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Crédits
Titre : SCP-204-FR - Passeports de la Principauté de Mittelheim
Auteur : Charles Magne
Date : 25 octobre 2017
Image : Informations manquantes
Quelques exemplaires de SCP-204-FR.
Objet no : SCP-204-FR
Niveau de Menace : Jaune ●
Classe : Sûr
Procédures de Confinement Spéciales : Les exemplaires vierges de SCP-204-FR doivent être conservés dans la salle de stockage S-301 du Site-Kybian. Les exemplaires nominaux de SCP-204-FR doivent être stockés dans le casier n° ARCH-204 du département des archives. L’accès à la salle S-301 et au casier ARCH-204 est strictement réservé au personnel de niveau 2. En dehors des phases de test, le personnel chargé d’étudier les instances vierges de SCP-204-FR ne doit pas avoir accès à du matériel d’écriture, d’étiquetage ou d’impression et doit en conséquence être fouillé avant de pouvoir accéder à la salle S-301.
Si une instance de SCP-204-FR-01 est repérée, celle-ci doit être appréhendée, interrogée et doit se faire administrer un amnésique de classe B avant d’être relâchée. Son exemplaire de SCP-204-FR doit être confisqué et archivé. Les objets et lieux classés SCP-204-FR-02 doivent être récupérés ou localisés sans que des mesures de confinement supplémentaires ne soient nécessaires.
En raison de sa nature, la Zone He-204 ne peut-être confinée efficacement. Ses effets anormaux étant limités, les procédures de confinement concernant cette zone sont restreintes à l’exploration et l’inventaire des parcelles SCP-204-FR-02 indiquées par les instances de SCP-204-FR-01 lors de leurs interrogatoires.
La FIM Lambda-13 ("Les Anges Gardiens") doit travailler en collaboration avec l’agence de renseignement et les services de sécurité interne de la République fédérale d’Allemagne afin d’identifier et de localiser les instances de SCP-204-FR-01 appartenant au groupe B. La FIM Lambda-13 doit en outre travailler avec ces services afin d’assurer la protection et la surveillance discrète des principales personnalités politiques allemandes et des bâtiments politiques symboliques du pays. Toute information concernant l’existence éventuelle de SCP-204-FR-LEAD doit être remontée dans les plus brefs délais vers le responsable de recherche de SCP-204-FR (actuellement le Dr K. Müller).
Description : SCP-204-FR désigne un lot de deux mille trois cent dix-huit (2318) exemplaires de passeports (████ exemplaires vierges et ███ exemplaires nominaux). La plupart des exemplaires sont de couleur bleue, mais il existe également des exemplaires de couleurs différentes en fonction de leur date d'impression. Comme pour les passeports classiques, les exemplaires de SCP-204-FR possèdent un champ d’information concernant le titulaire. Ce champ comprend son nom et son prénom, sa date et son lieu de naissance, une brève description physique, ainsi que sa signature et la date de sa naturalisation. Les effets anormaux de SCP-204-FR ne s’appliquent que si ces renseignements sont exacts et complets. Une tierce personne peut remplir le champ de renseignement sans que cela n'ait de conséquence sur les effets anormaux, tant que le titulaire du passeport applique sa propre signature.
Lorsqu’un sujet humain (désigné SCP-204-FR-01) entre ses données dans un exemplaire vierge de SCP-204-FR, il se revendiquera alors en tant que citoyen de la "principauté de Mittelheim", une nation inconnue dont le territoire (désigné Zone He-204) est apparemment localisé dans le sud de la Bavière, en Allemagne. Les instances de SCP-204-FR-01 sont capables de s’exprimer couramment en allemand et possèdent des connaissances précises et cohérentes de l’histoire de cette principauté, depuis son indépendance, lors du traité de Presbourg, jusqu’à son invasion et sa destruction par le second Reich allemand, le 21 février 1909.
Les instances de SCP-204-FR-01 auront généralement en leur possession de nombreux petits objets tels que des bibelots, pièces de monnaie, timbres postes, coupures de journaux, etc… (Désignés SCP-204-FR-02) dont ils se serviront comme preuves pour affirmer l’existence de cette nation. L’origine exacte de ces objets n’est pas précise, les instances de SCP-204-FR-01 prétendant que ces derniers sont des souvenirs présents dans leurs familles depuis plusieurs années, quand bien même leur naturalisation en tant que sujet de la principauté de Mittelheim serait récente.
De plus, les instances de SCP-204-FR-01 sont capables de donner l’emplacement précis au sein de la Zone He-204 de lieux soi-disant emblématiques de leur pays (également désignés SCP-204-FR-02), tels que des monuments, des édifices culturels ou officiels, ou même des sites naturels ou bien des petits villages. Bien que ces lieux n’aient jamais été remarqués par personne, y compris la population vivant immédiatement à proximité, ou ne soient répertoriés dans aucune carte ou base de données, les agents de terrain déployés aux endroits indiqués ont effectivement pu avoir accès à ces lieux sans difficulté.
Les instances de SCP-204-FR-01 revendiquent l’indépendance et la reconnaissance de la principauté de Mittelheim par la République fédérale d’Allemagne, ainsi que le retour sur le trône d’un certain Margrave Rudolf V von Neuprinz, comte de R████████ et prince électeur du Saint-Empire Romain Germanique (désigné SCP-204-FR-LEAD). Cet individu n'a pas encore été identifié et son existence n'a pas été prouvée avec certitude.
Les instances se prêtent à des actions militantes plus ou moins pacifiques afin de soutenir leur cause. Il a été constaté lors des différentes interviews et expériences l’existence de deux factions politiques rivales.
- La Faction A, dite "les Modérés", est la plus pacifique. Leurs actions consisteront essentiellement à diffuser des exemplaires de SCP-204-FR parmi les populations civiles, distribuer des tracts, faire signer des pétitions ou entrer en politique. Il est intéressant de constater que [DONNÉES SUPPRIMÉES], l’un des principaux partis politiques allemands de la seconde moitié du XXe siècle, était composé à plus de 20 % d’instances de la Faction A, avant que la Fondation ne découvre leur existence et ne leur administre un amnésique de classe C. Il s’agit de la Faction la plus nombreuse, avec près de ███ instances recensées, dont une cinquantaine seraient toujours en liberté.
- La Faction B, dite "les Ultras", la moins importante, est cependant la plus radicale dans ses actions. Les instances appartenant à la Faction B sont très hostiles envers les personnes de nationalité allemande, particulièrement les personnalités politiques et les actuels descendants de l’aristocratie impériale, considérés comme des oppresseurs et des envahisseurs. Les membres de cette faction n’hésitent pas à commettre à leur encontre des attentats, des assassinats, des enlèvements et des demandes de rançons. ███ instances de SCP-204-FR ont été recensées comme appartenant à cette Faction, dont une trentaine seraient toujours en liberté.
Addendum 204-a : Historique
Les premiers exemplaires de SCP-204-FR ont été récupérés le 13/10/198█, après que des policiers allemands ont surpris un individu dans les sous-sols du palais du Reichstag à Berlin, manifestement en train de tenter de désamorcer un engin explosif artisanal. La bombe fut rapidement désamorcée par les services de police allemands et l'individu fut placé en garde à vue pour être interrogé. Lors son interrogatoire, celui-ci a prétendu être le responsable d’un groupe politique inconnu (désigné Faction A) et tenir le rôle de Premier ministre officiel de son excellence le Margrave Rudolf. Le domicile de l’individu (désigné plus tard SCP-204-FR-A1) fut perquisitionné par la police locale qui découvrit un grand nombre d'exemplaires vierges de SCP-204-FR ainsi que de nombreux objets qui furent par la suite classés SCP-204-FR-02.
L'agent B████████, infiltré au sein de la police locale, se chargea d'alerter la Fondation, soupçonnant le caractère anormal de ces objets au vu de leur aspect inhabituel et des propos étranges tenus par le suspect. La FIM Delta-0 ("Les Hommes en noir") se chargea de saisir les exemplaires de SCP-204-FR et de SCP-204-FR-02, et de transférer le suspect sous la surveillance de la Fondation sous le prétexte d'une opération de douane.
Addendum 204-b : Transcription d’interviews
Date : 19/07/199█
Interviewer : Dr Müller
Interviewé : D-7010
Avant-propos : Les données personnelles de D-7010 ont été saisies dans un exemplaire vierge de SCP-204-FR. Il a ensuite été demandé au sujet de signer le passeport. L’interview a été traduite de l’allemand.
<Début de l’enregistrement>
Dr Müller : Bonjour D-7010, comment vous portez-vous ?
D-7010 : Très mal, merci.
Dr Müller : Tant mieux. Je vais vous poser quelques petites questions et vous allez tâcher d’y répondre, d'accord ?
D-7010 : Tant que ça n’est pas trop personnel…
Dr Müller : Vous êtes bien S██████ O███, citoyen britannique né le ██/██/198█ à [DONNÉES SUPPRIMÉES] au Royaume-Uni ?
D-7010 : Oui, c’est bien moi. Mais je préfèrerai que vous n’employez pas le terme "citoyen britannique". Je suis citoyen de la principauté de Mittelheim.
Dr Müller : Si vous voulez. D-7010, pouvez-vous me dire quelle est votre langue maternelle ?
D-7010 : L’anglais. Vous l’avez dit, je suis né au Royaume-Uni.
Dr Müller : Évidemment… Pouvez-vous me dire où avez-vous appris à parler allemand ?
D-7010 : Je n’ai jamais appris à parler cette langue.
Dr Müller : Vous avez conscience que… nous nous exprimons actuellement en allemand ?
D-7010 : Oui, bien-sûr. C’est ma langue nationale. C’est normal que je m’exprime dans cette langue, non ? Vous n’allez quand même pas m’empêcher de parler dans la langue que je veux !
Dr Müller : Calmez-vous D-7010, c’était une simple question. Je continue. Depuis combien de temps vous définissez-vous comme citoyen de cette nation ? La principauté de Mittelheim ?
D-7010 : Depuis une dizaine de minutes environ. Quand vous m’avez fait signer mon passeport, en fait.
Dr Müller : Je vois. Est-ce que vous pourriez me dire deux ou trois mots sur ce pays ?
D-7010 : Oui, bien sûr. C’est un coin très sympa, vraiment.
Dr Müller : Vous y êtes déjà allé ?
D-7010 : Je… Nan, c’est vrai, j’y suis jamais allé. Mais n’empêche… J’ai des vieilles cartes postales chez moi. C’est très joli. Il y en a une surtout que j’aime beaucoup. Elle représente le lac Blausee, l’un des moins pollués d’Europe. Immense, avec une eau d’un bleu… Et puis on peut faire de la barque dessus. Si un jour je sors de votre laboratoire de tarés, c’est le premier endroit que j’irai visiter.
Dr Müller : Où se trouve ce lac ?
D-7010 : À l’extrême sud du pays, près de [DONNÉES SUPPRIMÉES], sur la frontière autrichienne. Vous comptez y faire un tour ?
Dr Müller : Excusez-moi, mais je suis pratiquement sûr qu’il n’y a aucun lac de ce type dans ce coin-là. Je suis né à [DONNÉES SUPPRIMÉES] et je ne me souviens pas de…
D-7010 : Vous me traitez de menteur ? Qu’est-ce que vous pouvez bien en savoir, hein ? C’est vrai, vous n’êtes pas citoyen de Mittelheim. Vous êtes un allemand, vous ne pouvez vous en prendre qu’à vous-même. Vos ancêtres ont suffisamment contribué à la disparition de notre culture, alors ne venez pas vous plaindre si vous ne pouvez pas en profiter. Vous savez quoi ? Vous n’avez qu’à y retourner à [DONNÉES SUPPRIMÉES], le lac est à une dizaine de kilomètres au sud de la ville, juste à côté de [DONNÉES SUPPRIMÉES]. Vous allez voir si je suis un menteur. Et par la même occasion, vous allez pouvoir admirer les ravages que votre peuple a fait subir à notre pays.
Dr Müller : Bien, je n’y manquerai pas. Ça suffira pour aujourd’hui D-7010.
<Fin de l’enregistrement>
Vue aérienne du "lac Blausee"
Note : La cartographe Lyrkasy Stymph a été déployée près de la ville de [DONNÉES SUPPRIMÉES] au sud de la Zone He-204, dans le but de cartographier le terrain. Après avoir suivi les indications de D-7010, celle-ci a découvert le lac en question, à quelques centaines de mètres d’un petit village local. Après avoir interrogé la population au sujet de ce lac, il a été constaté que les habitants n’avaient jamais entendu parler d’un lac à proximité de leur village. Un groupe d’une dizaine de civils sélectionnés parmi les plus anciens résidents du village ont été emmenés à l’emplacement du lac. Ces derniers ont alors exprimé une grande confusion et ont assuré que le lieu était censé être occupé par des champs agricoles. Les civils ont été relâchés après avoir reçu un amnésique de classe A.
SCP-204-FR-A1 lors de son arrestation
Date : 19/05/198█
Interviewer : Dr Müller
Interviewé : SCP-204-FR-A1 (A1)
<Début de l’enregistrement>
Dr Müller : Bonjour SCP-204-FR-A1, comment allez-vous ?
A1 : Vous êtes obligé de me donner un numéro aussi long ? Vous savez, vous pouvez m’appeler Miguel, comme tout le monde.
Dr Müller : C’est juste une question de protocole. J’aimerais s’il vous plaît que vous me parliez un peu de votre engagement politique.
A1 : Avec plaisir. Disons que j’estime tout à fait normal de défendre nos droits. Je veux dire, n’importe qui en ferait autant. Si nous voulons que l’on nous écoute, nous ne pouvons pas rester les bras croisés sans rien faire, à attendre que ce que nous réclamons nous tombe tout cuit dans le bec. C’est une question de bon sens.
Dr Müller : Naturellement. Dites-moi s’il vous plaît, quel est votre objectif ? Et quelle est la nature de vos actions ?
A1 : Notre indépendance évidemment. Et la reconnaissance officielle du statut de notre nation. Quant à nos actions, celles-ci sont tout à fait classiques et pacifiques. Le but n’est pas d’imposer notre opinion par la force, mais d’induire une prise de conscience collective au sein de la population.
Dr Müller : Lorsque vous avez été appréhendé, on vous a retrouvé en train de manipuler un engin explosif.
A1 : Ça n’était pas moi ! D’ailleurs c’est moi qui ai alerté la police. Ça faisait un bout de temps que je soupçonnais… enfin bref. Je… nous nous désolidarisons tout à fait de cette tentative d’attentat.
Dr Müller : Vous vous désolidarisez ? Cela signifie que le terroriste est l’un des vôtres ? C’est un citoyen de Mittelheim lui aussi ?
A1 : Non ! Enfin si, mais… pas tout à fait. C’est bien l’un de mes compatriotes qui a commandité l’attentat, mais la grande majorité d’entre nous ne soutient absolument pas la nature de ses actions. Notre but est pacifique, je vous l’ai dit.
Dr Müller : Parlez-moi de cet homme et de ses partisans.
A1 : Bien, ça risque d’être compliqué et un peu long.
Dr Müller : Essayez d’aller à l’essentiel.
A1 : Très bien. Pour comprendre les choses, il faut d’abord imaginer qu’à l’époque, dans les années 1900 je veux dire, la situation en Europe était… tendue. Le jeu des Alliances ne nous était pas favorable et nous sentions instinctivement que l’issue de la guerre à venir n’était pas favorable à l’Allemagne. Nous avons toujours milité en faveur du pacifisme, pour éviter le conflit mondial vous comprenez ? Et paradoxalement c’est ce qui nous a poussés à nous rebeller contre le Reich. Une trahison ? Peut-être bien, mais tout ce que nous voulions au final c’était qu’on nous laisse en dehors de tout ça.
Dr Müller : Et c’est le désir de rester tranquille qui a poussé certains d’entre vous, les "Ultras", c’est ça ? À poser une bombe sous le Reichstag presque un siècle plus tard alors que tous les protagonistes de l’époque sont morts depuis longtemps ?
A1 : Plutôt un sentiment de vengeance je dirais. Voyez-vous, nos ancêtres ne sont pas entièrement innocents non plus, il faut bien le reconnaître. Le siège de Munich en particulier fut une boucherie effroyable. Tant pour les soldats que pour les civils. Il y a eu des exactions. Le général en chef de l’armée margravine à l’époque - von Felsbach si je ne dis pas de bêtises – voulait venger les pillages et les crimes des impériaux et des austro-hongrois sur notre territoire. Ça les a amenés à se venger à leur tour. Ironique n’est-ce pas ?
Dr Müller : Comment s’y sont-ils pris ?
A1 : Savez-vous ce qui est le pire pour une nation ? Pas le massacre de sa population, on peut refaire des enfants. Ni l’annihilation de sa culture, on peut reconstruire un monument ou repeindre un tableau. Non. Le pire, c’est de tomber dans l’oubli. Que le monde entier se mette à nier en bloc l’existence de cette nation. C’est ce qu’a fait le Reich, nous effacer purement et simplement du jour au lendemain. Un état entier, avec ses villes, sa culture, sa population, son histoire… non pas réduit à un état de mythe ou de légende, mais à un gigantesque trou de mémoire. Alzheimer à l’échelle d’un pays.
Dr Müller : Et cela justifierait cette tentative d’attentat ?
A1 : En fait, je crois que ceux qui ont fait ça cherchent plus que la vengeance. Ils sont persuadés qu’en marquant les esprits d’une manière aussi brutale, ils finiront par réveiller la mémoire des gens. Ils ont peut-être raison. Peut-être que cela fonctionnerait. Mais ce n’est pas une bonne solution.
Dr Müller : Je vous remercie SCP-204-FR-A1. Ça sera tout pour aujourd’hui.
<Fin de l’enregistrement>
Addendum 204-c : Transcription de documents choisis
Expéditeur : Franz von Schultheiss, procureur impérial du Reich à Mittelheim
Destinataire : Son Excellence le Reichskanzler von Bülow
Date : 28/07/1908
Monsieur,
Je prie Votre Excellence de faire part au plus vite au Kaiser de mes préoccupations quant à la situation à Mittelheim. Le comportement du Margrave Otto est des plus inquiétants et j’en viens à douter de la loyauté de ce dernier envers le Reich et envers le Kaiser.
La population commence à exprimer publiquement de l’aversion envers les représentants du Reich et proteste de plus en plus fort contre la politique du gouvernement impérial. La rumeur d’une prochaine guerre en Europe inquiète et plusieurs mouvements pacifistes militent jour après jour en faveur d’un rapprochement avec la France et le Royaume-Uni.
Le Margrave Otto s’est hier longtemps entretenu avec le consul de Grande-Bretagne sur la situation politique en Europe. Je sais de source sûre qu’il lui a assuré personnellement que quelles ques soient les tensions actuelles entre le Reich et la Grande-Bretagne, le roi Édouard VII restait pour lui un frère et un ami précieux.
Par ailleurs, mes contacts en Autriche m’ont fait part de l’existence d’un groupuscule terroriste qui vendrait des armes aux rebelles bosniaques, avec le soutien muet de la police du Margrave. Ce dernier et le chef de la police de la principauté m’ont assuré ne jamais avoir entendu parler de l’existence d’un tel groupe, malgré tous les rapports que les autrichiens affirment lui avoir fait parvenir. Mon homologue de Vienne souhaite que lumière soit faite sur cette affaire.
Je ne souhaite pas passer pour un paranoïaque. Mes sources sont sûres et sans équivoques. Vous trouverez joints à cette lettre tous les documents nécessaires pour prouver mes allégations.
Je demeure votre ami et le fidèle sujet du Kaiser.
Expéditeur : Reichskanzler Bernhard von Bülow
Destinataire : Sa Majesté le roi Othon de Bavière
Date : 01/08/1908
Sire -STOP- Situation à Mittelheim intolérable -STOP- Le meurtre de von Schultheiss et les émeutes qui s’en sont suivies ne doivent pas rester impunis -STOP- Le Kaiser a décrété que la population avait fait preuve de sédition et de haute trahison envers le Reich -STOP- Le Margrave Otto est l’unique responsable -STOP- Il vous demande personnellement d’envoyer des troupes pour pacifier la région -STOP- Nous comptons sur vous pour que la leçon soit exemplaire et à la hauteur de l'affront infligé au Reich par les rebelles -STOP- Plus de détails à suivre -STOP-
Reichkanzler Graf von Bülow
Avant-propos : L'auteur du journal est un certain W███████ O█████████, sergent d'infanterie dans l'armée margravine lors de la guerre civile entre Mittelheim et le 2ème Reich entre 1908 et 1909. Bien que l'auteur possède le même nom et semble avoir le même âge que le grand-père de SCP-204-FR-A139 - auquel le journal était censé appartenir - les biographies de l'auteur du journal et de l'aïeul de SCP-204-FR-A139 sont parfaitement incompatibles.
17 février 1909
Nous avons fui Munich. Nous ne pouvions plus tenir cette ruine avec aussi peu d’hommes, de vivres et de munitions. Je crois surtout que l’état-major essaye de fuir ses propres actes. Ça n’était pas bien ce que nous avons fait là-bas. Nous nous sommes soulevés pour une juste cause et nous l’avons souillée nous-mêmes.
Sur les ordres du Margrave, nous avons exécuté tous ceux qui avaient auraient pu tenir un fusil contre nous, civils comme militaires. À la corde et à la baïonnette, pour économiser les munitions. Nos officiers n’ont pas arrêté de nous répéter que c’était normal, que c’était le sort réservé aux francs-tireurs, mais je crois que leur conscience les torture autant que nous. Combien de victimes ? Combien de femmes, d’enfants, de vieillards et de blessés parmi eux ? Beaucoup trop. Le margrave est un salopard Nous sommes tous des salopards.
[PASSAGE NON-PERTINENT SUPPRIMÉ]
Une balle m’a éraflé la cuisse dans l’escarmouche. C’est douloureux, mais la blessure est superficielle et je peux marcher. Ces gars-là n’étaient que des éclaireurs, le reste de l’armée impériale doit avoir atteint Munich désormais. Quand ils découvriront ce que nous avons fait, ils ne laisseront plus une pierre debout à Mittelheim.
19 février 1909
Il s’est passé quelque chose d’étrange aujourd’hui. Hier soir, le capitaine m’avait chargé malgré ma blessure d’aller fouiller un petit village en ruine avec mon escouade à la recherche de vivres. J’ai reconnu le patelin. Kleinburg qu’il s’appelait. C’est là que vivent vivaient vivent les parents de Klaus. Ce pauvre vieux Klaus, au moins je n’ai plus à chercher ses parents pour leur annoncer le décès de leur fils. Je crois que le capitaine habitait ici lui aussi, avant la guerre civile. J’avais encore mal à la cuisse, mais le village n’était pas loin et je m'étais dit que cela ne me ferait pas mal de faire un peu d'exercice.
Il n’y avait personne dans le village, nous en étions sûrs. Le coin n’était pas très dur à fouiller, une quarantaine de maisons en ruines tout au plus et une petite église. Pas de nourriture ni d’habitants. Nous avons décidé de passer la nuit dans la sacristie de l’église, car le toit tenait encore debout.
Nous avons été réveillés par le pasteur. Il nous a demandé ce que nous faisions là et semblait inquiet. Nous lui avons dit que nous cherchions de la nourriture et qu’il me fallait voir un médecin pour ma jambe. Nous lui avons dit qu’il n’avait rien à craindre, que nous aussi nous étions de Mittelheim. Il n’avait pas l’air de comprendre tout ce qu’on lui disait, mais il nous a promis de nous apporter de quoi manger si nous sortions de son église. Quand nous sommes sortis dehors, tout était différent.
Tout était normal. Les maisons étaient intactes, les rues étaient pleines de passants et les enfants faisaient des bonhommes de neige. Kleinburg était… ressuscité, je n’ai pas d’autres mots. Nous sommes directement allés voir chez Klaus. Ses parents étaient là, ils tiennent une charcuterie. Nous leurs demandons des nouvelles de leur fils, ils prétendent ne pas savoir de quoi nous parlons, ils n’ont jamais eu de fils. Nous commençons à avoir peur.
Alors que nous nous apprêtions à fuir ce village de fantômes, Ernst Wagner nous a arrêté et a pointé un petit café au coin d’une rue d’un air horrifié. Le capitaine était là, en train de prendre un grog en terrasse.
Il ne nous a pas reconnus. Il ne se souvenait pas de nous avoir envoyé chercher des vivres ici et n’avait jamais entendu parler d'une quelconque guerre civile. Il a prétendu être avocat dans le patelin et n'avoir jamais eu de carrière militaire. C'était à n'y rien comprendre.
Nous lui hurlons dessus, lui montrons des photos de la compagnie et du régiment, tentons de lui rappeler ce que nous avons vécu ensemble ces derniers mois… Rien à faire, le capitaine ne se souvenait de rien. Je crois qu'il commençait à avoir peur de nous. Quand on y pense, c'est plutôt logique. Une demi-douzaine d'hommes en armes et en uniformes déchirés que vous ne reconnaissez pas que vous n'avez jamais vu et qui vous tombent dessus en gueulant, il y a de quoi s'inquiéter. Il nous a donné dix marks chacun et nous a demandé de le laisser tranquille. Ernst a alors brandi son arme et a essayé de lui tirer dessus. Il l’aurait tué si je n’étais pas intervenu. Nous nous sommes enfuis en courant alors que le capitaine appelait à l’aide. J’étais tellement choqué et terrorisé que je n’ai pas même pas remarqué que ma blessure s’était réouverte sous l’effort.
Lorsque nous sommes revenus à l’emplacement de notre camp, nous n’avons trouvé que des champs enneigés. Pas de tentes, pas de canons, pas de matériel. Seule une petite centaine de soldats aussi perdus que nous et qui se demandaient où était passée cette foutue armée. Quelques-uns étaient partis tout comme nous pour aller chercher de la nourriture ou du bois. Certains étaient partis en éclaireurs. Les autres se sont simplement réveillés, comme ça, seuls au milieu de ce qui était censé être notre bivouac, sans aucune trace des milliers d'hommes qui campaient là la veille. Nous nous sommes dit que nous étions maudits, que nous étions morts ou que la faim nous avait fait perdre la raison. Beaucoup pleuraient ou restaient prostrés dans la neige.
Nous n’avions pas le choix, après nous être rapidement tous concertés - du moins ceux qui n'avaient pas encore cédé complètement à la panique - nous avons décidé de nous séparer et de rentrer chacun chez soi. Je suis parti de mon côté avec Ernst et Gunther Marx. J'ai peur. Nous avons tous peur. Et cette foutue jambe qui me lance toujours… Je prie pour que Greta et les enfants me reconnaissent quand je les retrouverai.
20 février 1909
Aujourd’hui, rien. Juste rien.
21 février 1909
[DONNÉES SUPPRIMÉES]
22 février 1909
Je suis allé au mariage d’Ernst Wagner avec Greta et les enfants. Une cérémonie magnifique sous la neige, dans la chapelle du village. La petite réception qui a suivi était simple, mais très joyeuse. La nourriture abondait et la bière coulait à flot. Le gâteau des mariés était une gigantesque forêt noire préparée par Greta et ses amies en l’honneur des jeunes mariés. En revanche, je ne suis pas allé danser avec les autres. J’ai comme une douleur dans la jambe depuis quelques jours. Il faudrait que je voie un médecin.
Addendum 204-d : Objets et lieux notables classés SCP-204-FR-02
- Un lot de sept cent trente-neuf (739) pièces de monnaie frappées entre 1805 et 19██. Sur leurs faces figurent les profils de plusieurs individus identifiés par les instances de SCP-204-FR-01 comme les différents Margraves et Margravines ayant dirigé la communauté de SCP-204-FR-01 au long de son histoire.
- Un lot de quarante-cinq (45) pièces de deux (2) euros frappées en 2009. Sur leurs faces figure le profil d’un individu identifié par les instances de SCP-204-FR-01 comme SCP-204-FR-LEAD.
- Un petit village situé non loin de [DONNÉES SUPPRIMÉES] dans la zone He-204, désert à plus de 50 % et peuplé uniquement d’instances de SCP-204-FR-01. Les individus ont reçu un amnésique de classe C et ont été relogés ailleurs.
- Les ruines d’un grand édifice ressemblant à un palais ou un bâtiment officiel situé au milieu de la ville de [DONNÉES SUPPRIMÉES]. Il s'est avéré que les riverains n'avaient aucune conscience de l’existence de cet édifice, jusqu’à ce que celui-ci soit porté à leur attention.
- Une peinture sur toile de dimension 310 x 150 cm datée de la première moitié du XIXe siècle. On y voit Napoléon Bonaparte accordant l’indépendance de la principauté au Margrave Otto Ier von Nordensöhn.
- De nombreuses coupures issues de vieux journaux allemands.
- Plusieurs affiches, tracts de propagande et registres de pétition retrouvés en possession de SCP-204-FR-A1 lors de son interpellation. Il a été constaté lors des tests que les individus mis en contact avec ces documents présentent un vif intérêt et une grande curiosité à propos de la principauté de Mittelheim et cherchent à obtenir des renseignements sur son histoire et sa culture. Il n’a pas encore été conclu avec certitude s’il s’agit d’un effet anormal bénin ou d’une simple curiosité.
- Du matériel d’imprimerie et de reliure, saisi lors de la récupération initiale de SCP-204-FR. Supposé avoir servi pour sa création. Pas d’effets anormaux détectés.
- Une carte représentant les contours de la Zone He-204 dessinée vers 1820. Des copies sont disponibles au département des archives, moyennant une autorisation de niveau 3.
- Plusieurs pièces d’uniformes d’origines diverses datant approximativement du début du XXe siècle. Aucune des composantes de ces pièces d’uniforme ne correspond à celles couramment utilisées dans les différentes armées de cette époque.
- Un recueil intitulé Contes et Nouvelles des Villes et des Champs, publié en 1855. L’auteur, un certain Ludwig Zweistein, serait une figure emblématique de la littérature de la principauté. Des copies sont disponibles au département des archives, moyennant une autorisation de niveau 2.
- Un livre d’histoire d’écolier datant de la fin du XIXe siècle et relatant l’histoire de la principauté. Une copie est disponible au département des archives, moyennant une autorisation de niveau 2.