Objet no : SCP-375-FR
Niveau de Menace : Jaune ●
Classe : Euclide
Procédures de Confinement Spéciales : SCP-375-FR doit être conservé sur le Site de Stockage Kybian dans un casier pour objet anormal blindé, au sein d'une protection hermétique plastifiée permettant de le préserver de l'humidité et des moisissures. Une inspection mensuelle doit être réalisée sur l'objet pour vérifier son état et effectuer une restauration appropriée si besoin est. Il ne peut être mobilisé que sur autorisation spéciale et exclusive du Directeur du Site.
La version numérisée de la première partie de la démonstration est librement accessible par les employés du Département des Mémétiques dans le but de produire des injections mémétiques artificielles permettant aux mathématiciens de la Fondation d'acquérir les bases essentielles des mathématiques et de la logique surréelles, sous condition qu'ils aient demandé, complété et rendu le formulaire 130532-MMA auprès du secrétariat administratif du Département des Mathématiques Anormales.
Il est désormais interdit en toutes circonstances de suivre la démonstration au-delà de la première partie, et éventuellement de la deuxième partie, toujours sur autorisation.
Description : SCP-375-FR est un manuel de mathématique édité par Nathan en 2002, dont l'intitulé est Preuve de l'existence et de l'unicité du moi et qui porte les mentions "Révisions du Baccalauréat" et "Niveau Terminale S". Son contenu utilise en réalité plusieurs connaissances correspondant au niveau attendu en fin de Master de Mathématique et même bien supérieur, les chercheurs du Département des Mathématiques Anormales trouvant souvent la démonstration laborieuse à exécuter.
L'ensemble du manuel vise à accompagner le lecteur dans la démonstration de l'existence et de l'unicité du moi. Cette dernière tiendrait sur un total de 345 pages (comptées manuellement), et se divise en trois grandes parties, les deux dernières étant indépendantes l'une de l'autre et dépendant en revanche de la première : cette dernière consiste en la définition mathématique des termes ; la deuxième partie démontre l'existence du moi ; la troisième son unicité.
La démonstration utilisée dans la première partie comporte une méthode innovante pour inclure des objets non-mathématiques dans un raisonnement logique incluant des opérations calculatoires, en retranscrivant leur définition sous la forme d'axiomes et de propriétés mathématiques connues et vérifiées. Étant donné le fait que cette méthode de transition paraît logique à tout individu à qui on l'explique quand bien même elle ne se soumet pas aux règles mathématiques du système de réalité dans lequel se situe l'humanité, il a été déduit qu'un effet mémétique est à l'œuvre dont l'effet consiste principalement à faire connaître et accepter des principes logiques, physiques et mathématiques supra-réels1, dépassant usuellement l'entendement humain. C'est ce recours à des principes inhabituels qui rend la démonstration aussi fastidieuse : même si ces propriétés sont directement inculquées au lecteur par l'ouvrage, leur mobilisation demande l'acquisition d'un schéma intellectuel et comportemental ne pouvant être réalisée que par la pratique et l'exercice de ces données, sous la forme de problèmes à résoudre pour une meilleure efficacité.
Le seul autre effet anormal touchant l'ouvrage rend impossible la lecture à tout individu qui n'essayerait pas sérieusement de résoudre la démonstration : cette dernière se présente sous la forme d'une suite d'étapes censée aiguiller le mathématicien, mais cette liste est également concise et ne comporte pas le détail des calculs et des implications, laissés aux soins du lecteur. Si ce dernier tente simplement de lire la démonstration sans effectuer les étapes sur papier, ou qu'il saute des étapes, les pages suivantes demeureront vierges ; le même effet s'applique si la démonstration effectuée n'est pas assez détaillée ou comporte une erreur2. Seul le fait de réaliser progressivement la démonstration avec rigueur et application, selon les instructions indiquées, permet de révéler la suite du livre et de poursuivre la démarche. La procédure de numérisation de la démonstration est sujette aux mêmes conditions malgré toutes les mesures prises.
Le manuel comporte cependant une erreur dans la troisième partie qui invalide la démonstration de l'unicité du moi. Cette erreur fut détectée en 2018 par le Docteur Huynig, seul être humain à avoir à ce jour complété la démonstration détaillée par l'ouvrage. Ci suivent ses notes sur le sujet :
Après avoir conclu la démonstration en grossièrement vingt-six mois, je fus rappelé à mon devoir par la correction effectuée par la Docteure Faucher. Cette dernière me fit ainsi remarquer une erreur qui était passée outre à la fois l'attention de l'ouvrage et la mienne, mais pas la sienne.
Partie III, Chapitre 4, Page 279, Section 2 : Le passage par la fonction logarithme peut s'effectuer lorsque la variable Ϫ est strictement supérieure à zéro. Or, il a été établi dans la Partie I, Chapitre 7, Page 132, Section 6 que Ϫ appartenait à un ensemble dans lequel était inclus entre autre le 0 réel, mais également plusieurs autres éléments neutres supra-réels qui pourraient venir invalider en un ou plusieurs points l'évaluation de Ϫ par la fonction logarithme. Il me faut donc effectuer une disjonction de cas dans notre univers réel (On traite ici de Ṝ l'ensemble des nombres appartenant à notre réalité, qui comprend donc également des nombres complexes, non pas R l'ensemble des nombres réels basiques).
[…]
On peut lire par la suite ses notes et tentatives d'effectuer une disjonction de cas et de prolonger la démonstration afin de couvrir tous les cas possibles. La raison pour laquelle ses feuillets sont plus brouillons que les précédents est qu'il n'était ici guidé que par son propre sens de la déduction et les corrections des Docteurs Faucher et Parent, l'ouvrage ne prenant pas en compte l'erreur susmentionnée. Conclure la démonstration leur prit cinq mois de plus.
[…]
Ceci conclut la démonstration et, théoriquement, notre investissement dans ce projet. Néanmoins, mes collègues et moi-même avons décidé qu'en l'état, la démonstration de l'unicité du moi n'était pas concluante, puisque la valeur et l'ensemble de définition précis de Ϫ demeurent inconnus. Puisque vous avons reçu la bénédiction de nos supérieurs pour continuer nos études, nous axerons désormais la recherche sur la variable Ϫ qui semble être essentielle à la démonstration.
[…]
Le Docteur Huynig passa ainsi une semaine entière enfermé dans son bureau à tenter de découvrir la valeur recherchée, en contact régulier avec son binôme de correcteurs affecté qui recevait en temps réel ses avancées grâce à l'usage d'une tablette tactile et graphique sur laquelle il effectuait ses essais.
Les Docteurs Faucher et Parent donnèrent l'alerte lorsque 24h passèrent sans qu'ils ne puissent lier contact avec leur collègue. L'équipe de sécurité envoyée sur place trouva le Docteur Huynig en état pseudo-catatonique, sans réaction face aux divers stimuli qui lui furent appliqués. Ci-dessous ses dernières notes, qu'il n'eut jamais l'occasion d'envoyer :
[…]
Ce n'est pas possible. Ϫ ne peut pas être égal à zéro. Je tombe sur un résultat absurde si je prolonge la démonstration de l'unicité, qui ne serait pas effective. Mais j'ai tout vérifié, tout conclu, tout attesté, tout refait. Mes calculs sont exacts, même mon binôme en atteste. Ce sont mes conclusions qui ne vont pas.
Le moi existe.
Mais le moi n'est pas unique.
L'incident permit de mettre en valeur un autre effet anormal de la démonstration : si la réaliser telle que l'ouvrage demande de le faire ne présente aucun danger, chercher à la corriger et parvenir à la compléter effectivement plonge l'individu dans un état de schizophrénie hébéphrénocatatonique sévère, se caractérisant par la présence de voix imaginaires conversant avec le sujet ou de phases catatoniques durant lesquelles il ne se préoccupe d'aucun élément extérieur à sa personne, pas même la condition de son corps.
Les lectures cérébrales effectuées du vivant du Docteur Huynig et lors de son autopsie ont révélé une suractivité importante se traduisant par l'existence au sein même de son cortex cérébrale d'une "pluralité" de personnes suivant toutes un raisonnement similaire, mais fragmenté.