— Et en gros, ça fait quoi ?
Le Chercheur Senior MacCowell examinait avec suspicion une salamandre rouge rayée de beige. Celle-ci se déplaçait dans un vivarium de quatre mètres de largeur sur trois mètres de longueur et de deux de hauteur. Elle aussi examinait MacCowell, mais avec envie. Elle ne pouvait pas l'atteindre parce qu'il se trouvait derrière une vitre blindée de quarante centimètres d'épaisseur supposément opaque. Pour ne pas que ses observateurs se doutent qu'elle les observait à son tour, la salamandre se baladait dans sa prison en faisant mine d'explorer celle-ci. Le Chercheur Senior avait été pris de curiosité à propos de ce nouvel arrivant au Site-Yod. Une arrivée tellement récente que les Agents d'Intervention Tactique de l'Équipe de Récupération Sigma-76 n'étaient pas encore partis. Du coup, il posait ses questions à l'AIT Digori, un estonien blond aux yeux bleus - comme MacCowell mais avec la musculature en plus - en poste dans la salle d'observation de la nouvelle venue.
— Quand "Safari Time!" est arrivée sur zone, ça leur a tendu une embuscade.
Pas très surpris, le scientifique avec une moue dédaigneuse enchaîna en se rapprochant de la vitre :
— Comment elle s'y est prise ?
— Boarf, le classique, répondit l'AIT en haussant les épaules, elle a laissé une de ses victimes crier pour les attirer là où elle voulait. Puis elle leur est tombée dessus.
— Ah bon.
La salamandre se promenait toujours. Le chercheur avait bien compris son manège. Cela faisait trop longtemps qu'il étudiait les anomalies prédatrices, il n'était pas dupe. Aussi, il continua à se rapprocher de la vitre tout en parlant pour tester sa théorie.
— Combien de victimes chez la Delta-4 ?
L'AIT avait évidemment remarqué la manœuvre du chercheur. Les scientifiques l'énervaient parce qu'ils se pensent plus malins que tout le monde. Il se dit d'ailleurs que celui-ci était un bon exemple de ces spécimens suffisants. Mais il se contenta de serrer son Super 90 en répondant.
— Sur une escouade de vingt hommes, treize ont survécu. Pour ce qui est des séquelles psychologiques…
— Vous ne m'avez toujours pas répondu AIT, coupa-t-il, qu'est-ce que ça fait ?
Essayant de se retenir de lui mettre un coup de crosse pour l'avoir coupé, il poursuivit néanmoins.
— …seuls huit se sont remis d'avoir assisté à l'écorchage et au dépeçage de leurs frères et sœurs d'armes par c't'e saloperie.
MacCowell, surpris, se retourna vers Digori :
— Ça dépèce les gens ?
— Non, ça se nourrit de la peau humaine et seulement de la peau. Et c'est sacrément malin. Et c'est invulnérable.
Ses questions satisfaites, il se retourna pour poursuivre son observation mais eu un brusque sursaut qui lui fit faire deux pas en arrière. La salamandre était devant la vitre. Elle avait profité de l'inattention du Chercheur Senior pour essayer de l'attaquer. L'effet de surprise gâché et la vitre ne voulant pas céder, la salamandre, déçue, retourna errer dans son confinement. Toujours sous le choc, MacCowell se ressaisit et échangea un regard avec l'AIT qui n'avait rien perdu de la scène.
— Mmmh, je vois le genre.
— Et quand je dis que ça se nourrit de la peau humaine, elle arrache tous les tissus possibles et ensuite elle fait le tri.
Le Chercheur Senior se colla presque à la vitre blindée, les mains jointes dans le dos, observant la salamandre rougeâtre.
— Avec ça au Site, qu'est-ce qui pourrait mal se passer ?
"UNITÉ DE CONFINEMENT 024 COMPROMISE. UNITÉ DE CONFINEMENT 025 COMPROMISE. UNITÉ DE CONFINEMENT C.A.D.R.A.N. 02 COMP-"
MacCowell éteignit l'ordinateur pour ne plus entendre la voix grave et métallique de l'annonceur. Il savait déjà que l'Unité de Confinement 024 était compromise puisqu'il y était. Il s'était réfugié dans cette salle, un local d'entretien exiguë, après avoir vu le cadavre d'un tout jeune chercheur devant la porte ouverte de la salle de confinement de la salamandre qu'il était allé voir il y a de cela deux jours. Il avait appuyé sur le bouton d'alarme et s'était enfui en direction de la sortie, avant de la voir sur son chemin. Sur le plafond, dans un coin sombre contrastant avec le brillant de ses deux petits yeux jaunes, attendant sa prochaine cible. Elle avait sauté sur le dos d'une garde qui passait en dessous sans avoir eut le temps de prêter attention aux restes dépecés du jeune chercheur. Après avoir exploré la combinaison quelques instants, elle s'infiltra dans le vêtement en passant par le col. Et MacCowell s'était enfui dans l'autre sens, sans la prévenir, et sans remords. C'est lorsque l'alarme avait retenti qu'il avait entendu l'agente hurler. Mais il ne s'était pas retourné et avait continué de courir. Jusqu'à s'apercevoir que les portes de trois mètres d'épaisseur de l'Unité étaient closes, avec une partie en plexiglas pour bien apprécier la sécurité à laquelle vous n'aviez pas accès de ce côté de la porte.
Alors le scientifique s'était réfugié dans ce local, avec cet ordinateur. Mais il ne s'y sentait pas à l'abri. Dehors, il entendait des hurlements de douleurs qu'il aurait pris pour inhumains si le chercheur ne savait pas que c'était ses collègues qui poussaient ces cris. Il essayait de ne pas imaginer ce qui leur arrivait, même s'il le savait pertinemment. MacCowell tenta de se calmer, de reprendre son souffle, le cœur battant. Il y parvînt et une fois son instinct de survie mis de côté, il se souvînt de quelque chose. Le Chercheur Senior baissa les yeux vers sa main gauche, à son annulaire qui brillait d'une petite lueur dorée. Il était marié. Il avait une femme magnifique qu'il aimait par dessus tout et qui travaillait à l'Unité de Confinement 025, juste à côté. Une des zones compromises. Un hasard des affectations dû à une faveur qu'un haut gradé lui devait. Il en oublia son égoïsme et se précipita sur la porte tout en sachant pertinemment que ça n'était pas la meilleure option pour sa survie. Mais l'amour fait faire des choses stupides. Il prit un pied-de-biche qui gisait dans le local, près de la porte, histoire de ne pas être complètement désarmé et s'élança, l'estomac compressé par le stress.
Il sortit tout d'abord sa tête puis se ravisa vite. Le couloir était rouge. Pris d'une crise de panique, il s'assit et s’efforça de respirer. Les coups de feu n'aidant pas, il tenta de se concentrer sur autre chose. "Pense à ta maison, oui c'est ça, ma maison. Ma maison, en France. À Bordeaux. Ma très belle maison", répéta-t-il une dizaine de fois. Il reprit son courage à deux mains et s'avança vers la porte une nouvelle fois. Elle émit un léger grincement qui fit grimacer le chercheur. C'est après avoir ouvert la porte qu'il constata deux choses : en fait, seule une partie du couloir était rouge, à savoir le sol, et il n'y avait plus ni cris, ni coups de feu. Comme il s'était habitué à l'alarme, il n'entendait qu'un silence peu rassurant. Silence qu'il brisait à chacun de ses pas qui rencontrait une flaque de sang. Ce qui arrivait souvent.
Il prit donc le parti de rejoindre sa femme le plus rapidement possible. MacCowell se dit qu'elle devait être dans la salle de repos à cette heure-ci. Il sourit en se disant que Susanne avait tellement peu de temps libre que même la brèche n'avait pas dû réussir à la faire bouger de là-bas. Il souriait toujours lorsque dans le couloir, à deux mètres devant lui, il découvrit les cadavres tout aussi dépecés que les autres de deux gardes. Son instinct de scientifique curieux prit le dessus en se disant qu'il valait mieux savoir ce dont cette saloperie est capable. Avec la boule au ventre, il entreprit de les examiner de plus près. Jusque-là, dès qu'il avait vu un cadavre, il s'était contenté d'en détourner le regard. Là, une femme à gauche et un homme à droite, tous deux sans vie ni peau, adossés chacun à un mur du couloir, l'un en face de l'autre. Le chercheur faillit vomir quand il découvrit le visage de la garde. Plus une once de couleur autre que des variantes de rouges n'était visible. Seuls les yeux et les dents découverts apportaient une touche de clarté dans l'ensemble sanglant qu'était son visage. En effet, faute de peau sur la joue et de lèvres, MacCowell avait devant lui un cadavre au sourire glauque, les dents n'étant étrangement pas imbibées de sang. Mais le plus frappant, c'était le trou que la femme avait au milieu du front. Un trou que l'on retrouvait aussi chez son collègue mort. C'est en s’apercevant que les deux défunts avaient toujours leur arme à la main qu'il comprit. Pour échapper à la souffrance inévitable, ils s'étaient tués d'un accord commun. Cette conclusion permit enfin au chercheur d'aller vider son estomac un peu plus loin. Maintenant, il voulait juste rejoindre le plus rapidement possible sa femme, pour s'assurer qu'elle ne connaîtrait pas ce sort. Ou qu'elle ne l'avait pas connu. Serrant toujours plus fermement son pied-de-biche qui ne lui avait toujours pas servi, il se remit en chemin.
Il ne prêtait plus attention aux cadavres, ni au sang, ni à l'odeur qui l'aurait fait revomir s'il avait encore eu quelque chose dans l'estomac. Il ne prît pas non plus les armes des gardes qui gisaient à terre, la salamandre étant invulnérable, c'était inutile. MacCowell était intelligent et préférait garder un outil plutôt qu'une arme qui ne servirait à rien. Il continua seulement sa marche, se rapprochant un peu plus de l'endroit où il supposait que sa femme était. Il en avait presque oublié la salamandre, qui pourtant aurait pu mettre fin à son petit voyage d'un seul saut. Puis, il entendit un cri. Normalement, il n'aurait pas plus réagi que cela mais celui-ci était différent. Il était féminin. Il s'élança alors en direction de ce cri. Il courut tellement vite qu'il glissa dans une flaque de sang. La chute fut rude. Il s'écorcha le genou et se déchira son jean beige qui n'était plus de la même couleur maintenant. MacCowell se releva péniblement, ses mains trempées d'un sang qui n'est pas à lui. En titubant, il ramassa le pied-de-biche qu'il avait laissé tomber et se remit en route. Après une petite minute et la découverte de plusieurs autres corps sans vie ni peau gisant dans leur sang, il arriva devant la porte d'où provenaient les cris. Ça n'était pas la salle de repos mais il priait à la fois pour que ce soit elle qu'il puisse retrouver derrière la porte et pour que ça ne soit pas elle en train de hurler de douleur.
Il essaya d'ouvrir la porte mais elle était fermée. Sûrement une tentative de se protéger de la salamandre. Remerciant le ciel de lui avoir donné son pied de biche, il cala l'embout plat - ne sachant pas comment cela s'appelait - dans l'embrasure de la porte et tira sur le manche de toutes ses forces, avec les hurlements qui ne cessaient pas comme fond sonore. Il forçait tellement que lorsque la porte daigna s'ouvrir, il s'écrasa la main gauche contre le mur. Il poussa un cri sourd mais ne s'en préoccupa pas plus que cela. Ignorant sa douleur, il se précipita dans la salle. Il y découvrit deux femmes. Susanne MacCowell et une chercheuse dont il avait oublié le nom, en proie à la salamandre.
La jeune chercheuse était à terre. Les jambes en sang et dénuées de peau. Et si son visage était encore intact, ses bras ne l'étaient pas. Pas encore morte, elle ne pouvait plus se débattre, ses muscles étant endommagés et toutes ses forces rassemblées pour hurler. Et de l'autre côté de la salle, adossée contre le mur opposé, Susanne qui ne lâchait pas la chercheuse en train de se faire dévorer du regard en la pointant avec sa P90. Ses cheveux noirs étaient tachés de sang séché, ses yeux verts fixés sur cette pauvre jeune femme, les lunettes cassées et les joues humides les larmes ne coulant cependant plus. Le Chercheur Senior ne savait pas si elle l'avait vue ou juste si elle ne pouvait pas détacher le regard de sa collègue agonisante. Ne voulant qu'extraire sa femme, MacCowell se précipita vers elle, ignorant les hurlements de la chercheuse. Il se mit à genoux et la prit par le bras :
— Susanne ! Viens on y va ! Il faut se mettre à l'abri, viens !
Elle ne réagit pas aux supplications de son mari. Elle n'arrivait pas à se concentrer sur autre chose que la scène d'horreur qui se déroulait devant elle. Son mari, toujours à genoux à ses côtés, l'embrassa sur la joue. Elle tourna sa tête vers lui, le regard horrifié et dégouté. Elle ouvrit la bouche mais aucune parole n'en sorti. Aussi, MacCowell insista :
— Vite sortons, on peut plus rien pour elle. Allez Susanne je t'en prie !
Aux mots de son mari, son regard s'anima et reprit un peu de sa vie. Elle hocha la tête et commença à se relever, négligeant la chercheuse et la salamandre. Plus que soulagé, le Chercheur Senior l'aida. Ensemble, ils se dirigèrent vers la porte pour sortir. Aucun des deux ne parlait, l'une trop sonnée pour cela et l'autre trop pressé de partir lorsque quelque chose attira leur attention. Yod était redevenu silencieux. Ni alarme, ni hurlements. Si pour l'alarme cela signifiait qu'une FIM venait d'arriver, pour les hurlements, cela voulait dire que la dernière victime de la salamandre était à présent morte. Ils se hâtèrent donc de rejoindre la sortie. Lorsque brusquement, Susanne s'arrêta. MacCowell se tourna vers elle et la regarda, interrogateur, puis suivit son regard visant le plafond. La salamandre était là. Juste au dessus de sa femme, comme dans le pire des scénarios de film d'horreur. Et avant que MacCowell puisse crier, elle sauta sur la tête de sa femme et s'infiltra avec une extrême rapidité dans sa combinaison d'agente de sécurité. Susanne poussa un cri strident alors que son mari se précipitait sur elle, comme un fou :
— Non ! Ne la touche pas ! Ne la touche pas, SALE PUTE ! DÉGAGE !
Le chercheur commença à vouloir enlever la combinaison de garde de sa femme pour la débarrasser de la salamandre. Mais c'était trop tard. L'agente commençait déjà à se tordre de douleur, rendant l'opération impossible. Elle se débattait, les jambes s'agitant dans tout les sens possibles et se palpant pour enlever l'intrus qui lui arrachait petit à petit la peau. Il était désespéré, condamné à voir sa femme se faire dépecer sous ses yeux, jusqu'à ce qu'elle meure et que son tour vienne. Dire qu'ils étaient à deux doigts de sortir et que sa femme n'avait fait que s'arrêter pour sceller son sort. Il n'arrivait qu'à pleurer de la situation. Il détourna le regard pour ne pas voir la scène et prit la main de sa femme dans la sienne, pour se donner l'illusion de servir à quelque chose. Et il la vit.
Une armoire en fer, deux mètres, des gonds énormes, ouverte. Et vide. Il détourna le regard rapidement mais le mal était fait. Il lutta contre ses pensées, se traitant de monstre sans cœur, mais elles étaient là. Puisque Susanne allait mourir de toute façon, pourquoi pas confiner l'entité dans cette armoire en attendant les secours ? Il s'insultait, il pleurait, il demandait pardon à sa femme, mais rien n'y faisait. Sa froide logique s'imposa comme une évidence. Alors il se leva et accrocha la combinaison de sa femme par les bretelles. Elle hurlait et se débattait, mais le chercheur en larme savait que ce n'était pas à cause de ce qu'il s’apprêtait à faire. Il la traînait difficilement ; il mettait de grands coups vers lui pour réussir, tout en laissant le sang de sa femme se répandre dans son sillage. Lui aussi saignait, Susanne enfonçait ses ongles dans les bras de son mari pour pallier à sa douleur. Il ne la regardait pas, s'il le faisait, il la lâcherait ou ses forces l’abandonneraient. Il commençait à avoir mal aux oreilles quand il parvînt à l'armoire. MacCowell la contourna pour mettre ses pieds en premiers et faillit s'évanouir lorsqu'il vît qu'elle n'avait déjà plus une once de peau sur la jambe, qu'elle n'était que sang, muscles et os. Par un effort surhumain, il la prit par ses chaussures et la fit tourner pour rentrer ses pieds dans l'armoire. Puis, il reprît ses bretelles et la fît rentrer entièrement dans l'armoire, remarquant que ses mains étaient rouges et dégoulinantes. Il allait fermer la porte quand il fut pris d'une idée. Il se pressa à l'endroit où la salamandre avait attaqué Susanne, prît ce qu'il était venu chercher, et dans un dernier geste d'humanité, plaça l'arme de poing dans la main de sa femme qu'il s'apprêtait à laisser mourir seule dans une armoire.
— Je t'aime Susanne, dit-il la voix étranglée, je t'aime, je suis désolé.
Et il referma la porte, la laissant avec la salamandre dans le confinement provisoire. Le chercheur entendait maintenant les hurlements de sa femme se répercutant dans l'armoire en fer qui s'échappaient des minuscules fentes de la porte. Il voulut s'enfuir, ne supportant plus entendre celle qu'il aimait souffrir en partie par sa faute. Mais MacCowell constata avec horreur que pour fermer le casier, il fallait une clé. Il s'apprêtait alors à aller fouiller le cadavre de la précédente victime de la salamandre quand il entendit une détonation qui mit fin aux hurlements de Susanne MacCowell, et plus que probablement, à sa vie.
Sa femme s'était suicidée, et il ne pouvait pas fermer la porte de l'armoire qui retenait la salamandre. Sa vie tenait à cette porte. Et s'il l'ouvrait, pour fuir ou pour chercher autre chose afin de maintenir la porte fermée, il mourrait. MacCowell la pleurait, debout, les deux mains appuyées contre la porte. Il enrageait contre cette créature qui lui avait pris sa femme tellement vite, qu'elle ne lui avait rien dit avant de mourir. Il avait réservé une fin horrible à celle qu'il avait épousée. Il était un monstre. Il hurlait comme un dégénéré, contre lui-même et contre cette maudite salamandre. Mais il devait tenir cette porte et le chercheur n'osait pas bouger, de peur de la libérer.
— Capitaine Talleyrand, FIM Delta-11 ! Identifiez-vous !
Il tourna la tête, vers la voix. Quatre hommes et une femme le pointaient avec leur armes, combinaison lourde avec l'avant bras gauche équipé d'un dispositif Phalange caractéristique de la Delta-11. MacCowell s'adossa à la porte, pour assurer le confinement de la salamandre et tendit les mains vers les soldats dans un geste qui se voulait défensif. Les soldats eurent un mouvements de recul en voyant le sang dégoulinant de ses mains tendues et son visage ravagé par les larmes.
— E- Elle est dedans ! N'approchez pas ! Elle est dans l'armoire !
Les membres de la FIM, médecins avant tous, savaient reconnaître un homme en panique et qui venaient de vivre quelque chose de traumatisant. Ils baissèrent leurs armes, le Poste de Contrôle ayant identifié le survivant. Tandis que deux soldats s'occupèrent de sceller l'armoire avec leur clé universelle et ce qu'ils avaient à leur disposition, c'est-à-dire des bandages, les autres s'enquirent de l'état de santé de MacCowell. Mais celui-ci ne leur répondait pas. Trop content d'être en vie mais hanté par le prix qu'il avait dû payer. Continuer à vivre mais en ayant enfermé sa femme dans une armoire en train de se faire dépecer vivante. Plus tard peut-être pourrait-il se consoler en se disant qu'il l'avait aidée à mettre fin à sa souffrance ?
— Et ça fait quoi Monsieur ?
MacCowell tendit la documentation de l'entité à son assistant, que celui-ci prit et lu. Ils étaient dans la salle d'observation qui donnait sur un vivarium de vingt-six mètres de largeur, autant de longueur et de quatre de hauteur. Une vitre blindée de cinquante centimètres séparait les deux hommes de onze salamandres rouges rayées de beige, et pour certaines, de noir ou de marron.
L'Assistant-Chercheur Foger, un natif écossais blanc aux yeux marrons sous une tignasse blonde, posait une question à chaque fois qu'il ne comprenait pas quelque chose tandis que MacCowell répondait d'une voix monotone et sans vie.
— Pourquoi autant de brèches ?
Le Chercheur Senior soupira :
— Un sabotage et deux fautes d'inattention. Une question plus réfléchie petit ?
— Combien de victimes en tout pour les brèches ?
MacCowell ferma les yeux et prît une grande inspiration.
— Tu apprendras bien vite, petit, que la Fondation ne marque jamais le nombre exact de victimes sur ces rapports. Faudrait pas faire peur aux employés tu vois ? Une question pertinente maintenant s'il te plaît ?
— Et pourquoi vous en responsable de ces entités ?
— Et pourquoi es-tu ici petit ?
Foger leva les yeux de ses feuilles, surpris par la question qui ne répondait en plus pas à la sienne. Le Chercheur Senior était face à la vitre blindée, il ne le regardait pas, les mains dans le dos.
— Pour étudier les anomalies confinées, développer un confinement efficace pour celles-ci afin de protéger l'Humanité des dangers qu'elles recèlent.
— Oui, tu as bien appris tes cours.
MacCowell eut un court rire sans joie. Il se retourna et se dirigea jusqu'à arriver face à Fogel qui était plus grand que lui de quelques centimètres. Il soutint son regard et lui demanda sur le même ton :
— Mais est-ce que lorsque le moment viendra tu renonceras à ce à quoi tu tiens pour cette Humanité ?