Salut à toi

La quasi-totalité du site était réunie à la cafétéria pour cette soirée, les autres salles étant trop petites pour accueillir tant de monde. Et curieusement, la proposition des organisateurs de "réquisitionner un des hangars de confinement pour y installer tout le monde le 21 juin, ce serait super, aller, soyez sympa quoi" avait été refusée par le directeur de site sous le prétexte fallacieux de "Non mais ça va pas bien woh ? Et qui vous a autorisé à rentrer dans mon bureau ? Sortez d'ici toud'suite !".

Quatre pseudo-chercheurs étaient dans les cuisines réorganisées à l'improviste en vestiaires, en train de s'échauffer pour leur prochain passage. L'un nettoyait le bec de son matériel, l'autre au bord de la crise de panique travaillait sa respiration, une troisième relisait quelques feuilles sur son porte-bloc tandis que le dernier faisait un sort au bol de cacahouètes disposé sur une table en plastique. Pas un mot n'était échangé, alors que tous se préparaient mentalement à ce qui allait suivre.
La porte s'ouvrit alors pour laisser apparaître un homme en jean et t-shirt noir uni à part le logo habituel de la fondation imprimé sur une manche au-dessus d'un micro et d'une guitare entrecroisés. Il enleva son casque d'opérateur pour s'adresser aux quatre compères. "C'est à vous dans 3 minutes les gars !" dit-il, avant de refermer la porte.
"Oh putain, oh putain, oh putain, on va pas y arriver," finit par dire le plus stressé des quatre. C'était un petit quinquagénaire à la calvitie prononcée habilement camouflée par un rasage de ce qui lui restait de cheveux. Sa blouse de chercheur n'était pas boutonnée tout comme celle de deux autres, ses bretelles à l'agonie tentaient de retenir un pantalon de jean et une chemise dont les boutons menaçaient de lâcher à chaque instant parachevait l'ensemble.
L'affamé tapota son crâne d'un air paternaliste, bien qu'il ait facilement la moitié de son âge. "Tranquille. On s'est préparé pour cette opération." L'homme portait un bleu de travail sous sa blouse de scène, et il avait pour une fois fait l'effort de tailler les rares poils qui lui poussaient au-dessus de la lèvre supérieure sur sa peau bronzée, lui donnant un air plus sérieux qu'à l'accoutumée.
L'affairé finit son travail et leva les yeux sur le duo : "Vous pensez pas qu'on devrait demander du renfort ?"
Tous foudroyèrent du regard le type à la dégaile de métalleux, qui portait des vêtements noirs sous sa blouse, des longs cheveux noirs et des cernes sombres qui ressortaient sous ses lunettes carrées (noires elles aussi, bien évidemment). Même la plus jeune du groupe leva les yeux de ses notes, n'osant trop froncer les sourcils face à son ainé. De tous elle était la plus soignée, ses cheveux auburn tombant en carré strict bien coupé encadraient un visage pointu, et sa blouse immaculée était fermée jusqu'au col.
Il leva les mains pour abdiquer. "Très bien, très bien." Il mit son instrument en bandoulière, puis annonça : "On y va ?"
Monsieur Trank et le Docteur "Origami" Alwaid ainsi que les Assistants-Chercheurs Karnot et Nevistola se dirigèrent alors vers la scène de la Fête de la Musique d'Aleph, sans repérer l'ombre qui les suivait discrètement.

L'air était étouffant et moite de chaleur à cause de tous ces corps entassés dans la salle. Par-dessus le brouhaha ambiant des discussions, des bières sirotées et des rares embrassades, on pouvait entendre quelques personnes éméchées reprendre "et un petit chat en guise d'avataaaaaaaar !", le refrain de la chanson du dernier soliste.
L'éclairage était à peine suffisant pour se repérer sur la scène, et Trank manqua de tomber plus d'une fois avant d'arriver au micro. Ce dernier était plein de sueur du dernier chanteur, voilà qui allait pas arranger la prise. Quelques derniers jurons étouffés derrière lui lui firent comprendre que tout le monde était enfin prêt. Il porta son regard vers la régie, seul point éclairé de la salle, où Lucie leva le pouce pour dire que tout était bon et qu'elle n'attendait plus qu'eux.
Il se retourna pour regarder Karnot à la boite à rythmes. Ce dernier regarda Nevistola poser les mains sur son instrument, puis il lui fit un signe vague qui pouvait signifier à la fois "bonne chance" et "c'est parti".
Les percussions et la guitare se lancèrent, les premiers projecteurs les éclairèrent.
Ça allait être à lui.

Salut à toi le lecteur
Salut à toi les Critiqueurs
Salut à toi le correcteur
Salut à toi le youtubeur
Salut à toi le conteur
Salut à toi le programmeur
Salut à toi l'administrateur
Salut à toi le glandeur

Salut à toi le ghosteur
Salut à toi le correcteur
Salut à toi le relecteur
Salut à toi le valideur
Salut à toi le Tradburo
Salut à toi le modo
Salut à toi l'fanartiste
Salut à toi l'Afaliste

Le sang battait à ses tempes, la lumière l'aveuglait et lui chauffait déjà le crâne. On avait lancé la chanson, plus moyen de reculer.

Salut à toi membre du staff
Toi petit troll sans épitaphe
Salut à toi l'écrivain
Salut à toi le musicien
Salut à toi l'étranger
Salut à toi le Classe-D
Salut à toi Bruce Garett
Salut à toi le poète

Salut à toi d'la DSI
Salut à toi d'Gendastrerie
Salut à toi l'BAAO
Salut à toi l'Second Hytoth
Salut à toi la CMO
Salut à toi le Nemo
Salut à toi le SPC
Salut à toi le SKP

La lumière éclaira alors Origami qui gonfla les joues pour faire hurler son saxophone.

Salut à tous les Gentilhommes
Salut à toi Anderson
Salut à toi l'BRAI
Salut à toi de l'U2I
Salut à toi du DCD
Salut à toi du Dieu Brisé
Salut à toi TDJM
Salut à toi du Site-Mayim

Salut à toi 3e Loi
Salut à toi Ad Astra
Salut à toi Petit Monsieur
Salut à Ces Pins Tortueux
Salut à toi l'alchimie
Salut à toi le Tesmini
Salut à toi 113-B
Salut à tous les Site-He

Salut au tribunal médical
Salut à toi Mittelheim
Salut à toi le Dead Man's Hand
Salut à toi le Site-Kybian
Salut à toi 173
Salut à toi 076
Salut à la pataphysique
Salut à toi l'amnésique

A droite de la scène, Origami était parti dans un déhanché tout en jouant du saxophone. Il contrebalançait les quelques fausses notes qu'il sortait parfois en ajoutant à sa présence sur scène. A gauche, Nevistola pinçait les lèvres pour s'assurer de rester juste. Clairement, elle gagnait la bataille de la maîtrise de l'instrument.

Salut aux labos Prométhée
Salut à toi MC&D
Salut à toi le Cinquiste
Salut à toi de Sloth's Pit
Salut à toi Wondertainment
Salut à toi le pauvre agent
Salut à toi le sarkique
Salut à toi d'SC Plastiques

Salut à toi du GRU
Salut à toi le Roi Pendu
Salut à toi le Site-Ghimel
Salut à toi la Zone lunaire
Salut à toi de Wilson
Salut à toi du Site-Yod
Salut à toi Herman Fuller
Salut à toi l'Aviateur

Le Trank ne voyait plus rien, la sueur coulait dans ses yeux à cause de chaleur des projecteurs et l'effort qu'il devait fournir pour continuer de hurler (on ne pouvait décemment appeler ça chanter) malgré sa gorge qui menaçait de lâcher.

Salut à toi l'Esprit de Chicago
Salut à toi le Chaos
Salut à toi EMOEC?
Salut à Badass.jpg
Salut à 281-FR
Salut à toi de SAPHIR
Salut aux [DONNÉES SUPPRIMÉES]
Salut à toi du RPC

Salut à la thaumaturgie
Salut à toi de Valnuit
Salut à toi Primordial
Salut à toi le Voile
Salut à toi de la Manne
Salut à toi la mascarade
Salut à toi le docteur
Salut à toi le professeur

Et merde. On lui avait pourtant bien dit de pas se pointer sur scène, pourtant Lekter venait de surgir, kazoo en bouche, et arpentait la scène en dansant. Son regard croisa celui des autres, l'air de dire "Vous allez faire quoi ? Me virer en plein milieu alors que tout le monde est à fond ?"

Salut à toi le Kid's Show
Salut à toi le POPOPOOOOOO
Salut à toi le BSIA
Salut à toi Delta-3
Salut à toi la FIM
Salut à toi Mikko Solheim
Salut à la Main du Serpent
Salut toi au fil du sang

Pause dans les paroles. Le chanteur inspira un coup, continuant de marquer le tempo en claquant des doigts. Il regarda ses compères s'en donner à cœur joie sur la partie instrumentale. Lekter et Origami étaient dos à dos, s'époumonant chacun dans leur instrument, cherchant à voir qui arriverait à sortir la note la plus puissante des deux. A l'arrière, Karnot sautait de joie sur sa boite rythmique, on ne l'avait pas vu aussi excité que depuis qu'il avait été autorisé à bosser sur 183-FR. Nevistola n'avait même pas vu l'arrivée de l'olibrius, concentrée qu'elle était sur ses accords.
Nouvelle inspiration. Dernier couplet.

Salut même aux autres branches
Salut aux caméras d'surveillance
Saluez l'effet mémétique
Salut à toi la Fabrique
Salut à toi Oneiroi
Salut à toute la Fonda
Salut à tous les grand chefs
Salut à toi le Site-Aleph
Hahahahaaaaaa !

A la fin de l'éclat de rire, le Trank resta la bouche ouverte à reprendre son souffle pendant que les autres finissaient le morceau. La dernière note du saxophone lancée, dont la tonalité reprenait curieusement celle de l'alarme d'intrusion du site, et ce fut le silence du côté de la scène. Dans la salle par contre, le public était déchainé, et applaudissait en hurlant. Du bon vieux punk, ça déchaine toujours les foules.
Les quatre pseudo-artistes agitèrent la main pour saluer, puis repartirent avec leurs instruments en coulisse. Là bas, ils se frappèrent le poing à tour de rôle constatant que leur représentation était plus que réussie. Lekter profita de ce moment pour fanfaronner : "Je vous l'avais dit ! Jouer 'Salut à toi' sans mon kazoo, ç'aurait été complètement naze. Là, c'est juste parfait !" Il était difficile de le contredire, de la salle parvenaient les voix de quelques personnes qui essayaient de reprendre l'air sans se souvenir des paroles, tant et si bien qu'au final n'émergeait de ce gloubi-boulga que quelques "Salut à toi !" miraculeusement bien coordonnés.

Il commençait à y avoir du monde en backstage, le prochain groupe se frayait un chemin en essayant de ne pas arracher les câbles ou autre chose. Ce n'était pourtant pas chose aisée avec leurs costumes à plumes démesurées et pantalons pattes d'eph. Les quatre compères se dirigèrent prestement vers les vestiaires pour leur laisser la place, y rangèrent leurs instruments et piochèrent une bière chacun dans le frigo réservé aux artistes avant de se retourner dans la salle pour assister à la prochaine représentation.
Lucie lança au micro depuis la régie : "Mesdames et messieurs, veuillez accueillir avec fracas nos prochains artistes : Grym et ses grymettes !"

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