Objet no : SCP-359-FR
Niveau de Menace : Jaune ●
Classe : Sûr
Procédures de Confinement Spéciales : SCP-359-FR doit être contenu dans un caisson parfaitement hermétique, réfrigéré à une température de 7°C. L’objet présente un risque biologique conséquent, et doit par conséquent être traité selon la procédure classique mise en place pour les anomalies infectieuses. Pour rappel :
Toute ouverture du caisson de confinement, et toute manipulation de l’objet doit être réalisée en laboratoire biologique, qui devra être aseptisé immédiatement à la fin des tests.
Toute manipulation de l’objet par le personnel doit être réalisée en tenue de protection bactériologique intégrale.
L’équipe de recherche doit rester sous contrôle médical constant, et pourra être mise en quarantaine sur simple décision du directeur de recherche.
Description : SCP-359-FR désigne un masque de médecin de la peste français daté du XVIIème siècle, récupéré par la Fondation en 1905 dans une tombe anonyme de l'église Saint Laurent de Marseille.
L’objet présente une structure extrêmement complexe, articulée autour d’un cristal anormal (dénommé par la suite SCP-359-FR-A), caché au milieu du "bec". Celui-ci semble fusionner avec le cuir du masque selon un processus cristallin complexe, rendant son extraction impossible. SCP-359-FR-A génère un champ de dérégulation temporel local, actif à moins de trois centimètres autour du cristal.
L’artefact présente un comportement variable en fonction de sa température : à froid (en dessous de 58°C) celui-ci semble fortement diminuer l’écoulement du temps dans son champ d’action. À l’inverse, à chaud (au-dessus de 58°C), l’écoulement du temps semble grandement s'accélérer à sa proximité.
La première chambre, dite "chambre d’infection" est placée à l’avant du bec. Elle comporte une plaque organique accrochée à la paroi proche de SCP-359-FR-A, plaque se composant de tissus humains en état de régénération constant.1 Cette chambre abrite également une culture de Yersinia pestis peu virulente, possédant une mutation (a priori non anormale) les rendant moins sensibles à la dessiccation et permettant une possible propagation aérienne. La plaque organique assure la survie et la prolifération de la bactérie. Lors de l’activation de SCP-359-FR-A, la génération subite de bactéries et la régénération constante de la plaque organique génèrent une légère surpression dans la chambre, poussant une partie de l’air contaminé par la bacille à s’échapper par l’un des deux conduits d’aération de la chambre, reliés à deux trous présents à l’avant du masque à la façon de deux cavités nasales, pour diffuser la bactérie dans l’air ambiant.
La seconde chambre, nommée "chambre antibiotique", est située à l’arrière du masque. Elle comporte également une plaque organique proche de SCP-359-FR-A, composée non pas de tissus humain, mais de chair de Beta vulgaris (betterave sucrière), en état de régénération constante là aussi2. Cette seconde plaque permet la survie et la prolifération d’une colonie de Streptomyces griseus. Lors de l’activation du cristal, on observe également une génération importante de bactérie et une suppression, expulsant l'air dans un conduit d’aération.
Le conduit est cette fois relié à un processus de filtre anormal3 extrayant et libérant des particules de streptomycine dans une seconde chambre, reliée à l’intérieur du masque et à deux conduits d’aération situés sous le masque.
Ce processus permet à l’utilisateur du masque de respirer, tout en lui assurant une couverture antibiotique fiable contre la peste bubonique due à Yersinia pestis.
Addendum : Retranscription modernisée de la lettre du 10/09/1720, de M. Louis-Philippe Gonsieux à M. Claude-Jean-Baptiste Dodart, intendant royal aux curiosités organiques pour le Fonds de Versailles.
Monsieur Dodart, C’est avec la plus grande tristesse que je vous écris cette lettre, sans doute la dernière qu’il me sera donnée de vous écrire. Notre collaboration au service du Fonds de Versailles fut aussi longue que prospère, mais je me sens malheureusement faiblir : tout a une fin, et je sens le Seigneur me rappeler à lui. Ce fut un plaisir et un honneur de travailler avec vous, et d’avoir pu côtoyer un homme de bien tel que vous ; je n’aurais jamais pu espérer meilleur mentor. Malgré quelques problèmes que j’évoquerai plus tard, je tiens à vous annoncer que ma dernière affaire, même si elle me coûtera vraisemblablement la vie, reste une réussite : votre disciple n’a jamais failli à sa tâche.
Le 19 juillet 1720, j’ai porté mon attention sur M. André Chataud, à la suite d’accusation de la part de plusieurs de ses confrères. J’estimais alors ces remarques comme de simples marques de jalousie, inhérente à la profession ; grand bien m'a pris de ne pas céder à la feignantise sur cette affaire !
Je me suis présenté à lui comme un simple érudit de passage, bloqué tout comme lui dans la ville lépreuse ; une bonne âme et même un admirateur, prêt à l’aider et l’accompagner dans ses soins aux malades, par charité chrétienne comme par ennui. La flatterie a sur lui un effet dévastateur, il est indéniable que le docteur cherche l’admiration… Mais quel homme est ici bas exempt de tout défaut ?
Au premier abord, M. Chataud a tout de l’homme bien : respecté, même aimé des habitants de la ville de Marseille, le bon docteur fut l’un des premiers à servir contre la terrible épidémie qui sévit dans la ville. Admiré avant tout pour sa dévotion à soigner les malades, celui-ci ne semble pas se préoccuper de l’argent, et traite avec grand cœur et grande efficacité noble comme miséreux, allant de demeure en demeure (les hospices sont déjà pleins) visiter le peuple pour lui prodiguer ses soins. On me le décrit comme un homme plein de ressources, à l’esprit vif et à discussion plaisante, ainsi qu’un bon chrétien ; vous l'aurez compris, M. Chataud avait tout, à première vue, d’un sujet exemplaire. J’ai le malheur de vous annoncer qu’il n’en est rien : cet homme est un véritable monstre, un diable sous un sourire d’ange ; on l’a pendu hier.
Ses méthodes n’avaient rien de révolutionnaire ni même d’étrange, mais force de constater que ses patients présentaient un taux de survie bien supérieur à la moyenne. L’infection semblait vite moins virulente chez ses patients, même si la peste ne quittait que rarement totalement les foyers qu’il visitait. Il est vrai que la chose pouvait sembler quelque peu étrange, mais peu de gens survivent à suffisamment de pestes pour pouvoir y définir ce qui est anormal ou pas. j’allais conclure mon enquête par un simple non lieu et j'avais décidé de rendre visite une dernière fois au docteur, à son office.
C’était la première fois que je m’y rendais, nos entrevues commençant habituellement à la porte de ses patients. il m'accueillit avec un grand sourire. Il parut réellement peiné de me savoir sur le départ, alors que je prétextais un quelconque appel des échevins nécessitant mon érudition.
Il me retint tout de même pour un dernier verre, que je ne puis refuser. C’est en profitant de son absence pour aller chercher cette bouteille que je découvris toute l’ignominie de la chose. Dans un placard, un journal couvert d’inscriptions ésotériques, blasphématoires, impies. Notre médecin n’a jamais été un grand combattant et je l’ai rapidement maîtrisé à son retour, à sa plus grande surprise. En fouillant son office, j’en découvris rapidement bien d’autres, tous de sa main. Tout d’abord confronté, il ne parla pas. Armé d’un tisonnier chauffé, sa langue se délia rapidement. Cet homme est fou. Aveuglé par un désir malsain de reconnaissance, celui-ci a plongé dans le péché pour nourrir son propre orgueil : monsieur, c’est cet homme qui diffusa, ou tout du moins amplifia l’épidémie de peste dans la ville. Il le fit pour le simple plaisir d’avoir un ennemi à combattre, d’être un héros auprès du peuple : un titre qui ne s’obtient qu’en combattant un péril à la hauteur de la gloire que l’on cherche, élément que notre médecin avait bien compris.
Pour le reste, ses propos étaient pour la plupart incohérents : l’homme prétend entendre des voix, qui lui aurait dicté les étapes pour réaliser “sa création”. Il me confessa l'astuce : C’est son masque de médecin lui même qui diffusait l’engeance, tout en le protégeant de l'infection (vous trouverez plus de détails sur cet aspect dans le document joint) [Note : document conservé aux archives]. Quelle ironie malsaine ! Moi qui espérais trouver de quoi vous offrir les grâces du Régent, me voici coincé avec un objet maudit, un semeur de peste !
En dépit de sa constitution remarquable, je ne pouvais décemment laisser son masque ainsi, ni prendre le risque de le ramener à Versailles : il me fallait le détruire ou l'enterrer.
Il me précisa sous les menaces que l’objet n’était actif que lorsqu'il chauffe, ainsi n’ai-je pas essayé de le brûler. J’ai réussi à trouver un ferronnier encore sain ; j'ai ensuite fait scellé l’objet dans une boîte d’acier épais, aux interstices soudées. La boîte repose dans un cercueil, scellé lui aussi, que j’ai fait mettre dans l'une des tombes de l’église Saint Laurent, avec la complicité de Monseigneur de Belzunce, qui sera par la suite votre interlocuteur sur cette affaire. Il me coûte d’impliquer les affaires papales dans cette affaire, mais il s’agit là d’un homme de confiance, et l’un des rares interlocuteurs présents apte à comprendre les enjeux qui nous animent. Personne ne doit ouvrir cette nouvelle boîte de pandore, sous aucun prétexte. La fraîcheur de la crypte ainsi que mes mesures de confinement devraient suffire à neutraliser l’engeance, et la complicité de l'évêque devrait lui éviter l’ossuaire à coup sûr : nous somme à l'abri d’une découverte impromptue, personne ne rouvrira jamais cette tombe.
Malheureusement, je dois aujourd'hui vous laisser la gestion future de cette affaire.
Par manque de chance, ou par la chaleur dégagée par le ferronnier lors de sa besogne, je suis au regret de vous annoncer avoir contracté la maladie à mon tour. Je doute voir arriver l’hiver cette année, et je finirais vraisemblablement comme ces malheureux, corps anonyme pour la fosse. Vous trouverez, en annexe de ce document, un testament ainsi que plusieurs lettres personnelles, que je vous demanderais s’il vous sied de bien vouloir transmettre à qui de droit, en guise de dernier paiement.
Bien entendu, j’aurai voulu vivre plus, vous servir plus, mais je pars sans regret et en bon chrétien, Monseigneur de Belzunce m’a promis l'extrême onction. J'ai fait ce qu’il fallait faire, je suis en paix avec mes actes.
Bien à vous,
Louis-Philippe Gonsieux,
délégué extraordinaire de la surintendance royale
du Fonds de Versailles.