SCP-2094
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Objet no : SCP-2094

Classe : Euclide

Procédures de Confinement Spéciales : SCP-2094 doit être confiné dans une chambre résidentielle à sécurité moyenne du Bio Site-59. Des récompenses pré-approuvées de Classe-PG peuvent être données sous supervision en tant que motivation à coopérer lors des interviews et expériences.

Le traitement psychotrope de l'instabilité émotionnelle de SCP-2094 est en ce moment supervisé par Dr Anniston (ES#59-390-258), et toute requête d'accession ou d'altération au panel de drogues administrées à SCP-2094 doit lui être soumis en triple exemplaire pour examen.

Description : SCP-2094 est un humain masculin d'origine Européenne, âgé de 38 ans le 04/10/14. Plusieurs tatouages représentant des motifs de cirque communs sont présents sur la partie supérieure du corps de SCP-2094. SCP-2094 communique en Anglais américain, spécifiquement un dialecte Anglais de New York City. SCP-2094 possède une dextérité manuelle exceptionnelle (bien que non-anormale), avec des compétences particulières en jonglage.

SCP-2094 est sujet à une anomalie spatiale originaire de sa cavité orale. La mâchoire inférieure et les muscles faciaux de SCP-2094 peuvent être étirés jusqu'à deux (2) mètres dans toute direction sans causer la moindre douleur ou blessure considérable. De plus, SCP-2094 est capable de rediriger toute matière physique entrant dans sa bouche vers une dimension de poche couverte de tissu intestinal anormalement élastique.

Il ne semble pas y avoir de limite à la quantité de matière que SCP-2094 peut stocker dans cet espace. Le poids des objets transportés dans la dimension de poche n'a aucun effet sur le poids total de SCP-2094, et ne lui cause ni inconfort ni problème de mobilité. SCP-2094 parle de cet espace comme un "deuxième estomac" ; néanmoins, les recherches indiquent qu'il ne sert aucune fonction biologique.

SCP-2094 fut découvert dans un champ ouvert près de Kamifurano au Japon, accompagné d'un assortiment d'objets non-anormaux liés à GdI-233 (Le Cirque de l'Inquiétant d'Herman Fuller). SCP-2094 fut découvert attaché par des chaînes et enfermé dans une grande malle ancienne avec les mots "POUR ESCHÉ" écrits à la peinture rouge sur le couvercle.

Effets personnels retrouvés :

Ci-dessous se trouve une liste des objets retrouvés dans l'espace intestinal de SCP-2094 après confinement.

  • Quilles de jonglage en bois de couleurs variées
  • Un briquet en métal et plusieurs paquets de cigarettes sans parfum
  • Un accordéon de basses à 120 boutons
  • Une valise contenant deux ensembles de vêtements propres, une brosse à dent et un kit de rasage
  • Un coupé Maserati 3500 de 1962 entièrement fonctionnel avec quelques modifications intérieures et mécaniques mineures
  • Un sac en jute contenant de nombreux jouets à ressort anciens
  • Un pistolet-mitrailleur opérationnel et les munitions correspondantes, datant d'environ 1959
  • Une torche de souffleur de feu
  • Une malle en plastique contenant 45 bouteilles de kérosène

Interview sélectionnée #1 :

Interviewer : Dr O'Sullivan

Interviewé : SCP-2094

Notes : Interview menée le 02/24/06, le lendemain du confinement de SCP-2094.

<Début de l'enregistrement>

SCP-2094 : (Voyant Dr O'Sullivan entrer dans la chambre d'interview) Félicitations, m'sieur ! Je crois bien que vous avez trouvé un siège aux premières loges pour la foire aux monstres ! Petit veinard ! La salle 't'un peu trop prop' à mon goût, mais hey- c'est l'artiste qui fait la scène. En tout cas c'est ce que le vieux Gourdi disait. (Il tapote ses doigts sur la séparation de la chambre d'interview) Ben docteur ! On ne s'est même pas présentés et vous dressez déjà un mur entre nous ! C'est pas de bonne augure pour notre relation.

Dr O'Sullivan : Bonsoir, SCP-2094. Je m'appelle Doctor O'Sullivan. Je serai–

SCP-2094 : (Imitant un accent irlandais) O'Sullivan, tchu dis ? Bonnefoi de bonieu ! Il m'en coupe le trifolium ! Chuis un 'tit peu Irlandais aussi, du côté d'ma m'man !

Dr O'Sullivan : Je mènerai l'interview de cet après-midi.

SCP-2094 : (Voix normale) Une interview, tu dis ? Eh ben, j'ai jamais été interviewé avant ! Oh, ça va être marrant ! Ça veut dire que je suis célèbre ? Hey, y'a pas une chance que t'aies Andy Kaufman en réserve quelque part ?

Dr O'Sullivan : Je n'ai pas liberté de vous parler de la nature de cet établissement.

SCP-2094 : Oh, allez. C'est évident, ce que c'est que cet endroit. Z'avez pas été particulièrement subtils là-dessus. Les gardes armés, les cellules renforcées, l'observation constante, la délicate barrière de cristal m'empêchant de caresser votre si beau visage. (SCP-2094 passe doucement le dos de sa main contre le verre blindé de la barrière) Où j'en étais ? Ah ouais. N'importe quel vieux débris pourrait deviner quel genre d'endroit c'est. On est à la Knot's Berry Farm, évidemment ! Quand est-ce que vous allez enfin faire face à l'évidence ? Vous s'rez jamais aussi bons que Disneyland, jamais, peu importe le nombre de bizarros comme moi que vous essayez de recruter !

Dr O'Sullivan : Vous semblez d'humeur loquace. Pourquoi ne pas me parler du Cirque de l'Inquiétant ?

SCP-2094 : Oh, c'est un super endroit. Super. Plein de gens géniaux. Tu devrais y aller un de ces jours. Amener la famille. Y passer la journée.

Dr O'Sullivan : J'aimerais beaucoup le voir en personne. Comment m'y prendrais-je pour le trouver ?

SCP-2094 : Docteur, docteur, docteur ! Tu trouves pas le cirque- le cirque te trouve ! Tu vois, tu vas patauger dans la vie, t'extirper péniblement de la gadoue de ton existence banale, te noyer dans les pelures de crayons, et t'étouffer dans les vapeurs stériles de ton petit bureau tout propre, jusqu'à ce qu'un jour tu réalises que le goût rassi du papier et de la politique dans ton âme est devenu si accablant que même le plus puissant des fluorites ne pourra le laver. Alors, au moment même où tu crois qu'il ne reste rien sur cette sale planète qui vaille la peine de vivre, , les ballons, les lumières, les clowns apparaissent… et tout ça pour te rappeler qu'il y a toujours de la magie dans ce monde. Ouais, c'est comme ça que j'imagine que tu t'y prendrais pour trouver le cirque, Monsieur1 Sullivan.

Dr O'Sullivan : Connaissez-vous un individu dans le cirque avec un visage à l'envers ?

SCP-2094 : Ah, alors vous connaissez Manny ! Attends, qu'est-ce que je dis, bien sûr que vous en avez entendu parler ! Vos gars savent probablement tout depuis sa chérie d'enfance jusqu'à sa pointure. C'est un compagnon vraiment mémorable. Digne de confiance. Gentil avec les gosses. Excellent artiste. Meneur appliqué. Souci du détail. Spécialisé dans son boulot. Efficacité de synergie. Comme un fruit facile à cueillir. Lanceur d'atouts viable. Tu m'arrêtes quand tu veux, Sully.

Dr O'Sullivan : Quel rôle joue-t-il dans le cirque ?

SCP-2094 : Ophélia, de temps en temps- et il me fait toujours pleurer. Mais plus souvent, il fait ses trucs. C'est un homme au visage à l'envers très occupé. 'Fait des tas de… trucs d'homme au visage à l'envers… importants.

Dr O'Sullivan : Il a l'air d'une personne intéressante. Quand l'avez-vous rencontré ?

SCP-2094 : Nan, vous voulez pas savoir tout ça. Vous voulez pas plutôt entendre mon imitation de Jane Fonda ? "Pygar ! Pourquoi la sauves-tu, après tout ce qu'elle t'a fait ?" Voilà, c'était pas mauvais, hein ? Je peux aussi faire une Audrey Hepburn correcte et mon Hellen Keller est pas trop mal non plus.

Dr O'Sullivan : Je vous en prie, n'ayez pas peur de partager vos expériences au sein du cirque. Je comprends que beaucoup des monstres ont été kidnappés et maltraités à un très jeune âge, mais vous êtes bien loin de vos ravisseurs maintenant. Ils ne vous feront pas de mal ici.

SCP-2094 : Kidnappé ? Maltraité ? Mais à qui vous avez parlé ? Écoute, si j'ai été moins que coopératif avec vous c'est pas parce que j'ai été traumatisé. Vous pouvez vous enlever ça de la tête à l'instant. C'est parce que je suis pas du genre à vendre ma famille du cirque à des blouses blanches. Je sais à quoi tu joues, Esché. Tu veux faire copain-copain avec moi pour me tirer tous les vers du nez. Eh ben dis à tes gars d'écrire ça sur leurs blocs-notes : ces gens que vous traquez ? Ces hommes et femmes que vous chassez comme des criminels ? C'est des saints. Tu m'entends ? De bonnes gens ! J'ai pas été kidnappé, abruti, j'ai fui, et ils m'ont accueilli à bras ouverts !

Dr O'Sullivan : Excusez-moi, je ne voulais pas insulter votre famille.

SCP-2094 : Mais ? Qu'est-ce-que j'entends ? Un semblant de sensitivité ? Aurais-je commencé à réchauffer votre cœur froid et croûteux, docteur ?

Dr O'Sullivan : Dites-moi, pourquoi vous être enfui ?

SCP-2094: Et c'est déjà fini. Alors on joue aux histoires, maintenant ? Okay, je vais mordre à l'hameçon. J'avais huit ans. Papa avait pris le large bien avant ma naissance, alors je vivais à la maison avec ma chère Maman. Une vraie perle, ma mère. Elle vivait une vie de rêve, assise sur son trône de maman et buvant son eau spéciale de maman jusqu'à c'que ses yeux lui roulent dans les orbites. Elle m'a jamais frappé ou quoi que ce soit, mais elle me détestait. Bon Dieu ce qu'elle me détestait. Et c'était réciproque. Des fois je lui ramenais une bouchée d'animaux des bois juste parce que ça la rendait folle. Heh. Je venais la voir, tout innocent, lui donnait cet adorable sourire de huit ans… et puis je lui crachais quelques dizaines de rats sur les genoux.

Dr O'Sullivan : Donc elle connaissait vos propriétés anormales ?

SCP-2094 : Quoi, ça ? (SCP-2094 attrape sa lèvre inférieure et la tire à longueur de bras avant de la laisser retourner à sa place initiale comme un élastique.) Elle avait remarqué ouais. C'est pas pour rien que j'étais pas nourri au sein. Et comme j'étais une si bizarre petite chose, elle me gardait enfermé dans la maison presque tout le temps. Faut croire qu'elle avait peur que je mange quelqu'un. Mais pas une seule fois ça ne m'est venu à l'esprit de faire le mur pour voyager seul. À l'époque j'étais plutôt timide, croyez-le ou pas. Et puis une nuit- en fait, attends une seconde. J'y reviens dans une seconde. T'as vu Peter Pan ? Le dessin animé ?

Dr O'Sullivan : Oui.

SCP-2094: Okay, bien. J'en étais où ? Ah ouais. Et puis une nuit, quand Maman dormait, il m'a rendu visite. 'Se tenait à la fenêtre, silhouette se découpant dans les étoiles, tout comme Peter Pan. Il me dit que les monstres n'avaient rien à faire cloîtrés dans une boîte toute leur vie. Il me dit qu'ils devaient aller dans le monde, partageant leur dons, à faire rire et crier et vomir les gens. Il me parla d'un endroit où je serais aimé par des centaines de personnes, où je serais une star, où j'aurais une vraie famille. Alors j'ai pris sa main. Ma chère Maman était trop assommée par la boisson pour ne serais-ce que nous entendre passer la porte. Et voilà, cher Sully, comment j'ai fui pour joindre le cirque. Meilleure décision de ma vie.

Dr O'Sullivan : Être visité par un étranger au milieu de la nuit ne vous a pas alarmé, enfant ?

SCP-2094 : Ben, son visage était à l'envers, alors je suppose que j'aurais du être un peu effrayé, mais à l'époque j'étais juste excité de rencontrer quelqu'un d'encore plus bizarre que moi.

Dr O'Sullivan : Et vous n'avez pas subit de mauvais traitement au cirque ?

SCP-2094 : J'te l'dis tout de suite, la vie de cirque, c'est pas pour tout le monde, mais hey, Manny et le gang faisaient ce qu'ils pouvaient. Ils trouvaient du pain pour toutes nos bouches et des oreillers pour toutes nos têtes. J'ai reçu une rouste de temps en temps, mais quel gamin peut dire qu'il n'en a jamais eu ? Ça fait partie de grandir. Ça m'a vite mis dans le droit chemin et endurci. Les gens du cirque m'aimaient comme si j'étais un de leurs gosses. Ils m'ont jamais fait sentir comme si être un monstre était quelque chose à cacher ou dont il faut avoir honte. Quand on est dans la famille du cirque, on se tient les coudes. On retourne pas sa veste pour vendre sa famille à la Fondation Esché P. !

Dr O'Sullivan : Quand l'équipe de récupération vous a découvert, vous étiez attaché dans une malle. Vous nous aviez été laissé. Pouvez-vous me dire pourquoi ?

SCP-2094 : (Silence)

Dr O'Sullivan : Y avait-il des problèmes entre vous et votre famille ?

SCP-2094 : Hah ! T'aimerais savoir, hein ? Désolé Sully, mais j'ai assez parlé. T'obtiendra rien de plus de moi. Ni maintenant, ni jamais.

Dr O'Sullivan : Très bien. Merci de votre temps, SCP-2094.

SCP-2094 : Pas de problème ! Si c'est pour mon fan numéro un…

<Fin de l'enregistrement>

Interview Sélectionnée #2:

Intervieweur : Dr O'Sullivan

Interviewé : SCP-2094

Notes : Interview menée huit mois après le confinement de SCP-2094.

<Début de l'enregistrement>

SCP-2094 est amené dans la chambre d'interview.

SCP-2094 : Nom d'une pierre d'éloquence ! C'est encore c'vieux Doc Sullivan ! Comment ça va, doc ? Parce que moi, je vais super !

Dr O'Sullivan : Est-ce vrai ?

SCP-2094: Bien sûr que non, andouille ! C't'endroit est un vrai trou à rat ! C'est quoi le genre d'hôtel que vous tenez, hein ? Je savais que j'aurais dû réserver pour le Hilton.

Dr O'Sullivan : Désolé d'entendre ça. La vie au sein du Bio-Site-59 peut prendre du temps pour s'y habituer. Y a-t-il quelque chose auquel vous avez du mal à vous ajuster en particulier ?

SCP-2094 : Ben puisque c'est si gentiment demandé, la bouffe a le goût de guano d'éléphant, le lit est dur comme une pierre, et la p'tite lumière rouge de la caméra m'empêche de dormir. Et ça vous tuerait de mettre du double-épaisseur dans les toilettes ? Sérieusement, j'ai dormi dans des prisons plus hospitalières que cet endroit.

Dr O'Sullivan : Vous savez, SCP-2094, si vous pouvez me fournir des informations additionnelles sur le cirque, je pourrais envoyer une requête formelle pour améliorer-

SCP-2094 : Oh, pas encore ! Je balance pas, c'est clair ?

Dr O'Sullivan : Vous n'avez pas à nous dire quoi que ce soit qui compromette la sécurité de votre famille. Nous ne cherchons pas nécessairement les informations sensibles. Parlez moi juste du cirque. Des numéros que vous exécutiez, des amis que vous vous êtes faits. N'importe quoi ira.

SCP-2094 : Hrm. N'importe quoi, hein ?

Dr O'Sullivan : Dans la limite du raisonnable, oui.

SCP-2094 : Et tu me files mes trucs si je crache le morceau ?

Dr O'Sullivan : On peut arranger ça, oui.

SCP-2094 : Lit confortable ? Meilleure bouffe ? DVDs ?

Dr O'Sullivan : Voilà qui semble de raisonnables requêtes.

SCP-2094 : Même des magazines pour adulte ?

Dr O'Sullivan : Je… Je verrai ce que je peux faire.

SCP-2094 hausse les épaules.

SCP-2094 : Tu sais quoi ? Et puis merde. Pourquoi pas ? Ça me démange de parler à quelqu'un de toute façon. Par où je commence ?

Dr O'Sullivan : Je crois–

SCP-2094 : (L'interrompant) T'inquiètes, je sais par où. Okay, imagine : de l'herbe luxuriante et verte. Un grand espace ouvert. Des cieux bleus. Imagine le jour le plus parfait possible- anormalement parfait, tu dirais. Tous nos jours étaient comment ça. Jamais un nuage pluvieux en vue. Maintenant, imagine des tentes rayées de toutes les couleurs, et des musiciens en tenues bariolées, et des animaux ballons qui sautillent dans les airs au-dessus de ta tête, et des clowns qui sont vraiment drôles. Imagine, si tu veux, le plus beau putain de cirque dont t'aies jamais rêvé, et oublie complètement ça, parce que c'est rien comparé au cirque Herman Fuller.

Bien sûr, c'est pas toujours ce qu'on peut appeler "prêt pour le public". Les choses peuvent devenir un peu, euh, chaotiques par moment. Okay, pas de secrets : c'est le bordel plus souvent que le contraire, mais crois-moi, quand les normaux mettent un pied chez nous, le moindre cheveux est à sa place. Et ça c'est grâce à notre Madame Loyale. Elle est phénoménale, autant dans le cadre de dirigeante que dans celui de son arrière-train. Hello, nurse ! Elle était pas encore là quand je suis arrivé, par contre. L'apparence et l'ambiance générale du cirque a pas tant changé depuis le tournant du siècle; les gens, en revanche, changent pas mal, comme toujours.

Rien que moi, par exemple. Je crois que j'ai mentionné plus tôt que j'ai pas toujours été le charmant homme empreint de confiance que je suis maintenant. Dans ma jeunesse j'étais un petit pied-tendre, ayant récemment quitté le domicile, dépassé par l'étrange et incroyable monde dans lequel j'avais été emporté. Je restais surtout planté là à fixer comme deux ronds de flancs tout ce qui m'entourait. Je parlais jamais vraiment. J'étais un gosse plutôt contemplatif, et assez adorable, de ce qu'on m'en a dit, alors évidemment ils m'ont donné un boulot de voiture pour clowns humaine. Je veux dire, vraiment, qu'est-ce qu'ils pouvaient faire d'autre que m'envoyer sur scène avec quelques douzaines de clowns prêts à surgir de mon bide ? C'était pas le plus glamour des boulots, mais c'était marrant quand même. Heh. T'aurais dû voir la tête du public quand une fanfare commençait à parader en sortant de mes lèvres. Impayable.

Voyons. Après ça, j'ai appris le jonglage avec un gars appelé Scythe. Crétin de première, mais doué avec les épées. J'y ai jamais touché, bien sûr. Juste les balles et les quilles et tout ça. Scythe, lui, c'était autre chose. Je veux dire, tu pouvais enfoncer un shiv dans chaque centimètre de son corps sans même qu'il cligne de l’œil. Quand on a décidé de les enflammer par contre, il a vraiment fait le bébé, et il est parti en fumée en plein milieu d'un spectacle. Un vrai rabat-joie, à mourir comme ça. Ils lui ont fait une commémoration après, mais j'étais occupé à autre chose.

Après quelques temps j'ai pris mes aises avec les autres. J'ai commencé à m'affirmer. Le truc des clowns devait cesser. Je veux dire, c'était drôle et tout ça, mais ça n'allait pas vraiment avec ma toute nouvelle confiance en moi. Alors j'ai fait du jonglage pendant un moment, à envoyer des trucs en l'air et les avaler à la fin. Assez bas-de-gamme, comparé au reste, et je savait que je serais relégué à l'Antre des Monstres si je trouvais pas quelque chose de mieux. Qu'on soit d'accord : y'a des tas de gens bien dans l'Antre et c'est pas un mauvais endroit, mais c'est juste pas la grande scène, tu vois ?

Alors quand j'ai atteint le stade d'ado en chaleur, je me suis dit "pourquoi pas dévorer une femme entière ?" Au début, tout le monde croyait que ça serait juste une sous-version du machin avec les clowns, mais après j'ai eu l'idée de mettre un complice dans l'audience, l'appeler, et l'avaler d'un coup. C'était pas mal, si on veut, mais le numéro a pas vraiment décollé avant que Théodore s'en mêle. En plus de pouvoir se retourner comme une chaussette, Théo avait un talent pour la gymnastique, et on a réussi à en faire un numéro de haute plongée. Il sautait de la planche, se retournait les tripes, et rentrait tout juste dans ma bouche. On a eu un de ces succès. Théo et moi avons reçu beaucoup d'attention après ça, surtout quand on est sorti ensemble. J'avais tout juste découvert que j'aimais autant avaler les gars que les filles.

Mais le numéro a fini par stagner, et quand j'ai quitté Théo, ça a planté le dernier clou dans son cercueil. Il est retourné dans l'Antre, et j'allais l'y suivre assez vite si je trouvais pas un truc à faire. J'ai réfléchi et réfléchi et m'en suis retourné la cervelle, mais rien de nouveau m'est venu. J'avais besoin d'une grosse idée qui fait vendre, quelque chose qui n'aurait pas juste du succès, mais ferait de moi une légende. Et puis, un jour que j'épanchais une suite particulièrement longue d'idées à Quincy, il me dit qu'il me vomirait un essaim d'abeilles si je fermais pas ma grande gueule. Et ça m'est venu comme une évidence : Grande Gueule.

J'étais devenu assez bavard depuis, alors c'était un surnom assez approprié, mais c'est le numéro qui venait avec qui tenait du génie, si je puis ainsi dire. Imagine : deux jolies assistantes à mes côtés. Elles m'étirent la bouche bien grande ouverte. Puis, tout d'un coup, une Chrysler pétarade à toute vitesse dans le Grand Chapiteau, monte une rampe, et retombe dans ma bouche. Plutôt impressionnant, hein ? …T'as pas l'air impressionné. L'imagination atrophiée, hm ? Bon, crois-moi juste quand je te dis que c'était vraiment du bon. Un super potentiel grand spectacle, et authentiquement dangereux. Je suis peut-être magique mais je doute que j'aurais survécu à une Porsche dans la tronche si je manquais mon coup.

J'ai eu le statut légendaire que je cherchais, bien sûr. Je suis devenu un des numéros vedettes en presque une nuit. Tout allait comme il faut pour moi. Et puis j'ai atterri ici. Super boulot là-dessus, ruiner ma vie, tout ça. Au moins on se rappellera de moi comme d'une star. C'est pas mal. Quand même pourri, je tiens à dire. Bon, du coup ça m'a gagné quoi, tout ça ?

<Fin de l'enregistrement>

Rapport d'Incident #1: Le 12/07/06, SCP-2094 fut trouvé en état d'extrême détresse, au point d'auto-mutilation. Les responsables du Bio Site-59 réussirent à restreindre SCP-2094 et lui administrer des sédatifs.

Ci-dessous se trouve une transcription des phrases prononcées par SCP-2094 avant l'incident.

<Début de l'enregistrement>

SCP-2094 se réveille brutalement de son sommeil.

SCP-2094 : Qu'est-ce que tu- Non ! Arrête !

SCP-2094 agrippe les côtés de sa tête et produit des sons de douleur.

SCP-2094 : Arrête ! Non ! S'il te plait ! J'allais pas- Arrête !

SCP-2094 saute de son lit et commence à se frapper la tête violemment contre le mur.

SCP-2094 : Ne- Prend- Rien-

SCP-2094 perd l'équilibre et tombe sur le sol. Il crie.

SCP-2094 : C'est tout ce que j'ai maintenant, Manny ! C'est tout ce que j'ai !

<Fin de l'enregistrement>

Quand SCP-2094 sortit de son état sous sédation, il montra des symptômes de sévère amnésie rétrograde de la mémoire épisodique, spécifiquement pour ses souvenirs en relation avec ses expériences eu sein de GdI-233. Dr O'Sullivan a reçu une réprimande officielle pour ne pas avoir utilisé des méthodes d'extraction d'information immédiates avant que l'incident ne prenne place, et fut renvoyé de son poste de chercheur principal pour SCP-2094 le 01/15/07.

SCP-2094 entra dans un état psychologique de dépression sévère après l'incident. Dr Anniston commença un traitement psychotrope sur l'état de SCP-2094 le 02/03/07.

Rapport du Dr Anniston #1:

Ci-dessous se trouve un message envoyé par Dr Anniston au Directeur de Site Bluthe le 02/13/07.

Bonjour,

Je vous écris aujourd'hui pour vous informer que SCP-2094 a subi un changement extrême de personnalité depuis que je lui ai été assignée plus tôt dans l'année. Avant, il était vivant, énergique et hautement loquace, s'engageant rapidement dans les plaisanteries et familiarités. Parlant librement, il était l'un des rares patients avec lesquels j'appréciais parler, en dépit des occasionnelles remarques obscènes.

Néanmoins, depuis l'incident de décembre, SCP-2094 est devenu de plus en plus renfermé. En plus de sa dépression, il a développé une anxiété sévère, et semble être en état de terreur constante envers son environnement. Ses capacités interpersonnelles ont rapidement dégénéré, au point d'une nervosité visible s'il est à proximité des intervieweurs, même ceux autorisés à l'appeler par son nom pour développer un lien affectif. SCP-2094 a également montré une diminution de ses intérêts pour l'activité physique, y compris le jonglage, qui était un passe-temps dans lequel il s'engageait régulièrement avec tout objet passant dans ses mains.

Je sais que votre vision du Bio Site-59 est une où les anomalies sont conservées en raisonnablement bonne santé et heureuses, et le succès de votre initiative de traitement de santé mentale continue d'influencer positivement les autres centres de confinement pour humanoïdes. Cependant, j'ai bien peur de ne pouvoir faire plus que je n'en suis capable. Les tentatives de traiter sa dépression ont renforcé son anxiété, et les tentatives de traiter son anxiété on renforcé sa dépression. J'ai consulté mes collègues sur le problème, et nous pensons que l'état mental instable de SCP-2094 rend les options plus risquées hors de question.

Nous continuerons de faire de notre mieux pour traiter SCP-2094 médicalement et par consultations, mais il semble improbable que SCP-2094 retourne à sa condition précédente. Au vu de votre engagement dans la qualité de vie des objets SCP, je sais que cela sera une grande déception pour vous, particulièrement après cette lettre de votre part dénotant votre affection pour ses enregistrements d'interview peu conventionnels. J'ai pensé qu'il était important de vous tenir au courant de la situation, et au vu de votre histoire dans le domaine de la santé mentale, j'espère que vous n'hésiterez pas à offrir tout conseil que vous auriez concernant la situation.

Dr Miranda Anniston

Rapport d'incident #2

Le 03/11/07, SCP-2094 fut trouvé en train de s'avaler dans une présumée tentative de suicide. Les responsables du Bio Site-59 réussirent à restreindre SCP-2094 et lui administrer des sédatifs. Dr Anniston approuva les documents plaçant SCP-2094 sous surveillance suicide de Risque Niveau-2 le 03/12/07.

Rapport du Dr Anniston's #2:

Ci-dessous se trouve un message envoyé par Dr Anniston au Directeur de Site Bluthe le 04/15/14.

Bonjour,

Comme vous le savez, j'ai été en charge de la supervision du traitement psychiatrique de SCP-2094 pendant les huit dernières années. Pendant cette durée, il a montré un progrès minimal et incohérent, résistant continuellement au traitement et refusant de coopérer avec moi et mon personnel. Néanmoins, durant les deux derniers mois, j'ai observé un degré d'amélioration significatif dans l'état général de SCP-2094. Il commence à partager ses pensées et sentiments pour la première fois depuis des années, et a même demandé à jongler avec des quilles, dont l'accès lui a été permis sous supervision.

SCP-2094 n'a pas encore expliqué les raisons de l'amélioration de son moral, mais j'ai pour l'instant compris qu'il s'est "réconcilié avec le passé", a "pardonné et été pardonné en retour", et a "récupéré quelque chose de valeur". On peut présumer que ces déclarations ont un rapport avec le regain de certains souvenirs perdus dans son amnésie. Vu les niveaux comparativement hauts de coopération montrés par SCP-2094 récemment, je ne le presse pas pour plus de réponse pour l'instant, bien que plus d'interviews détaillés sont prévues.

Hier après-midi, SCP-2094 a soumis une requête formelle pour effectuer un numéro au personnel du Bio Site-59. Ma recommandation personnelle serait d'autoriser cette représentation -sous conditions de supervision stricte, bien sûr- tant que l'état de SCP-2094 continue de montrer une amélioration. J'ai baissé le risque de suicide au niveau NR-1, et espère le voir à NR-B d'ici la fin de l'année. Comme vous le savez, les humanoïdes à haut risques sont un véritable siphon à ressources, et j'entends utiliser les fonds économisés sur les supervisions extrêmes pour des recherches additionnelles.

Il y a des chances que, en lisant cette lettre, l'idée aie traversé votre esprit que SCP-2094 ne fait que jouer la comédie pour manipuler le personnel et le faire céder à ses caprices. En tant que responsable principale de SCP-2094 pendant l'entière dernière décennie, je peux vous assurer que s'il s'agit bel et bien de comédie, alors on peut déclarer avec certitude que SCP-2094 est de nouveau en aussi bonne santé que lors de ses premières années de confinement. Excentrique, certes, mais en bonne santé.

Dr Miranda Anniston

Interview sélectionnée #3:

Intervieweur: Dr Anniston

Interviewé: SCP-2094

Notes : Ci-dessous se trouve un extrait d'une interview enregistrée le 5/16/14.

<Début de l'enregistrement>

Dr Anniston : Et il a tout avalé ?

SCP-2094 : Ouais, tout ! (Rit) Je lui ai dit que c'était mon job.

Dr Anniston : Et qu'avez-vous fait ensuite ?

SCP-2094 : Oh, tu sais. J'ai juste décidé de sortir le grand jeu et de le coller au piquet deux p'tites minutes dans mon bide.

Dr Anniston : Non !

SCP-2094 : Oh que si ! Pas besoin de dire que Manny était furieux. Pas aussi furieux qu'après "L'Incident" bien sûr, m'enfin tu sais.

Dr Anniston : Vous parlez de la mésaventure qui vous a valu d'être enfermé dans la malle, n'est-ce pas ? Ça fait quelque temps que je me pose la question. Avez-vous recouvré ces souvenirs ?

SCP-2094 : Ouais. J'ai toujours pas tout, mais ça j'ai. Pas que ça me fasse plaisir de l'avoir.

Dr Anniston : Ce n'est pas grave. Je ne vais pas vous forcer à en parler si vous n'êtes pas prêt.

SCP-2094 : Heh. Je sais bien que tu me forceras pas. C'est exactement pour ça que je vais te le dire.

Dr Anniston : Vous n'êtes vraiment pas oblig–

SCP-2094 : Trop tard, je me suis décidé. Okay, donc tu te rappelles comment Manny m'a sauvé d'une vie familiale pourrie ?

Dr Anniston : En effet.

SCP-2094 : Eh ben c'est comme ça que Manny a opéré pendant un bout de temps. Il aidait les gens. Je crois pas qu'il était en charge depuis si longtemps que ça avant que j'arrive. Le truc, c'est que plus il passait de temps au pouvoir, plus il changeait. Pas grand-chose au départ, tu sais ? Juste plus brusque, ce genre de choses. On mettait juste ça sur le compte du stress à force de garder des bizarros comme nous en ordre. Et puis il a commencé à amener ces enfants - il avait toujours amené des enfants bien sûr, de temps en temps. Peut-être deux ou trois par an.

Ça peut sembler beaucoup, mais faut bien se rappeler que le Cirque de l'Inquiétant est pas un seul spectacle, c'est une vraie folie fantaisiste de divertissement multifacettes. T'as le Grand Chapiteau évidemment, mais à côté on a l'Antre des Monstres, la Ménagerie Mutilée, les tentes individuelles pour les numéros spéciaux, sans parler des boulots sans prestation… En bref, y'a pléthore de gens dans tous types d'endroits, adultes comme enfants. Mais à un moment où l'autre, Manny a commencé à amener des enfants pas comme ceux d'avant. J'en sais quelque chose : c'est moi qui m'occupait le plus souvent d'eux.

Manny racontait les histoires habituelles. Famille brisée, orphelin, sauvé des rues, la routine quoi. Mais y'avait un truc pas net chez eux. Je me suis dit que c'était juste le traumatisme, ou alors qu'ils étaient écrasés par l'ambiance du cirque comme moi au début, mais il restait toujours un sentiment pas clair. Mais je m'y suis pas fié. J'ai été très stupide, trop longtemps. J'ai gardé mon charme, joué avec eux, les ai échauffés au cirque et leur ai fait oublier quoi que ce soit qui les hantait.

Mais ça a changé avec le dernier. Petite fille. Toute délicate - littéralement, c'était tout son truc. Elle s'éclatait en morceaux et se reconstituait tant qu'elle voulait. Donc un jour j'étais avec elle, à lui apprendre à jongler avec elle-même, et tout d'un coup elle s'est juste effondrée et a commencé à pleurer, comme quoi elle voulait rentrer chez elle. C'est là que j'ai su, au plus profond de mes tripes, que Manny avait volé des enfants. Si l'Homme au Visage à l'Envers veut te faire garder le silence, c'est pas une mince affaire de l'ouvrir.

J'ai gueulé. J'ai résisté. Je lui ai dit que c'est plus comme ça qu'on faisait. Et tu sais ce qu'il a fait ? Il m'a baffé en plein visage et m'a dit qu'il faisait juste ce qu'il pouvait pour garder le cirque en vie. T'y crois à ça ? Même avec tout ce qu'on faisait, il croyait encore que le cirque était sur le point de s'écrouler. Avec le recul, je m'dis qu'il était peut-être simplement trop inquiet, ou bien encore attaché à comment Fuller faisait les choses. Dans tous les cas, c'est pas une excuse pour ce qu'il a fait.

Je pouvais pas le supporter. Fallait que je fasse quelque chose. J'ai caché la fille dans ma bouche et je l'ai discrètement amenée au Kaléidoscope. Elle était de retour chez elle avant le déjeuner. Manny m'attendait quand je suis rentré. Furieux, évidemment. Il dit que je l'ai trahi, trahi le cirque, trahi la confiance qu'il avait en moi quand il m'a donné droit au transport. Il en a fait tout un fromage. Et puis il a appelé tout le monde pour le regarder m'enfermer dans la malle où vous m'avez trouvé.

Heh. Assez marrant au final, quand je sais que ça l'a presque tué de faire ça. Il avait tellement peur de perdre le contrôle. Il voulait faire de moi un exemple. "Esché P" était le grand méchant loup des racontars du cirque à ce moment, tu vois, depuis que la grande peur du "Emcé D" s'était calmée. Logique qu'il en profite. Il devait m'effacer du tableau, mais au moins il m'a envoyé dans un endroit sûr. Pfhoulàlà, écoutez-moi parler, tiens. T'as pas un truc à boire par ici ?

<Fin de l'enregistrement>

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