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Crédits
Titre original : SCP-3930 - The Pattern Screamer
Auteur : djkaktus
Traducteur : Sir Raven
Date de publication originale : 5 janvier 2018
Image : Wikimedia Commons
Objet no : SCP-3930
Classe : ND
Procédures de Confinement Spéciales : Les individus assignés à SCP-3930 doivent surveiller le périmètre S5-C9 établi près d'Usinsk (Russie), et suivre les ordres des commandants du site. Les individus assignés à SCP-3930 doivent être informés qu'il n'y a rien dans le périmètre, puisque SCP-3930 n'existe pas.
Description : SCP-3930 n'existe pas.
Le reste de ce document est classifié Niveau 5/3930 avec restrictions.
Note de l'Administrateur du Fichier : Sept individus vivants seulement ont l'autorisation d'accéder à ce fichier.
Procédures de Confinement Spéciales Modifiées : Afin de poursuivre le confinement de SCP-3930, il est crucial que tout le personnel assigné à SCP-3930 (excepté le personnel ayant l'autorisation d'accéder à ce fichier) comprenne que SCP-3930 n'existe pas et n'a jamais existé. Tout membre du personnel actuellement assigné à SCP-3930 qui affirme que SCP-3930 existe doit être réassigné et soumis à un examen psychologique complet afin de confirmer qu'ils comprennent que SCP-3930 n'existe pas. Les individus qui ne le peuvent pas doivent être envoyés au chercheur chef pour élimination.
Tout membre du personnel assigné à SCP-3930 doit comprendre que, malgré tout ordre ou discours suggérant l'inverse du fait de leur contenu, SCP-3930 n'existe pas.
SCP-3930 est confiné à l'endroit où il a été découvert. L'accès à la région contenant SCP-3930 est rigoureusement interdit. Un périmètre a été dressé autour de SCP-3930, d'environ 1 km de diamètre. Tout individu non-autorisé franchissant ce périmètre dans l'intention d'approcher SCP-3930 doit être éliminé à vue. Les sept individus autorisés à accéder à ce fichier ont tout pouvoir quant au confinement de SCP-3930 et à l'administration du personnel assigné à SCP-3930.
La continuation du statut non existant de SCP-3930 est la procédure requise pour confiner SCP-3930.
Description : SCP-3930 est un vide statique situé au centre d'un périmètre d'1 km de diamètre près d'Usinsk (Russie) établi par les scientifiques soviétiques au début des années 1970. SCP-3930 n'émet ni n'absorbe aucune lumière ou son, n'a aucune forme ni texture, ne peut pas être traversé, ne peut pas être l'objet d'une interaction, ne peut pas être manipulé, et n'a aucune dimension. Par de multiples expérimentations réalisées au moyen de techniques diverses, les chercheurs de la Fondation ont pu certifier à 99,999 % qu'absolument rien n'existe dans la région désignée SCP-3930.
Malgré cela, les sujets exposés à SCP-3930 décriront invariablement un espace contenant faune et flore similaires à ceux des environs, ainsi qu'une structure quelque part dans l'espace non existant. Les moyens par lesquels les individus sont capables de percevoir SCP-3930 sont pour le moment inconnus, bien que plusieurs hypothèses ont été avancées (cf. Addendum 3930.3 pour plus de détails). Puisque SCP-3930 ne peut pas être traversé ou manipulé (puisque SCP-3930 n'est pas quelque chose qui existe), les objets et entités existantes ne peuvent pas “entrer” dans SCP-3930. Cependant, les individus qui tentent d'approcher SCP-3930 et pénètrent en lui seront tout de même perçus comme y parvenant par un tiers observateur. Au moment où un individu franchit la “limite” non existante de SCP-3930, il cesse d'exister. Malgré cela, les observateurs extérieurs continueront à percevoir les individus qui sont passés dans SCP-3930 pendant quelque temps, jusqu'à un certain moment où ils ne les perçoivent plus.
En résumé,
- SCP-3930 n'existe pas.
- SCP-3930 n'est pas un lieu physique, un point dans le temps, une singularité, un vide, un espace extradimensionnel, une métaconstruction ou autre descriptif d'existence, en tant que l'existence est un prérequis de tout descriptif, existence que SCP-3930 n'a pas.
- SCP-3930 ne peut être qualifié de rien, quelles que soient ses propriétés apparentes.
- Puisque SCP-3930 n'existe pas, il ne peut contenir quoi que ce soit d'existant. De ce fait, quelque chose qui tente de traverser ou entrer dans SCP-3930 (ce qui est impossible à cause de l'inexistence de SCP-3930) cessera aussi d'exister.
- Malgré toutes ces caractéristiques, les êtres humains continuent à percevoir SCP-3930 comme perceptible, ainsi que toutes les choses qui deviennent non existantes à cause de SCP-3930.
Notamment, certaines propriétés de SCP-3930 perçues par des êtres conscients sont significativement altérées par le nombre d'individus qui sont à la fois conscients de SCP-3930 et sont conscients du fait qu'il est affecté par la conscience. Pour plus d'informations à ce sujet, voir Addendum 3930.3.
Enfin, les effets de la perception humaine sur les propriétés apparentes de SCP-3930 ne peuvent pas être diminués par amnésiques ni même par la mort naturelle. Le seul moyen connu pour influencer la nature des propriétés apparentes de SCP-3930 est que les individus ayant déjà perçu SCP-3930 entrent dans SCP-3930 et deviennent non-existants. Bien que les effets de cette méthode ne soient pas immédiats, ils diminuent au fil du temps jusqu'à redevenir stables après environ trente-et-un jours. Le plus grand nombre d'individus capables de percevoir SCP-3930 tout en maintenant la stabilité du vide est dix, dont sept sont les individus au cœur des procédures de confinement, deux sont utilisés à des fins d'expérimentations, et une est réservée en cas d'interférence civile.
Addendum 3930.1 : Découverte
Les archives de la première découverte de SCP-3930 ont été perdues lors de la dissolution du réseau de renseignement soviétique, mais on croit que SCP-3930 a probablement été découvert à plusieurs reprises par des individus qui, en essayant d'interagir avec SCP-3930, n'existent plus. Notamment, à la fin de l'Union soviétique, SCP-3930 n'était connu que de quelques scientifiques et chercheurs d'État, et il n'y a aucune raison de penser que le GRU Division "P" ait eu connaissance de SCP-3930. Si les scientifiques d'État connaissaient la nature de SCP-3930, c'était probablement à dessein.
Le nombre d'individus qui ont perçu SCP-3930 avant que ces procédures de confinement soient mises en place est inconnu, mais les archives indiquent que les scientifiques d'État ont fait face à d'importantes difficultés aussi bien dans le cadre du confinement de l'anomalie que dans son étude. Leur compréhension insuffisante des propriétés anormales de SCP-3930 a conduit à de très lourdes pertes en vie humaine, qui ont aggravé la situation relative à SCP-3930. Au moment où les agents de la Fondation ont découvert SCP-3930, il ne restait plus qu'un petit nombre des membres de l'équipe de recherche originale, les autres ayant été perdus à cause de SCP-3930.
L'implémentation des actuelles procédures de confinement de SCP-3930 a également coûté la vie à quantité de personnes. Plus d'informations à ce sujet peuvent être trouvées dans l'Addendum 3930.3.
Addendum 3930.2 : Journal d'exploration
Du fait des propriétés de SCP-3930, telles qu'elles ont été établies précédemment, toute exploration de SCP-3930 est impossible. Malgré cela, des observateurs extérieurs peuvent percevoir des individus qui entrent dans SCP-3930 (et, de ce fait, cessent d'exister) et peuvent même recevoir d'eux des transmissions audio. À noter que les équipements d'enregistrement audio et vidéo ne fonctionnent pas correctement près de SCP-3930. Les caméras ne peuvent pas enregistrer une non-entité et les images de SCP-3930 sont sujettes aux mêmes anomalies perceptuelles que l'observation directe de SCP-3930. La situation est la même pour les enregistrements audio. En bref, tout équipement d'enregistrement audio ou vidéo cesse de fonctionner au moment où il entre dans SCP-3930, mais les observateurs continuent de les percevoir comme fonctionnant correctement, même si l'anomalie est notifiée1.
Ce qui suit est la transcription d'un enregistrement audio, rédigée par 3930/7/42 tel qu'il l'a perçu. Lors de l'enregistrement de ce journal, 3930/7/4 a parlé dans un microphone, perçu une réponse, et ensuite répété la réponse dans un autre enregistreur. Ainsi, il doit être précisé à nouveau que ce qui suit est simplement une conversation que 3930/7/4 semble avoir avec un autre être humain qui n'existait pas au moment de l'enregistrement, avec chacun des deux dialogues prononcés par 3930/7/4. 3930/3/3 a contrôlé cet événement et confirmé la rectitude des réponses perçues, il a également contrôlé et archivé les enregistrements et les transcriptions par la suite.
[DÉBUT DE L'ENREGISTREMENT]
3930/7/4 : OK, D-124, il faut que vous commenciez à avancer. Pouvez-vous me dire ce que vous voyez devant vous ?
D-124 : Des arbres. Les bois.
3930/7/4 : Des animaux sauvages ?
D-124 : Non.
3930/7/4 : Très bien. Continuez à avancer.
Silence.
3930/7/4 : Vous vous approchez des limites de l'anomalie. Est-ce que vous voyez quelque chose ?
D-124 : Je ne vois rien, non, toujours…
À ce moment, D-124 disparaît à l'intérieur de SCP-3930 et cesse d'exister. L'équipement d'enregistrement audio indique que sa radio a cessé de fonctionner. Cependant, ni 3930/7/4 ni 3930/3/3 ne le remarquent.
D-124 : …que des arbres, des buissons, ce genre de trucs.
3930/7/4 : Continuez à avancer.
Silence.
D-124 : Hey, attends voir… Il y a quelque chose en haut dans la clairière. Une sorte de bâtiment.
3930/7/4 : Vous pouvez me le décrire ?
D-124 : Oui, c'est, euh… petit. Il y a un tas de, euh… Je crois que c'est un truc résidentiel. Il y a des plantes partout, par contre, comme si c'était abandonné depuis longtemps.
3930/7/4 : De quelle taille est la structure ?
D-124 : Ben, je sais pas… Peut-être… une trentaine de mètres ? Je compte six portes de ce côté. On dirait que ça se courbe un peu à l'angle.
3930/7/4 : Allez-y, continuez d'avancer.
D-124 : OK.
Silence.
D-124 : D'ailleurs, au fait, je viens juste de remarquer un truc. Il y a un son que j'entends, mais c'est vraiment tout bas. Je croyais que c'était le vent ou l'herbe au début, mais ça n'est pas ça du tout.
3930/7/4 : Ça ressemble à quoi ?
D-124 : (Pause.) Honnêtement, je sais pas. C'est trop bas.
3930/7/4 : Bien reçu. Tenez nous informés à ce sujet.
Silence.
D-124 : Alors, je suis au niveau du bâtiment. C'est un genre d'appartement, clairement. Les murs sont blancs, les portes marron. En bois. Il y a, euh… Je suppose que c'est un autre bâtiment là, peut-être des bureaux ?
3930/7/4 : Pouvez-vous ouvrir l'une des portes ?
D-124 : Je vais essayer. Attendez un moment. (Pause.) Celle-ci est fermée. (Pause.) Celle-là aussi, attendez. (Pause.) Je regarde par la fenêtre, j'essaie de voir s'il y a quelque chose là-dedans, mais, euh… c'est très sombre. Je peux pas voir derrière les rideaux.
3930/7/4 : Continuez à essayer les portes, s'il vous plaît.
D-124 : D'accord. (Pause.) Ah, j'en ai une. Attends voir… (Pause.) Clairement, euh, clairement personne n'habite là depuis longtemps. Il fait noir, c'est poussiéreux. C'est qu'une chambre, je crois. Pas beaucoup de meubles. Juste quelques chaises et une petite bibliothèque. Il n'y a rien dessus, cela dit. Je vais regarder dans la chambre. (Pause.) Deux lits. Une commode. Mais les tiroirs sont… ils sont vides. Le lit est fait. Les rideaux sont fermés partout, attendez… (Bruit de rideaux qu'on tire.) Cette fenêtre donne juste sur l'autre côté de, euh, la clairière. Le bâtiment est en forme de L, ce côté est plutôt long.
3930/3/3 : (Loin du microphone.) Tu peux éteindre cette lumière ? Ça fait mal aux yeux.
D-124 continue de fouiller la pièce et la salle de bain adjacente pendant les cinq minutes suivantes. Au bout d'un moment, 3930/7/4 lui demande de partir.
D-124 : Ouais, OK, je vais… Attendez.
3930/7/4 : Qu'y a-t-il ?
D-124 : Je… J'ai ouvert ces rideaux tout à l'heure ?
3930/7/4 : Hein ?
D-124 : Les rideaux, putain… J'ai ouvert les rideaux tout à l'heure. Quand je suis entré dans la chambre.
3930/7/4 : Je ne sais pas, je…
D-124 : Non, je l'ai fait. Sûr. Je m'en souviens précisément, parce que j'ai regardé par cette fenêtre. J'ai ouvert ces rideaux. (Pause.) Il y a quelque chose d'autre ici ?
3930/7/4 : On ne croit pas que ça soit le cas, non.
D-124 : Alors qu'est-ce qui a fermé les putains de rideaux ? Pourquoi ils sont fermés ?
3930/7/4 : On n'en sait rien.
D-124 : Évidemment que vous en savez rien, mais… Putain, je les ai ouverts. Parce que je suis allé là et j'ai regardé dehors et… J'ai dit, euh… J'ai dit qu'il y avait quelque chose ici ou, euh… Je me souviens plus de ce que j'ai dit, en fait. Peut-être que c'était pas ça. (Pause.) Bizarre.
3930/7/4 : Répétez ?
D-124 : Rien, je… Je vais juste continuer, je suppose.
Silence.
D-124 : La pièce suivante. C'est un peu pareil. Elle est à l'envers, par rapport à l'autre, cela dit. Il y a un poste de télévision ici.
3930/7/4 : Est-ce que le téléviseur est allumé ?
D-124 : Hein ? Non. Il n'y a personne ici depuis des semaines, peut-être des années. Je crois pas que… (Pause.) En fait, vous savez quoi ? Le poste est encore chaud. Quelqu'un a été ici récemment. Attends que je voie si… (Pause.)
3930/7/4 : Qu'y a-t-il ?
D-124 : C'est allumé. Mais c'est… bizarre. Les chaînes n'arrêtent pas de sauter. Juste des images, en noir et blanc. Un océan à l'envers. Des miroirs, des visages. Un bûcher funéraire. (Pause.) Ça n'arrête pas de revenir à cette image. Un arrière-plan noir, avec, euh… (Pause.) Des formes sombres qui flottent dedans. Il y en a plusieurs. Elles sont toutes petites. C'est dur à voir. Ça apparaît, ça disparaît… (Pause.) Vous entendez ça ?
3930/7/4 : Non.
D-124 : C'est ce son, encore. Ça vient pas du poste. Peut-être de dehors ? (Pause.) C'est, euh… Mmh…
3930/7/4 : Répétez ?
D-124 : Ben, c'est juste que… OK, ça va sonner bizarre, je sais, mais je pourrais jurer que je suis entré dans cette pièce par une porte dans ce mur. Et maintenant, la porte n'est plus là. Il y a une fenêtre à la place.
3930/7/4 : Vous pouvez voir par la fenêtre ?
D-124 : Je vais, euh… (Pause.) OK, ça va sonner vraiment bizarre, mais je peux pas ouvrir les rideaux. Quand je les tire, il y en a… d'autres derrière. Et d'autres encore derrière.
3930/7/4 : Est-ce qu'il y a d'autres sorties ?
D-124 : Il y a…
À ce moment, un téléphone dans le poste mobile de recherche se met à sonner dans la même pièce que 3930/7/4 et 3930/3/3. Ce dernier se lève pour répondre. Alors qu'il le fait, 3930/7/4 dit entendre un autre téléphone sonner à l'autre bout du transmetteur audio, près de D-124.
D-124 : Il y a un téléphone qui sonne. Je me souviens pas l'avoir vu là.
3930/7/4 : Hé, ne répon…
D-124 et 3930/3/3 en même temps : Âllo ? (Pause.) Oui, on regarde. (Pause.) On écoute. (Pause.) Vous m'entendez ?
À ce moment, 3930/7/4 entend un écho important produit par son récepteur audio, venant de D-124.
D-124 et 3930/3/3 en même temps : Âllo ? Âllo ? Vous m'entendez ? Est-ce que je vous parle, là ? Qu'est-ce que c'est que ça ?
3930/7/4 : Hé, raccrochez le téléphone ! Raccrochez ce foutu téléphone !
3930/3/3 raccroche le téléphone et semble confus et désorienté. À l'autre bout du récepteur audio, D-124 est dans un état similaire.
D-124 : Qu'est-ce que c'était que ça ? Vous avez entendu ?
3930/7/4 : D-124, y a-t-il d'autres sorties dans la pièce où vous êtes actuellement ?
D-124 : Oui, il y a une cage d'escalier. Je peux passer par là.
3930/7/4 : Bien reçu, faites donc.
Silence.
D-124 : Alors, j'ai descendu les escaliers et maintenant, je suis… dans une autre pièce. Non, attendez… Vraiment ? (Pause.) Hé, j'ai oublié de le dire tout à l'heure, mais ma peau est vraiment bizarre.
3930/7/4 : Qu'est-ce que vous voulez dire ?
D-124 : Du genre crayeuse. Et quand je frotte ma main sur mon bras, c'est comme si, euh… Je saurais pas trop comment le décrire. C'est comme s'il n'était plus là pendant un instant.
3930/7/4 : Bien noté. Vous pouvez décrire où vous vous trouvez ?
D-124 : Il y a le même sofa que dans la pièce d'avant, mais quelque chose est différent ici. Peut-être que la pièce n'est pas de la bonne taille ? J'ai l'impression qu'elle est plus grande, que les choses sont plus espacées.
3930/7/4 : Vous pouvez remonter les escaliers ?
D-124 : Les escaliers ?
3930/7/4 : Les escaliers que vous venez de descendre.
D-124 : Quels escaliers ?
3930/7/4 : Vous venez de descendre des escaliers, pour arriver dans cette pièce.
D-124 : Non, je suis passé par la porte de devant, juste là. (Pause.) C'est bizarre. La porte est fermée maintenant. Vous êtes sûr que vous n'entendez rien, au fait ?
3930/7/4 : Vous pouvez décrire le bruit que vous entendez ?
D-124 : Genre… Vous avez déjà entendu de la neige sur un écran ?
3930/7/4 : Oui.
D-124 : Des fois, on entend des trucs dans l'espace blanc, mhm ? Le cerveau, il remplit les trous. Ce son, c'est comme ce son-là, ce son que fait le cerveau, mais sans le bruit de la neige. C'est pas vraiment fort, mais on l'entend vraiment, ça se remarque. (Pause.) Je crois que, euh… laissez-moi voir… Il devrait y avoir une porte quelque part par là. Je cherche.
D-124 continue de chercher à sortir de la pièce dans laquelle il se trouve pendant quatre heures consécutives. Malgré les tentatives par le groupe de contrôle pour l'aider à sortir de la pièce, il n'y parvient pas.
D-124 : Je remarque quelque chose d'autre. Je sais pourquoi c'est si long. L'espace entre les choses est vraiment grand maintenant. Ça me prend dix minutes pour marcher du sofa à la télé. J'en ai pris vingt pour aller jusque la cuisine.
3930/7/4 : Hein ? Depuis quand ? Pourquoi vous n'avez pas dit ça plus tôt ?
D-124 : Je sais pas, je… (Pause.) Il y a quelqu'un qui toque à la porte. Attendez. (Pause.) Bonjour ? (Pause.) Il y a un homme dehors. Il veut savoir si j'écoute.
3930/7/4 : Est-ce que j'écoute ?
D-124 : Oui, j'écoute. (Pause.) D'accord. (Pause.) Il dit qu'il y a une sortie, passer à travers, euh, à travers le sol. Il dit que si je me penche assez, je vais juste traverser, alors…
Silence. D-124 ne répond pas pendant trente-huit minutes. 3930/7/4 et 3930/3/3 ne parlent pas pendant trente-huit minutes.
D-124 : Bruit blanc.
Silence.
3930/7/4 : Vous êtes arrivé ?
D-124 : C'est plus loin que ce que j'ai cru. Je pense que je commence à comprendre. Vous écoutez ?
3930/7/4 : Vous écoutez ?
D-124 : Bien, n'arrêtez pas d'écouter. Je suis en-dessous, maintenant. En fait, je pensais que les choses que je voyais avaient quelque chose à voir avec moi, mais en fait, non. Je les vois pas vraiment. (Pause.) Ouais, c'est bien plus cohérent comme ça. Pas pour moi, mais pour vous, peut-être. Peut-être que ça n'a pas d'importance. (Pause.) Bon, vous voyez ce que je vous disais tout à l'heure à propos du bruit d'écran plein de neige, oui ? Le même genre de truc se passe, mais avec mes yeux cette fois. Je remplis les trous.
3930/7/4 : Qu'est-ce que vous voyez ?
D-124 : Il y avait un trou dans le monde, ici. Et cet endroit s'est retrouvé aspiré dedans, comme dans un siphon. Les gens aussi. Je peux le voir, maintenant, tout le bâtiment, attiré dans ce… tout… petit point. Fracturé et brisé. (Pause.) D'accord, OK. Ouais ouais ouais. C'est une réponse. Comme une réaction. La nature n'abhorre pas le vide, mais les gens si. C'est vos esprits qui sont pas faits pour ça, pas vrai ? Vous regardez les étoiles et vous voyez des trucs, parce que c'est comme ça que vous faites. Vous rendez les choses cohérentes. L'ordre, c'est un concept humain.
3930/7/4 : Vous pouvez décrire l'espace dans lequel vous êtes maintenant ?
D-124 : Je ne le suis pas.
3930/7/4 : Qu'est-ce que vous voulez dire ?
D-124 : Je sais que je ne le suis pas, en fait. Au moment où vous vous en rendrez compte, ça sera terminé.
3930/7/4 : Au moment où je me rends compte de quoi ?
D-124 : Vous avez juste à détourner le regard de l'écran et vous arrêterez de voir les, euh… vous arrêterez de voir les motifs. Je suis… Si vous détournez les yeux, vous ne me verrez plus et vous… vous ne m'entendrez plus. Et c'est ça que j'entends, c'est ça que j'entends depuis tout ce temps. Oui, ça a du sens. Parce que si vous clignez des yeux vous vous allez le perdre et quand c'est parti ça n'est plus rien à nouveau, alors ils essaient de capter votre attention et s'ils la perdent ils ne sont rien, et…
3930/7/4 : Doucement, il faut que…
D-124 : …non non non, si vous détournez les yeux, les motifs s'en iront. Vous arrêtez d'écouter, et vous ne les entendez plus. Ils ne sont rien, et maintenant je ne suis… Vous ne comprenez pas ?
3930/7/4 : Est-ce que…
À ce moment, il y a une baisse de tension dans les systèmes électriques à cause de l'activation du générateur sur le site. 3930/7/4 et 3930/3/3 prennent tous deux immédiatement conscience que le transmetteur audio ne fonctionne plus. Leurs tentatives pour contacter D-124 échouent.
Addendum 3930.3 : Interview avec 3930/1/1
Ce qui suit est un extrait enregistré d'une interview du Dr Andrei Vasiliev, un scientifique soviétique ayant participé aux procédures de confinement de SCP-3930 avant que la Fondation intervienne. Un emploi au sein de la Fondation a été offert au Dr Vasiliev et il est devenu 3930/1/1 peu de temps après. L'interviewer était le Dr Pietrov Kuzkin. La traduction a été réalisée par le Dr Simon Pietrykau.
[DÉBUT DE L'ENREGISTREMENT]
Dr Kuzkin : Qu'est-ce que c'est ?
Dr Vasiliev : Ça n'est rien, rien qui soit mesurable. C'est un vide statique et absolu. Un espace où rien n'existe.
Dr Kuzkin : Comment c'est arrivé là ?
Dr Vasiliev : On n'en sait rien. Quelqu'un l'a trouvé, peut-être un agent de l'État ou un agent extérieur, mais on est arrivés les premiers.
Dr Kuzkin : Qu'est-ce que vous savez ?
Dr Vasiliev : Qu'est-ce qu'on sait ? Qu'est-ce qu'il y a seulement à savoir ? Il n'y a rien. Rien qui se mesure, rien qui puisse subir des tests. Tout ce qui franchit le seuil disparaît et cesse d'exister. On a essayé d'envoyer des soldats avec des enregistreurs, mais ils ont tous fini pareil.
Dr Kuzkin : Qu'est-ce qui est arrivé au reste de votre équipe ?
Dr Vasiliev : Ah… (Pause.) La perception, c'est la clef. Toutes les mesures que vous pouvez faire vous diront qu'il y a une absence, okay ? Mais vous regardez le vide et vous voyez toujours des forêts, des arbres et même des animaux. Marchez assez loin dedans et vous verrez un bâtiment ou des gens. Mais rien de tout ça n'est réel. Si vous voyez le bâtiment, peu importe la forme qu'il prend, vous n'êtes plus réel non plus. Vous n'êtes plus qu'un reflet de vous-même perçu par l'esprit de quelqu'un d'autre. Cette chose, ce vide… (Pause.) C'est un miroir odieux. Il veut que vous le regardiez. Plus vous le regardez, plus odieux il devient.
Dr Kuzkin : Mais quel rapport avec le reste de votre équipe ?
Dr Vasiliev : On était trop nombreux. On a été trop nombreux a regarder le vide, et il s'est mis à hurler.
Dr Kuzkin : Hurler ?
Dr Vasiliev : Quand vous vous approchez, vous commencez à l'entendre. Si léger que ça pourrait aussi bien n'être rien, ou pas grand-chose. Mais un bruit. Quelque chose de curieux s'est produit. Les esprits humains ont évolué pour identifier des motifs là où il n'y en avait pas, donc quand ils observent un espace où il n'y a rien du tout, les esprits se mettent à créer quelque chose à partir de rien. Ce que vous entendez, c'est quelque chose de rudimentaire, une conscience presque imperceptible. C'est un flash au bord du vide, quand nos esprits essaient de percevoir quelque chose qui n'est pas là. Et c'est plein de haine.
Dr Kuzkin : Qu'est-ce que vous voulez dire, c'est plein de haine ? Pourquoi est-ce que ça haïrait quoi que ce soit ? Et comment vous savez ça ?
Dr Vasiliev : Parce qu'on était trop nombreux. Tous les membres de notre équipe avait conscience du vide, essayait de le percevoir. Ces flashes, ces petits hurleurs, ils ont fini par se lier… par fusionner ensemble. Ne vous méprenez pas, Dr Kuzkin, ils ne sont pas réels. Ils sont au neutrino ce que le neutrino est pour nous : moins que rien. Mais, d'une certaine manière, ils sont conscients de leur néant, et ils sont plein de haine. Leur existence, je crois, n'est que tourment. Ils haïssent l'univers parce qu'il existe. Ils se haïssent eux-mêmes parce qu'ils existent. Et ils nous haïssent parce qu'on les fait advenir à l'existence. Ils ne sont rien que de la haine. (Pause.) À force, et parce qu'on était trop à essayer de regarder dans le vide, quelque chose en est sorti. (Pause.) Après, on n'était plus que dix. L'anomalie est restée stable depuis.
Dr Kuzkin : Qu'est-ce qui est sorti ?
Silence.
Dr Kuzkin : Depuis quand vous êtes là ?
Dr Vasiliev : Des décennies.
Dr Kuzkin : Pourquoi n'avez vous pas cherché à vous faire remplacer ?
Dr Vasiliev : Une fois que vous avez entendu le hurleur, vous ne pouvez pas vous en défaire. Demander un remplacement ? Tout ce que ça ferait, c'est condamner un autre individu.
Dr Kuzkin : L'autre jour, le reste de vos scientifiques a disparu. Où sont-ils ?
Dr Vasiliev : Ils sont entrés dans le vide.
Dr Kuzkin : Pourquoi ?
Dr Vasiliev : On est trop nombreux maintenant. Vous êtes venus à douze et on était huit. Il ne peut pas y en avoir plus de dix. Quand vous avez perçu le vide, votre esprit ne peut pas oublier. Et on ne peut pas le faire oublier. On est treize maintenant, mais on ne peut pas être plus de dix.
Dr Kuzkin : Vous parlez du vide comme s'il s'agissait d'une créature intelligente. Comment ce néant peut être quelque chose d'intelligent ?
Dr Vasiliev: Ils ne sont pas la même chose. Le vide est ce qu'il est, une région de non-existence. Il est incompréhensible et inaltérable, et on ne sait rien à son sujet. Mais les hurleurs de motifs, oui, ils sont, d'une certaine manière, intelligents. Mais ils ne sont intelligents que parce que nous sommes, nous, intelligents. Ils sont notre reflet dans cet odieux miroir.
(Activité hors-champ. Le Dr Kuzkin détourne le regard. Le Dr Vasiliev regarde l'objectif de la caméra pendant un instant.)
Dr Kuzkin : Très bien. Y a-t-il autre chose ?
Dr Vasiliev : On ne peut pas être plus de dix. Je vais aller dans le vide, et deux d'entre vous doivent me suivre.
Dr Kuzkin : Et s'ils ne le font pas ?
Silence.
[FIN D'ENREGISTREMENT.]