Objet no : SCP-3004
Classe : Neutralisé
Procédures de Confinement Spéciales : La menace générée par SCP-3004 est restée neutralisée. Le confinement de SCP-3004 ne consiste qu’en la capture d’artefacts trahissant l’existence des Cétlaidí. Les sites archéologiques en Irlande et au Pays de Galles doivent ainsi être surveillés de près. Les artefacts doivent être saisis, catalogués et incinérés.
Tout ce qui concerne SCP-3004 doit être traité par le Département de Théologie. Le directeur Clark doit être prévenu si un événement potentiellement lié à SCP-3004 se produit.
SCP-3004-1 est supposé détruit, ou du moins dissuadé d’interférer avec le plan matériel, et ne nécessite plus de mesure de confinement.
En raison de son lien avec SCP-3004, toute information à propos de l’existence de Cicadetta luculenta doit être détruite dès sa découverte, et les civils concernés amnésiés.
Description : SCP-3004 désigne une série d’événements anormaux liés à un culte druidique connu sous le nom de Cétlaidí, ou les "Chanteurs". Ils eurent lieu en majorité en Irlande entre le XVe et le début du XIXe siècle. Le culte s'articulait autour du cycle de vie de l’espèce Cicadetta luculenta, désormais éteinte.
En raison des actions combinées de différents groupes précédant la Fondation (dont la Congrégation Vaticane pour les Actions d’Outre-monde et la Société Royale d’Incarcération des Anormalités), toutes les informations sur SCP-3004 et sur les Chanteurs ont été détruites afin de confiner SCP-3004-1. Avec la "destruction" de SCP-3004, l’entité SCP-3004-1 devint inactive.
Les événements SCP-3004 s’articulaient autour de l’imagerie associée aux rites des Chanteurs. Ils se produisaient généralement durant la célébration du passage d’un enfant à l’âge adulte, caractérisé dans le culte par la perte de la première dent de lait. Ces événements sont supposés mener à l’entrée de leur divinité, désignée SCP-3004-1, dans l’espace-temps local. Les évènements SCP-3004 sont supposés être les manifestations des tentatives d’interaction avec le monde réel de SCP-3004-1. La date à laquelle SCP-3004-1 a commencé à réagir au culte des Chanteurs est inconnue.
S’il subsiste des signes de différents événements SCP-3004, peu de comptes-rendus existent encore. Les documents picturaux liés à SCP-3004 montrent des spécimens de Cicadetta luculenta sortant des orifices faciaux, causant la plupart du temps une asphyxie. Un document rapporte l’apparition d’une instance anormalement grande de Cicadetta luculenta (supposée être SCP-3004-1) dans le ciel, provoquant l’apparition de furoncles aux témoins oculaires, ainsi que des symptômes s’apparentant à une irradiation. Malgré cela, les Chanteurs continuaient supposément leurs rituels durant les évènements SCP-3004, cet élément ayant été considéré comme entraînant la nécessité de leur destruction.
SCP-3004-1 était une entité ayant interagi avec les Chanteurs au travers de leurs rituels, provoquant des événements SCP-3004. Peu de choses sont certaines quant à la nature de SCP-3004-1. Il est supposé que l’entité fusse une forme de pensée ou un être extra-dimensionnel, capable de répondre fortuitement aux rituels des Chanteurs. Aucune information ne permet d'affirmer à l’heure actuelle que SCP-3004-1 est davantage qu’une entité pistiphage de Niveau 3.
En raison de la nature intime du sujet (je connais sûrement, si Dieu le veut, tous ceux qui liront ceci, comme ceux-ci me connaissent) et son état actuellement neutralisé, je vais garder les fioritures académiques au minimum. Je n’ai ni l’envie, ni le besoin d’impressionner qui que ce soit ici. Vous êtes mes collègues, et je pense que nous savons tous qu’il est inutile de cacher ce que dissimulent les galimatias et les manœuvres.
3004-1 est une divinité, si vous souhaitez le définir ainsi. Une divinité est une créature de règles, de rituels et de foi. Assurément, son existence ne trouble pas ma piété. Rien ne la remet en cause, encore moins une forme de pensée attirée par les cigales et la verdure. Elle n’est ni infinie, ni omnisciente, loin de là. Ses limites sont même bien visibles. La couper de quelques rituels et de ses croyants a suffi à faire cesser ses activités. Il n’y a eu aucun autre événement constaté. Pas même un bruit.
En toute honnêteté, le peu qu’il nous ait parvenu de l’histoire des Cétlaidí (les Chanteurs en anglais courant) est assez intéressant. Construit autour de Cicadetta luculenta, son apparente résurrection et tout ce que vous voulez, ce n’était pas qu’un culte druidique marginal. Il était national. Il comprenait des membres respectés de la société. On en retrouve des traces en Écosse et au Pays de Galles. Bien évidemment, l’Église catholique, dans son éternelle et ineffable sagesse (puisse Dieu le père me pardonner de blasphémer contre Sa véritable Église sur Terre, etc. etc.), a tenté de les faire rentrer dans son moule avant l’inévitable usage de la force. Avant l’éradication complète des Cétlaidí de la surface de cette Terre dans un acte de barbarie sans précédent, avec un usage d’objets anormaux que beaucoup qualifieraient au mieux d’imprudent, au pire d’inconscient (puisse le Conseil O5 me pardonner pour cet affront aux ancêtres de la Fondation, etc. etc.), les paroisses de certaines zones rurales d’Irlande semblait souvent davantage Chanteuses que chrétiennes.
Voilà tout ce que nous savons. Tout ce qui reste. L’éradication de leurs rituels, de leur culture, de leur impact sur l’Irlande et le monde fut balayé avec une rigueur alarmante. Certainement pas sans précédent, mais je vous rappelle que tout ceci a eu lieu à la fin du XVIIIe siècle. C’était l’acte désespéré d’une balbutiante esquisse de ce que nous sommes devenus. Sévère et inconscient, sans aucun doute, mais je ne peux pas affirmer que nous aurions agi autrement vu le peu que nous savons des effets de 3004-1 sur notre plan matériel. Bien sûr, en prenant en compte l’opinion des anglais de l’époque par rapport aux irlandais, ce n’est pas si cynique de penser que la Société Royale apprécia l’opportunité de détruire la culture et l’impact des Cétlaidí.
Leur destruction fut si entière que l’extinction de Cicadetta luculenta, familièrement connue sous le nom de la "cigale vitrail", devint une opportunité d’effacer jusqu’à leur créature sacrée de la mémoire des hommes. La déforestation en Irlande, évidemment, mena à la disparition de l’espèce, mais l’on peut formuler l’hypothèse d’une extinction plus manuelle. Ceci n’est évidemment que des spéculations. Peut-être que l’animal suivait seulement la divinité. Tout cela témoigne en tout cas de la peur qu’elle inspirait, si la Société Royale et la Congrégation ont acté la destruction d’une espèce entière. Une créature inoffensive, cousine de la petite cigale montagnarde. Peut-être craignaient-ils que privé de rituel, 3004-1 se manifesterait à travers elles. L’idée est loin d’être ridicule. Il y a un lien fort entre croyance et fait. Peut-être même que leur peur l’aurait permis.
Vu la position de certains Cétlaidí dans la société, nous pouvons supposer que la connexion ressentie par 3004-1 avec leurs rituels est le fruit du hasard. À mon avis, il n’existe aucune raison d’affirmer que cette entité est reliée aux Cétlaidí et à leurs croyances. Quelque chose dans leurs rites, je suppose, les connecta à la chose, et celle-ci s’adapta à leur foi. Peut-être existe-t-il de nombreuses créatures semblables, quelque part. Je doute qu’une entité comme celle-ci soit unique, même si je n’ai rien qui appuie cette idée si ce n’est la certitude de l’instinct. Grâce à ces rites répétés, à travers leurs croyances, elle fut capable d’agir sur notre plan. Et elle devint l’incarnation de ce qui l’avait formé.
Aussi, il est inutile de penser a priori que 3004-1 est malveillant. Il est maladroit de penser les entités de cette sorte en termes de bien ou de mal. Vu la focalisation des Cétlaidí sur la vie, la mort et l’image de la mort du Christ sur sa croix, le fait que 3004-1 se manifeste violemment semble raisonnable. Elle parlait la seule langue qu’elle connaissait. Une langue de sang, de bois, de verre et de sacrifice. Peut-être que la violence de ses manifestations, ou les événements associés aux rituels 3004, étaient le fruit de l’interprétation de l’asservissement des irlandais à l’époque par 3004-1. Il n’y aucune raison de réfuter l’hypothèse selon laquelle les vies de ses disciples étaient aussi importantes pour l’entité que leur culte. Le langage de mort et de renaissance de la cigale, la flagellation des rites catholiques (surtout à cette époque) et les rituels Cétlaidí ont pu mener à cette violence, à la sévérité de tout ça.
Face à leur dieu, une terrible chose semant la discorde, il n’existe aucun témoignage de leur réaction. Seule leur destruction nous est parvenue. Il est facile d’imaginer à quel point ils ont été horrifiés, mais s’il y avait besoin de les anéantir, ils ont très bien pu également suivre les caprices de l’entité. Rien de ce qui a été trouvé ne permet de désigner une hypothèse comme vraie.
Encore une fois, tout ceci n’est que conjectures. Nous n’en savons tout simplement pas assez sur l’objet pour prendre d’autre mesure que le seul fait d’empêcher son retour. Je ne pense pas que nous serions incapables de faire face à quelque chose de cette nature au vu de nos technologies actuelles, mais il est préférable de ne pas réveiller un géant endormi. Considérant tout ce que l’on sait, je ne peux pas offrir d’autres conseils. Quand nous trouverons quelque chose qui aura échappé à nos prédécesseurs, nous le cataloguerons, tâcherons d’apprendre ce que nous pouvons sur ce que nous avons détruit et passerons à autre chose.
Une instance de SCP-3004-2.
Objet no : SCP-3004
Classe : Keter
Procédure de Confinement Spéciales : Toutes les communautés susceptibles d’héberger un évènement SCP-3004 doivent être surveillées. La surveillance doit chercher des hausses des taux de décès ou de présence dans les lieux de culte. Si une communauté s’avère avoir hébergé un ou plusieurs évènements SCP-3004, tous les civils affectés devront être amnésiés. Toutes les morts ou blessures survenant durant un évènement doivent recevoir un scénario de couverture crédible. Une personne connue pour avoir été impliquée dans un évènement SCP-3004 ne doit jamais être envisagée pour un emploi dans la Fondation, au sein de la Classe D ou des autres.
La FIM Y-99 "Les enfants de Chœur" est chargée d’intervenir contre les évènements SCP-3004 en cours lorsque cela est possible et d'y mettre un terme par tous les moyens.
Toute observation d’un spécimen de SCP-3004-2 doit être rapportée au Département de Théologie. Les images de SCP-3004-2 doivent être désignées comme étant des canulars ou être détruites si possible. Toutes les instances de SCP-3004-2 trouvées dans la nature doivent être détruites afin d'éviter tout événement SCP-3004 futur. Depuis le début du Projet TOURISME-LUX, les instances de SCP-3004-2 ne doivent pas être traquées. Toute tentative de destruction doit avoir lieu avant leur disparition.
Plus aucune tentative de contact avec SCP-3004-1 ne doit être réalisée. SCP-3004-1 est confiné par le nettoyage systématique des évènements SCP-3004 et la destruction des instances de SCP-3004-2.
Actuellement, tout l’effort de confinement est concentré sur la réduction des effets des évènements SCP-3004 s’étant déjà produits. Si l’arrivée de SCP-3004-1 dans notre plan matériel est inéluctable et inévitable, le protocole Damnatio ad Bestias doit être enclenché.
Description : SCP-3004 désigne une série d'évènements anormaux apparaissant dans des communautés catholiques, catholiques orthodoxes, anglicanes et épiscopales. Les évènements SCP-3004 se produisent sans aucun schéma de corrélation avec la population ou un autre élément que la religion. Bien que les évènements SCP-3004 soient variés et présentent peu de similitudes, la présence systématique de SCP-3004-2 montre une connexion.
Les évènements SCP-3004 sont des rituels conduits par des individus non-anormaux dans leur lieu de culte. Malgré des différences flagrantes avec les rites religieux chrétiens, les individus impliqués dans un évènement SCP-3004 présentent une grande hésitation à arrêter le déroulé du rituel, même si celui-ci implique l’automutilation de l’individu. Aucune personne présente dans le lieu de culte dans ce but n’interviendra pour arrêter le rituel, même si les actions s'opposent à leur code moral.
Les personnes souffrant normalement d’entomophobie ne présenteront aucun signe de peur à la vue des instances de SCP-3004-2 impliquées dans le rituel. Les morts survenant à cause des rituels SCP-3004 seront considérées comme des morts naturelles, peu importe ce qui a été fait à l’individu concerné. Les témoins d’un rituel SCP-3004 voient leur foi renforcée et chercheront à convaincre leurs proches de les accompagner à leur lieu de culte.
- L’abattage d’un enfant présentant des stigmates typiques d’où rampèrent des instances de SCP-3004-2. L’enfant décéda lorsque le prêtre officiant arracha la jugulaire de l’enfant avec ses dents. Un nombre important d’instances de SCP-3004-2 sortirent des blessures jusqu’à six heures après le décès.
- L’arrachage forcé des dents du prêtre officiant par douze enfants. Les enfants et le prêtre se mirent ensuite à vomir des instances de SCP-3004-2. Les dents furent offertes aux paroissiens en guise d’hosties plus tard durant la messe.
- La castration violente de tout individu mâle pubère. Les tissus des scrotums furent rassemblés, disséminés parmi les fidèles et portés autour du cou comme scapulaires. Les individus castrés imitèrent ensuite le chant d’une cigale non-identifiée avant de mourir d’exsanguination. Il est supposé que ce chant soit celui de Cicadetta luculenta. Des instances de SCP-3004-2 furent observées en train de déplacer des testicules abandonnés.
- Une femme enceinte fut choisie par la congrégation et amenée sur l’autel. Elle y fut installée et donna naissance à plus de 60 instances de SCP-3004-2 ainsi qu’un enfant mort-né portant une couronne de bois. La couronne fut brûlée et le corps consommé.
Les instances de SCP-3004-2 ressemblent à l’espèce éteinte Cicadetta lucluenta, avec un motif beaucoup plus coloré sur les ailes que les descriptions qui en ont été faites. Malgré une apparence d’organisme vivant, les instances de SCP-3004-2 sont principalement composées de bois et de verre. Il n’est pas défini à l’heure actuelle si les instances de SCP-3004-2 sont responsables des événements SCP-3004, ou l’inverse. Pendant les événements SCP-3004, des instances de SCP-3004-2 sont visibles au premier plan des rituels. Après un rituel, les instances de SCP-3004-2 quittent le lieu de culte et disparaissent après avoir volé à au moins six cents mètres du lieu de l’événement. Cette disparition est supposée être la manière dont les instances de SCP-3004-2 retourne à SCP-3004-1, soit pour le nourrir, soit pour recevoir de nouveaux ordres.
Il semblerait que SCP-3004-2 soit le mécanisme par lequel SCP-3004-1 collecte la "foi" de ses adeptes, lui permettant de se nourrir. La raison pour laquelle la précédente incarnation de SCP-3004-1 n’avait pas besoin des instances de SCP-3004-2 est inconnue. Le Projet TOURISME-LUX a révélé que SCP-3004-1 a créé les instances de SCP-3004-2 en "remplacement" de Cicadetta luculenta.
SCP-3004-1 est l’entité contrôlant les instances de SCP-3004-2 et supposément nourrie par les rituels SCP-3004. SCP-3004-1 est une entité pistiphage de Niveau 6 existant dans une dimension partiellement dans notre réalité et majoritairement "au-dessus". Depuis cette dimension, elle est incapable de se manifester directement dans notre plan. Cependant, si elle reçoit assez de "foi" par les instances de SCP-3004-2, SCP-3004-1 est capable d’entrer dans notre réalité, ce qui causerait un scénario de fin du monde de Classe XK, en raison de la brutalité des événements SCP-3004.
SCP-3004 se considère comme la divinité adorée par la chrétienté. Par ce fait, il est supposé que la piété des religions chrétiennes, en particulier anglicane et catholique, s’est mêlée aux croyances des Cétlaidí de telle manière que leur destruction poussa SCP-3004-1 à se nourrir de la communauté restante la plus familière.
Si SCP-3004-1 entre dans notre réalité, le protocole Damnatio ad Bestias doit être enclenché. Il implique l’utilisation d’objets de Classe Thaumiel et d'amnésiques en masse afin d’effacer la chrétienté de l’histoire. Coupé de sa principale source d’alimentation, il est supposé que ce protocole puisse neutraliser complètement SCP-3004-1.
Addendum : Il a été noté que SCP-2852 a cessé d’apparaître après la première occurrence d’un événement SCP-3004. Par les similarités entre les deux manifestations, il est supposé qu’ils soient liés. Tout le personnel assigné à SCP-2852 a été réassigné à SCP-3004.
Pour l’enregistrement, je suis l’Agent Timothy Luttermann. Je suis un membre de la Force d’Intervention Mobile Sigma-25. On s’appelait les "Ghostbusters" entre nous. Pur être franc, j’ai jamais compris pourquoi. Dans l’absolu, c’est nous qui sommes devenus des fantômes.
Désolé, je divague. Je suis en pleine redescente de tout ce qu’on s’injecte pour être capable de s’évader. La vue un peu trouble, vous voyez de quoi je parle ? Cette merde me fout toujours les jetons. Pour l’enregistrement, la FIM S-25 est le résultat du Projet TOURISME, un projet pour, en gros, utiliser la projection astrale pour pouvoir, hum, mieux confiner certains skips. Ce genre de truc. Genre, des trucs où on peut pas envoyer un humain ou un drone, ce qui arrive plus souvent dans le métier que ce qu’on imagine.
Le Projet TOURISME-LUX utilisait la technologie TOURISME et l’ésotérisme pour, en gros, allez voir la grosse bestiole.
Du coup, avant d’y aller, j’ai lu le rapport sur 3004. Putain de truc. Le genre de machin qui te reste sur l’estomac rien qu’en y repensant. Tu connais pas la peur avant d’être une âme désincarnée qui flotte autour et dedans et dessus et dessous une abomination inconcevable.
La méthode pour y aller était assez simple. Je sais pas comment ils ont fait, mais ils ont capturé une 3004-2. Ils avaient juste à la laisser sortir et je me m’y suis accroché. Un peu comme un mouchard. Non, pas ce genre de mouche, je parle des trucs qui te permettent d’écouter ce que tu es pas censé entendre.
L’intérieur ? Là où ça vit ? C’est vide, il y a seulement ça, et il y a les insectes. Sauf que c’est pas les insectes comme tu les vois. C’est les insectes comme ça les voit. Et il y a tellement de couleurs, on dirait un cauchemar de Jackson Pollock éclaboussé sur les ténèbres.
Mais, c’est pas les ténèbres. C’est rien. Ce truc vit dans rien. Je peux pas le décrire, mais il y a rien d’autre que ça et les insectes. Et moi, je suppose. Je dirais qu’il faisait froid, mais c’est une sensation, froid. Ouais on peut dire que le froid c’est l’absence de chaleur, mais là c’était l’absence de tout.
C’est dur de le regarder, 3004-1. C’est juste trop gros. Et c’est juste en train de se réveiller. Je m’en suis rendu compte en le regardant. Vous voyez ce moment où vous êtes à moitié réveillé et que vous restez au lit pendant des heures ? Je sais pas, je suis peut-être juste dépressif. Mais c’est ce que c’est en train de faire. Ça glande. Les événements 3004 c’est juste ce truc qui demande 5 minutes de plus avant de se lever en regardant le plafond. Je veux pas qu’il se réveille. Je pense qu’à ça, et d’un coup il me voit.
C’est un insecte, et c’est un vieil homme. Et c’est une cigale crucifiée, puis c’est un vitrail et du bois qui s’étendent à l’infini. C’est bien trop de choses pour essayer de tout voir d’un coup. C’est comme si on te passait toutes les images d’un diaporama d’un coup. Ça se chevauche, et ça fait si mal de le regarder. Et puis ça parle, et ça fait encore plus mal.
Un truc qu’il faut que vous compreniez, c’est que c’est pas possible de parler à ces trucs avec des mots. Vous avez pas une conversation. Ça vous balance un rayon de pensées, de concepts, de mondes, et c’est à vous de filtrer la merde pour récupérer un truc intelligible. J’en ai déjà rencontré des loquaces, mais là c’était autre chose. C’était trop.
Ça pense que c’est Dieu. Pas un dieu. Dieu Dieu. C’était si content de me voir. Mais d’une joie que je voulais le plus loin de moi possible. Ce n’était que sang et dents. Ça voit ce qu’on a. Ça voit ce qu’on croit. Je crois qu’il croit nous donner ce qu’on veut. Ça, ça ne comprend pas les métaphores. Ça ne comprend pas qu’on ne ressuscite pas.
Ça m’a demandé si ça nous avait manqué. Je crois qu’on l’a jamais neutralisé. Bordel, peut-être que si. Mais quand c’est parti dormir, ça devait penser que c’était une hibernation, ou genre une naissance. Genre ça pond un œuf et ça s’accouche soi-même. Peut-être que ça l’a amené à penser que c’était encore plus une cigale qu’avant. Et quand c’est revenu, ça nous a rendu nos insectes. En gros, il disait que c’était un cadeau.
C’est pas vraiment le protocole, je suppose, de répondre à ce genre de choses, surtout un truc comme ça. Mais j’ai essayé de lui dire qu’on ne voulait pas de ses cadeaux, que ça nous blessait. Je ne crois pas que ça a entendu. Ça voulait pas l’entendre. Je crois que ça a souri. Et c’est là que sa bouche s’est ouverte. C’est dur à décrire. Comme un arc-en-ciel qui s’étend à l’infini, avec des couleurs inimaginables à l’intérieur. Et tu te chierais dessus si tu avais un corps à ce moment-là. Et après j’étais une hostie qui tombe dans sa gueule. J’étais aussi le vin. Ça m’a pris, et ça a mangé.
Je suis tombé à travers, et c’était sans fin. C’était, hum, douloureux ? Mais pas le genre de souffrance qu’on est capable de comprendre. Une douleur de l’âme. Ça me sondait, cherchait de nouvelles choses. Je ne crois pas que ça récupère beaucoup de nous de là où il est. Comme regarder la télé avec une mauvaise antenne. C’était si heureux de me lire. J’ai senti ses antennes autour de ma première copine. J’ai senti ses dents mordre avidement dans mon dixième anniversaire. Ça a lapé les souvenirs de toutes les messes où je suis allé. Et il y en a pas mal. Je suis diplômé de théologie donc… C’est sûrement pour ça qu’ils m’ont choisi.
Je ne sais pas pourquoi c’est tout seul. Le rapport du Père Clark disait que cette créature aurait des semblables. Mais il n’y avait rien d’autre. C’est bien trop grand pour que quelque chose d’autre existe. C’était l’espace et le temps.
Je crois que je l’ai juste nourri. Je crois que ça l’a juste renforcé. Je sais pas. Tout ce que je peux dire, c’est qu’on ne devrait pas retourner là-bas. On ne peut pas argumenter avec ça, de toute manière. Et on en sait assez. N’y allez plus. On ne veut pas que ce truc en apprenne plus que ce que ça sait déjà. Et ça en sait beaucoup.
Le truc qui me fait le plus peur ? Si c’est pas Dieu, ça pourrait le devenir. C’est confiant. Et surtout, c’est tout ce qui existe. J’ai regardé, et il y avait que ça.
Lors de mon travail au Comité d’Éthique, j’ai toujours eu à cœur de mener ma vie selon la morale inculquée par le catéchisme de l’Église catholique. Et c’est une chose bien compliquée d’être catholique, à la Fondation et ailleurs. Pas à cause de préceptes compliqués, ou sévères. Mais parce que ça vous demande de croire en quelque chose que vous savez source de souffrance non-justifiée. Ça vous ronge.
Le Protocole Damnatio ad Bestias permettra au moins de faire table rase. Le judaïsme restera intact. L’islam ne perdra qu’un de ses prophètes, donc rien d’alarmant. Mais la chrétienté et tout ce qu’elle a fait, tout ce qu’elle a provoqué, disparaitra. Je ne m’en réjouis pas. Je voudrais qu’une autre solution existe, mais les événements 3004 deviennent de plus en plus fréquents. Le gros insecte sort son crâne de terre, et nous allons couper à ras.
Il est impossible d’affirmer ce qui se passera. On ne sait pas si tout sera annulé, ou si ce sera simplement une suppression. On ne sait pas si quelque chose va venir remplir le vide laissé ou s’il y aura un monde avec un grand trou. Même ça, ça reste tout de même mieux que le monde qui se dessine si nous n’agissons pas.
Le dieu cigale arrive, et il ne connaît pas la différence entre la vie et la mort. Les subtilités de la langue ne se traduisent pas bien là où il est. Une part de moi se languit de ce qu’on va lui faire, d’une manière très mesquine. Il y a une chance non-nulle que cette chose ait mangé mon Seigneur. Bien sûr, si Dieu le Père peut être dévoré, il ne serait pas mon Dieu. Mais quand même, mon humanité réclame le sang de ce qui l’a tué. Nous allons l’affamer.
Les tests préliminaires sont terminés. Le Protocole Damnatio ad Bestias va être enclenché dès que possible.
Et pour affamer ce dévoreur de Dieu, nous devons jeter l'un des nôtres aux Lions. Pour être fait martyr et pour en créer un. Pour damner et être damné. Pour devenir une serrure perpétuelle entre la bête et l’humanité et empêcher la cigale de se nourrir.
Pour utiliser une tournure moins poétique, nous avons trouvé un candidat convenable. Un plieur de réalité catholique. Le Comité n’autorise pas que nous mettions quelqu’un dans cette situation contre son gré, sans comprendre ce qui va lui arriver. Il sait et a accepté.
On dit que les Lions sont magnifiques. Douze appareils, tous à la pointe de la technico-eschatologie. Et ils ont vraiment l’air fiers et affamés. Le noir du carbone et le brillant du métal reflètent les lumières prismatiques. Et il ira au milieu d’eux. Ils ouvriront son crâne, son esprit. Toute la chrétienté, tout ce qu’il sait et ne sait pas, sera anéanti.
Dieu le Père nous a envoyé Jésus Christ, son unique fils, pour absoudre nos péchés et mourir sur la croix. Et nous, la Fondation, envoyons un des nôtres aux Lions défaire pour l’éternité ce pourquoi le Christ est mort. Une éternité de souffrance pour effacer un sacrifice. C’est injuste, mais qu’est ce qui ne l’est pas ?
Le Saint Père, comme vous devez le savoir, a récemment autorisé une nouvelle route vers la canonisation. Mourir pour sauver les autres. Ce n’est pas du martyr, qui signifie simplement mourir pour sa foi. C’est mourir éternellement pour toute l’humanité, tout ce qu’elle fut, est et sera. Ce sera le dernier et le plus grand des saints, et personne ne s’en souviendra.
Avant que les Lions éternels ne se nourrissent de lui, souvenez-vous, aussi longtemps que vous le pouvez, de la vie éternelle de Saint Jude le Damné, Bastion contre les Ténèbres. Et espérons que le prochain monde sera meilleur.
Puisse Dieu me pardonner. Si je commets un péché, je brûlerai au côté du dernier saint.
- Bridget Callaghan, Enfant de Dieu