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Crédits
Titre : SCP-213-FR - Les Vagabonds de la Forêt Sombre
Auteur : DrCendres
Date : 21 mai 2017
Objet no : SCP-213-FR
Niveau de Menace : Jaune ●
Classe : Euclide Supposément Neutralisé
Procédures de Confinement Spéciales : SCP-213-FR doit être conservé dans un espace de confinement automatisé, dont les directives doivent être régulièrement revues de façon à ce que le nombre de contes archivés soit optimal.
Le recueil doit être posé sur une balance suffisamment sensible afin de détecter l'apparition de chaque nouvelle page créée (poids de 12,4 grammes par page environ) de façon à ce que l'évolution soit retranscrite sous la forme d'une courbe lisible dans les bases de données du Site-██. Les données doivent être vérifiées manuellement et en personne par l'équipe de recherche toutes les semaines.
Le dispositif de "lecture" de SCP-213-FR consiste en un bras mécanique calibré de façon à tourner les pages des contes actifs avec un intervalle d'une quinzaine de minutes à chaque fois, ainsi que d'un appareil photo positionné au-dessus du manuscrit et se déclenchant toutes les minutes afin de créer un visuel archivable des contes.
Seuls les chercheurs affectés au projet sont habilités à s'introduire dans l'espace de confinement de SCP-213-FR, sauf autorisation exceptionnelle du Directeur de Site, et uniquement afin d'effectuer des mesures et des analyses relatives à l'objet anormal. Seront mises à la disposition du chef de projet : des ressources humaines diverses et modulables, incluant des experts des Départements de Langues Anciennes et Vivantes, de Littérature Fictive, de Faune et de Flore Anormale, ainsi que tout enquêteur de terrain disposant des renseignements et des capacités nécessaires afin de découvrir le lien entre notre réalité et la dimension décrite par SCP-213-FR.
Mise à jour du 20/05/2017 : Suite à l'Incident Ribera, les procédures de confinement spéciales de SCP-213-FR ont été mises à jour.
SCP-213-FR doit être placé dans un casier de stockage pour objet "Sûr" sur le Site-██ ; une vérification mensuelle doit être effectuée à la recherche d'une quelconque évolution de la situation, autrement SCP-213-FR ne doit plus être accessible aux employés de la Fondation sous quelque motif que ce soit, sauf procédure exceptionnelle.
Description : SCP-213-FR est un manuscrit relié de très grande taille, titré « Les Vagabonds de la Forêt Sombre : Peurs de notre Enfance », que la quatrième de couverture qualifie de "livre de contes pour enfant, à lire le soir avant de s'endormir". Chaque conte représente un récit tenant sur une ou plusieurs pages également illustrées, mettant toujours en scène un enfant piégé dans une forêt anormale, dont la localisation reste inconnue. Les contes sont évolutifs, ces altérations ayant été identifiées comme une mise sur papier, en direct ou en déphasé, des péripéties du protagoniste au fur et à mesure qu'il évolue au sein de son milieu. Le volume du manuscrit semble s'adapter de façon à pouvoir contenir un nombre indéfini de contes, en prenant en compte ceux apparaissant régulièrement en fin d'ouvrage.
Les entités SCP-213-FR-P sont les protagonistes des différents contes de SCP-213-FR, supposés humains et toujours âgés de 3 à 17 ans. Leurs pays et époques de provenance sont extrêmement variés, SCP-213-FR semblant capable de négliger les contraintes et délimitations, à la fois temporelles et physiques. Un certain nombre de fratries semble impliqué, se limitant toutefois toujours à deux individus. Certains profils et prénoms de protagoniste correspondent à des avis de disparition déposés dans divers commissariats du monde entier, parfois plusieurs dizaines d'années précédant l'écriture du conte associé.
La façon dont les SCP-213-FR-P seraient acheminés jusqu'à la Forêt Sombre n'a encore jamais été découverte, mais l'hypothèse privilégiée par l'équipe de recherche théorise le caractère extra-dimensionnel du lieu où se déroule la narration, ce qui limite les possibilités de recherche et d'expérimentation.
À chaque protagoniste est affecté une ou plusieurs pages, relatant dans sa langue natale les événements notables de son séjour au sein de la dimension, ceci jusqu'à ce qu'il meure ou n'en trouve la sortie. Selon l'issue du conte, les pages concernées seront modifiées en conséquence : la mort du protagoniste résultera généralement en une page illisible, rendant complexe l'archivage des différents récits contenus par SCP-213-FR. Toutefois, il a été établi que la longueur moyenne d'un conte était de 4 pages environ : rapportée au nombre de pages totales contenues par l'ouvrage [16 245 356 à dater de la mise à jour du 17/05/2017], cette valeur permet d'établir que le nombre de contes, donc de protagonistes, est de l'ordre de quatre millions au moins. SCP-213-FR dispose en général d'une petite trentaine de contes actifs, renouvelant sans cesse ceux qui se seraient terminés.
On ignore ce qu'il advient alors des SCP-213-FR-P, ces derniers n'étant vraisemblablement pas ramenés au sein de notre dimension une fois leur conte terminé. Les probabilités de succès pour un protagoniste ont été estimées à 9,31 % ; ce chiffre tend à comprendre principalement des groupes de SCP-213-FR-P unissant leurs efforts pour survivre. Il arrive ainsi que les protagonistes de certains contes actifs se rencontrent, à priori selon le hasard de leurs errances ; dans 80 % des cas, un cadre de coopération mutuelle s'instaure afin d'augmenter leurs chances de survie, contre 14 % de séparation volontaire et définitive bien que pacifique après un contact plus ou moins bref, et 6 % de pourcentage représentant les rencontres à issue violente voire létale pour l'un ou l'autre des protagonistes (incluant les tentatives de vol, de meurtre, de viol et de cannibalisme). Dans ces cas-là, la plupart des contes associés comporteront des passages de texte identiques.
L'environnement décrit par SCP-213-FR est semblable à celui d'une forêt en zone tempérée, dont la plus grande partie des espèces locales, végétales ou animales, aurait été sous l'effet un facteur de croissance leur conférant une taille supérieure à celle de leur équivalent non-anormal. L'atmosphère y serait "plus lourde, plus sombre et plus effrayante que toutes les horreurs du monde". Une cartographie approximative de la forêt en question est disponible au Département des Archives.
L'écosystème concerné abrite plusieurs espèces et entités anormales, voire endémiques, pour la majeure partie hostile aux SCP-213-FR-P. La liste des espèces connues ou partiellement identifiées, ainsi que leur désignation au sein de SCP-213-FR, est la suivante :
Les SCP-213-FR-AR, nommés "Les Arbres Nourriciers", appartiennent à une espèce spécifique d'arbres représentant approximativement un dixième de la population végétale de la Forêt Sombre. Chaque représentant abrite une colonie de SCP-213-FR-MO, des diplopodes géants désignés sous l’appellation "Les Moissonneurs", avec lesquels ils vivent invariablement en symbiose. Chaque spécimen adulte de SCP-213-FR-AR se trouve légèrement surélevé au-dessus du sol par l'enchevêtrement de ses racines, qui forme ainsi une cavité en dessous-du tronc pouvant abriter un petit corps humain.
Au centre de ce terrier pousse une variété spécifique de racines, qui dispensent une solution nutritive lorsqu'une pression quelconque leur est appliquée : les protagonistes usent généralement de cette propriété pour se sustenter et se désaltérer, bien que sa consommation induise une grande détresse émotionnelle chez les sujets. La substance se révèle être addictive sur très court terme, particulièrement pour les enfants en bas-âge, les protagonistes continuant à se nourrir sur les SCP-213-FR-AR des heures durant, même une fois leur faim rassasiée.
Lorsqu'un SCP-213-FR-AR est drainé en quantité suffisante de sa substance, la colonie associée de SCP-213-FR-MO se déploiera alors à la recherche de ressources à procurer à l'arbre, généralement sur un être vivant à proximité. Les diplopodes prélèveront petit à petit des fragments organiques sur leur cible, qu'ils iront régurgiter dans des orifices prévus à cet effet au centre de leur nid, jusqu'à ce que les réserves de leur SCP-213-FR-AR soient de nouveau complètes. Cela peut parfois mener à la mort de l'individu dont ils prélèvent la chair : c'est dans la plupart des cas le sort des protagonistes affaiblis par leur addiction et ne pouvant plus se détacher de sa source. Les pages de leur conte se retrouvent alors drainées de leur encre, les rendant illisibles.
Les chercheurs supposent que les SCP-213-FR-MO ne restituent à l'arbre que la chair et le sang de leur victime, et se nourrissent du reste du cadavre, y compris tout ce qui est cheveux, ongles, os et vêtements : en effet, aucun conte ne fait jamais mention de la découverte d'un corps, même partiel, sous un SCP-213-FR-AR ; simplement de petits objets, tels une épingle à cheveux ou une poupée.
Extrait du conte de Julan Quispe, 5 ans
Alors, comme le nourrisson tétant sa mère au sein, Julan se mit à lécher goulûment les racines miraculeuses, avalant avec une énergie nouvelle ce liquide plus doux que le lait et le miel, plus amer que la sève et le sang. Le goût était immonde, lui arrachait la gorge : mais la faim fut plus forte, et malgré le besoin presque vital de s'en détacher et de rendre, il ne trouva pas la force d'abandonner cette source de nourriture ; cette sensation, si intimement logée, que l'on violait son libre arbitre et qu'il ne pouvait rien y faire, le fit pleurer et gémir.
Les secondes passèrent, puis les minutes, les heures… Et toujours Julan tétait les mamelles végétales, les mains tremblantes et les yeux larmoyants.
Une douleur le prit au mollet, mais il ne cessa pas pour autant de se sustenter. Lorsqu'elle devint plus violente toutefois, trouvant des échos en divers endroits de son corps, il jeta un coup d’œil en direction du sol, la racine toujours en bouche.
Et, sur sa jambe, il vit un insecte prélever un lambeau de peau, après avoir déchiré le vêtement.
Terrifié, le petit sursauta et voulut s'éloigner : mais un besoin impérieux le forçait à continuer à se nourrir. Une seconde douleur le prit au bras, au torse, au cou : et sans discontinuer, Julan, tout en se nourrissant, nourrissait la forêt, faisant don de son corps comme un véritable héros.
Bientôt, le bambin avait rendu à l'arbre tout ce qu'il lui avait emprunté, s'acquittant de sa dette.
Les pages du conte furent alors drainées de leur encre.
SCP-213-FR-NA, nommé "Les Natifs", désigne une espèce supposée appartenir au règne des primates, dont la taille excéderait les huit mètres de haut. Leur régime alimentaire est exclusivement végétarien, et se compose en grande partie de feuilles et d'écorces d'arbres, ainsi que de racines. Malgré leur taille particulièrement remarquable, ces créatures se camouflent naturellement au sein de leur habitat, du fait de leur fourrure sombre et de leur rythme de vie extrêmement lent.
Les instances de SCP-213-FR-NA, si elles n'ont jamais démontré ni capacités de communication avec autrui, ni intelligence particulière, sont toutefois dotées d'un sens de l'art et de l'esthétique, peut-être même du sacré. En effet, leurs territoires sont souvent décorés de nombreux ustensiles n'ayant, à priori, aucun autre objectif que celui d'embellir les environs de leur antre.
Les entités ne poursuivent pas activement les protagonistes, et ne semblent pas leur vouloir de mal à proprement parler : les implications de leurs actions paraissent échapper à leur compréhension, leur intérêt ne sera motivé que par leurs besoins naturels, ainsi qu'une curiosité vivace et une recherche de l'esthétique. Elles manifestent ainsi une fascination tout à fait particulière pour les têtes humaines, et n'hésiteront pas à s'en procurer directement sur les protagonistes qui passeraient à leur portée, délaissant le reste du corps. La mention au sein de certains contes de figures de bois taillées sur lesquelles seraient posées les têtes, induit que ces créatures sont davantage intéressées par les propriétés décoratives de leur nouvelle acquisition, plus que par la volonté véritable de faire du mal ou de tuer.
Les SCP-213-FR-NA ne cherchent jamais à capturer un protagoniste qui fuirait devant eux, et semblent dépourvus de tout instinct de chasseur : la plupart des morts liées à cette espèce sont le produit d'accidents, un protagoniste peu attentif à son environnement ou ayant mal sélectionné son lieu de repos. Les pages de leur conte voient alors leur entête, représentant 30 % de la feuille, être séparée du reste de la page et disparaître en résidus microscopiques, rendant le texte partiellement illisible.
Extrait du conte d'Emma Thompson, 10 ans
Un craquement sinistre au dessus de sa tête tira Emma hors des bras de Morphée.
Affolée, notre héroïne ne vit tout d'abord pas la menace qui la guettait depuis les cieux. Elle n'en prit conscience que lorsque le corps sans vie de sa petite sœur s'écrasa à ses côtés ; et, tétanisée, la jeune fille réalisa alors qu'elle n'avait plus de tête.
Les yeux levés, Emma n'aperçut qu'une énorme main, se détachant sur les contours du ciel, s'avancer vers elle implacablement.
En hurlant, pour exorciser la peur plutôt que par pur effroi, elle se jeta sur le côté et se mit à courir, prenant avec sagesse le parti de la fuite. Un coup d’œil derrière elle grava dans son esprit d'enfant une vision qu'elle n'oublierait jamais : une silhouette énorme, gigantesque, dissimulée dans l'ombre, deux yeux luisant bien au dessus des basses branches.
Alors, apeurée mais en vie, Emma s'enfonça davantage dans la forêt, vers de nouvelles péripéties.
Seule.
La protagoniste de ce conte fait partie des 9,31 % ayant réussi à parvenir jusqu'à la sortie. Les pages du conte associé à sa sœur, Sarah Thompson, 6 ans, furent dépourvues de leur entête, ce qui détruisit une partie du texte en plus des illustrations.
SCP-213-FR-SCU, "La Sculptrice de Chair", parfois qualifiée de "Sorcière", est une femme supposée humaine, d'un âge avancé, vivant seule et retirée dans un manoir à deux étages, situé en plein centre d'une clairière. Son physique n'est jamais qu'entraperçu par les protagonistes, et peu d'informations sont connues à son sujet. En recoupant ses diverses apparitions au sein de SCP-213-FR, l'équipe de recherche a su dresser un portrait léger en ces mots : il s'agit d'une "ancêtre au visage ridé" et "aux traits incertains", doté d'un "physique rabougri et ingrat", de cheveux en "touffes hirsutes et partiellement manquantes" et "pour la plupart longs, minces et aux reflets blancs".
La description du manoir indique qu'un peu moins de la moitié des meubles rendant l'espace habitable sont des organismes vivants, faits de chair et de peau grossière, aux veines proéminentes et dotés de certains organes principaux, par exemple le cœur. Ils n'ont en revanche pas besoin d'être nourris et ne semblent pas disposer d'une quelconque sensibilité ou conscience, puisqu'il leur manque système digestif et cerveau. Ils nécessitent toutefois un entretien régulier, pouvant être blessés et s'infecter. Il a été confirmé à plusieurs reprises que ces meubles ont été créés par SCP-213-FR-SCU de ses propres mains.
À ce jour, SCP-213-FR-SCU est la seule entité connue ne manifestant presque aucune hostilité envers les protagonistes : elle semble jouer le rôle d'adjuvant dans la structure narrative, accueillant et nourrissant les SCP-213-FR-P parvenant jusqu'à sa demeure et les aidant dans leur quête d'échappatoire, tant qu'ils se plient aux règles de son logis. Ces dernières sont les suivantes :
- Ne jamais chercher à regarder directement l'hôte, toujours lui tourner le dos.
- Pas d'insulte ni de grossièreté au sein du manoir.
- Pas de violences.
- Prendre soin des objets que la maison contient.
- Ne jamais chercher à interagir avec les objets de chair.
- Ne pas mettre son pouce dans la bouche.
Si un individu s'évertue à transgresser ces règles, SCP-213-FR-SCU perdra patience et usera de son anomalie pour réduire l'objet de son courroux en une masse informe de chair, qui sera entreposée jusqu'à ce que la Sculptrice ne décide de l'utiliser afin d'agrémenter davantage sa demeure. Son atelier n'ayant à ce jour jamais été observé dans un conte archivé, le processus dont elle use afin de manipuler la chair demeure inconnu.
Si le protagoniste "meurt" de cette façon, les pages de son conte seront modifiées pour devenir de grossières reproductions de chair, à la texture semblable aux meubles évoqués dans les contes, rendant le texte particulièrement difficile à déchiffrer.
Extrait du conte de Thomas Roux, 16 ans
« Léa n'est pas rentrée ce soir. »
Thomas se raidit, sa fourchette figée dans un morceau de viande trop cuit et peu appétissant.
« Elle était censée rentrer avec toi. »
Derrière lui, il entendait les faible petits pas que la sorcière faisait tout en s'affairant près de la cheminée, pour remettre du bois. Il n'y avait aucune accusation dans son ton, mais le garçon savait que son honneur était remis en cause dans cette affaire.
« Je l'ai perdue de vue en forêt. »
Son interlocutrice ne répondit pas. Elle se contentait d'attiser le feu. Les flammes projetaient son ombre en face de l'invité, qui pouvaient observer ses contours tremblotants : une silhouette rondouillarde et pathétique.
« Es-tu sûr de l'avoir perdue ? »
Une grimace se dessina sur les lèvres de Thomas, qui aurait bien voulu punir l'impudente.
« Qu'est-ce que ça peut faire ? Elle finira bien par rentrer. »
Il n'avait pas envie de penser à Léa. Pas envie de penser à ce qui s'était passé dans les bois quelques heures plus tôt.
« Je n'aime pas ce ton, Thomas chéri. »
Le garçon se mit à ricaner.
« Je m'en fous. »
« Langage. »
Refroidi par l'injustifié reproche, le héros en devenir lança avec violence sa fourchette, qui glissa sur la table jusqu'à tomber au sol.
Devant lui, l'ombre chinoise était curieusement immobile.
« Attention à toi, Thomas. Je suis tolérante envers les enfants, surtout les plus jeunes. Mais toi, tu ne seras bientôt plus un enfant. »
« Arrête de te prendre pour ma mère. » murmura-t-il tout en jetant un regard autour de lui.
Tous ces objets hideux, monstrueux. Comme faits de chair humaine, une abomination pour les sens. Tout cela le dégoûtait au plus profond de son âme. Thomas était bien heureux de ne pas avoir le droit d'y toucher : il aurait eu trop peur d'éclater une des veines rougeâtres et disproportionnées en s'asseyant sur le canapé.
Il était pratiquement sûr d'avoir vu une touffe de cheveux ou de poils dépasser du coin de l’accoudoir.
« Dernier avertissement, Thomas. »
La menace était tellement ridicule qu'il se mit à rire.
« Arrête. Tu as vu à quoi tu ressembles ? Tu pourrais pas lever la main sur moi. »
Et, pour illustrer son propos, il se tourna dans sa direction, contemplant la véracité de son affirmation.
Il eut juste le temps d'apercevoir une silhouette minuscule, recouverte de touffes hirsutes et partiellement manquantes au niveau du crâne, comme si l'on avait arraché des plaques de cheveux.
Tout son corps se mit à le démanger furieusement.
« Je t'avais prévenu, Thomas. »
Le garçon ne pouvait plus s'arrêter de se gratter dans tous les sens, comme un chien couvert de vermine. Avec effroi, il vit que ses doigts commençaient à se rejoindre et fusionner, sans qu'il ne puisse faire quoi que ce soit.
« Qu'est-ce que… »
Sa bouche fut à son tour scellée, à jamais.
« Tu n'étais pas un enfant très brillant. »
La Sculptrice de Chair contempla le nouveau bloc qui reposait maintenant devant elle, immobile. Pensive, elle réfléchissait à toutes les possibilités qui s'offraient à elle, et fit son choix.
« Mais tu feras sûrement une très jolie lampe. »
Les pages du contes se changèrent alors en une reproduction de la texture d'un bloc de chair.
SCP-213-FR-LU, aussi désigné sous le terme de "Lumières Perdues", est un phénomène imprévisible, à priori aléatoire, ciblant certains protagonistes, particulièrement les plus âgés. Il se manifeste généralement dans les zones les plus boisées et désertes de vie de la Forêt Sombre.
Les contes font état de peu d'informations concernant ce phénomène en particulier, si bien que notre connaissance de l'événement est très partielle et lacunaire.
SCP-213-FR-LU se manifeste par l'apparition progressive d'orbes lumineuses lévitant au-dessus du sol, émettant une certaine quantité d'énergie thermique. Ce phénomène est supposé être dangereux, voire hostile au regard des réactions de certaines orbes au contact humain, semblant indiquer l'existence d'une capacité de réflexion et d'analyse.
Le sort des protagonistes interagissant avec les SCP-213-FR-LU n'a encore jamais été observé dans un conte archivé ; les pages des contes concernés sont incinérées avant même que le texte n'ait fini de s'écrire, coupant ainsi le fil narratif et rendant le texte illisible.
Il a été théorisé que ce dernier fait était dû à une mort particulièrement violente et rapide (sans doute par incinération), si bien que les protagonistes n'auraient pas le temps de souffrir ou de réaliser qu'ils meurent.
Extrait du conte d'Amitrasudan [Nom de famille inconnu], 13 ans
« Qu'est-ce que c'est ? »
Jamais les enfants n'avaient vu telle merveille : la forêt se parait de lampions doucement lumineux, flottant dans la brume tels des étoiles au-dessus du sol.
« Ne touchez pas à ces lanternes. » recommanda le benjamin du groupe, Romane.
Ses compagnons ignorèrent le sinistre présage, fascinés par le spectacle magique des lumières oscillant au gré du vent. L'une d'entre elles se rapprocha de notre héros ; il sentit une douce chaleur se diffuser le long de son bras.
« Arrête ! » s'écria Romane lorsqu'un membre de l'expédition choisit de caresser l'une des orbes lumineuses, qui glissa le long de sa main tel un chat quêtant une caresse. Ce dernier ironisa alors :
« Tu t'inquiètes tr
Les pages des contes d'Amitrasudan [Nom de famille inconnu], de Romane Landret, de Bernardo Bonnici et de Julie Pichet furent alors incinérées.
SCP-213-FR-GAR, "Le Gardien", est une entité unique, d'espèce, d'apparence et d'âge inconnus. Les rares contes faisant mention de cette instance restent particulièrement flous quant à sa nature spécifique ou ses agissements.
Il a été toutefois confirmé que Le Gardien était ainsi nommé en raison de son rôle central au sein de l'histoire : en effet, SCP-213-FR-GAR est présenté au sein des textes comme étant la péripétie finale, la créature ayant placé la sortie de la Forêt Sombre (désignée sous le terme de "portail") sous sa garde.
Les rares témoignages archivés de son existence (un peu plus de 9,31 % des cas) contiennent invariablement cette description: "le serpent des loups et le loup des serpents, une créature appréciant, de bien des manières, la chair des enfants".
Tout protagoniste ou groupe de protagonistes souhaitant échapper à SCP-213-FR doit procurer à SCP-213-FR-GAR un "sacrifice de chair", en la personne d'un autre SCP-213-FR-P, volontaire ou non. Les contes des protagonistes ainsi sacrifiés disparaissent purement et simplement de l'existence, ainsi que toute version archivée ; l'effet ne s'étend toutefois pas aux mémoires des individus ayant eu connaissance de la teneur du conte, mais se reproduira si une tentative, approximative ou non, de réécrire le texte est effectuée passée la disparition originelle.
Les protagonistes ayant obtenu le droit de passage voient leur conte se clôturer sur cette phrase : "[Nom du protagoniste] était enfin devenu.e un.e véritable héros/héroïne", suivi du mot "Fin".
Il est intéressant de noter que les protagonistes dont la mort est due à une cause naturelle seront également les seuls dont le conte comportera cette mention de "Fin", cette fois-ci précédée de la phrase "[Nom du protagoniste], pour punir son échec, sera condamné à errer sans fin en compagnie des autres hontes de notre histoire".
Ont été recensées : la mort par infection, par hémorragie, par manque de nourriture ou d'hydratation, par blessure physique, par empoisonnement.
Extrait du conte de Kamila Yoselin, 11 ans
Notre héroïne inspira profondément, rassemblant tout son courage.
« Adieu. » fit la voix tremblante de la figure se tenant devant elle.
Et, d'un saut, le sacrifice de chair fut précipité dans les ténèbres du gouffre.
Un cri s'éleva depuis le fond du puit, très vite suivi d'un grondement satisfait, alors que le serpent des loups et le loup des serpents, une créature appréciant, de bien des manières, la chair des enfants, recevait un tribut à la hauteur de ses besoins.
Le portail s'ouvrit alors, offrant finalement une résolution à cette quête. Le visage décomposé, la jeune fille s'approcha de la sortie, en titubant tant elle était sous le choc de se savoir victorieuse, et de connaître le prix de cette victoire.
Kamila Yoselin, enfin, était devenue une véritable héroïne.
Le conte d'Alejandro Yoselin, 17 ans, fut alors effacé de nos archives et de SCP-213-FR.
Mise à jour du 20/05/2017 : Suite à l'Incident Ribera, la description de SCP-213-FR a été mise à jour.
SCP-213-FR est un manuscrit relié de très grande taille, titré « Les Évadés de la Forêt Sombre : Nous n'avons plus d'enfance », que la quatrième de couverture qualifie de "livre de réflexion philosophique et horrifique, à lire pour se faire peur".
Il contient un total de cinq pages, chacune écrite sous la forme d'un très court ensemble de phrases désigné sous le terme de "Sombre Pensée", et comportant une illustration ainsi qu'une mention "Fin" en bas de page. Chacune des Sombres Pensées est affectée à l'une des espèces endémiques de la Forêt Sombre, et à son extinction complète et irrémédiable ; les textes sont retranscrits ci-dessous :
Le texte s'ouvre sur une illustration représentant un tronc présumé de SCP-213-FR-AR, abattu et éventré sur la terre brûlée, dont la chair suinte un liquide rougeoyant et laissant entrapercevoir les cadavres carbonisés de divers SCP-213-FR-MO.
Dans le feu et les flammes, les troncs des Arbres Nourriciers se fendaient et sifflaient de douleur, la chaleur faisant bouillir dans leurs veines et leurs racines le lait salvateur dont ils abreuvaient la forêt. En leur sein, les Moissonneurs tour à tour mourraient, un par un.
Et alors que l'enfer des hommes consumait leur chair, des mâchoires imaginaires se plantèrent dans l'écorce, dans la chitine, se nourrissant de l'essence dont elles avaient été privées par ces mêmes êtres qu'aujourd'hui elles dévoraient sans état d'âme, sans regret.
Et, enfin rassasiées, les Lumières Perdues se défirent de leur faim pour quitter cette terre périlleuse qui les avait vues mourir.
Le texte s'ouvre sur une illustration représentant une instance de SCP-213-FR-NA décédée et carbonisée, à laquelle il manque la tête.
Affolés par la menace posée à leurs précieuses créations, les Natifs faisaient feu de tout bois pour sauver les œuvres d'arts de la terrible morsure des flammes ; délaissant jusqu'à leur tanière et nourrissons aux griffes de la mort.
Et tandis qu'ils s'enfuyaient dans les bois pour protéger leur bien, des millions de mains d'artistes les saisirent dans leur fuite et à leur tour, tirèrent de ces corps laids les joyaux de l'esprit, offrant l'un à la terre et le second au feu.
Et, enfin apaisées, les Lumières Perdues contemplèrent leur ouvrage avec fierté, et quittèrent cette terre hideuse qui les avait enlaidies.
Le texte s'ouvre sur une illustration représentant le manoir de SCP-213-FR-SCU, en grande partie incinéré. Le dernier étage a complètement disparu, seule la structure du premier demeure, le rez-de-chaussée semble carbonisé et jonché de débris quoique les murs demeurent intacts.
Quand les flammes vinrent lécher sa porte, la Sorcière dut se replier là où elle savait que l'intruse ne viendrait pas la chercher. Laissant derrière elle ses meubles de chair, elle alla se mettre en sécurité.
Et pendant qu'elle observait le fruit de toute une vie partir en fumée, des centaines d'enveloppes se crevaient au sein son foyer, libérant de leur geôle les âmes de ses créations.
Et, enfin libres, les Lumières Perdues anéantirent les restes fumants de leur prison de chair, et quittèrent cette terre trompeuse qui les avaient enchaînées.
Le sort de SCP-213-FR-SCU demeure inconnu.
Le texte s'ouvre sur une illustration représentant l'intérieur d'une caverne, faiblement éclairé par une source lumineuse en dehors du champ. Le plafond et les murs de la grotte sont couverts de peintures rupestres représentant des mains.
Le Gardien, le serpent des loups et le loup des serpents, une créature appréciant, de bien des manières, la chair des enfants, n'était pas inquiété par le fracas des flammes et des vies qui se meurent, terré dans le gouffre et le limon qui l'avaient vu naître.
Mais depuis les cieux et de tous les côtés, une multitude de poids s'apposa sur sa chair, les centaines devenant milliers, millions, milliards, telles des étoiles que l'on ne saurait compter. Alors les parois de l'antre du Gardien furent tapissées d'empreintes, autant de petites mains enfantines, baignées dans le sang de leur œuvre, qui signaient ainsi la fin de leurs tourments et leur vengeance accomplie.
Et, enfin, les Lumières Perdues furent délivrées du mal, et quittèrent cette terre maudite qui ne les avait fait que trop souffrir.
Alors les Lumières Perdues connurent à leur tour leur Fin.
Le texte s'ouvre sur une illustration représentant le Chercheur Ribera, vêtu de sa blouse d'employée, assis en tailleur de dos sur le sol carbonisé, faisant face au lever du jour.
Et, quand enfin tout fut fini, l'Héroïne fit finalement ses adieux aux Lumières Perdues, et se retrouva seule.
Elle s'assit en tailleur, le regard vide, immobile, sachant pertinemment qu'elle venait de se vouer à une vie éternelle d'exil, de solitude, ici oubliée parmi les cendres encore chaudes des horreurs de notre enfance.
Mais cela ne la dérangeait pas.
Et, la conscience enfin tranquille, l'Héroïne ferma les yeux et put respirer à plein poumon, envahie de joie, sereine.
L'Héroïne, enfin, avait fait ce qu'elle avait à faire.
Incident Ribera : Déroulement et conséquences :
Le Samedi 20 Mai 2017, le Chercheur Ribera, affecté au projet et connu pour tenir régulièrement des discours d'ordre moral et éthique concernant l'existence de SCP-213-FR, fut observé par les caméras de surveillance en train de se rendre dans l'espace de confinement de SCP-213-FR. Pour une raison inconnue, le système de surveillance focalisé sur l'intérieur de l'espace de confinement connut alors un dysfonctionnement local. Lorsque le dysfonctionnement fut corrigé et qu'un visuel fut rétabli, le Chercheur Ribera avait disparu de la salle en question ; les caméras extérieures ne l'observèrent pourtant pas avoir quitté la pièce par l'unique sortie disponible.
Quelques minutes après que l'alerte a été donnée au niveau du Site-██, l'ensemble des pages contenues par SCP-213-FR se mirent à dégager une chaleur conséquente et une lumière à basse intensité. L’événement anormal se solda finalement par l'incinération complète du contenu de SCP-213-FR, qui fut réduit en cendres sans pour autant endommager la reliure.
Dans les débris des anciens contes furent découvertes cinq nouvelles pages, intitulées chacune "Sombre Pensée" et traitant du sort de la Forêt Sombre. Il semblerait que cette dernière ait été détruite par un incendie particulièrement virulent, d'origine criminelle, le Chercheur Ribera n'étant pas étranger à son déclenchement.
La destruction de cet objet rendant maintenant impossible son étude plus approfondie, le Chercheur Ribera a été déchu de son poste à titre symbolique, et les subventions octroyées à sa famille en cas d'incident ont été revues. Les mesures de surveillance et d'accès aux objets SCP inanimés ont également été modifiées afin qu'un tel événement ne se reproduise plus, et un examen et entretien psychologiques seront désormais obligatoires pour tout membre du personnel manifestant des réticences morales à remplir son office.
Il serait déplorable qu'une catastrophe de cette ampleur se reproduise à nouveau. Nous sommes des scientifiques, des chercheurs, pas des philanthropes. La moralité n'est pas notre but premier. - O5-█