SCP-015-INT
Hound_of_Mons_1_-_800px.png

L'une des trois seules photographies connues de l'objet, prise par le lieutenant E████ Swift de l'Australian and New Zealand Army Corps.

Objet no : SCP-015-INT

Classe : Neutralisé

Procédures de Confinement Spéciales : Toute désinformation de grande ampleur autour de l'existence de l'objet est inutile, car la documentation historique disponible traite déjà SCP-015-INT comme un mythe. La ville de Mons, en Belgique1 est sous surveillance discrète constante pour repérer toute nouvelle manifestation de l'objet. Aucun autre effort de confinement n'est nécessaire.

Toute référence à SCP-015-INT en tant que fait ou mystère historique doit être soit systématiquement censurée, soit mythifiée sous une histoire de couverture basée sur un article écrit en 1919 par le vétéran canadien F. J. Newhouse, présenté comme une œuvre de fiction. Les différents individus mentionnés dans cet article doivent également être présentés comme fictifs (l'origine que F. J. Newhouse attribue à l'entité, à savoir une expérience biologique allemande ratée, est une pure invention de sa part et ne nécessite aucune désinformation supplémentaire).

Description : SCP-015-INT était une entité anormale observée par des soldats français, allemands et de l'ANZAC pendant et après la bataille de Mons. Les rapports varient énormément d'un témoin oculaire à l'autre, bien que certains soient apparemment crédibles. La plupart des témoins ont déclaré avoir envoyé des éclaireurs dans le No Man's Land après avoir entendu un hurlement de type canin. Aucun n'est revenu, et les autopsies ont révélé des marques de morsure comme cause de la mort. L'origine de l'anomalie est actuellement inconnue. Certains semblaient croire qu'il s'agissait d'une créature issue du folklore belge, d'autres pensaient qu'il s'agissait d'une expérience de guerre ratée du côté ennemi.

Hound_of_Mons_2_-_600px.png

Photographie prise par l'artilleur G█████ Augustin de la Cinquième armée française, en 1915.

Les descriptions de SCP-015-INT semblaient varier considérablement d'un observateur à l'autre, allant d'un animal ressemblant à un loup noir de taille anormale avec des yeux rouges, à un chien plus petit et d'apparence plus banale. L'apparence subjective de l'entité telle que perçue par un sujet s'étendait également aux photographies ou aux enregistrements réalisés par ce même sujet.

Étant donné que les observations de SCP-015-INT ont pratiquement cessé à la fin de la Première Guerre mondiale (1918) et qu'aucun nouveau rapport n'en a été fait depuis, l'objet est actuellement considéré comme neutralisé.

Addendum 015-INT-1

  • Carte postale de G█████ Augustin (soldat français, artillerie, Cinquième Armée) à sa femme.

Le 16 janvier 1915


Ma chère Madeleine,

Je t’envoie cette simple carte pour aujourd’hui car je n’ai rien de bien intéressant à te raconter, mais je vais bien, je te l’assure. Je te répondrai plus longuement lorsque ta prochaine lettre arrivera. Voici six jours qu’on ne fait absolument rien ici si ce n’est faire des paris aux cartes pour jouer nos rations de vin. Il gèle, mais le froid n’est pas trop dur. Des soldats venus d’Australie ont rejoint les tommies2 il y a peu, rends-toi un peu compte. Peut-être va-t-il enfin y avoir du mouvement.

Je t’envoie un doux baiser.

Ton petit homme dévoué.

  • Lettre de K███ Fuchs (soldat allemand, infanterie, IVe corps, 1re armée) à sa mère. Cette lettre a été censurée dans son intégralité par la censure militaire et n'a jamais été envoyée. Non datée (on estime qu'elle a été écrite entre le 18 et le 25 janvier 1915). Traduite de l'allemand.

Chère mère,

Je te remercie pour tes prières. Ta lettre m'a trouvé en bonne santé. Ici, sur la ligne de front, la rumeur veut que la guerre se termine bientôt. Moi, cependant, j'en doute. Nous sommes assis dans ce trou depuis des semaines maintenant. Parfois, je me demande si tout cela en vaut la peine.

Tu te demandes probablement pourquoi je t'envoie une lettre cette fois-ci au lieu d'une carte postale. Eh bien, quelque chose me tracasse depuis plusieurs jours maintenant, et cela ne tiendrait jamais sur quelque chose d'aussi petit qu'une carte postale. Voici mon histoire : il y a environ une semaine, quatre d'entre nous ont reçu l'ordre de se faufiler en territoire ennemi au milieu de la nuit. Mère, ton fils n'est pas un lâche, et pourtant la seule pensée qui m'a traversé l'esprit pendant toute cette terrible nuit était que ce serait ma toute dernière sur cette Terre.

Vois-tu, entre nos lignes et celles de l'ennemi se trouve une bande de terre sans loi, pleine d'arbres morts et de cratères ouverts par les obus d'artillerie. S'y rendre de jour est déjà synonyme d'immense danger, mais le soir venu, l'endroit revêt un aspect encore plus épouvantable. Nul ne sait si son prochain pas sera le dernier. C'est dans cet état d'esprit que mes camarades et moi avancions, un pied après l'autre dans la boue, lorsque nous sommes tombés nez à nez avec quelques soldats ennemis qui avaient dû recevoir le même ordre que nous !

Une panique totale s'ensuivit, au cours de laquelle, d'un côté comme de l'autre, personne ne semblait savoir s'il convenait d'attaquer ou de fuir. Un coup de feu unique fut tiré, je sentis le souffle d’une balle sur mon visage, et l'un de mes camarades s'écroula à mes côtés. Je préfère ne pas décrire l'état de mon ami, mais j'étais aussi sonné que si j'avais moi-même reçu cette balle, et si une seconde était partie, je serais peut-être resté là sans bouger, attendant de la recevoir.

A cet instant, cependant, l'impensable se produisit. Quelque chose d'énorme bondit sur moi et me jeta dans la boue, et j'entendis un ennemi hurler quelque chose en français, terrorisé. Je t’épargnerai, mère, les bruits de cauchemar qui s'ensuivirent alors. Lorsque je rouvris enfin les yeux, toujours allongé dans la boue, il y avait du mouvement à mes côtés, mais à ma grande horreur, il ne s'agissait pas d'un de mes camarades me portant secours. Je jure devant dieu et tout ce qui est saint en ce monde qu'un loup gigantesque, aux yeux rougeoyants, avait saisi mon camarade tout entier, et l'emportait dans sa gueule.

J'ai couru. Je ne sais pas comment je suis retourné à la tranchée. Je ne sais même pas ce qui est arrivé à ces Français restés en arrière. Je tremblais comme une feuille, et mon commandant a refusé de me croire quand je lui ai décrit l'effroyable loup. Mais maintenant, chaque fois que je ferme les yeux, je revois cette terrible bête, et certains de mes camarades m'ont avoué qu'ils l'entendaient rôder la nuit. Nous sommes tous très fatigués, et très angoissés.

Je ne sais pas si cette lettre te parviendra, car je crois bien qu'elles sont relues avant de t'être transmises. Je conçois également que cela ne soit pas une lecture de nature à te réconforter. Il fallait cependant que je t'en parle à cœur ouvert, car que peut-on donc faire d'autre lorsque l'on voit la Mort d'aussi près ?

En dépit de mon pessimisme, j'espère sincèrement que je serai bientôt de retour à la maison. En attendant ce jour, garde-moi dans ton cœur.

Ton fils aimant,
K.

  • Lettre de G█████ Augustin (soldat français, artillerie, Cinquième Armée) à sa femme.

Le 18 février 1915


Ma chère Madeleine,

Quel bonheur d’avoir enfin reçu ta lettre ! Je suis bien heureux d’apprendre que ton frère Gilles a obtenu sa permission. J’ai bien peur qu’ici, les combattants de la première heure ne soient pas très favorisés et qu’on ne sort pas de la fournaise avec la même facilité… Pense que nos pauvres fantassins qui sont en première ligne n’en voient pas plus que moi l’artilleur, qui est à quelques kilomètres des boches ; ils sont complètement terrés et parfois, ils se tuent sans se voir. Drôle de guerre que celle-ci, tout de même. Pour ma part, je suis un peu grippé mais je me porte assez bien.

Te souviens-tu de ma petite carte où j’évoquais des australiens venus de l’autre côté du monde pour venir aider les tommies ? Je ne sais pas ce qui passe par la tête de ces garçons, et je ne comprends pas un seul mot de ce qu’ils disent, mais je me dois de te raconter l’une de leurs dernières lubies. L’un d’entre eux s’est lié d’amitié avec une espèce de loup difforme qui rôde dans le No Man’s Land depuis des mois et terrorise nos fantassins presque davantage que les marmites3 que nous servent les boches. Mais ces grands diables d’australiens le traitent comme un de nos chiens de guerre, ceux qui portent des messages urgents en première ligne quand la liaison est coupée. Ils lui chantent des chansons, et ils lui donnent même un peu de leur rations ! On m’a dit que les bêtes qu’ils ont là-bas de l’autre côté du monde sont assez dangereuses comparées à celles de nos campagnes, mais tout de même, voilà un bataillon bien étrange…

Tu sais combien j’adore la photographie, et que j’ai obtenu une autorisation spéciale pour mon appareil ; je n’ai pu m’empêcher d’essayer de prendre la bête en photo, un jour qu’elle courait rejoindre ses camarades pour les soutenir lors d’une charge. J’ignore quand je pourrais la développer, cependant.

Je prie pour te retrouver très bientôt et t’envoie un doux baiser.

Ton petit homme dévoué.

  • Lettre de J█████ Meylan (soldat de l'ANZAC, cavalerie, IIe Corps, 5e armée) à ses deux fils. Datée du 20 février 1915. Traduite de l'anglais.

À Jacky et Mikey,

Le son des coups de feu résonnait dans mes oreilles alors que je marchais péniblement dans la boue du front occidental. Je suis un simple soldat, un homme de la classe ouvrière des annales de Sydney, loin de notre maison en Australie.

Un jour, alors que je me recroquevillais dans une tranchée, j'ai entendu un bruit étrange. Au début, j'ai craint que ce soit l'ennemi, mais ensuite, j'ai aperçu un grand chien hirsute qui avançait droit vers moi. Il était couvert de boue et de sang, et je pouvais lire la détermination dans ses yeux rouges et brillants.

Malgré ma peur initiale, j'ai tendu la main vers le chien, et j'ai pris mon souffle pour lui chanter une chanson de chez moi :

My name is Joe the carrier’s lad, a merry chap am I,
I always am contented, be the weather wet or dry,
I snap my fingers at the frost, I whistle at the rain,
I've braved the storms for many a day and will do once again.

Oh, crack, crack, goes my whip, I whistle and I sing,
I sit upon my wagon I’m as happy as a king;
My horse is always willing, and I am never sad,
There's none can lead a jollier life than Joe the carrier’s lad.4

Peu à peu, j'ai vu sa démarche ralentir, et sa silhouette s'approcher de moi d'un pas hésitant. A la fin de la chanson de Joe, le cabot a fermé les yeux et m'a offert son museau. Après que je lui aie prodigué quelques caresses sous le soleil couchant belge, il s'est blotti pour dormir dans mes bras.

Les jours suivants, j'ai passé tout mon temps libre avec le chien, le soignant pour qu'il retrouve la santé. Je l'ai appelé Snugglepot, d'après un livre pour enfants que je prévois de vous acheter tous les deux à mon retour, et parce qu'il aime se blottir contre moi.

La guerre m'a semblé perdre un peu de son intensité après cela, et les autres gars se sont vite attachés à Snugglepot, eux aussi. La vie de tranchée n'était pas complète quand il dormait. Il était toujours à nos côtés, nous offrant réconfort et bravoure quand nous en avions le plus besoin.

Je crois que je vais vous le ramener à la maison. Vous formeriez un bon trio.

dogwithsoldier.jpg

  • Lettre de G█████ Augustin (soldat français, artillerie, Cinquième Armée) à sa femme. Cette lettre a été partiellement censurée par la censure militaire, et est restituée ici dans sa forme originale.

Le 2 octobre 1915


Ma très chère Madeleine,

J’ai quitté les tranchées hier au soir, et maintenant je suis au chaud et au sec à l’hôpital. Je suis en piteux état, je l’avoue, mais je te rassure, je pense que je serai prochainement requinqué par nos médecins. Laisse-moi te conter mon aventure.

Hier, vers 18h, nos hommes et les tommies ont reçu l’ordre de lancer une offensive sur la tranchée ennemie. Pour arriver là-bas, c’est le parcours du combattant, il faut éviter les marmites tombant du ciel, les balles boches, et les barbelés. Même depuis mon poste de tir, j’entendais de terribles cris.

Je bénissais ma chance de n’être qu’artilleur lorsqu’un gros obus éclata à moins d’une dizaine de mètres derrière moi, presque directement sur ma batterie, et je fus littéralement projeté dans les airs. Je poussai un grand cri de douleur et tombai sur le sol, avant de réaliser que j’étais aveuglé.

Autour de moi, c’était la panique générale. Nulle aide ne venait pour moi, et en tentant de me relever, j’ai réalisé qu’un éclat de la fichue marmite s’était planté dans ma jambe.

C’est alors que j’ai senti une bête, oui, une bête terrible m’attraper le bras et me traîner en direction des premières lignes !

Songe donc, Madeleine, que de chaque côté des lignes, sur une largeur d’un kilomètre, il ne reste pas un brin d’herbe ; il n’y a qu’une terre noire et brune, sans cesse retournée par les obus, constellée de souches déchiquetées, de débris de murs qui laissent supposer qu’il y a quelques temps encore, il y avait là une construction, et des habitants… et que moi, l’artilleur, je n’avais encore jamais mis un seul pied plus avant que mon poste de tir dans cette direction. Dans ma peur aveugle, oh Madeleine chérie, cette bête me semblait être Cerbère me traînant vers la gueule de l’enfer.

J’ai soudain entendu quelqu’un siffler au loin, et crier quelques mots incompréhensibles. Comme à l’appel de son maître, le loup me lâcha, courant rejoindre ces braves diables d’australiens qui partaient à l’assaut. Malgré cela, je ne voyais toujours rien, mes mains ne rencontraient que de la boue, et j’entendis une autre marmite exploser à proximité.

Je ne crois pas avoir déjà ressenti une peur si viscérale, si totale, de toute ma vie. Je l’écris sans honte.

Au loin, une voix éraillée chantait quelque chose entre les sifflements des balles, quelque chose que j’avais déjà entendu à une ou deux reprises, mais dont je ne connaissais pas les paroles. J’ai alors rassemblé le peu de courage qui me restait, tentant d’ignorer l’état de ma jambe, et j’ai commencé à ramper dans la direction opposée, celle qui me ramènerait sans doute vers l’arrière des lignes. Et pendant tout ce temps, je reprenais cet air, et marmonnait des paroles que j’inventais, parlant de toi, et de la maison, et de toutes ces choses que je souhaitais revoir un jour.

Je ne sais exactement quand, mais j’ai fini par perdre conscience. Plus tard, les infirmiers vinrent sans doute me chercher pour m’emmener à l’hôpital, aménagé dans une ancienne église bombardée, et c’est ici que je suis revenu à moi. L’hôpital est surchargé, et il y a vingt blessés pour un médecin. Toujours est-il qu’on m’a allongé sur un lit, et que depuis j’attends les soins.

Je ne sais pas ce qui me donne cette conviction, mais je sais, je sens que je vais m’en sortir. Et quand je me mets à en douter, je chante l’air qui charme les monstres, et ma peur s’éloigne, pas à pas, comme cet étrange chien sur le champ de bataille.

Cet air, je te l’apprendrai un jour, sois-en certaine.

Je serai bientôt auprès de toi, je l’espère. Dans cette attente, je t’envoie un doux baiser.

Ton petit homme dévoué.

Sauf mention contraire, le contenu de cette page est protégé par la licence Creative Commons Attribution-ShareAlike 3.0 License