète de son état, ce à quoi il répond – je cite – "Jolies jambes, minijupe !". Lorsqu'elle s'en va, B profite de la solitude pour pleurer.
-Madame Agora, Gardienne des Sceaux, Traductrice, Multi-adoratrice. 23/04/1995
Porcs (Treize différents)
De : [CENSURÉ]
À : O5 [groupe]
Objet : SCP-4231-B
Alors c'est de la désobéissance civile. Je suppose que ce n'est pas vraiment un gros problème, vu les grèves totales de la faim que -17 a connues ces dernières années. Un individu ne devrait pas être un trop gros souci.
De : [CENSURÉ]
À : O5 [groupe]
Objet : re : SCP-4231-B
J'avais plutôt l'impression que la question est de confiner ou de ne pas confiner. Vu l'importance du problème, je pense qu'il vaut mieux rappeler ce que nous savons jusqu'ici :
- Un Type Vert de Classe 3 au milieu de la vingtaine. Contrôle élevé, tempérament placide, règle d'abstinence sur ses pouvoirs. Semble les considérer plus comme un handicap médical qu'autre chose.
- A travaillé dans la campagne Ichabod de la CMO, maintenant décimée, sous le nom de code "Ukulélé". Apparemment il était plutôt bon. A un palmarès plutôt imposant – si imposant qu'il est à la limite de l'obsessionnel, et certaines de ses dernières exécutions sont plutôt brutales.
- Était engagé dans une relation abusive avec un autre Type Vert (SCP-4231-A ou SCP-231-1 selon la personne à qui vous demandez en ce moment) au cours des sept dernières années. L'identité de l'abuseur n'est actuellement pas claire, en raison de la nature intrinsèquement abusive des Types Verts en général. Bientôt plus d'infos à ce sujet.
- A assassiné SCP-231-1 peu après qu'elle a donné naissance à leur enfant, qui a été retiré de la garde de SCP-4231-B sur place. Sa naissance coïncide apparemment avec l'incident de Cornouailles.
- A été poursuivi par les forces d'intervention pendant environ vingt-quatre heures, mais fuyait la scène de crime depuis plus longtemps.
- Profondément traumatisé. Actuellement, on diagnostique un SSPT avec de lourds troubles dissociatifs. La manifestation des pouvoirs d'altération de la réalité coïncide avec celle des troubles psychologiques. Sommeil difficile, élocution difficile, difficulté à se souvenir des choses et à rester conscient des réalités. C'est assez grave.
De : [CENSURÉ]
À : O5 [groupe]
Objet : re : re : SCP-4231-B
"L'identité de l'abuseur n'est actuellement pas claire, en raison de la nature intrinsèquement abusive des Types Verts en général."
Ceci est complètement faux. Nous savons que A était l'abuseur et l'orchestrateur de ce désastre total, et les réminiscences traumatiques de B dans l'appartement de l'étage nous le prouvent, tout comme ses témoignages.
De : [CENSURÉ]
À : O5 [groupe]
Objet : re : r e: re : SCP-4231-B
Je n'ai pas confiance dans ses témoignages. Il a tué l'autre, non ? Il aurait tout aussi bien pu monter tout cette histoire pour se couvrir, y compris les réminiscences traumatiques. Observez les preuves. S'il a travaillé pour Ichabod toutes ces années, il a probablement vu toutes les sortes de réminiscences possibles et il sait comment en créer de vraiment convaincantes. Ce changement de personnalité soudain ne correspond pas bien avec son rôle de victime, d'ailleurs. Et pourquoi fuyait-il ? De plus, 8 a déjà parlé des meurtres brutaux vers la fin de son engagement avec l'Insurrection. Je ne pense pas qu'il soit placide. Je pense qu'il joue avec nous.
De : [Censuré]
À : O5 [groupe]
Objet : re : re : re : re : SCP-4231-B
S'il jouait avec nous, nous le saurions. Son empreinte Kant crèverait le plafond. Et nous serions morts.
De : [CENSURÉ]
À : O5 [groupe]
Objet : re : re : re : re : re : SCP-4231-B
C'est certainement un sujet complexe, mais ma question la plus pressante concerne Montauk lui-même.
Si A était l'abuseur, elle devait également être l'exécutrice de la procédure Montauk, non seulement sur B mais également sur SCP-231-2 à 7. Il est très important de savoir comment elle a pu inséminer toutes ces femmes sans l'aide de SCP-4231-B, et s'il était impliqué, cela dément entièrement son affirmation de n'avoir aucune connaissance que la procédure existait et par conséquent son histoire d'abus.
De : [CENSURÉ]
À : O5 [groupe]
Objet : re : re : re : re : re : re : SCP-4231-B
Le modification génitales et physiques ne sont pas rares chez les Types Verts, en particulier chez ceux souffrant de dysmorphophobie ou de dysphorie. Quant aux abus sur B, je ne trouve pas ça surprenant non plus, tout spécialement si B était contraint ou forcé de s'y plier sous la menace de violences. Avons-nous une autopsie du corps de A.
De : [CENSURÉ]
À : O5 [groupe]
Objet : re : re : re : re : re : re : re : SCP-4231-B
Scranton est dessus. Quand il aura terminé, il faudra aussi qu'on discute de si nous rendons le corps à B ou si nous le laissons à l'équipe d'ancrage de Robert.
De : [CENSURÉ]
À : O5 [groupe]
Objet : re : re : re : re : re : re : re : re : SCP-4231-B
Alors B n'a aucun contrôle sur sa partenaire, ni sur son enfant ? Allons-nous lui refuser complètement le droit de tourner la page ?
De : [CENSURÉ]
À : O5 [groupe]
Objet : re : re : re : re : re : re : re : re : SCP-4231-B
On en revient à "confiner ou ne pas confiner". S'il doit être confiné, alors nous avons tous les droits de placer définitivement son enfant dans de meilleures mains, et de même nous pouvons faire ce que nous voulons du corps. Nous ne pouvons pas ignorer non plus que B est un meurtrier qui a tué A. Accorderions-nous à un meurtrier des droits sur son enfant, sur le corps de sa femme, ou même le droit de tourner la page ?
Quant à ses instabilités mentales – il me semble qu'il va psychologiquement très mal, ce qui renforce le besoin d'un confinement à la fois pour sa propre sécurité et pour celle des autres, quel qu'ait été son rôle en Cornouailles.
De : [CENSURÉ]
À : O5 [groupe]
Objet : re : re : re : re : re : re : re : re : re : SCP-4231-B
À mes yeux il devrait absolument avoir le droit de passer à autre chose.
De : [CENSURÉ]
À : O5 [groupe]
Objet : re : re : re : re : re : re : re : re : re : SCP-4231-B
Bonjour tout le monde,
Je vois que ce problème vous a préoccupés. Les faits sont complexes, et comme le nettoyage n'a commencé que depuis deux semaines, je suis certain que d'autres informations nous parviendront. Les problèmes concernant le droit de B à tourner la page, tout comme ses droits de se défendre et d'accepter ou de refuser les procédures de test sont du ressort du Comité d'Éthique ; je propose que le conseil se réunisse afin de discuter exclusivement de la situation du confinement de SCP-4231 et de ses divers dérivés.
Pour le moment, SCP-231-2 à 7 sont détenues dans les cellules du Site-17, tout comme SCP-4231-B. L'enfant semble être normal, il est gardé dans une cellule basse sécurité équipée conformément à son très jeune âge. Des solutions d'adoption dans la région de Cornouailles sont envisagées.
Souvenez-vous d'agir avec autant de prudence que possible avec les affaires liées à la procédure Montauk, dont les détails sont actuellement toujours en cours d'extraction du codex Erikesh et reliés avec les nouvelles preuves retrouvées sur le site archéologique de SCP-4231-3.
Le confinement de SCP-4231-B se limite à une surveillance médicale simple pour le moment. Les tests reprendront lorsque les questions concernant sa santé mentale, son implication, la menace qu'il représente et ses droits auront été résolues. Je pense que le rituel Montauk et ses conséquences sont des problèmes plus pressants. B est le dernier de nos soucis en ce moment. Nous n'avons pas beaucoup de temps.
Je vous enverrai les horaires de la réunion sous peu.
Salutations,
O5-1
Au sujet de la chambre Montauk : extrait du document confidentiel de 1994 "Notes au sujet de Montauk"
La Fondation ne néglige pas ses chambres.
Il est facile pour nous, en tant que spectateurs, de voir les chambres de confinement comme une note de bas de page accessoire dans un tout bien plus complexe. En général, le résumé du rapport montre les Procédures de Confinement, un court paragraphe écrit par les rédacteurs du rapport et par ceux qui savent ce que la chambre contient. Un objet sûr est dans un caser. Un humanoïde, dans une cellule. Les chambres sont des entités de seconde zone ; la boîte n'est pas intéressante, seulement le joyau qu'elle contient, à tel point que les procédures sont négligées par ceux qu'elles ne semblent pas concerner.
Il est bien connu que la Fondation est stricte dans son respect du rapport, ce fabuleux document avec des pages et des pages de données de test, de paperasse, de mois ou d'années d'observations. Non, il serait stupide de penser que la Fondation investirait tant de temps et d'efforts dans quelque chose qui n'a pas d'importance, et nous en tant qu'observateurs superficiels ne voyons pas toute la magie Disney qui entre dans les chambres de confinement, dont la plus grande partie ne se trouve pas dans les rapports et que nous voyons comme des détails sans importance. La Fondation a des employés pour ça. Si vous lisez le résumé du rapport, vous n'êtes pas un de ces employés. Si vous êtes l'un d'entre eux, votre travail ne se trouve pas dans le document principal, mais dans l'interprétation du rapport. Les ingénieurs de confinement de la Fondation parcourent les innombrables pages des équipes de confinement et conçoivent quelque chose qui ressemble à une prison, une prouesse d'architecture – certains pourraient appeler ça de l'art – et ils le font tous les jours, pour tous les SCP qui ont un rapport. N'est-ce pas admirable ? Une cellule de 5 mètres sur 5 pour une anomalie électrochimique devient un espace de confinement purement mécanique sans aucun composant électronique. La chambre d'un petit plieur de réalité est recouverte de papier peint rose afin de masquer les renforts d'acier et éventuellement la plaque de pression stratégique et le bouton d'urgence. Les ingénieurs lisent toute cette interminable paperasse et en discutent entre eux, et ils déterminent ce qui est nécessaire. Ils bâtissent à la fois une cellule, une habitation et un outil scientifique. Et également des autels, oui, et ces autels sont si prudemment entretenus, si méthodiquement sécurisés.
Il n'y a pas un cheveu déplacé sur un autel de la Fondation. C'est le pont entre a science et la religion. Le sang de porc est mesuré en litres dans des cylindres gradués dans une salle de préparation et les chats noirs sont élevés spécialement pour être sacrifiés. Il est ironique de voir à quel point la Fondation est implacable dans sa vénération de cent, deux cent, trois, quatre, cinq cent divinités courroucées différentes. À l'extérieur, même les fidèles les plus fervents d'un dieu confiné ne sont pas aussi radicaux qu'ici ; il n'y a pas de meurtres sur l'autel d'une chapelle en ruine au fond des bois et le sang ne coule pas sur le sol. Tout ceci fait partie du confinement, du grand dessein, de cette magie Disney qui est à la base de tout. Les cellules de la Fondation sont conçues dans le but de maximiser les effets. Ce sont des lentilles concentrant la lumière du soleil afin de carboniser la fourmi sur le pavé.
Je ne sais rien de ceux qui ont conçu la chambre Montauk. Je ne sais pas s'ils ont oublié, s'ils furent autorisés à oublier. Montauk – et je le redirai de nombreuses fois de manière différente – est une maladie qui s'étend à ceux qui la touchent, et le cas qui nous occupe est une parfaite démonstration de ce principe. Qui étaient-ils ? Où vivaient-ils, où sont-ils allés ? Les mains qui entretiennent le métal de l'autel sont celles qui prient ce dieu ; les hommes qui ont dessiné une rangée de petites boîtes et les étiquettent SCP-231-2, SCP-231-3, jusqu'à 7, avec leurs crayons acérés et leurs équerres cruels sont ceux qui ont enfermé ces filles dans l'enfer qu'ils ont créé.
Mais je m'égare. Revenons à la chambre.
La chambre décrite dans le document de 231 agit de la même manière dans les informations disponibles. Voici ce que nous savons :
- La Fondation a besoin de deux groupes d'opérateurs : ceux qui appliquent la procédure 110-Montauk et ceux qui l'observent. Ces deux groupes s'ajoutent à tous les employés qui ne sont habituellement pas mentionnés dans la Fondation – les employés qui se rebellent (au moins un par SCP), les équipes médicales de confinement (particulièrement importantes dans ce cas), un gardien et des gardes (ce bâtiment en particulier est l'un des sites les plus sécurisés du monde), et le personnel d'entretien et d'exploitation de la cafétéria. Vous vous demandez pourquoi cela est important. Je vous assure que ça l'est.
- Tous ceux qui entrent dans SCP-231 doivent passer par différents chemins et différents moyens de transport. D'où la question : si vous avez les yeux bandés et moi aussi, qui pilote l'avion ? Il existe des personnes dans le monde connaissant exactement l'emplacement du confinement de SCP-231, et même moi, j'admets ne pas l'avoir vu de mes propres yeux. Je sais où il se trouve en théorie, mais je n'ai pas la liberté d'en parler ici. Quant à la route elle-même – eh bien, ça n'a pas d'importance dans ce cas. Certains diraient que ça n'a pas d'importance du tout.
- Les employés se trouvant dans la cabine d'observation portent une tenue de protection complète masquant non seulement leur visage mais également leur voix. Il est implicite que même le personnel subalterne doit porter cette tenue.
- Les employés se trouvant dans la cabine d'observation doivent rester dans leurs quartiers assignés lorsqu'ils ne sont pas sur place. Par conséquent, pendant deux mois, ces individus ne voient que leur propre visage dans le miroir de leur salle de bain et celui de la fille dans la cellule. Ils n'entendent que leur propre voix dans leurs quartiers et celle de la fille dans le haut-parleur de la cabine d'observation.
Ce sont les deux points les plus abordés dans le document. Vous remarquerez que rien n'est dit à propos de la cellule elle-même. Dans les rapports, il est habituel pour les auteurs des équipes de confinement s'occupant d'entités sentientes de dévoiler à la fois les moyens de confinement externes – les procédures spéciales permettant de garder le SCP confiné- et les moyens de confinement internes – les protections mentales, les livres, les loisirs, la régulation des interactions. Nous, nous n'avons vaguement que les méthodes de confinement externes, et rien d'autre. Par conséquent, les spéculations sont ouvertes – à moins que vous ayez écouté les rumeurs ou que vous ayez fait des recherches quelque peu illégales dans le site d'archives à Québec. Vous seriez surpris de ce que la Fondation cache dans ces sites basse sécurité.
La chambre de SCP-231 est une monstruosité de béton dans un désert tenu secret. Elle est entièrement souterraine, mais comprends un ensemble labyrinthique de couloirs et de culs-de-sac avant d'atteindre le véritable site de confinement ; ce n'est pas surprenant pour la Fondation actuelle, je sais, mais très innovant lorsque le site a été construit fin 1989. Vous vous demandez peut-être comment ils ont réussi à le construire si vite, et la réponse tient dans le fait que le bâtiment qui a été érigé à l'époque dans ce coin de terre était un petit site de classe sûr, qui a rapidement été réadapté aux normes keter après le célèbre incident de Cornouailles. Et donc le plan du confinement de SCP-231 est inhabituel même pour les normes de l'inhabituel. Il y a des casiers abandonnés dans des couloirs sans issue, des salles vides portant des désignations éternellement en attente, des lampes qui ne sont jamais allumées. Imaginez une grotte. Une grotte longue, sinueuse et claustrophobique.
Au cœur du bâtiment se trouvent les cellules et les dortoirs.
Les cellules sont un ensemble de sept – oui, sept, même si seulement six sont utilisées – chambres de confinement pour humanoïde. Elles sont faites de béton. Je n'ai pas pu en apprendre beaucoup plus d'après ce que j'ai pu glaner ou entendre, excepté que chaque cellule est adjacente à une salle d'analyse pour les besoins de la procédure Montauk. Un miroir sans tain se trouve à droite de chaque cellule, et la suivante est à droite de cet ensemble de pièces, puis la cellule suivante, etc. Lorsque l'équipe d'investigation assignée à ce SCP surveille la procédure, elle est au même niveau que la cellule, de sorte qu'elle n'est séparée du danger que par un panneau de verre. Les sources se contredisent sur le fait qu'il y ait des barreaux ou non devant la vitre. Pour ma part, je pense qu'il est possible qu'il y en ait ; de manière générale, dans les grands sites, toutes les fenêtres sont équipées d'un store de carbone devant le verre renforcé. Au Site-19, la plupart des cellules de confinement au niveau du sol sont renforcées par des barres de métal. Ceci dit, le Site-19 est le plus vieux des deux, et son histoire le lie à l'ère stalinienne, où la Fondation avait des accointances avec le gouvernement Russe – mais je m'égare. L'histoire de ces bâtiments est un sujet pour un autre essai.
Ce qu'il est vital de noter à propos de cette installation est l'attention portée à la visibilité. La visibilité – et ce qu'elle implique – fait partie intégrante du cœur de la procédure, c'est une marque distinctive de Montauk en tant qu'ancien site religieux. Pourriez-vous voir la procédure au travers des barreaux ? Probablement, mais prendraient-ils ce risque ?
Il y a cinq membres du personnel dans la cabine d'observation. La raison pour laquelle le comité de confinement a décidé de ce nombre n'est pas claire.
Et maintenant, cher lecteur, je voudrais vous décrire à quoi travailler sur SCP-231 ressemble.
Vous arrivez au site, ils vous obligent à mettre votre nouvel uniforme avant de continue, puis vous êtes accueilli par un membre du personnel d'encadrement, lui aussi en uniforme, qui vous guide à travers un bâtiment souterrain à l'air délabré. Un ascenseur vous fait descendre les trois premiers étages, mais ensuite vous devez continuer à pied. Jusqu'où descendez-vous ? Combien de temps cela prend-il ? Vous voyez des casiers vides, des pièces vides, rappelant un site qui ne contient pas ce qu'il croit contenir, ou d'une ancienne occupation. La manière dont vous êtes guidé n'a pas de sens. On ne vous informe pas de ce que votre comportement doit être, ni de votre rôle. Ils vous conduisent à vos quartiers et vous donnent un petit fascicule décrivant votre travail pour les deux prochains mois. Vos quartiers n'ont pas d'accès internet ni de radio, car l'accès aux chaînes locales pourrait vous donner un indice sur le désert où vous vous trouvez. Bien que vous ayez une télé avec un lecteur DVD, elle ne peut se connecter à aucune chaîne. Ils vous apportent votre nourriture. Vous avez une liste de DVD et de livres que vous pouvez demander, et c'est toute ce que vous êtes autorisé à faire lorsque vous ne travaillez pas. Vous n'avez pas de téléphone, mais vous avez un lit. Vous avez une salle de bain équipée d'un miroir. Et chaque matin, avant de sortir pour aller voir la fille, vous devez enfiler votre uniforme. Il masque votre visage et votre voix. Tous les autres ont aussi leur voix et leur visage masqués. Et donc les seuls visages et les seules voix que vous voyez et entendez pendant ces deux mois sont les vôtres et ceux de cette fille, et c'est de cette façon que vous assistez à la procédure Montauk. De nombreuses fois. Encore et encore. Puis vous retournez à votre cellule – pardon, vos quartiers – et vous vous asseyez.
Lorsque vos deux mois sont terminés, vous êtes ramené au monde réel. Et cette expérience vous a très probablement profondément changé. Vous êtes sans doute très différent. Selon toute probabilité – et c'est ça le truc, c'est là qu'ils ont fait une grave erreur – vous ne serez plus jamais le même. Voilà ce qu'ils appellent la procédure Montauk.
Ce n'est pas ce qui se passe dans la chambre qui est important. La divinité n'en a rien à faire. Ce qui l'intéresse, c'est que lorsque vous partez, vous ne soyez plus le même, c'est ça l'essence de la procédure. C'est de la torture non seulement pour la fille, mais également pour vous.
Pensez au nombre de personnes qui traversent cette épreuve. Deux mois. Cinq personnes par fille. Dès le départ en 1989, ça fait 30 personnes tous les deux mois. 360 personnes par an qui repartent avec le bras droit écarlate de Dieu sur leur épaule. En moins de 3 ans, 1 000 personnes sont transformées. La volonté d'un dieu, c'est le contrôle de l'adorateur, et c'est là que Montauk est marrant, car qu'allez-vous faire ? Qu'est-ce que ça signifie d'être contrôlé par la peur ? Pouvez-vous en guérir ? Pouvez-vous apprendre à vivre avec ? Vous suicidez-vous ? Vous battez-vous pour vivre ? Comment se libérer de la procédure Montauk ; comment tuer un dieu ?
J'ai été gardienne des sceaux toute ma vie. Je suis une sorcière de la vieille école – j'ai appris beaucoup de choses sur les dieux, et j'en ai vu beaucoup sous de nombreuses formes. En 1967, alors que j'étais enceinte de mon premier et unique enfant, j'ai été approchée par une commission de la Fondation afin de décrypter le codex Erikesh. Ce n'était pas la première fois qu'eux ou une agence affiliée me contactait, alors j'ai accepté ce travail et j'ai traduit de mon mieux.
Le codex lui-même est un sujet pour un autre essai. Les runes étaient anciennes et étranges – je me souviens que c'était un travail difficile. Je l'ai terminé juste après la naissance de mon fils. Si j'avais su à quelle conclusion mènerait cette traduction, je ne suis pas certaine que je l'aurais acceptée. Si j'avais su qu'elle se retrouverait dans les mains de l'ami d'enfance de mon fils – si j'avais su ce qui allait lui arriver – si seulement j'avais su. Si je ne l'avais pas quitté trop tôt. Si je l'avais emmené avec moi lorsque j'ai fui. Si son père était toujours en vie. Si je l'avais tué dès que j'ai appris ses capacités, plutôt que de l'éduquer à ne jamais lever un doigt pour se défendre face au danger. Qu'est-ce qui serait différent ?
Vous voyez à quel point Montauk m'a affecté, cher lecteur ? Vous voyez comment la procédure agit ? Combien de personne la voient et sont changées… et combien sont changées de voir ceux qu'ils aiment transformés ? Combien de personnes se réveillent en sursaut, leur peur alimentant un dieu affamé ?
Ma plus grande peur à propos des rituels de SCP-231 est la suivante : c'est le fait qu'ils ne soient pas faits pour l'enfant, et qu'ils ne l'aient jamais été. Que les chaînes se brisent puisque le dieu rouge le veut – quand suffisamment de personnes ont peur.
-Lady Agora, Gardienne des sceaux, traductrice, adoratrice multiple. 2/28/2004.
Une brève citation sur la campagne Ichabod par quelqu'un que beaucoup veulent tuer.
“Et les gens me demandent toujours quand je leur parle de cette statistique [que 99% des Types Verts passeront à la phase 4 au cours de leur vie] "Et les autres ?" ou "Et les 1% restants ?" et c'est le principal problème que je voudrais aborder aujourd'hui. Beaucoup de gens étudiant la théorie des Humes dans l'ombre ont du mal à se réconcilier avec la campagne Ichabod.
Il est important de préciser lorsqu'on parle de ces sujets que contrairement à la croyance populaire, les Types Verts n'ont pas été préventivement éliminés jusqu'à récemment. Pendant longtemps la procédure standard a été de les traquer uniquement s'ils avaient attiré tant d'attention sur eux qu'il devenait nécessaire de les tuer. La disparition soudaine de quelqu'un d'important, par exemple, ou une série de meurtres avec peu de liens entre eux s'ensuivait d'une opération de chasse chaotique et peu organisée communément décrite comme "une chasse aux sorcières". Il fallut attendre le développement de la théorie des Humes et les premiers compteurs Kant vers la fin des années 1950 pour qu'il devienne possible de déterminer et de quantifier les prédispositions de certains individus, et ce ne fut pas avant le lancement de la campagne d'extermination Ichabod par la Coalition Mondiale Occulte au début des années 1970 qu'il devint la norme de rechercher et d'éliminer ces individus dès qu'ils venaient au monde.
La campagne Ichabod était se situait dans la suite logique du développement de compteurs Kant à plus longue portée et d'une plus grande précision. Je ne blâme pas l'industrie d'avoir pris ce tournant, vu la solution si idéale que représentait cette technologie à un problème aussi important. Si vous pouviez empêcher un Type Vert d'entrer dans la phase 4, vous pouviez aussi l'empêcher d'atteindre la phase 2 et éviter qu'il teste dangereusement les limites de son pouvoir. Pourquoi ne le feriez-vous pas ? Pour des profanes cela pouvait ressembler à un génocide, mais dans l'ombre, où l'on pouvait voir les effets dévastateurs que ces individus pouvaient provoquer, c'était différent (nuance importante : pouvaient).
C'était le genre de réflexion qui retenait la Fondation d'agir immédiatement dans le but de mettre un terme à cette campagne. Nous n'étions pas d'accord avec ses principes, et nous ne les tolérions pas non plus. Il serait trompeur d'affirmer que nous n'avions jamais lancé d'opérations particulières dans l'objectif de tuer certains individus prématurément, mais nous n'avons jamais formé de mouvement à une échelle aussi large ni avec une telle ampleur qu'Ichabod, et nous ne nous y sommes pas opposés non plus parce que cette campagne était efficace. Éthique ? Morale ? Ces notions n'existent que dans les yeux de l'observateur. Nous avons fermé les yeux, car les dégâts causés par les Types Verts ont radicalement baissé à partir des années 1970. Certaines personnes disaient : pourquoi n'y avez-vous pas mis un terme ou si ça n'avait pas été des Types Verts, vous auriez utilisé tous les moyens en votre possession pour stopper cette campagne avant même son lancement, et c'était vrai. Mais les attaques de plieurs de réalité et les changements de phase chez eux étaient si meurtriers et dévastateurs que nous avons laissé faire.
Considérez ceci : pourquoi les activistes des droits des animaux ne s'en prennent-ils pas à ceux qui utilisent des pièges à souris chez eux ? Parce que les souris ont été une nuisance pendant des siècles. Elles sont responsables d'innombrables morts par contagion et elles endommagent les bâtiments. Ces mêmes personnes qui s'élèvent contre leur exploitation dans la recherche pour des raisons éthiques ne lèvent pas le petit doigt lorsqu'elles sont exterminées impitoyablement par suffocation. Ils ne savent même pas si les souris qui sont tuées le méritaient, ou si elles n'étaient que des souriceaux, et ils ne s'en soucient pas, car si nous devions laisser les souris se développer librement en grand nombre dans les maisons, les conséquences seraient catastrophiques. Le même argument est valable pour les Types Verts ; les gens s'élèvent contre leur confinement, contre leur utilisation dans les études sur les capacités psychiques et sur la théorie des Humes, dans les tests des compteurs Kant, et plus encore contre les mutilations qui leurs sont infligées dans le cadre de [CENSURÉ], une pratique qui reste commune encore de nos jours.
Mais personne ne s'est opposé à Ichabod. Et par conséquent, Ichabod ne s'est pas arrêtée. Elle aurait atteint son 30e anniversaire cette année. Un agent d'Ichabod lambda compte 50 à 150 victimes à son palmarès au bout de sa carrière ; une équipe d'intervention d'Ichabod peut en faire entre 300 et 500. En réalité, il était impossible de confiner tous les Types Verts, car ils étaient simplement plus nombreux qu'il n'y paraissait.
Une autre question qui est souvent soulevée est : qu'en est-il de SCP-239 ? Qu'est-ce qui la rend spéciale ? La réponse, c'est qu'elle est là pour qu'on puisse expérimenter sur elle. Son existence aide à rendre le monde meilleur, mais elle n'est pas spéciale. L'espérance de vie moyenne d'un Type Vert est de 19 ans, parce qu'en général ils passent en phase 4 aux alentours de 17 ans. 239 est née en 2003 et se trouve en phase 3 depuis 4 ans au moment de l'écriture de ce texte. Peut-être qu'elle fera partie des 1%, qu'elle constituera un cas d'étude parfait montrant comment le confinement et l'éducation de ces enfants dans un environnement leur offrant des limites et des objectifs clairs tout en leur fournissant un contexte sécurisé pour qu'ils puissent explorer leurs capacités a un impact significatif sur leur développement en tant qu'adultes. Peut-être qu'elle entrera en phase 4 et nous détruira tous.
Difficile à prévoir, mais pour le moment c'est une adolescente relativement normale se développant dans le cadre du programme d'éducation des enfants dont la mise en place a demandé tant d'efforts à son arrivée. Elle a ses bons et ses mauvais jours, mais elle n'a jamais causé de dégâts irréversibles, et il est important de noter que son cas constitue l'espoir des enfants anormaux en confinement : un développement sain malgré la présence simultanée de capacités anormales. Peut-être qu'un jour les programmes d'éducation développés pour elle et les autres Types Verts sous confinement ou sous surveillance de la Fondation deviendront la norme, et mèneront à la fin du programme Ichabod.
Mais pour le moment, les statistiques parlent d'elles-mêmes : à son apogée dans les années 1980, la campagne Ichabod de la CMO avait éliminé près de 75% de tous les Types Verts, mais les régulations se sont resserrées depuis. L'espérance de vie d'un Type Vert "dans la nature", c'est-à-dire qui n'est ni influencé, ni traqué, ni protégé par un GdI, est d'environ 19 ans ; à peu près le même âge où ils provoquent souvent leur propre chute en entrant en phase 4 de leur développement.
Dans les années 1980, leur espérance de vie était de 8 ans, parce que c'était souvent à cet âge qu'Ichabod les découvrait et les tuait. Et nous n'avons rien fait."
-[CENSURÉ], 8 février 2010
Bus
C'est le milieu de années 1980, et il vient tout juste d'effacer de ses mains le sang de la dernière mission, de se soigner et de se proposer pour une autre opération pour qu'il n'ait pas à rentrer chez lui. Il appelle Lilly comme toujours, et il y a quelque chose qui le brise dans la manière dont elle le traite de menteur pour la millionième fois. Peut-être que c'est à cause du stress, peut-être que c'est à cause des six mois de mission ininterrompues, peut-être que c'est le manque de sommeil ou ses mains tremblantes, mais lui, l'agent Ukulélé, commence à pleurer au téléphone dans la cabine téléphonique, alors qu'elle le fustige pour une petite erreur stupide sur une facture qu'il avait envoyée à la maison. Il est stupide, il est gros, personne ne l'aimera jamais autant qu'elle, il a tellement de la chance de l'avoir elle, il lui est redevable pour toujours de tout ce qu'elle fait pour lui, et plus que tout c'est un menteur. Ses souvenirs sont faux, elle n'a jamais dit ou fait ceci ou cela. Dans une semaine cet appel téléphonique n'aura jamais existé, parce que Francis est fou – oui – Francis est en train de perdre le contrôle de ses pouvoirs, ce n'est qu'une question de temps avant qu'ils ne le découvrent, et il ferait mieux de rentrer à la maison où ils ne pourront pas le trouver, il était mourant, il allait mourir, et elle seule pouvait le sauver.
C'est l'un de ces moments qu'il reverrait encore souvent à la Fondation, dans une autre vie loin d'ici – un bref écart mental, le fil d'une couture qui se brise. Il raccroche le téléphone en tremblant et en sanglotant et il pense qu'il est sur le point de perdre le contrôle et il se demande combien de temps il lui reste avant que ses collègues ne le découvrent et l'éliminent. Il se demande si ce sera rapide, et s'ils vont aussi tuer Lilly, et quelle part de sa vie il a inventée avec de petits dérapages involontaires d'une défaillance de Hume. Il se demande s'il invente ceci également, Il se demande s'il est en train de devenir fou ou si c'est déjà trop tard. Il ne peut pas s'empêcher de pleurer.
La cassure est rapide et totale, Il s'assied sur le sol de la cabine téléphonique d'un arrêt de bus délabré et sanglote dans un mélange de panique et de chagrin, et alors que l'annonce du prochain bus résonne dans l'interphone il change de personnalité.
Tout s'effondrait. Sa respiration était rapide et ses émotions s'évanouissaient telle la brume dans la lumière matinale. Le temps s'échappait et tout s'effondrait, et il n'était pas certain des changements qu'il ressentait ni de ce qu'il fallait qu'il fasse ou arrête de faire ni même s'il pouvait faire l'un ou l'autre. Autrefois, elle avait été différente. Elle avait été bienveillante.
Quelque chose changeait en elle, susurre un coin sombre de l'esprit de Francis dont il ne veut pas se souvenir. Elle était en train de changer, et bientôt elle ne serait pas différente de ceux qu'il était payé à tuer. N'était-ce pas terrible ? N'était-ce pas putain de terrible ?
À moins que ce ne soit lui qui soit en train de changer. À moins que ce ne soit lui qui soit en train de se transformer en monstre.
Francis s'arrête de pleurer si brutalement que cela lui fait mal. L'agent Ukulélé se lève. Son cerveau obscure ses souvenirs. Il sort de la cabine téléphonique plus ennuyé qu'autre chose, et quelque part en lui quelque chose crie tu es différent, tu es en train de changer et quelque chose de terrible est sur le point de se passer.
ad undas
30 juillet 1989, 13 heures, dans une installation inconnue à Newcastle, en Angleterre
"Coda" – ainsi qu'iel était surnommée – s'approche de l'écran, ses genoux tremblant intensément. Iel était une Coda exceptionnellement jeune à avoir pris ce poste. Responsable des missions et Quartier-Maître n'étaient pas des fonctions prises à la légère à la CMO. Bras droit du D. C. al Fine, c'était un rôle important même pour un travailleur expérimenté. Mais cette Coda était astucieuse. Exquisément astucieuse. La meilleure qu'ils avaient pu trouver en peu de temps – peut-être la meilleure qu'ils auraient pu trouver tout court. Pas très sociable, mais iel avait la précision d'un laser et l'endurance d'un taureau. Endurance et précision n'avaient pas été les points forts de la dernière Coda. Ça s'était salement terminé pour lui.
La nouvelle Coda n'aimait pas penser à ça. Iel était ici pour accomplir un travail - et le travail n'avait pas été tendre avec lui récemment. L'individu qui se tenait assis sur le large panneau d'ordinateurs qui prenait toute la largeur de la pièce pouvait sentir les retombées de la mission de Cornouailles dans la raideur de son dos, la crispation de ses épaules, les cernes sous ses yeux. Iel était réveillée depuis presque trente-deux heures. Mais c'était bientôt terminé, se dit-iel dans la fluorescence agressive de la salle de commande, ses écouteurs crachant un mélange assourdissant de signaux radio si brutaux et clairs qu'iel savait qu'iel en sentirait encore la pulsation bourdonnante dans ses oreilles pendant des heures. C'était bientôt terminé.
Les neuf derniers mois du travail de Coda s'étaient passés approximativement ainsi :
C'était un contrôle Hume de routine et les agents de l'escouade avaient rapporté leurs observations. Coda leur avait dit de contrôler les radiations (qui étaient de moyenne intensité à ce moment – il s'agissait seulement d'entrer et de sortir). Ils n'étaient pas revenus. D'autres équipes avaient été envoyées pour investiguer. Elles avaient remonté la piste jusqu'à une maison au bord et au lac qui la bordait, et brusquement ils n'étaient pas revenus. Cette Coda avait alors mis tous ses œufs dans le même panier en déplaçant près de 200 agents de la campagne Ichabod – presque la moitié de l'effectif de leur division – dans la ville de North Access au cours des neuf derniers mois. La menace avait crû. La réalité de la ville s'était faite de plus en plus instable, mais l'état d'un magasin de fleurs en particulier d'où les agents ne revenaient pas était pour le moins préoccupant.
Les dernières trente minutes du travail de Coda s'étaient passées approximativement ainsi :
Iel avait envoyé un détachement de 30 agents lorsque le niveau de Hume s'était effondré brusquement et sans préavis. C'était une faille qu'ils n'avaient pas prévue et Coda était pratiquement en train de leur hurler dans le transmetteur de prendre les bombes et de sortir, parce que s'ils parvenaient à accomplir cette mission toute cette affaire serait terminée en trente secondes. Le chef du détachement auquel Coda parle rapporte que la pluie est en train de provoquer une inondation éclair, et iel leur dit de traverser. Le détachement répond qu'il ne peut pas.
Alors Coda leur dit de marcher.
Certains pourraient remettre l'éthique de Coda en question ici. Le détachement pourrait-il traverser l'eau assez rapidement pour échapper l'explosion qui allait survenir ou la riposte du repaire de Types Verts situé à l'intérieur du bâtiment ? Difficile à dire, mais la prise de risque était la raison pour laquelle Coda avait accepté ce travail. C'était donc un pari qu'iel avait décidé de prendre cette nuit.
La pluie se fait encore plus drue. Les bombes : 25 livres chacune, en 6 exemplaires, équipées d'une ancre à réalité à action courte. Expérimental. L'objectif était de traverser les champs à l'extérieur et de faire sauter la maison. Ces bombes ne sont pas réputées pour leur facilité de manipulation, alors les hommes se hâtent de connecter les fils et les batteries, mais en une demi-heure, pendant que l'eau passe de leurs genoux à leurs poitrines, les bombes sont prêtes et Coda peut tout juste entendre la confirmation des chefs d'équipe par-dessus le déluge permanent.
Et c'est ici que la nouvelle Coda commet sa première erreur : iel hésite.
Iel aurait pu faire sortir l'équipe d'intervention en dix minutes s'iel avait voulu. Iel aurait fait un millier de choix différents s'iel avait su ce qui allait arriver. Les hommes peuvent nager dans l'eau, avait-iel pensé. Ça ne serait pas un problème, s'était-iel dit. L'eau atteignait leurs torses à présent, mais ça ne serait pas un problème. Ça ne serait pas un problème. Ça n'avait pas été un problème jusqu'à ce que les événements ne commencent à s'enchaîner très rapidement – dès que les bombes avaient été placées et que de nouvelles vagues les avaient submergé – l'eau avait commencé à chauffer, et Coda voit alors les événements s'enchaîner en une lente progression. Les chefs d'équipe signalent que l'eau est étrangement chaude. Puis qu'elle est brûlante, comme dans un sauna, puis ils cessent d'être aussi bavards parce que la situation n'est plus drôle, et Coda est laissé à ses doutes, essayant d'obtenir des réponses et n'en recevant plus aucune.
Les bombes n'explosent pas. Elles n'étaient pas faites pour résister à l'immersion. Ironique, non ? Quelle coïncidence incroyable et sournoisement cruelle que l'équipement n'ait pas été prévu pour résister à une inondation bouillante.
Et donc Coda reste collée à son transmetteur alors que sept heures se passent, que l'eau inonde la ville de North Access, que la Cornouaille s'agite. Iel passe de clavier en clavier et dans la demi-heure qui suit, chaque agent ayant accès à un transmetteur se déconnecte un par un. Et tout ce qu'iel put encore entendre fut le battement sans fin de la pluie.
Les enregistrements sont quelque part. Coda ne les a jamais écoutés, mais iel sait qu'ils existent, quelque part dans les profondeurs des archives de la CMO. Il sait qu'ils consistent en environ 2 heures de bruits d'agonie suivis par 48 heures de Coda demandant sans cesse une réponse. Quelques fois iel avait étendu ses recherches au-delà du périmètre, jusque dans les villes voisines, vers des stations radio à longue portée
(et produisant ainsi accidentellement un signal redirigé par des équipements abandonnés et défectueux à North Access, signal détecté non pas une, mais deux fois par un avant-poste classifié à Londres.)
mais elles s'étaient révélées infructueuses. Il n'y avait toujours rien.
Et il n'y eut rien de plus jusqu'à ce que les équipes de la Fondation arrivent et que les véritables problèmes commencent.
Chestnut
Chestnut n'avait jamais eu aussi mal.
Elle avait su dès que l'écurie avait commencé à être inondée que ce qui passait n'était pas normal. L'HOMME gardait en général son enclos propre, et si ce n'était pas le cas, il attachait ses rênes à un pieu dehors afin d'avoir la place de nettoyer. Et l'écurie n'avais jamais été inondée ainsi auparavant. L'eau dépassait déjà ses sabots lorsqu'il fit irruption en écartant violemment les battants de la porte de l'écurie afin de l'éclairer, elle et les cinq autres chevaux qui s'agitaient de plus en plus depuis une heure d'inondation ininterrompue, soufflants, trempés et secouant les verrous de leurs stalles.
Ils s'échappèrent un par un. Stormy sortit au galop, en pleine panique, ses sabots claquant sur le bois du plancher à travers 15 centimètres d'eau comme le tonnerre dans l'obscurité épaisse qui s'étendait au-delà des lumières vacillantes de l'étable. Rio était folle de terreur lorsque sa stalle s'ouvrit. Elle se cabra et tenta d'attaquer L'HOMME, ses yeux roulant dans leurs orbites. Désorientée, elle heurta la porte de la stalle en sortant, ce qui l'envoya presque valser sur l'herbe submergée avant qu'elle ne parvienne à retrouver son équilibre et à disparaître dans la nuit. Gulch parvint à défoncer la porte de sa stalle avant que L'HOMME ne puisse atteindre le loquet, effrayé par le débit de l'eau qui s'infiltrait dans l'étable par l'ouverture d'un nœud du bois derrière lui, et s'échappa du bâtiment instable dans la nuit avec la précision d'un cheval de course. Ne restèrent que Chestnut et L'HOMME, et L'HOMME avait une selle.
Elle était la meilleure, la plus intelligente et certainement la plus brave. La femme de L'HOMME – la bibliothécaire de la ville – avait disparu il n'y avait pas neuf mois, et c'était vers Chestnut qu'il s'était tourné dans son deuil. Elle était effrayée, mais pas autant que les autres. Jamais comme les autres. La voiture refusait de démarrer et la ville était engloutie, mais qu'ils soient maudits s'ils n'arrivaient pas à sortir vivants de ce chaos.
L'eau était considérablement plus profonde hors de l'écurie. Elle s'éleva jusqu'à ses genoux une fois dehors, froide, rude et sale. Sous les rafales de vent, elle pouvait voir les voitures et les bâtiments être submergés plus profondément que tout ce qu'elle avait pu voir, et l'eau se précipitait sans autres direction apparente que le lac. Elle tourna avec L'HOMME. Ils partaient. Ils s'en allaient. Elle n'avait jamais imaginé qu'ils s'en iraient un jour.
Ses muscles battaient l'eau dans un chaos irrégulier, glissant et pédalant, perdant pied et se raccrochant, déstabilisés par des nids-de-poule et des clôtures qui déchiraient ses flancs et la déséquilibraient. Mais elle se rappelait ce qu'ils faisaient : PARTIR, PARTIR, ils PARTAIENT loin des émotions étranges que lui renvoyait le lac depuis plusieurs mois, ils PARTAIENT loin de la femme disparue et loin de l'étrange créature à bois de cerf qu'elle avait vu la capturer neuf mois auparavant. Il était clair que L'HOMME avait du mal à voir au travers de la tempête et qu'elle n'avait que ses sabots pour lui indiquer là où il y avait de l'eau et là où il n'y en avait pas. Lorsque ses pattes rencontrèrent les pavés de l'entrée de la ville, elle s'élança et s'arracha aux flots le long de la route, luttant dans l'obscurité et la pluie, tous poils hérissés et percluse de douleurs. L'HOMME et elle PARTAIENT, et bien qu'elle ne sache pas bien où, elle était certaine que L'HOMME le saurait.
L'eau montait rapidement, mais Chestnut était plus rapide. Les rangées d'arbres bordant la route de la ville s'élevaient telles des serres alors qu'ils les dépassaient en trombe. L'HOMME n'avait pas pensé à prendre des rênes, mais ça n'avait pas eu d'importance et ça n'en avait toujours pas. Il passa ses bras autour de son cou et se cramponna fermement, luttant toujours afin de voir où elle l'emmenait. Dans l'obscurité, ça ressemblait à l'entrée de la ville. On aurait dit l'extérieur, puis -
- c'était l'autre côté de la ville.
Chestnut planta ses sabots dans l'eau et hennit tout en reculant devant la chaleur. Elle ne pouvait pas voir, mais L'HOMME le pouvait, et il vit un lac infini, une étendue d'eau bouillante dont ils ne pouvaient pas voir les rives dans la tempête d'un noir d'encre. Il tira sur sa crinière et la ramena en arrière, choquée et titubante – avaient-ils réussi ? Le monde extérieur avait-il disparu ? Étaient-ils vraiment revenus -
(le monde se remplissait de cris de l'autre côté, plus peuplé, de la ville.)
- vers le gouffre bouillant ?
Chestnut suivit les instructions, mais son allure déclinait rapidement. Ils battirent en retraite en titubant plus qu'en marchant le long de la route qui disparaissait rapidement, en direction de la sortie – ou de l'entrée – puis ils furent de retour à l'écurie. Il pouvait le voir à travers les arbres lorsqu'un éclair illuminait la scène.
L'eau montait. Il ne voyait rien. Ils étaient à l'entrée de la ville et l'eau arrivait de l'autre direction à présent, bouillante et tumultueuse, le forçant à faire danser Chestnut sur quelques mètres carrés précaires de route noire, comme une créature de cirque torturée, frappée par une des vagues écarlates, marionnette de la tempête. Le terrain s'amenuisait de plus en plus alors que l'orage s'amplifiait, la pluie s'évaporait avant d'atteindre le sol comme une sorte de lave improbable – tout ne devrait-il pas s'être évaporé à présent ? Pourquoi ça s'étendait encore ? Depuis combien de temps se trouvaient-ils sur leur petite île de torture, combien de temps avaient-ils dansé ? Quelques secondes ? Quelques minutes ? Quelques heures ?
(Chestnut n'avait jamais eu aussi mal)
Elle tomba. Il tomba. Comme des grenouilles dans une marmite d'eau bouillante, ce fut plus long que ce que la pitié aurait voulu.
Les 80 heures
Le docteur ne vient pas et Francis se demande vaguement pourquoi. Il n'entend pas les vagues du lac briser les fenêtres du magasin de fleurs dans une marée de sang bouillant et de chair au rez-de-chaussée. Mais ça n'a pas d'importance, parce que le bébé arrive en moins d'une heure, et soudain ils sont trois dans la pièce : Lilly, Francis et la petite fillette.
Francis ne savait pas qu'il lui restait encore de l'amour à donner, mais sa fille est plus lourde qu'il ne le pensait, plus chaude, plus vivante et plus adorable qu'il aurait jamais pu l'imaginer. Il l'enveloppe dans des langes trouvés à l'autre bout du couloir pendant que Lilly somnole. Lorsqu'il touche la paume de sa minuscule main, ses petits doigts s'enroulent autour du sien, et Francis se sent soudain plus férocement protecteur qu'il avait jamais pensé l'être. Il n'avait plus ressenti un tel amour depuis des années. Il a envie de pleurer.
C'est Lilly qui avait choisi le nom, comme elle choisissait tout. Elle lui avait dit qu'ils en avaient discuté, mais Francis savait qu'ils n'avait jamais vraiment discuté de quoi que ce soit depuis qu'il avait définitivement quitté la CMO. Un autre mensonge qu'il n'avait pas relevé. Ça n'en valait pas la peine. Ça ne valait jamais la peine. Mais il était de plus en plus convaincu que c'était un prénom convenable : Meri, comme quelque chose d'écrit dans un écrit oublié en Latin.
Dans le magma visqueux de ses émotions, Francis ne peut pas s'empêcher d'imaginer un avenir où tout fonctionne. Lilly redevient celle qu'elle était, celle qu'il aimait. Ils cessent d'utiliser leurs pouvoirs. Ils vivent ici, dans cette maison avec la petite arrière-cour et le lac. Ils pourraient joindre les deux bouts, car Lilly travaillant au rez-de-chaussée, ils n'auraient pas besoin de payer une crèche. Il devrait probablement repartir pendant quelque temps travailler avec la CMO, sous son ancien nom de code et avec sa vieille équipe, mais il enverrait l'argent à la maison et ça leur suffirait. Il se souvient soudain de chiffres auxquels il n'avait pas pensé depuis des mois : 1 000 £ pour un Type Vert de classe 4 s'il peut le retrouver en moins d'une semaine. 500 £ en moins d'un mois. Jusqu'à 5 000 £ pour une opération à haut risque. Moins s'il traquait avec son équipe – les gains seraient partagés entre eux – mais il aurait quelque chose qui l'attendrait chez lui, une chose pour laquelle il valait la peine de vivre. Il était un bon agent, il s'améliorerait encore et les primes augmenteraient. Au bout du compte il faudrait qu'il chasse seul – se trouver une couverture ou quelque chose du genre et mettre tous ses moyens en jeu – mais c'étaient ces missions qui payaient le mieux. Et s'il gagnait suffisamment il pourrait rentrer, mettre de côté son arme et son talkie-walkie, voir sa fille et passer un mois d'une vie normale dans une ville normale. Et si Meri était un Type Vert comme ses parents, eh bien… Ils feraient en sorte que ça fonctionne. Tout irait bien pour elle. Il y aurait des Noëls et des anniversaires, et toutes les blessures qu'il y avait entre Lilly et lui guériraient avec le temps, tout irait bien et ils n'en parleraient plus jamais. L'eau coulerait sous les ponts, leur famille serait unie. Crèmes glacées en été… Nager dans le lac…
Ça pourrait fonctionner pensa Francis, imaginant un futur où le fusil qui était caché sous leur lit en cet instant serait rangé dans le casier à côté des escaliers où il le gardait lorsqu'il ne travaillait pas, appuyé contre la paroi du fond avec les parapluies tel un accessoire pour film muet d'humour noir. Il avait attendu dans la cuisine jusqu'à ce que Lilly ait un client dans le magasin avant d'aller le chercher, il y avait une semaine. Était-il toujours certain que c'était ce qu'il devait faire ? Tuer la mère de sa fille ? Pourquoi ? Par vengeance ? Parce qu'elle était irrécupérable depuis trop longtemps ? Il ne ressentait pas la même colère que ces hommes qu'il avait vus tuer leur femme à la télé.
Ça ne peut pas fonctionner, pensa ensuite Francis. L'étape suivante était le mariage, et une part profonde de lui – un coin primitif de son inconscient qui savait comment tout ça devrait se terminer – savait qu'il ne tiendrait pas beaucoup plus longtemps. Meri ne guérirait pas Lilly. Rien ne pouvait guérir Lilly. C'était le même enchaînement d'événements qu'il avait vu chez tous les Types Verts qu'il avait assassinés pour la CMO, et il n'avait jamais remis en question ces diagnostiques écrits par quelqu'un derrière un écran à des centaines de kilomètres.
C'était maintenant ou jamais. Maintenant, ou elle ne s'arrêterait plus pendant encore dix-huit ans, et lorsque Meri s'en irait elle le tuerait enfin s'il ne le faisait pas avant. Partir était hors de question – qui pouvait dire ce qu'elle était capable de faire dans son état ? Et si elle était prise d'une sorte de frénésie-
(Francis n'entend pas l'eau bouillante lécher à présent les premières marches et les plinthes autour du comptoir, dégouliner sur l'escalier du sous-sol où il n'avait plus mis les pieds depuis de nombreux mois. ils hurlaient vers lui et lui vers eux. une connexion manquante. un appel du destin)
- et tuait leur fille, ou quelqu'un d'autre -
(la CMO encerclait la ville depuis des mois, la nuit ils s'approchaient de la maison où Francis dormait, ils l'appelaient "tanière" ou "repaire". depuis l'appartement que Lilly ne lui permet pas de quitter, par le fenêtre de la chambre, il voit la même succession d'un ciel clair et dégagé au-dessus du lac et tout va pour le mieux dans son monde, comment a-t-il pu être aussi naïf, lui, avec toute son expérience des types verts, alors qu'il en est un lui-même, comment a-t-il pu laisser les chose s'envenimer à ce point elle a déjà tué quarante-huit personnes avant le début de l'incident de Cornouailles et personne, à l'intérieur ou à l'extérieur ne sait exactement comme elle s'y est prise exactement ni où les victimes ont disparu-)
- non, il fallait qu'il le fasse. Pour lui. Pour sa fille.
Pour Lilly, afin d'abréger ses souffrances.
Le voici, alors que l'eau bouillante monte, au premier jour du reste de sa vie. Sa compagne et amie de toujours est couchée dans le lit, elle est belle et terrible, une lame forgée dans le but de trancher la chair fine de la réalité avec la précision chirurgicale d'un scalpel. La douceur de sa voix lorsqu'elle l'appelle le déstabilise, c'est de l'amour, Francis, je peux la voir ? et il sourit et il s'assied à ses côtés sur le lit et elle est couchée sur le flanc et pendant un instant, il voit toutes les raisons qu'il a jamais eues de l'aimer, exposées devant lui comme sur une carte. C'est ici que tu es devenu la grenouille et qu'elle t'a plongé dans l'eau bouillante, se dit-il. Voici le plexus solaire de ton désir. Ton nadir dans ses yeux, dans la manière dont elle est étendue devant toi, dont elle t'a fait croire que tu étais celui qui sombrait dans les griffes de la classe 4. Elle a bâti cette maison comme prépare ses rituels, et elle prépare ses rituels comme elle t'a remodelé, toi – blessé et piégé dans un mépris perpétuel, tel un animal ne réussissant qu'à se coincer toujours plus, aussi sûrement que l'eau monte et bout pour un ancien dieu furieux.
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"Je t'aime," dit Francis.
"Touche-moi," dit Lilly.
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Le lac est rouge. Il remplit les rues de North Access et inonde les bois, les criques et les rivières. Il traque ceux qui se cachent. Il emporte les faibles. Il ébouillante tout ce qui se trouve sur son passage avec l'implacabilité de la justice du seigneur-
- et Francis la touche. Il lui passe d'abord le bébé, puis il prend son visage dans ses mains.
"Je t'aime," répète-t-il. Il ne sait pas pourquoi il l'aime encore, après tout ce qu'elle lui a fait. Ne devrait-il pas la haïr ? Pourquoi ne la hait-il pas ?
Parce que tu préférerais être traité comme de la merde plutôt que de risquer d'être seul, dit une voix au fond de lui, et tout d'un coup il rêve de l'autre vie, celle où elle est miraculeusement guérie. Il se le répète comme une litanie dans son esprit, je-vais-faire-en-sorte-de-joindre-les-deux-bouts-et-je-te-protégerai-toi-et-Meri-et-je-t'aimerai-autant-que-je-peux-n'importe-où-et-n'importe-quand-et-je-trouverai-un-moyen-de-croire-que-tu-m'aimes-et-que-tu-me-traites-bien-et-je-laisserai-simplement-les-choses-couler-et-j'accepterai-d'être-fatigué-et-d'ignorer-pourquoi-tu-me-dis-à-quel-point-je-ne-vaux-rien-et-d'attendre-le-jour-où-tu-voudras-faire-l'amour-encore-et-où-je-ne-pourrai-pas-t'arrêter-une-nouvelle-fois-parce-que-je-suis-transi-de-terreur-et-je-t'aimerai-encore-pour-Meri-et-pour-cette-vie-et-pour-celle-que-tu-étais-même-si-ça-dure-dix-ans-ou-vingt-ans-ou-le-reste-de-ma-vie-il-doit-y-avoir-un-moyen-de-pouvoir-continuer-à-faire-semblant-pour-toujours-
Elle se détourne brusquement vers la porte et soudain c'est le bon moment, parce qu'elle est distraite par l'eau qui commence à s'infiltrer dans leur chambre, soulevant des nuages de vapeur. "Francis ?" dit-elle sans tourner la tête, alors qu'il retire ses mains, appelant silencieusement la part providentielle de soldat de la CMO au fond de lui, et qu'il essaie d'attraper de justesse l'arme sous le lit, "il y a quelque chose que je dois te dire –"
Mais elle ne termine pas sa phrase, parce que quelques secondes plus tard elle est morte. Francis prend le bébé et fuit l'eau. Il sort précipitamment de la chambre, se retrouvant immergé jusqu'aux chevilles au dernier étage de leur maison, l'eau brûlant sa chair comme un couteau brûlant. La ville ne se trouve pas dans un cratère – comment l'eau peut-elle encore monter ? Meri hurle à cause du coup de feu et Francis est muet sous le choc, entre la brûlure de sa chair et le meurtre de sa meilleure amie et le fait que l'eau a tout envahi excepté le couloir sur sa gauche, il n'y a aucune échappatoire, et soudain il y en a une.
Francis n'enregistre pas grand-chose des 80 heures suivantes. Il ne croit pas avoir autant couru de sa vie. Après la rampe d'escaliers il se retrouve à côté de la porte du placard avec les parapluies et le fusil de fil silencieux d'humour noir, puis il dépasse la salle de bains où il allait vomir après s'être réveillé en sursaut les nuits après la conception de Meri, il dépasse la cuisine où elle s'asseyait et lui disait à quel point il était médiocre, il dépasse la chambre où son corps gît sans vie sur le lit, il dépasse la chambre d'enfant vide, et après une nouvelle volée de marches il est à nouveau devant le placard aux parapluies, et il monte, monte et monte encore, et l'eau n'arrête pas de s'élever, et le bébé est lourd dans ses bras mais il arrête de crier au bout d'un moment, et parfois la porte de la chambre est fermée, ou il y a quelque chose de grand et d'indistinct qui se tord dans la baignoire, mais Francis ne s'arrête pas, ne se retourne pas pour voir si l'inondation arrive, ne s'arrête pas même pour les homme en armure qui le pourchassent. Il fuit un dieu ancien et omniprésent sous le lac auquel il a été enchaîné dans un rituel qui n'avait pas été tenté depuis un millier d'années. Il fuit quelque chose qu'il ne parvient pas à déterminer – sa propre peur ou la maison ? Lilly ? Les hommes en armure noire ? North Access ? Croit-il que s'il fuit assez loin et assez vite il ne reviendra pas à son point de départ ? Il fuit une sorte de concept ancien, l'esprit d'une inondation et de couloirs infinis qui lui scanderont pour le reste de sa vie :
Montauk ? Est-ce ce qui l'effrayait, même s'il ne parvenait pas à mettre le doigt dessus ? Même s'il court sans fin le long du même chemin dans ses rêves ? Montauk, tel qu'il est écrit dans les anciens textes. La peur écrasante. La main du dieu rouge.
Il court jusqu'à ce que les grenades à gaz qu'ils lui jettent dans les escaliers le fatiguent trop pour qu'il continue, et tout se termine ainsi.
SCP-4231-B Notes de test
Le 01/12/1989, les enquêteurs ont entamé une longue série d'interrogatoires avec SCP-4231-B à propos des détails de la procédure Montauk – à laquelle il avait été soumis quelques mois plus tôt - et sur la nature des abus sexuels qu'il avait subis de la part de SCP-4231-A. Au début de l'opération, SCP-4231-B a retiré ses chaussures et ses chaussettes et a sorti un petit flacon de vernis à ongles. Il commença ensuite à vernir silencieusement les ongles de ses orteils et ses doigts (couleur "Rose Plage"). Après 45 minutes de ce rituel, l'agent Youlen a reçu l'autorisation par la supervision de retirer le vernis des environs de SCP-4231-B afin de pouvoir mieux procéder à l'interrogatoire. Celui-ci a repris 2 minutes plus tard. SCP-4231-B a pris 10 minutes afin de laisser ses ongles sécher, durant lesquelles il n'a pas parlé aux enquêteurs. Après 10 minutes, SCP-4231-B a retiré un second flacon de vernis de sa chaussure gauche (couleur "Vert Gecko") et a entrepris d'appliquer une deuxième couche. Ce cycle de confiscations et de réapparition de flacons de vernis a continué pendant 5 heures, après quoi les tests ont été abandonnés. SCP-4231-B n'a répondu à aucune question pendant ce laps de temps.
Le 23/03/1990, les enquêteurs ont entamé une longue série d'interrogatoires avec SCP-4231-B à propos des détails de la procédure Montauk et sur la nature des abus sexuels qu'il avait subis de la part de SCP-4231-A. Au moment de s'assoir à la table d'interrogatoire, SCP-4231-B a immédiatement commencé à retirer des faux cils des poches de son pantalon. À la surprise des enquêteurs, il a commencé à les coller à ses poignets suivant un schéma croisé circulaire, tout en éludant toutes les questions. Le test fut abandonné au bout de trois heures, pendant lesquelles SCP-4231-B a appliqué 548 paires de faux cils sur ses bras. À la conclusion du test, SCP-4231-B a marmonné sa seule réponse aux enquêteurs :
Agent Youlen : Qu'est-ce que vous…
SCP-4231-B : Je veux des bras duveteux.
Le 14/02/1991, les enquêteurs ont commencé l'interrogatoire annuel de SCP-4231-B à propos des détails de la procédure Montauk et sur la nature des abus sexuels qu'il avait subis de la part de SCP-4231-A. Au milieu de l'interrogatoire, sans avoir fourni aucune réponse jusque-là, SCP-4231-B a produit une unique lame de microscope. Il n'a pas répondu aux question pour le reste de la session.
La lame de microscope fournie par SCP-4231-B est devenue le sujet d'une analyse longue de quatre mois par les équipes de confinement de SCP-4231, SCP-231 et SCP-2317. Après une évaluation microbiologique, biologique et physique ainsi que plusieurs tentatives infructueuses de relier l'objet à une section du Codex Erikesh, la microscopie électronique a été utilisé afin d'approfondir l'analyse de la lame. L'objet a révélé être une lame de microscope entièrement vierge sans aucune propriété anormale.
En date du 21/03/2017, aucun des 28 interrogatoires annuels de SCP-4231-B à propos des détails de la procédure Montauk et sur la nature des abus sexuels qu'il avait subis de la part de SCP-4231-A n'a donné d'information supplémentaire, bien que les procédures d'interrogatoire se poursuivent selon le planning annuel. Voir le document SCP-4231-B-1 pour un rapport complet de tous les interrogatoires.
C'est "docteur" pour toi, connard
Au cours du mois de mai 1990, les psychologues de la Fondation ont déterminé que les symptômes psychologiques de SCP-4231-B avaient significativement empiré au cours de son traitement continu, et proposèrent que SCP-4231-B puisse travailler et vivre en tant qu'employé de la Fondation, apportant son importante expérience de terrain en tant qu'agent de la CMO afin d'aider le programme naissant d'évaluation des Types Vert. Malgré sa tendance à rester réservé et méfiant au sujet de sa santé et de sa vie à North Access, SCP-4231-B fut considéré comme un individu peu dangereux et capable d'un travail léger. La permission lui fut accordée, et il put même accéder à des cours universitaires fin 1990.
Les procédures de confinement actuelles de SCP-4231 consistent en de la surveillance, un interrogatoire annuel et un participation obligatoire à des tests visant à déterminer l'état de ses capacités. Son statut de SCP reste actif, bien que son remplacement par une classification en Personne d'Intérêt (PdI) ait été récemment considéré afin de correspondre avec la vie quotidienne relativement normale de SCP-4231-B, exceptés les épisodes de SSPT lors des périodes de sommeil et les symptômes dissociatifs caractéristiques d'un traumatisme. Tous deux sont atténués dans un milieu où la Fondation est moins impliquée.
En 2020 SCP-4231-B aura servi la Fondation pendant 30 ans.
Trois scènes d'une excitante nouvelle industrie
Leopold, en Cornouailles, à 20 kilomètres de North Access, 3 juillet 2016
Le crépuscule tombait, et comme ils le faisaient depuis lundi soir, les vieillards observaient attentivement.
The Green était un vieux bar sur la rue principale de Leopold. Il n'avait pas changé depuis les années 70, et ces hommes aimaient beaucoup les choses qui ne changeaient pas. Il y avait le vieux tabouret où untel avait eu une attaque, les marques de couteau sur le comptoir où une dispute particulièrement complexe s'était ironiquement terminée de manière anticlimatique ; la tentative d'installation du wifi pour la jeune clientèle avait soulevé une vague d'indignation, et l'enlèvement d'une vieille peinture pleine de trous de fléchettes avait provoqué une petite émeute.
Les hommes de Leopold – du moins ceux qui n'étaient pas partis depuis leur retraite, partis ou décédés, ou qui n'avaient pas déménagé à Londres pour vivre dans une maison de retraite ou décidé de passer leurs derniers jours à l'étranger – étaient des fermiers et des éleveurs du coin qui refusaient de partir et qui préféraient que les choses restent telles qu'elles étaient. Cette nuit-là, ils étaient quatre, et ils ne seraient peut-être pas restés aussi tard s'ils n'avaient pas vu le changement pointer à l'horizon, un changement qu'ils pouvaient surveiller et dont ils pourraient se plaindre à dîner. Le propriétaire et barman – Dan, un gros homme de presque 70 ans qui tenait l'établissement de son père – se penchait parfois par-dessus le comptoir pour observer la table près de la fenêtre de devant, où les trois autres étaient assis en silence, leurs bières entre eux, attendant patiemment.
"Y s'passe quequ'chose ?”" demanda-t-il alors qu'une lumière grise s'infiltrait entre les vieux bâtiments de briques pour mourir sur la route un peu plus loin. Il reçut un concert de "non" et de "pas encore" en retour.
"On te dira quand ils viendront, Danny !" cria Christopher. À 80 ans et en pleine forme, Christopher était toujours bruyant. On disait qu'un cheval l'avait frappé à la tête dans sa jeunesse - qu'il l'avait presque tué à 8 ans – mais personne ne pouvait dire s'il était sérieux.
"Ouais, on te dira," renchérit Arthur moins fort. Il était le plus jeune d'entre eux, 53 ans, et il travaillait toujours à la ferme où il gardait ses chevaux et ses vaches. Il n'avait pas pris la peine de changer de vêtements avant de venir. Il pensait que tout ça était trop excitant. Et une part d'Arthur se demandait s'il n'était pas effectivement en train de devenir vieux, si c'était toute l'excitation qu'il pouvait attendre de sa vie désormais.
Dan retourna dans la cuisine. Peter but à longues gorgées, plongé dans ses pensées. Observant la route fissurée. C'était un grand homme mince avec de grosses lunettes rondes de l'épaisseur d'une mine de crayon, qui était enseignant à la maternelle locale depuis trente-cinq ans. Peter donnait l'impression qu'il se trouvait ici non pas pour voir les choses changer, mais parce qu'il avait vu quelque chose de désagréablement extraordinaire dans ce qui se passait un peu au sud de Leopold. Peut-être même qu'il l'avait anticipé.
"Ils arrivent," dit Peter en reposant sa bière avec un toc discret.
"C'est faux. Donne-nous pas de faux espoirs, Pete," dit Christopher. "Regarde sur la route. Y a personne qu'arrive."
"C'est 10 heures," dit Arthur. "À quelle heure y sont arrivés hier soir ?"
"Ça d'vait être vers onze heures," beugla Christopher, "j'avais bu trois bières quand y sont arrivés, ça pouvait pas être-"
Peter leva son index. Les deux autres arrêtèrent de parler.
"Regardez," dit-il, captivé. "Ils sont là."
Ils regardèrent tous trois en direction de la route et virent arriver le premier camion à l'horizon.
Le véhicule était fascinant, il semblait si neuf. Brillant et intact, de couleur bleu marine. Celui-ci était un camion plateau aux phares allumés qui passait tout juste sur la piste de gauche de la rue principale. Son chargement était recouvert d'une bâche brune retenue par des cordes, mais lorsqu'il rebondit sur un vieux nid-de-poule devant le bar, Peter put apercevoir en plissant les yeux derrière ses lunettes les poutres d'acier qui se cachaient dessous. Dix ou douze, estima-t-il.
"Des poutres," confirma Arthur qui avait également baissé la tête afin de voir en-dessous. "Y-z-en ont pas déjà amené hier ?"
"'faut beaucoup de poutres pour construire une usine, je pense," répliqua Christopher. "Tu t'souviens quand y-z-avaient construit la fabrique à sirop de maïs à Lenning ? Mon dieu, j'avais jamais vu autant d'acier dans ma vie – Hey, Danny ! Y sont là !" Hurla-t-il en direction de la cuisine.
"Quoi ?" hurla Danny en retour. "Qu'est-ce qu't'as dit ? Y sont déjà là ?"
"Oui ! Oui ! Viens voir !" cria Arthur. Peter les ignora, tournant pensivement la bouteille fraîche entre ses paumes. Effectivement, ils étaient là.
Dan se précipita hors de la cuisine avec une bouteille de whisky et prit le siège du bout de la table, en face de la fenêtre. Arthur et Dan l'informèrent de ce qui se passait, se délectant de leur horreur commune de la situation comme si le camion lui-même avait d'une façon ou d'une autre souillé leur foyer.
"Des poutres ! Encore des poutres ! T'aurais dû les voir," cria Christopher. "Mon Dieu, mais y-z-ont besoin de combien de poutres ?"
D'autres phares brillèrent au sommet de la colline. Cette fois, c'était un pickup, aussi neuf et intact que le camion, mais blanc. Tous les quatre plissèrent les yeux à l'unisson dans une tentative de voir à travers la vitre arrière, mais ils ne virent que le reflet des lumières du bar. Ils grognèrent de déception. Vint ensuite un van dans les mêmes conditions, puis un semi-remorque. Au moment où un second camion plateau passa sur le nid-de-poule – celui-ci transportait deux rouleaux de câbles électriques – tous quatre avaient déjà recommencé à discuter de ce qu'il convenait de faire.
"Une usine de colle," dit Arthur, incrédule. "À North Access. Personne est allé à North Access depuis trente ans. Et tout d'un coup ils décident de construire une usine de colle là-bas ?"
"Y-z-ont été rachetés, moi j'te dis," dit Christopher, "Une compagnie a dû voir la propriété et l'a rachetée au gouvernement."
"Tu peux pas acheter du terrain au gouvernement, Chrissy ! Ça marche pas comme ça," beugla Arthur. "North Access était même pas à vendre. On l'aurait su."
"Vous êtes tous à côté de la plaque. On n'achète pas une ville fantôme entière pour une seule usine. Et où croyez-vous que les ouvriers iront vivre ?"
"Pas à North Access, ça c'est certain," dit Christopher. "Tu penses qu'ils savent pour l'inondation ?"
"C'était pas une inondation," le coupa Dan. "Ils nous ont menti. À coup sûr, c'était pas du tout une inondation."
"Dan a raison, Chrissy. Ils ont utilisé du feu pour l'arrêter, tu te souviens ?" dit Arthur. Christopher émit un claquement de désapprobation et secoua la tête.
"Pete a tout vu, pas vrai Pete ?"
Peter avait tout vu.
La mère de Peter avait toujours pensé qu'il avait quelque chose de plus. Elle faisait partie de ceux qui croient aux enfants prodiges cachés, elle croyait qu'il avait sensibilité qu'elle n'avait pas. Et en réalité, Peter était plus que simplement sensible. Mais il ne l'avait su que plusieurs années après la mort de sa mère, lorsqu'un adolescent armé d'un pistolet s'était présenté à l'entrée de la maternelle colorée de Leopold et avait défoncé la porte.
Mais c'était une autre histoire. L'incident de Cornouailles avait eu lieu par après.
Un soir de juillet 1989, Peter avait quitté le travail avec un sentiment similaire à celui qu'il avait eu moins de vingt minutes avant que le personnage au pistolet n'apparaisse. Il avait erré un peu avant de rentrer chez lui, comme un chien désorienté par la tempête. Il n'avait pas réussi à mettre précisément le doigt sur cette émotion. Devait-il se cacher ? Il n'était pas vraiment effrayé. Plutôt nerveux. Comme dans l'attente d'un message.
Et soudain, Peter avait senti l'attraction.
C'était excitant. Peter n'avait jamais été religieux, mais la sensation était comme revoir quelqu'un sur une toundra déserte où l'on a vécu toute sa vie. Comme voir une cité étincelante, ou sentir qu'elle est proche. Il se rappela les Rois Mages dont sa mère avait insisté qu'il apprenne l'histoire, des histoires qu'il n'avait jamais crues. Il se rappela l'étoile.
Il se passe quelque chose, avait songé Peter.
Et donc il avait roulé en direction de North Access. Il faisait plus chaud. Plus il se rapprochait, et plus il faisait chaud. À un kilomètre et demi, la température était suffocante. Il s'arrêta sur le bas-côté et tituba au-dehors, blanc de terreur devant une vision inconcevable pour n'importe qui. Quelle était la réalité qui s'offrait dans l'espace devant lui, à la lisière des arbres ? Des gouttes d'huile brûlante dégoulinant d'une poêle chaude sur un fourneau - était-ce ce qu'il contemplait, à un plus d'un kilomètre de distance ? Comment pourrait-il expliquer que cette portion d'espace était en train de bouillir alors que seul son troisième œil pouvait voir les dégâts d'une marée tourbillonnante et envahissante, un puits qui avait été là depuis des milliers d'années s'enfonçant vers une rivière de roche et d'os en fusion sous ses yeux alors que le tissu superficiel des arbres et de l'herbe restait en place comme un mirage moqueur…
"J'ai rien vu," dit Peter.
Un autre camion passa devant le bar, et Peter conclut sa déclaration sur une gorgée de bière.
Ils construisaient quelque chose. Il ne savait pas qui ils étaient, ci ce qu'ils faisaient, ni s'ils pouvaient percevoir le cratère désolé et fumant dans la réalité qui s'étendait désormais là où se trouvait jadis North Access en Cornouailles. Mais Peter observait. Et il était inquiet.
Si quelqu'un avait dit à Robert Scranton quarante ans plus tôt que les conclusions de son Père sur la manière de stabiliser la réalité étaient exactes et qu'il était sur le point de construire un appareil qui pourrait le faire à volonté, il ne l'aurait probablement pas cru. Son père, Arnold Scranton, l'avait élevé pour qu'il prenne sa succession à la Fondation lorsqu'il mourrait, mais lors qu'Arnie vieillissait et devenait de plus en plus sénile, les doutes de Robert quand à ce que son père avait vraiment prévu grandissaient. Les vieux textes obscurs avaient tendance à ne pas être très fiables. Et les vieux textes obscurs dans une langue ancienne et étrange achetés lors d'une enchère de MC&D avaient tendance à être extrêmement peu fiables. La seule raison pour laquelle son père avait été capable de le lire était parce qu'il avait fait appel à une vieille sorcière ayant quelques connaissances de l'ancienne magie pour le traduire.
Bien sûr, ça s'était passé bien avant que Robert ne naisse. S'il avait eu son mot à dire sur les sources principales que dont son père tirait ses connaissances en ingénierie, il l'aurait redirigé vers quelque chose d'un peu plus officiel. Peut-être même qu'il lui aurait demandé de changer entièrement de voie. En fait, l'industrie automobile avait été l'un des plans de secours personnels de Rob au cas où son père se serait révélé véritablement fou. Pour commencer, il n'avait pas obtenu un diplôme d'ingénierie pour s'amuser avec une ancienne magie rituelle. Mais bon, personne en dehors du groupe d'ingénieurs proches de Rob n'avait besoin de connaître cette partie du projet.
Mais pour le moment, il se trouvait ici. On était en 2016, et l'O5 avait décidé de construire une usine.
Une usine. Ça, ça avait été une surprise pour Robert Scranton, mais depuis des décennies que la Fondation s'appuyait de plus en plus sur les Ancres à Réalité de Scranton pour toutes ses opérations depuis le confinement jusqu'aux opérations de terrain, le monde s'était soudain découvert un besoin. Ce ne serait pas une grande usine. Juste assez d'espace pour occuper complètement Robert, un atelier particulier pour lui et ses 24 collègues ingénieurs. L'emplacement sélectionné par l'O5 avait besoin de quelques ancres par lui-même, mais c'était déjà une zone inerte sur un site de confinement. Légèrement à l'écart, positionné au-dessus d'une ancienne écurie qu'ils avaient démolie. Ils avaient un scénario de couverture et tout. C'était parfait.
Tout ce qui les empêchait encore d'effectuer une transition sans heurts depuis le labo du Site-88 vers une opération dédiée en Cornouailles était le problème des ressources dont ils avaient besoin pour les rituels. Et Robert avait très exactement fait comprendre à l'O5 ce dont il parlait lorsqu'il mentionnait les ressources. Ils lui avaient assuré que s'il y avait de la demande, il y aurait des ressources ; ils lui avaient dit que le monde avait suivi les progrès de la Fondation dans le développement des ancres à réalité et lui avaient donné accès à un compte bien fourni pour financer ce dont il avait besoin. Robert ne savait pas exactement ce qu'ils s'attendaient à ce que lui et son équipent fassent avec cet argent – espéraient-ils qu'ils s'occupent de tout, qu'ils financent leurs propres ressources ? Parce que ce n'était certainement pas le problème de Robert. Jusqu'ici, ils avaient utilisé d'anciennes ressources des années 80, mais elles s'épuisaient rapidement.
Mais tout allait bien. Ils allaient trouver une solution, il en était certain. Tout allait pour le mieux en ce qui le concernait – et il allait en profiter aussi longtemps que possible, au moins jusqu'à ce que l'usine soit terminée.
4 avril 2016, 10 heures, dans une installation inconnue à Newcastle, en Angleterre.
D.C. al Fine se tient devant lui alors qu'iel s'assoit dans les archives, entourée de vieilles étagères s'élevant dans la lumière du ciel au-dessus. Cette lumière était parcourue de faisceaux laser, Coda le savait. En regardant attentivement les ombres projetées sur la moquette, sur l'entrelacs de dossier reliés en peau humaine et sur les rapports roussis d'anciens agents de la CMO, on pouvait même voir leurs fantômes indistincts errer dans la pièce. Ça brisait complètement le secret, pensa Coda ; ça rappelait que dehors se trouvaient un labyrinthe de couloirs d'acier, de salles de contrôles, et, au-dessous, un hôpital entier de patients blessés ou mourants. Un agent de la Fondation dans cette pièce serait capable de deviner toute la ruse en un quart de seconde rien qu'en voyant les rivets métalliques à moitié cachés dans les plinthes nord.
Une personne normale serait sérieusement distraite par le bourdonnement constant des conversations radio en provenance du monde entier résonnant en permanence dans leurs oreilles, mais Coda faisait ce travail depuis si longtemps qu'iel en était à peine conscient. Assis dans la pièce, baignés dans la lumière, leur travail respectif était évident ; D.C. dans un complet brun sur mesure, mélangeant le sucre de son thé ; Coda en pull et jeans non genrés, pâle et fatigué, ôtant son microphone de sa bouche afin de boire son propre thé. Proches, mais pas trop. Deux machines fonctionnement miraculeusement parfaitement en parallèle. Deux archets suspendus dans la même harmonie. De faibles faisceaux laser dans une pièce poussiéreuse.
D.C. est troublé et Coda est incapable de mettre le doigt sur ce qui l'inquiète. Iel remarque les petits signes sur son visage montrant qu'il a récemment perdu le sommeil avec le vague intérêt d'un vieux chien observant son maître. Ils prennent leur thé noir et amer dans une théière d'acier à gauche de la table, le sirotant tout en écoutant un agent en France se faire éjecter de sa moto par une bombe artisanale apparue comme par magie. L'explosion est audible dans le casque de Coda depuis la chaise de D.C. Celui-ci essaie de ne pas s'en soucier, mais il ne peut pas s'empêcher de grimacer aux cris de douleur qui suivent. Les mots sont proférés dans de plusieurs langues, mais ayant été lui-même un agent de terrain pendant de nombreuses années, il comprend parfaitement ce qui est dit, et il craint ce son. Coda arrête de tirer sur un fil de son pull pour baisser le volume en voyant cette réaction. C'était une réaction de sympathie, mais D.C. ne peut s'empêcher d'imaginer l'agent gisant mourant sur une autoroute française, inconscient du fait que deux personnes connaissant son sort soient calmement en train de prendre le thé à plusieurs milliers de kilomètres de là.
Coda s'éclaircit la gorge. "Paris s'en occupe," dit-iel, comme si ça pouvait faire en sorte que l'agent ne soit pas heurté et tué par un minivan dans les minutes suivantes. D.C. acquiesce. Il peut entendre le faible bourdonnement monotone de l'opérateur de Paris par-dessus la cacophonie ambiante dans le casque de Coda. Une part de lui espère que quelque chose peut être fait, mais il sait que les chances de survie de l'agent s'amenuisent avec le nombre de voies de l'autoroute.
"Dans quel monde vivons-nous," fait-il remarquer, "quel monde, Coda."
C'est au tour de Coda d'acquiescer. Iel soupire et change légèrement de position sur sa chaise.
"En effet," répond-iel par politesse.
Des oiseaux font leur nid dans un coin du faux ciel. D.C. essaie de se focaliser sur les deux rouges-gorges sans plumes afin de se détourner du chaos du quotidien de Coda. Celle-ci les observe également tout en se demandant si les lasers de sécurité les grilleraient avant qu'ils puissent s'envoler. Iel s'ennuyait mais savait qu'il ne valait mieux pas presser D.C. lorsqu'il organisait ce genre de rendez-vous ; parfois D.C. ne parlait simplement pas, et iel restait simplement assis en silence à écouter l'horloge de la cheminée égrener les minutes de sa pause déjeuner. Dans ces cas-là, Coda était toujours terriblement ennuyé et avait tendance à écouter les discussions dans son casque plus pour la distraction que pour autre chose.
D.C. repose son thé sur le plateau.
"Je voudrais vous soumettre une idée," dit-il, "et j'ai besoin que vous m'écoutiez jusqu'au bout avant de dire non."
Coda lève un sourcil. L'équipe de Paris avait essayé de récupérer l'agent sur l'autoroute à l'heure de pointe pendant que D.C. observait les oiseaux, mais la nouvelle proposition était suffisamment intriguant pour que le jeune officier reporte son attention sur les événements de la bibliothèque poussiéreuse.
D.C. prend une inspiration.
"Je songeais à relancer la campagne Ichabod," dit-il.
"Hm. Non," répond Coda avant de prendre une nouvelle gorgée de thé.
" Si c'est à propos de l'incident de Cornouailles –"
"Incident," iel prononce le mot avec une grimace à moitié académique "vous savez, il m'a toujours irrité, ce mot, incident. 1 200 personnes ébouillantées vivantes n'est pas un incident. C'est un massacre. On dit que d'être brûlé vivant est la pire douleur qu'un humain puisse ressentir, mais j'ai cherché, il n'y a aucune statistique sur l'ébouillantage à l'époque moderne. C'est comme si personne n'avait envisagé qu'on puisse faire subir ça à quelqu'un, sans parler de plus de mille personnes. Tous les rapports sur l'ébouillantage de gens proviennent du Moyen-Âge. C'est le genre de supplice qu'on réservait aux prisonniers, pour l'humiliation."
"Laissez-moi terminer, Coda," dit-il sur un ton étonnamment égal, mais Coda pose sa propre tasse sur la table de chêne et continue, absorbé :
"Vous savez, le bruit que font les gens en train de bouillir-" il s'arrête, pensif, "- vous savez, la noyade est un événement relativement silencieux. Les gens qui se noient n'emploient généralement pas le précieux temps qui leur reste à crier lorsqu'ils remontent, par conséquent les sauveteurs apprennent à lire le langage corporel plutôt que d'attendre des appels de détresse. Mais le son de personnes en train de bouillir est très différent. De toute évidence, quand on est en train de brûler, on a tendance à devenir très vocal-"
"-Coda-"
"Vous voulez un second Cornouailles ?" dit Coda sur le même ton sans une once d'irritation dans la voix. "Parce que si c'est le cas, je vous en prie. Je vais mettre les équipes de nettoyage de la Fondation en alerte."
Coda ne s'aperçoit pas immédiatement qu'iel a dépassé les bornes, mais il s'en rend compte lorsque la pièce semble rapetisser, rapprochant les lasers et les ombres au point qu'iel se sente coincé sous le regard de Fine. Il repose encore son thé. Les particules de poussière restent suspendues en l'air. Il se demande d'où elles viennent. Tout ça n'est qu'une façade : la CMO n'est ni ancienne ni sage, n'avait pas de bibliothèque ni d'archives qui auraient pu retenir de poussière, ni de cendres, ni de vapeur-
"Si vous faites votre travail correctement, " dit D.C. al Fine, "il n'y aura pas de second Cornouailles."
L'agent en France meurt dans le casque de Coda. Quel monde, en effet.
23 mai 1989.
"Dis-moi la vérité," dit-elle.
Cette dispute dure depuis une heure et demie et Francis Wojciechoski se tord devant elle sur le sol de la salle de bain en sanglotant. Il ne sait pas comment ils en sont arrivés là ni s'il y survivra. Ce n'est qu'une autre de ces nombreuses nuit, mais cette fois-ci elle lui demande pour la millionième fois :
"Dis-moi la vérité !" Elle bloque la porte. Il a peur de ce qu'elle peut faire mais il est si fatigué, si terriblement fatigué, et il saigne à nouveau, c'est comme ça que ça a commencé, il s'est réveillé en saignant.
"Je ne sais pas, Lilly !" hurle Francis, et sa voix se brise. Elle est de nouveau le monstre avec les crocs. Elle est le prédateur à cornes, et il a peur. La vérité qu'il avait donnée n'était pas la bonne. Bien plus tard, dans une autre vie, couché sain et sauf sur un lit dans un camp d'entraînement en Sibérie à des centaines de milliers de kilomètres de North Access, il se demandera si elle prétendait ne pas savoir parce qu'elle était horrifiée de ce qu'elle lui avait fait. L'avait-elle fait parce qu'elle savait ce qui lui arrivait ? Que c'était elle, et non pas lui, qui était en train de sombrer en classe 4 ? L'avait-elle fait afin de maintenir l'illusion ? Ou pour le terroriser ? Avait-elle seulement voulu lui faire du mal, ou s'infligeait-elle toutes ses souffrances à elle-même ? N'était-il qu'un produit de son implosion ? Pourquoi le niait-elle… et pourquoi lui-infligeait-elle tout ça ?
Il y a de la terreur dans ses yeux. Il voudrait que ce soit une prise de conscience. Il en doute, à présent.
"Tu es un menteur," siffle-t-elle.
"Je ne sais pas ce que tu veux que je te dise !" éructe Francis, parce qu'il n'a jamais été aussi frustré et terrifié de sa vie et qu'il ne le sera plus jamais. Il crie avec sa dernière once de dignité, son dernier fragment de confiance en soi, avec sa dernière certitude d'être qui il est et a toujours été :
“JE NE SUIS PAS UN MENTEUR ! JE NE T'AI JAMAIS MENTI, C'EST JUSTE QUE TU N'ARRIVES PAS À COMPRENDRE CE QUI S'EST PASSÉ !”
Puis il sanglote. La salle de bain est silencieuse. Lilly est silencieuse.
Puis elle parle doucement, telle qu'il l'entend dans ses rêves et dans ses cauchemars, chuchotant dans les coins sombres de la maison, tapi dans les ténèbres, tel un doute noir rôdant dans son inconscient et le hantant sous sa forme la plus puissante, maintenant et à jamais :
(aussi certain que l'eau s'élève lors de la marée ; aussi certain qu'une turbulence sur un vol au départ de Tucson, en Arizona, en 1995)
"Dis-moi la vérité-"
Inspirer, expirer. C'est simple. Alto Clef, désorienté et encore haletant de son cauchemar, pose sa tête entre ses genoux pour éviter de s'évanouir alors que l'horreur quitte son corps.
Quelques minutes passent, mais il se reprend un peu, même si sa poitrine souffre toujours de la panique. Il devenait trop vieux pour ça. Peut-être que la prochaine crise le tuerait, se dit-il amèrement. C'était stupide, ça faisait 30 ans. Il se dit qu'il est passé à autre chose ; il avait pris un nouveau nom, un nouveau travail, et plus important encore, personne ne le savait. Ou du moins, si quelqu'un le savait, personne n'était venu lui poser de questions, ce qui avait toujours été sa plus grande peur.
Il était en sécurité. Quand il était réveillé, il le savait. Il se trouvait dans un camp d'entraînement de la Fondation en Sibérie, et il vivait entièrement à l'intérieur du bâtiment. Si quelqu'un s'y introduisait il le saurait immédiatement. Le site principal se trouvait à moins d'un kilomètre. Il y avait assez d'artillerie entre les deux sites pour détruire toute la région au besoin. Et quant aux dégâts émotionnels, la peur qu'on abuse à nouveau de lui… eh bien, il ne laissait jamais personne s'approcher suffisamment.
Par conséquent tout allait bien. Pour le mieux, même. Alto pensait vraiment que rien ne pourrait allier mieux. Bien entendu, les crises de SSPT étaient épuisantes, et la Fondation retournait le couteau dans la plaie avec les tests et interrogatoires annuels ; il s'en passerait volontiers. Mais l'incident de Cornouailles ? Ça faisait si longtemps.
Oui, pense Alto Clef en lançant Animal House, installé sur son portable précisément en prévision de ces nuits où son subconscient ne recevait pas le mémo ; l'incident de Cornouailles était loin. Et il était en sécurité.
Et tout allait bien.
Dans le coin nord d'une chambre de confinement aquatique quelque part dans l'océan pacifique, 2005.
L'ancre à réalité no 4 345 de la Fondation n'était pas certaine du moment où elle s'était réveillée. Il était difficile de se rendre compte du temps qui passait. Presque impossible, en fait.
Elle savait qu'elle flottait dans un alignement formé par d'autres ancres à réalité – elle pouvait les sentir, oscillant doucement à distance, tout juste hors de portée. No 4 345 se demanda si elles étaient aussi réveillées et si elles se souvenaient de la façon dont elles étaient arrivées ici et de ce qu'elles faisaient à part faire en sorte que tout reste stable. Et d'ailleurs, ça faisait combien de temps qu'elle était ici ? Que s'était-il passé avant maintenant - dans le sombre magma primordial de la réalité qu'elle pouvait sentir passer au-delà de son troisième œil ?
Avec le temps, no 4 345 commença à se souvenir de quelques fragments de ce qu'elle avait été. Elle ne s'était pas toujours trouvée ici, flottant doucement entre l'eau à environ 5 m du plancher océanique et l'espace de Hume quadridimensionnel qui l'entourait. Parfois, no 4 345 se sentait comme si elle avait fait partie de quelque chose de bien plus grand que l'espace qu'elle connaissait. Elle n'avait pas une capacité de penser très évoluée et ne se posait ces questions qu'une fois ou deux par mois avant de se fatiguer et de recommencer à dériver au bout de sa chaîne comme toujours – mais au bout de quelques années elle fut capable de dégager un unique souvenir.
Elle se rappelait une maison.
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