-
Crédits
Titre : SCP-365-FR - Gojho Qetema
Auteur : Charles Magne
Date : 5 février 2020
Image :
Plongeur de la FIM Gamma-06 ("Amuse-gueule des Profondeurs") effectuant des relevés archéologiques dans les ruines de SCP-365-FR.
Objet no : SCP-365-FR
Niveau de Menace : Blanc ○
Classe : Sûr
Procédures de Confinement Spéciales : Toutes les missions d’exploration de SCP-365-FR doivent recevoir les autorisations écrites préalables du conservateur de la section marawite du département d’ethnologie du Site-Aleph (Pr C. Loiselet), du responsable de la sécurité de la Base d'Observation Avancée He-365 (Agt D. de Beauffremont) et du correspondant auprès de la Fondation SCP du Secrétariat des Artefacts et des Sciences Paranormales d'Abyssinie (Pr N. Aregai).
En raison des activités de piraterie fréquentes dans la région, les missions d’exploration ne pourront excéder quatre semaines et devront obligatoirement être escortées d’au moins quatre agents de sécurité armés. Toutes les missions d’explorations devront se faire à partir de la Base d'Observation Avancée He-365, sur les vestiges occidentaux de l’ancien rempart-digue de SCP-365-FR.
Tous les éléments récupérés lors des explorations sous-marines de la zone doivent être stockés dans la section marawite du hangar 7-010 du département d’ethnologie du Site-Aleph (cf. Addendum 365-c : Rapport d'Exploration).
Description : SCP-365-FR est la désignation globale pour les ruines d’une cité antique engloutie à plus de cent quatre-vingt-quinze mètres (195 m) de profondeur sous les eaux du golfe d’Aden, à dix-neuf miles nautiques (35 km) au nord des côtes somaliennes. La cité en question occupe une surface à peu près circulaire d’environ deux mille cents mètres (2 100 m) de diamètre et devait posséder à son apogée une population de vingt à trente mille habitants environ. Les rapports archéologiques effectués par le Bureau Africain des Affaires Occultes entre 1916 et 1923, puis par la Fondation à partir de 1979 ont permis d’établir que SCP-365-FR avait été fondée vers 5500-5200 av. JC par la civilisation marawite (cf. document a1 : Notice concernant la civilisation marawite).
SCP-365-FR-01 désigne les vestiges d’un rempart circulaire monumental cernant totalement SCP-365-FR. Haute d’exactement deux cent seize mètres (216 m) et large de vingt-et-un mètres (21 m), les portions subsistantes de l’édifice culminent aujourd’hui entre vingt-et-un et quarante-deux mètres (21-42 m) au-dessus du niveau des vagues, selon l’état des marées. SCP-365-FR-01 protégeait autrefois la cité de SCP-365-FR contre la mer à la manière d’un barrage ou d’une digue, formant ainsi une profonde cuvette artificielle abritant SCP-365-FR en son sein. La destruction d’un large pan de la section nord-est de SCP-365-FR-01 suite à l’incident "Avalon" du 14/07/1923 a entraîné le recouvrement et la disparition de la totalité de la cité sous les eaux du golfe (cf. document b1 : Montage cinématographique de l’incident "Avalon").
SCP-365-FR-02 désigne un aéronef de conception marawite s’étant écrasé sur SCP-365-01-FR lors de l’incident "Avalon" du 14/07/1923. Le crash de l’objet est directement à l’origine de la destruction d’une partie du rempart et de l’inondation brutale ayant détruit la ville. À l’heure actuelle, l’épave de l’objet se trouve engloutie à quelques centaines de mètres de la brèche nord-est de SCP-365-FR-01.
L’aéronef est de forme cylindrique et mesure vingt-et-un mètre (21 m) de longueur pour quatre cent vingt centimètres (420 cm) de diamètre. Des traces de peintures relativement récentes et datant probablement de l’occupation de la cité par le BAAO figurent les standards réguliers de l’armée de l’air française. Le mot RÉPUBLIQUE peint en gros caractères sur les flancs de l’appareil et l’inscription en petit près des ailerons DISPOSITIF CONFIDENTIEL : Art. Vert 0220-1916 – CROS BAAO sont également lisibles.
La carlingue du vaisseau est entièrement composée d’un alliage de [DONNÉES SUPPRIMÉES] et d’autres métaux plus classiques comme l'étain, le cuivre ou le fer. La surface ne présente pratiquement aucune aspérité ni trace de soudure, excepté au niveau du hublot du cockpit en quartz naturel poli et du sas d’accès latéral. La poupe du vaisseau comportait à l’origine trois ailerons de guidage dont l’un, arraché suite aux événements de l’incident "Avalon", est aujourd’hui stocké au département d’ethnologie du Site-Aleph.
Les premières missions d'exploration réalisées grâce aux équipes de plongée de la FIM Gamma-6 ("Amuse-gueule des Profondeurs") ont permis d'établir que SCP-365-FR-02 était composé de quatre compartiments distincts :
Section Alpha |
Section Bêta |
Section Gamma |
Section Delta |
Située à la proue du vaisseau. Faisait probablement office de poste de pilotage. Des appareils de guidages relativement primitifs à base de leviers, de manivelles et de pédales en bronze ont été couplés avec plusieurs appareils de mesure et de navigation datant du début des années 1920 et portant le sigle du BAAO. Un squelette en combinaison de vol et portant un prototype de casque à électrode relié au tableau de bord a été retrouvé sur le siège du pilote. |
Occupe la majeure partie de la partie centrale du vaisseau. Les éléments d’origine semblent avoir été tous retirés pour être remplacés par deux rangées de huit sièges fixés au sol du vaisseau. Chaque siège était occupé par un cadavre sanglé à l’intérieur et portant chacun un uniforme, une combinaison de vol ou une blouse scientifique. |
Petit compartiment occupant le reste de la partie centrale du vaisseau. Usage inconnu, peut-être une soute à bagage ou un espace réservé à la prière (présence d’une structure cubique en obsidienne rappelant un autel marawite). |
Située à la poupe du vaisseau. Très certainement la chambre du moteur à propulsion théomantique de l’appareil. Un large autel en obsidienne occupe le centre de la section. Sur celui-ci se trouvait un unique œil humain parfaitement intact enchâssé à même la pierre. Organe récupéré et reclassé SCP-365-FR-03. Ont également été retrouvées un lot de seize (16) tablettes en or avec des instructions rédigées en une langue s'apparentant à un dérivé archaïque de l'amharique guèze décrivant le fonctionnement du vaisseau. |
Lors de l'exploration initiale par Gamma-06, vingt-et-un (21) squelettes humains vêtus d'uniformes militaires datant de la période d'entre-guerre, de blouses blanches et de combinaisons de vol ont finalement été retrouvés sanglés dans leurs fauteuils. L'un d'entre eux, retrouvé dans la section Delta de l'appareil, avait en sa possession un lot de feuillets et de carnets en français conservés dans des pochettes cirées hermétiques dont certains ont pu être récupérés intacts.
SCP-365-FR-03 est un œil humain parfaitement intact, retrouvé enchâssé dans l’autel de la section Delta de SCP-365-FR-02. Bien que les documents marawites décrivant le fonctionnement de l’appareil ne font pas état de son existence initiale ou le mentionnent de manière contradictoire, les documents en français permettent d’établir que ██ ██████ ██ █████ ███ █ ██ █████ ██ ███████ ███ ██████ ████ ███ ██ ███ █████████ ██ ████ ██ ██████ █ ██████ ███████ ███ █ ██████ ███████ ███ ██████ ██████████ ███ ██████ ██ ███ █ █████████ ██ ████ █ ████████ ███ ██ ████████████ ██ ████ ██ █████ █████ ██ █ ██ ████ ████ ██████████ █ █████ █████████ ██████
Addendum 365-a : Historique
Avant-propos : Extrait de l'article La Théomancie africaine, par le Pr A. Chargne-Lesmag, Journal des Sciences Cachées et Paranormales n°535.
[…] Apparue en Transjordanie aux alentours du IIIe millénaire av. JC, la civilisation marawite désigne un ensemble de sous-cultures ayant prospéré à travers un certain nombre de petits royaumes et de cités-états indépendantes dont on retrouve les traces sur les rives de la Mer Rouge et au nord de la corne de l’Afrique. La civilisation tire son nom du dieu Marawi, divinité tutélaire protectrice de la cité, de la magie et de la conquête spatiale dans le panthéon marawite.
Bien que les connaissances scientifiques et culturelles des marawites ne différaient pas de celui des peuples voisins, ceux-ci se distinguaient cependant grâce à leur maîtrise surprenante dans le domaine de l’exploration spatiale. Plusieurs épaves de vaisseaux et d’objets spatiaux marawites ont ainsi été découvertes à la surface du globe, en orbite autour de la Terre et à travers tout le système solaire.
Palliant leur faible développement technologique ne leur permettant pas de concevoir des moteurs de propulsion ou des carburants fonctionnels, ainsi que leur conception superstitieuse et approximative des modèles astronomiques, les marawites dotaient leurs engins spatiaux d’un dispositif anormal primitif à base de rouages et de leviers permettant de contrôler et de faire voler la machine grâce à un rituel de théomancie complexe.
La civilisation marawite s’est éteinte progressivement au cours du Ier millénaire av. JC suite à l’assimilation brutale ou pacifique de sa culture par les peuples voisins, entraînant de ce fait la déchéance de ses connaissances et de ses traditions. […]
Avant-propos : Le document suivant est tiré du De Meridionalis Chronicae, un manuscrit attribué à Boiorix le Cimbre, un chroniqueur danois du VIIe - VIIIe siècle ap. JC. Il est probable que les chapitres dédiés aux marawites aient été rédigés au cours d’un voyage de l’auteur dans la région Médine, vers 688 - 690 ap. JC.
Jetons de prière en or figurant au recto le profil du dieu Marawi et au verso le char de la déesse Tehatmeru fuyant dans les nuées.
C’était aux jours où Marawi – le dieu des dieux de la Terre – était à la veille de sa puissance. L’empire de ses adeptes s’étendait de Sodome de Gomorrhe, la Cité des Archontes Pâles, jusqu’à Gojho Qetema que l’on nomme aussi « la Forteresse au Détroit », car elle se situait alors à l’embouchure de la Mer Rouge. Marawi était fort et la guerre menaçait, car il revendiquait le Grand Trône de tous les dieux des dieux et Di-Hagon – le dieu des dieux de la Mer – se dressait en travers de son chemin.
Ainsi la Terre et la Mer s’entrechoquèrent et oncques ne vit guerre plus formidable. On se battit sur tous les rivages du monde, aux frontières de tous les continents et de tous les océans. Le sang des dieux et des hommes de la Terre et de la Mer rougissait les vagues et leur corps jonchaient les plages tels d’innombrables galets macabres. Le reste de l’univers connu retenait son souffle en attendant l’issue, mais au bout de sept fois dix ans nul vainqueur ne semblait devoir l’emporter.
Or donc il y avait sur Terre un petit dieu rusé et ambitieux dont le nom était Uriyahu. Un jour, le petit dieu s’en fut trouver Marawi sur son trône d’ébène et s’entretint en audience avec lui. Il disait :
« Ô puissant Marawi au trône d’ébène – dieu des dieux de la Terre Fertile – assurément tu es le plus digne de siéger sur le Grand Trône de tous les dieux des dieux. Ni Di-Hagon au trône d’aigue-marine dans la Mer Salée, ni Tortana au trône d’or dans les Abîmes d’En-Deçà, ni Tehatmeru au trône d’éther dans les Nuées d’Au-Delà ne sont dignes d’un tel honneur et d’un tel prestige. Plus vite tu les vaincras, plus vite tu pourras revendiquer les hommages qui te sont dus. »
Et Uriyahu sacrifia l’un de ses jeunes frères au profit du dieu des dieux de la Terre, car en ce temps-là la coutume disait : « Offre des dieux aux dieux et des hommes aux hommes ». L’offrande plut à Marawi. Il répondit :
« Béni sois-tu Uriyahu – petit dieu de la Terre – car tu parles d’or. Mais comment puis-je prendre possession de ce qui me revient de droit ? Voilà sept fois dix ans que je fais la guerre à Di-Hagon – dieu des dieux de la Mer – et aucun de nous ne semble devoir l’emporter. »
Uriyahu dit :
« Ton humilité t’honore, ô Marawi au trône d’ébène, toi qui règnes sur la plaine et la montagne. Mais ne te tourmente pas en vain car je sais une ruse qui te fera soumettre Di-Hagon – dieu des dieux de la Mer. Suis seulement mon conseil : fais bâtir une haute muraille autour de Gojho Qetema, la cité des hommes de la Terre qui te sont fidèles. Veille bien à ce que les murs soient hauts et qu’elle ne possède pas de portes, ni grande, ni petite. Tu les sanctifieras dans le sang, car ma ruse déchaînera contre eux la fureur des océans. »
Marawi dit :
« Ainsi agirai-je. Si ta ruse me permet d’emporter la victoire, alors je sacrifierais cent dieux sur ces remparts. »
Et sur ces mots il fit bâtir à Gojho Qetema sur le détroit une muraille semblable à celle que lui avait décrite le petit dieu Uriyahu. Il la sanctifia dans le sang de cent petits dieux de la Mer que l’on avait fait captifs. La muraille dominait le détroit et était faite de blocs de granit.
Alors Uriyahu – petit dieu de la Terre – se grima pour adopter l’apparence d’un petit dieu de la Mer. Il s’en vint trouver Di-Hagon sur son trône d’aigue-marine et s’entretint en audience avec lui. Il disait :
« Ô puissant Di-Hagon au trône d’aigue-marine – dieu des dieux de la Mer Salée – assurément tu es digne de siéger sur le grand trône de tous les dieux des dieux. Ni Marawi au trône d’ébène sur la Terre Fertile, ni Tortana au trône d’or dans les Abîmes d’En-Deçà, ni Tehatmeru au trône d’éther dans les Nuées d’Au-Delà ne sont dignes d’une telle tâche ni d’un tel prestige. Plus vite tu les vaincras, plus vite tu pourras revendiquer les honneurs qui te sont dus. »
Et une nouvelle fois, il sacrifia l’un de ses frères qu’il avait amené avec lui comme l’exigeait la coutume.
Di-Hagon dit :
« Béni sois-tu, car tu parles d’or petit dieu de la Mer dont je ne crois pas connaître le nom. » (En vérité, les océans abritaient de très nombreux petits dieux en ce temps-là) « Mais comment puis-je prendre possession de ce qui me revient de droit ? Voilà sept fois dix ans que je fais la guerre à Marawi – dieu des dieux de la Terre – et aucun de nous ne semble l’emporter. »
Uriyahu, dissimulant son identité véritable, dit :
« Réjouis-toi ô seigneur du trône d’aigue-marine, car j’ai nom Uritamaha et je t’apporte le moyen de vaincre Marawi – dieu des dieux de la Terre ! » (En vérité, ce n’était là ni son vrai nom ni son intention) « Marawi – dieu des dieux de la Terre – est sûr de lui. Il a caché son âme à Gojho Qetema, la forteresse des hommes de la Terre qui garde les rives du détroit. Ainsi il sait que tu ne pourras l’abattre tant que tu ne la trouveras pas. Empare-toi de la cité, ô Di-Hagon – dieu des dieux de la Mer – car lorsque tu lui auras dérobé son âme il sera à ta merci et devra se soumettre à toi. »
Di-Hagon dit :
« Le plan est bon, mais comment prendrais-je la ville ? On dit que Marawi – dieu des dieux de la Terre – a pourvu la forteresse de hautes murailles sans portes qu’il a sanctifiées par le sang de nombreux petits dieux. »
Uriyahu, sous les traits d’Uritamaha, dit :
« Le sang des dieux est fort, mais le sang des dieux des dieux est plus fort encore. Tranche-toi une veine pour que s’élève le niveau de la mer, ainsi les eaux investiront la cité et l’âme et le trône d’ébène du dieu des dieux de la Terre seront à toi. Qu’est-ce qu’un peu de ton sang contre l’âme de Marawi ? Ta force est très grande et la victoire venue tu panseras tes plaies. »
Di-Hagon dit :
« Ainsi agirai-je. » (En vérité, l’ivresse de l’impatience troublait son jugement aussi sûrement que le vin endort l’esprit.)
Di-Hagon se trancha la veine de la main droite et son sang se mêla aux eaux. La mer monta et atteignit presque le sommet des remparts de la ville.
Marawi dit aux hommes de Gojho Qetema :
« Surélevez les remparts et sanctifiez-les dans le sang de deux cents dieux. »
Ainsi agirent-ils. Voyant que ses efforts risquaient d’être vains, Di-Hagon se perça le côté gauche et son sang se mêla aux eaux. La mer monta encore plus haut et se trouva bientôt au même niveau que le sommet des remparts.
Marawi dit aux hommes de Gojho Qetema :
« Surélevez les remparts et sanctifiez-les dans le sang de cinq cents dieux. »
Ainsi agirent-ils. Voyant que ses efforts risquaient d’être vains, Di-Hagon se trancha la gorge et son sang se mêla aux eaux. La mer monta et déjà les premières gouttes dépassaient les cimes des remparts et on alluma de grands brasiers pour les assécher.
Mais Marawi demanda une nouvelle fois aux hommes de surélever les remparts et ils sacrifièrent tous les dieux de la Mer qui étaient captifs en la cité, plus d’un millier. Puis il prit une toute petite épine d’acacias, se perça le bout du petit doigt et fit couler une goutte de son sang pour sanctifier les murs.
Alors Di-Hagon au trône d’aigue-marine – dieu des dieux de la Mer – s’écroula de fatigue. Il comprit que le petit dieu Uriyahu s’était joué de lui et que sa folle imprudence lui avait fait perdre la guerre.
Les armées de Marawi – dieu des dieux de la Terre et de la Mer – investirent alors le palais du dieu et le capturèrent. On ne le laissa pas mourir cependant, on pansa ses plaies et on l’amena au pied du trône d’ébène et d’aigue-marine de Marawi qui célébrait son triomphe à Gojho-Qetema – la Forteresse au Détroit – et qu’il avait élevée au rang de ville sainte de son empire.
Marawi dit :
« Di-Hagon – petit dieu de la Mer – tu t’es mis en travers de mon chemin car tu voulais usurper le Grand Trône de tous les dieux des dieux qui me revient par droit de conquête et de prestige. Je te condamne à l’exil et à l’opprobre, car te faire périr serait encore trop doux pour toi. »
Et Di-Hagon fut réduit à l’apparence d’un démon, malingre et contrefait. On le lia de solides cordes et on l’enferma dans une grande cage d’acier que l’on cacha dans une caverne en bord de mer, scellée aux armes de Marawi – dieu des dieux de la Terre et de la Mer. Il y est encore enfermé et de sa gorge tranchée ne s'échappent plus que les caillots rouges de son sang empoisonné et les sifflements aigus de sa fureur vindicative. Honte sur lui, car le voici banni et couvert d'opprobre ! On lui ôta son nom et on l’appela Pen-Ghïroh, ce qui signifie « le dieu scarifié ».
Puis Marawi au trône d’ébène et d’aigue-marine – dieu des dieux de la Terre et de la Mer – poursuivit sa quête du Grand Trône de tous les dieux des dieux. Il conquit sans combat et sans gloire le trône d’or de Tortana – déesse des déesses des Abîmes – car celle-ci avait grand-peur de subir le sort de Pen-Ghïroh le Scarifié. Voyant les armées des hommes et des dieux de la Terre et de la Mer qui venaient la soumettre, elle posa genou à terre et se livra à Marawi – dieu des dieux de la Terre, de la Mer et des Abîmes – qui par magnanimité la laissa recluse en son palais souterrain. On lui ôta son nom et on l’appela Pene-Nemwi, ce qui signifie « la déesse prudente ».
Mais Tehatmeru au trône d’éther – déesse des déesses des Nuées – s’enfuit dans le ciel pour ne jamais être prise, car elle avait juré que jamais Marawi – dieu des dieux de la Terre, de la Mer et des Abîmes – ne lui volerait son titre ni ne siégerait sur le Grand Trône de tous les dieux des dieux. Elle n’avait en cela ni la folle imprudence du dieu scarifié ni la couarde résignation de la déesse prudente. Alors Marawi, depuis son trône d’ébène, d’aigue-marine et d’or, lança les armées des hommes sur sa trace. Il leur livra les dieux qu’il avait vaincu pour qu’ils puissent sanctifier de grandes nefs qui voguaient dans les nuées et partir à la conquête du ciel.
Et cent et mille vaisseaux partirent vers le firmament pour explorer les Nuées d’Au-Delà. Ils partirent de Gojho Qetema – la Forteresse dans le Détroit – et de Sodome de Gomorrhe, de Kraal-Dogma la verte et de Dji l’ensablée, et chacun emportait des armées et des aventuriers pour trouver la déesse au trône d’éther et la livrer à Marawi – le grand dieu de presque tout. Ils fouillèrent le ciel pendant bien des siècles et découvrirent bien des choses surprenantes, mais jamais ils ne trouvèrent la déesse.
Car les cieux sont sans limites.
BUREAU AFRICAIN DES AFFAIRES OCCULTES
Destinataire : M. Stéphane Haudix, directeur général du Bureau Africain des Affaires Occultes
Date : 21 décembre 1916
Objet : Gojho Qetema (STRICTEMENT CONFIDENTIEL)
Monsieur le directeur,
J’ai le plaisir de vous annoncer que nous avons doublé les britanniques et que nos étendards flottent glorieusement sur les remparts de la place.
Vous pourrez remercier votre informateur de Downing Street, je comprends mieux à présent pourquoi la place était tant convoitée par les britanniques et les ottomans. Pour dire vrai, vous remercierez également les éléments de la flotte turque ayant ralenti la Royal Navy en Mer Rouge et qui nous ont permis de prendre le relais de nos alliés à la poursuite de l’escadre de Kemal Gül depuis Djibouti.
Nous avons surpris ce dernier en train de débarquer troupes et matériel sur le rempart qui protège cette étrange cité des eaux. Le Dantesque en a presque immédiatement coulé trois coup sur coup, et les épaves ont gêné la manœuvre des autres. Ce fut au final l’affaire d’une heure pour nos vaisseaux pour envoyer le reste de l’escadre par le fond et pour les zouaves et les marsouins du 1er Régiment de Marche Occulte pour capturer les soldats ottomans surpris et désemparés. Je tiens Kemal Gül sous bonne surveillance à bord du Dantesque, je le ferais débarquer à Djibouti sitôt les renforts arrivés et une garnison décente installée.
La cité est un endroit fort curieux, on jurerait que les bâtiments sont presque neufs. En réalité, ne serait cette épaisse végétation humide qui envahit les rues et les édifices (chose fort curieuse sous ces latitudes), on jurerait que la ville a été désertée la veille.
Le temple en particulier est tout à fait remarquable, le style est proche des églises et des temples païens que l’on trouve en Abyssinie. Les tablettes d’or que nous avons retrouvées dans la bibliothèque du temple sont également couvertes de caractères guèzes. Bien que n’étant pas linguiste, je crois pouvoir affirmer que ces inscriptions soient en langue amharique ancienne, ayant eu l’occasion d’en apprendre quelques rudiments à la cour du negus negest Iyasou V d'Abyssinie. Je ne doute cependant pas que vos savants sauront en établir une traduction plus digne que ce que me permettront mes faibles facultés.
Nous avons également retrouvé dans l’un des hangars attenant au temple l’un des objets dont vous m’avez parlé dans votre télégramme. Celui-ci est réellement impressionnant de par sa taille. Si vous parvenez un jour à faire décoller ce monstre, je tiens absolument à être présent ce jour-là. L’espace, vraiment, cela aurait fort intéressé M. Verne.
Veuillez accepter, monsieur le directeur général, l'expression de mon profond respect,
Contre-Amiral Zacharie Bazin de Fontigny, Gouverneur provisoire de Gojho Qetema (Emplacement "Aden-1916")
Addendum 365-b : Incident "Avalon"/Aden-1923
Capture d'écran du document. Naufrage du cuirassé Dantesque sur le point d'être aspiré par la brèche de SCP-365-FR.
<Début de l'enregistrement>
- 00:00:00 - Le film débute par un avertissement indiquant que la pellicule est la propriété du Bureau Africain des Affaires Occultes et du Ministère des Affaires Occultes de la République française et est à ce titre soumis au régime du secret militaire.
- 00:00:12 - Plan prit depuis la section nord de SCP-365-FR. Le caméraman filme alternativement les silhouettes du cuirassé Dantesque et du paquebot Périgord, mouillant à quelques encâblures un peu plus à l’est, et la cité de SCP-365-FR qui s’étend au loin des remparts. La caméra s’arrête quelques instants sur le temple de Marawi que l’on distingue au loin.
- 00:03:05 - Plan fixe d’une estrade sur le rempart, chargée de drapeaux français. Un individu en costume et en haut de forme prononce un discours devant un groupe de quelques dizaines de personnes en uniforme de parade et en tenue de soirée. On distingue un buffet et une fanfare en arrière-plan.
- 00:19:56 - Images filmées depuis un ballon d’observation au-dessus de SCP-365-FR. SCP-365-FR-02 est posé sur le pas de tir du temple en position verticale, des échafaudages escamotables le maintiennent en position. Le pas de tir est cerné par les bâtiments en bétons du CRPS de l’Aden, contigus aux édifices du temple.
- 00:23:18 - Gros plan sur l’homme du discours. Celui-ci tient un lance-fusée à la main et regarde fixement sa montre à gousset. Au bout de quelques secondes, l’homme tire une fusée.
- 00:23:30 - Plan depuis le ballon d’observation. On remarque très clairement les variations de réalité autour de la carlingue de SCP-365-FR-02. Les échafaudages sont retirés grâce à un treuil et SCP-365-FR-02 commence à s’élever dans les airs.
- 00:34:46 - Alternance de plans entre la caméra du rempart et celle du ballon d’observation. Après s’être élevé de quelques dizaines de mètres, la proue de SCP-365-FR-02 s’incline légèrement vers l’est et commence à accélérer.
- 00:35:28 - Plan depuis le ballon d’observation. SCP-365-FR-02 a déjà parcouru la moitié de la distance séparant le pas de tir de SCP-365-FR-01. L’engin est à présent incliné à environ quarante-cinq degrés vers l’est. Soudain, un éclair presque parfaitement rectiligne venu du ciel frappe la poupe de SCP-365-FR-02. Un débris de la queue se détache de l’appareil et tombe sur la cité. SCP-365-FR-02 accélère brutalement et quitte sa trajectoire initiale pour se diriger vers le nord-est en tanguant violemment.
- 00:35:39 - Plan depuis le rempart. La caméra suit la trajectoire erratique de SCP-365-FR-02. Plusieurs officiels de l’assemblée s’enfuient paniqués alors que l’objet semble piquer vers le nord, la caméra est bousculée, mais parvient à continuer de filmer normalement.
- 00:36:02 - SCP-365-FR-02 entre en collision avec SCP-365-FR-01, à quelques centaines de mètres de l’emplacement de la caméra. Un choc violent projette celle-ci sur le sol, ainsi que de nombreux convives. L’image est coupée.
- 00:36:51 - Plan depuis le ballon d’observation. Des éclats de roche sont projetés en l’air. SCP-365-FR-02 a pulvérisé le sommet du rempart et s’est encastré dans le paquebot Périgord dont la chaudière explose instantanément. D’immenses quantités d’eaux s’écoulent à l'intérieur du rempart par une brèche de soixante-dix à cent mètres de large.
- 00:42:37 - Le ballon d’observation s’est rapproché du sinistre. Une importante nappe d’eau commence à recouvrir SCP-365-FR. On aperçoit par la brèche le cuirassé Dantesque, qui vient de remettre en marche ses machines, tenter de s’éloigner du gouffre. La corvette Mimosa s’est portée au secours des canots de sauvetage du Périgord en train de sombrer.
- 00:50:13 - Le pan décapité de SCP-365-FR-01 cède tout à fait et s’effondre sur toute sa longueur. Un gigantesque raz-de-marée s’abat à l’intérieur de l’enceinte et engloutit l’ensemble de la cité, pulvérisant tous les bâtiments. Le Dantesque est aspiré par la brèche en dépit de ses efforts.
- 00:50:36 - Le Périgord est aspiré à son tour. La Mimosa, plus légère que le Dantesque, tente de s’enfuir, mais est heurtée par l’épave du paquebot qui la fait chavirer. Les deux bateaux passent à leur tour par la brèche et sont immédiatement engloutis.
- 00:51:11 - Plusieurs plans du désastre pris depuis le ballon d’observation. La corvette Hortensia se charge d'évacuer les militaires et les officiels présents sur SCP-365-FR-01 au moment de l'incident, tandis que la Dahlia sillonne prudemment les abords de la zone à la recherche d'éventuels survivants. À la place de SCP-365-FR, à l'intérieur de la digue, on ne distingue plus qu'un vaste plan d'eau agité par les vagues et les maëlstroms.
- 00:55:49 - Fin du film sur les logos du BAAO et du Ministère des Affaires Occultes.
<Fin de l'enregistrement>
BUREAU AFRICAIN DES AFFAIRES OCCULTES
Destinataire : M. Raymond Poincaré, Président du Conseil des Ministres
Date : 21 août 1923
Objet : Compte-rendu de l’incident "Avalon" (STRICTEMENT CONFIDENTIEL)
Monsieur le Président du Conseil,
En tant que commissaire et principal rapporteur de la présente commission, j’ai le pénible devoir de vous faire état des pertes humaines et matérielles provoquées lors de ce regrettable incident. Je commencerai donc par vous en donner le détail avant de vous faire part de nos pronostics concernant la cause de l’incident et des conséquences pour le programme de recherche outre-spatial de notre pays.
I) Pertes matérielles
- Le Centre de Recherche Outre-Spatial (CROS) de l’Aden et toutes ses ressources
- Le prototype de vaisseau outre-spatial République (Artefact Vert-0220)
- Le cuirassé Dantesque
- La corvette Mimosa
- Le paquebot Périgord
Le montant total des pertes s’élève à trois cent millions de francs or. Concernant les ressources du CROS de l’Aden, il est regrettable que la décision de monsieur le directeur général Stéphane Haudix de conserver l’ensemble des tablettes marawites et des résultats des recherches du Centre sur place ait entraîné leur disparition définitive. Monsieur le Président se souviendra certainement que j’opposais un avis contraire à cette décision lors de la formation du Comité scientifique « Aden-1918 ».
II) Pertes humaines
- Personnel scientifique du CROS de l’Aden : 73
- 192ème Escadron de Gendastrerie Coloniale : 84
- Équipage du République (Artefact Vert-0220) : 21
- Équipage du Dantesque : 720
- Équipage de la Mimosa : 85
- Équipage du Périgord et une partie de ses passagers : 215
Le nombre total des victimes est donc de 1198 personnes. Fort heureusement, les personnes se tenant sur la digue au moment de l’incident (officiels du BAAO et du Ministère des Affaires Occultes, personnel scientifique et pelotons du 192ème EGC en patrouille) et les équipages des ballons d’observation ont été très largement épargnés. Il est cependant regrettable que monsieur le directeur général Stéphane Haudix ait choisi de faire mouiller si près des digues le Périgord et son escorte et n’ait suivi mes conseils de les faire mouiller de l’autre côté de la cité, hors de la trajectoire prévue du République (Artefact Vert-0220).
III) Cause de l’incident
La présente Commission ne peut rien affirmer de sûr à ce sujet à l’heure actuelle. Au vu du rapport cinématographique que nous avons établi, nous pouvons affirmer avec certitude qu’un éclair a frappé le République (Artefact Vert-0220), entraînant une avarie de sa poupe et la perte du contrôle de l’objet par son équipage, avec les conséquences que vous savez.
Il convient de signaler que le ciel ce jour-là était absolument limpide, ce qui ne laisse aucun doute sur la nature occulte du phénomène. Il reste cependant à déterminer si celui-ci est d’origine humaine, para-naturelle ou tierce.
IV) Conséquences de l’incident
Je suis au regret d’annoncer à monsieur le Président du Conseil que le programme de recherche outre-spatial de notre pays a subséquemment été réduit à néant, toutes les données et recherches dont nous disposions et que nous avions acquises ayant été détruites lors de l’incident "Avalon".
Il est de mon avis et de celui de la présente commission, que l’incompétence et les imprudences de l’administration vieillissante de monsieur le directeur général Stéphane Haudix ne nous ait pour longtemps interdit les portes de la conquête outre-spatiale, en dépit des multiples conseils de ses collaborateurs plus avisés.
Je reste, monsieur le Président du Conseil, votre dévoué serviteur et celui du Bureau Africain.
Commissaire Gaston Hubertinot, rapporteur principal de la commission « Aden-1923 »
Addendum 365-c : Rapport d'exploitation
Historique : Les conséquences de l’incident "Avalon" auront pour effet de mettre un terme définitif au programme spatial occulte français. Désormais inexploitable, SCP-365-FR reste cependant de facto sous la juridiction du Bureau Africain des Affaires Occultes jusqu'en 1962 avant de passer sous le contrôle des Archives Noires de la République française. En 1979, la propriété de la zone est cédée par la France à l'Éthiopie contre des concessions aurifères. Le Secrétariat des Artefacts et des Sciences Paranormales d'Abyssinie signera dans la foulée des accords d’exploitation avec la Fondation SCP en échange du partage des connaissances anormales que cette dernière pourra tirer de ses missions d’exploration.
Liste non exhaustive des éléments notables récupérés au cours des différentes plongées à l'intérieur de la zone de SCP-365-FR :
- Un lot de seize tablettes en or rédigées en amharique guèze décrivant le fonctionnement de SCP-365-FR-02.
- Des fragments de carnets en français proposant une traduction des tablettes d'or, des notes de recherches complémentaires et décrivant la nature de SCP-365-FR-03.
- Un lot de huit mille six cent trente-trois (8 633) jetons de prière et pièces de monnaies marawites en métaux précieux divers.
- Un lot de trente-neuf tablettes en marbre rédigées en amharique guèze narrant les chroniques de Gojho Qetema, ainsi que plusieurs légendes afférant à sa construction et au conflit opposant Marawi et Di-Hagon.
- Une statue de quatre mètres en grès sombre représentant le dieu Marawi.
- Des objets du quotidien collectés à travers toute la cité (outils en acier ou en bronze, statuettes, poteries, bijoux, vaisselle, etc.)
- Une large pièce de bronze tordue identifiée comme l'aileron manquant de SCP-365-FR-02, arraché lors de l'incident "Avalon". Une portion de l'objet semble avoir partiellement fondu comme suite à une exposition brutale à une importante source de chaleur concentrée. La portion brûlée porte une inscription en caractères guèzes profondément gravée dans le métal dont la reproduction se trouve ci-dessous :
የምድር ልጆች ዛሬ አይደለም ፡፡ ለእናንተ ሰማይ ድንበር ትሆናላችሁ - ቲ.