Rêves d'enfant sous la bannière rouge et étoilée

— Ce blizzard ne devrait pas être là.

Le chasseur marchait sans but sur les sentiers battus de la montagne afin de ne pas mourir de froid. Il avait cru se préparer à tout, mais la Virginie Occidentale lui avait réservé des surprises. En l’espace de quelques mois, les étoiles dans le ciel avaient disparu pour laisser place à une noirceur insondable ; les forêts s’étaient étendues ou avaient repoussé et un bon nombre de traces de la civilisation s'étaient évanouies dans le néant. Plus encore, la topologie avait changé et il avait perdu tous ses repères. Par rares moments, il lui arrivait de trouver des pierres précieuses dans la neige ou l'herbe, comme si elle avaient été posées là.

Le chasseur s’était préparé à l'éventualité de passer quelques années tapi dans la forêt de cet État, et le changement soudain du climat n'aurait pas dû le déstabiliser. Mais voilà, même un professionnel tel que lui se retrouvait dans des situations où il fallait improviser et survivre, surtout qu'il avait été surpris par une coulée de boue. Il aurait pu y laisser sa vie, mais survécut en y abandonnant son sac à dos.

Notre vaillant chasseur écarta de son esprit ses plaintes et les malédictions qu’il adressait à ce pays, pour se concentrer sur sa marche. Ce foutu terrain qui avait décidé du jour au lendemain de devenir fou. Chaque enjambée assurait sa survie, l’effort réchauffant son corps insuffisamment protégé. Le tout en retenant ses larmes, car les morsures du froid lui grignotaient les jambes, telles des piranhas enragés. Son seul espoir était de trouver une grotte à l’abri du vent et de la neige. Mais il ne connaissait pas cette montagne, qui avait presque poussé sous ses pieds.

Ainsi, il descendait le massif, les joues bleues, les poumons gelés et les jambes saignées à vif. Il se dit qu’il était foutu, quand il aperçut une station essence ornée d’un logotype « FINA ».

— Impossible, ce n’est qu’une hallucination. Continuons, se disait le chasseur.

Sauf que dans la fraction de seconde qui suivit, sa chaleur corporelle chuta et le chasseur tomba dans la neige blanche et pure, plus proche que jamais de la mort.


Il se réveilla avec une intense douleur dans les jambes, quelque part dans une large pièce unique aux fenêtres condamnées. La seule source de lumière était la flamme d’un très grand et assez vieux four à pain. Son corps engourdi par la douleur lui refusait d’observer mieux l’espace où il était, il décida alors de reporter son attention sur son corps. Le Chasseur remarqua que ses pieds étaient emmaillotés dans de la gaze rougie par le sang.

— Ah ! Tu es réveillé.

C’était une voix grave et fatiguée dont le son évoquait un éboulement et elle venait du coin de la pièce qui sentait le bois coupé.

L’odorat du Chasseur revenait progressivement et il était saturé. Produits d’entretien, apéritifs salés, bois brûlant, emballages, carrelage.

— Étrange logis que celui-ci, se disait-il.

— Désolé pour la brise dehors. L’essentiel est que tu sois en vie, pas vrai ? s'exclama le géant, en essayant de prendre un ton de rigolade.

— Ah c’était vous, cet enfer de vent et de neige ? s'indigna le chasseur.

— Comme je disais, désolé.

Son interlocuteur laissa tomber sa façade joyeuse et avoua :

— Ça fait ça à chaque fois que je rentre et j’ignorais qu’il y avait quelqu’un de ce côté de la montagne. Mais dis, que faisais-tu dans ce coin du Royaume d’Argent ? La plupart des hommes se regroupent dans les fiefs ou les Villes d’Or, et rares sont les fous qui viennent dans ces régions où même les animaux se retrouvent isolés.

— Je n’en sais rien. Il y a quelques mois je chassais le Mothman en Virginie. Et tout à coup la terre, le ciel, les animaux et les pierres même, sont devenues folles. Je ne reconnaissais plus le relief, les loups ont commencé à grogner et à conspirer contre moi en russe et il y avait assez d’émeraudes dans les prairies pour me rendre plus riche que le reste de ma famille.

Le Chasseur était bel et bien perdu dans les événements récents. Après une brève réflexion, il poursuivit :

— Puis j’ai perdu ma tente, ma hachette et ma hache et je me suis retrouvé dans votre sillage. Qu’est-il arrivé à ce pays ? Êtes-vous un dieu du vent ?

— Ha ha ha, non, petit. Je suis juste l’esprit des montagnes, soupira-t-il. Je souffle fièrement dans les crevasses, je chasse les bandits de mes sentiers avec mes bourrasques, je m’exclame haut et fort dans les reliefs pour que m’entende qui le veuille bien.

— Et pourquoi logez-vous dans une station essence alors ?

— C’est ainsi qu’on nomme cette boutique d’eau de roche ? Elle m’a semblé spacieuse et bien garnie en viande séchée.

Le vénérable et très noble esprit des montagnes prit un paquet de bacon, le déchira de ces dents pour verser son contenu directement dans sa glotte.

— Pour ce qui est de ce pays, de ces terres qui ont surgi du jour au lendemain, je dois avouer que je ne m’y attendais pas. C’était si rapide, après ce long sommeil entre les pages serties de pierres précieuses…"

— Il avait visiblement du mal à tout se remémorer, se dit le Chasseur en son for intérieur.

— Je ne sais pas si je saurais rendre justice au récit qui s’est produit sur la terre de Vulcain, poursuivit le géant. Rapide ce fût, mais compliqué. Bien que j’aie été aux premières loges pour le voir, mais ce n’est pas si simple à décrire…

— Esprit des montagnes, navré d’abuser de ton hospitalité bien généreuse, mais il me faut trouver le Mothman avant qu’il ne soit trop tard pour nous deux. Je dois partir bientôt. Le Chasseur tenta de se relever précipitamment.

— Je suis au courant pour ta Soif, Chasseur. Je sens ton sang acide de là où je me tiens. Mais rassure-toi, j’ai déjà rencontré tes semblables à bien des fois et je me sens coupable de t’avoir blessé si involontairement. Tu resteras une journée pour te reposer et après je ne te retiendrais plus.

Le Chasseur vit alors l’immense glaive, accroché sur le mur derrière le comptoir, et qui faisait bien facilement sa taille.

— Et je sais comment te calmer les esprits, fit le géant en remarquant là où se posait le regard du Chasseur, si tu tentes de m’ôter la vie. En attendant mange, je réfléchis à un moyen de te raconter l’histoire de comment Vulcan est tombée et s’est vue renaitre.

Le Chasseur prit un paquet de pâte à cookie crue et commença à la manger timidement tandis que l’esprit se raclait la gorge.

— Ô forts peuples de la Terre, engloutis dans une guerre froide et cruelle
Sans bataille ni duel
Pour distraire et prouver votre valeur.
Entendez donc le malheur
De la terre de Vulcan.
Ce fût une ville, un village sans artifice, ou monument.
En minant on y gagnait le pain
En arrachant le charbon du sol américain.
Un jour, un pont rompit
Et au maire, le peuple s’adressa…

— Attendez, attendez, vous n’allez tout de même pas raconter toute l’histoire comme ça ? s’exclama le Chasseur, confus par les rimes.

— Bien sûr que si, pourquoi donc ? s’indigna l’esprit, le souffle sauvage de la montagne.

— Parce que je n’y comprends pas un mot quelconque. Vous êtes mon hôte et de l’histoire j’ai besoin. Alors je veux bien un effort mais l’histoire simplifier, il faudra bien fort.

— Soit, dit le souffle abattu. Et tout te raconter clairement, je m’en vais faire soin.


— La requête a été refusée, monsieur Robinette, annonça un homme défait en pull.

— Laquelle ? répondit le politicien derrière son bureau de maire improvisé.

— Les deux. La législature de la Virginie Occidentale refuse, tout comme l’autorité fédérale, de nous avancer les moyens pour faire remplacer le pont.

John Robinette, maire de Vulcan, marqua une pause pour marquer sa déception.

— Je suppose que vous saviez dans quel état était ce pont, demanda-t-il.

— Tout le monde le savait, monsieur.

— L’important, c’est que c’était un FOUTU PONT DE CORDES SUSPENDU. Le maire se fâcha contre lui-même et le reste du monde.

— L’Amérique entière est éprise d’une vague de modernité et de course à la technologie, mais on nous refuse les sous pour financer un pont que les enfants empruntent tous les jours pour aller à l’école.

— C’était là la seule sortie pédestre de la ville, crut nécessaire de préciser l'adjoint.

— Je n’veux pas passer pour un maire incompétent qui a négligé une des infrastructures de la ville… débuta le maire avant de se faire interrompre par son assistant, tentant de le rassurer.

— Aucune crainte monsieur, vous êtes bien le seul qui veut s’occuper de Vulcan, alors que les politiciens se battent pour les meilleures postes dans les grandes villes, tenta de rassurer son assistant.

— …mais négocier le financement auprès des législatures me prendrait bien trop de temps…continua le bureaucrate sans porter attention à son aide.

— Eux ne s'occupent plus des concitoyens comme vous le faites. Ils recherchent tous des sorcières à dénoncer pour gagner du galon patriotique.

— … C’est ça !, s'exclama Robinette.

— Quoi donc ?

— Servons-nous de la Guerre Froide pour accélérer l’obtention des fonds !

— Vous voulez trouver un espion, un traitre russe ici, en Virginie pour attirer l’attention des médias sur vous ? L'adjoint parut interdit face à cette idée.

— Mais non, sombre idiot. Nous allons juste donner une frayeur aux législatures et aux grands pontifes, en faisant mine de faire un marché avec le diable. Je vais rédiger une lettre à l’ambassade soviétique.

C'était une parole dont le maire était très fier.

— Mais monsieur, vous n’avez pas peur que ce soit considéré comme une trahison ?

— Tu n'as pas tort. Fais-en sorte d’attirer l’attention des médias autant que possible. Ainsi on aura une couverture médiatique, au cas où les choses dégénéreraient.

L’assistant eut un frisson froid à cette demande, mais partit s’atteler à la tâche.

Ses craintes se sont toutefois avérées infondées, en raison du manque d’intérêt de la presse et des journaux télévisés. Et au début, ce fut aussi l’avis de la sécurité interne nationale, qui ne bâtit pas de l’œil devant quelques pouilleux qui criaient au loup du fin fond des montagnes.

Les choses ont pris une autre tournure quand l’URSS s’était penchée sur le cas, en envoyant un journaliste sur place. Un journaliste du nom de Iona Andronov, écrivain confirmé avec un diplôme de l’Université de Moscou, s’est vu payer les frais de voyage en Virginie Occidentale par un journal russe.

En bon professionnel, il y était allé sans grande attente avec l’interview à l’esprit et fut quand même un peu déçu en voyant que la Virginie n’était pas si différente de la Russie.

Il n’en laissa rien paraitre néanmoins, contrairement aux habitants de Vulcan, qui observaient cet alien avec un mélange de curiosité et de méfiance. Quant au maire et à son adjoint, ce fut surprenant qu’après des mois de silence, non seulement quelqu’un était arrivé, mais ce fut en plus un seul journaliste. Pensant qu’il s’agissait là d’une star de l’écriture soviétique, le maire lui fit faire un bref tour de la ville, avec comme couronnement de la visite le dit pont.

Andronov a dû étouffer un fou rire en voyant le pont déchiqueté afin de ne pas compromettre son masque impassable. Il fit mine de prendre furieusement des notes, mais des pensées bien criardes remplissaient sa tête.

— Sainte mère. Mes idiots de patrons m’ont envoyé à l’autre bout du globe, dans l’un des pays les plus modernes du monde pour un FOUTU PONT DE CORDES SUSPENDU, pareil qu’à la maison de mes cousins ! Mêmes problèmes, ailleurs et partout !

Il savait qu’il avait été envoyé ici par différend idéologique, mais il ne put s’empêcher de noter une profonde ironie dans la situation.

Le journaliste repartit en URSS, aussitôt qu'il eut fini d’écrire. La législature céda l’argent nécessaire pour une infrastructure moderne, en lui faisant bien comprendre que l’affaire devait être étouffée, pour ne pas ternir le prestige de l'Amérique.


— Et l’histoire s’arrête là, du coup ? demanda le chasseur.

— Bien sûr que non, répondit son hôte.

— Je me demande comment t’as pu apprendre tout ça.

Le Chasseur s'installa de manière plus confortable pour entendre la suite de l'histoire.

— Eh bien, de bouche à oreille, en passant par de la soupe et des services rendus, j’ai appris cette partie-là de l’histoire et un peu de la suite, dit-il tout en se gavant de potage.

— Tu continues alors  ? insista l'auditeur.

— Oui oui, laisse-moi me dessécher le gosier et remplir ventre, dit l’esprit en se servant davantage du bouillon de poulet, de chou et de croutons.

— Mais je me demande comment tu allais raconter ça avec tes foutus litanies à rimes, se moqua le Chasseur.

— Ah mais c’est tout un art de narration, un talent que beaucoup ne semblent pas apprécier, répondit l’esprit en employant son plus beau ton de passif-agressif.

Il joua donc le jeu.

— Je plaide coupable, j’ai été élevé par une troupe de chasseurs se faisant passer pour des saltimbanques acrobates, et seule la mémé acariâtre lisait pour le plaisir. Oh pauvre de moi, je n’ai pas reçu l’éducation pour apprécier les plaintes longues d’un noble esprit slave des montagnes.

— Oh ça va hein, je le disais pas pour de vrai.

— Et tu apparais quand donc ? dit-il plein d'impatience. Parce que là, j’entends juste une histoire de politique tout juste bonne à remplir un journal.

— J’y arrive.


L’histoire aurait pu s’arrêter là, si John Robinette n’avait pas reçu une visite singulière deux ans plus tard.

— Et vous dites que vous représentez qui ?

— Le Collectif de Dissuasion Culturelle.

— Vous m’avez annoncé que vous souhaitiez établir un partenariat… d’échange culturel ? Ici, en Virginie ?

— C’est bien cela.

— Et peut-on savoir pourquoi avez-vous choisi Vulcan, parmi toutes les villes disponibles ?

— Nous avons pensé que votre action auprès de l’URSS il y quelques années, pourrait servir nos intérêts.

— Et ils sont ?

— Arrêter la guerre. Stopper la xénophobie. Endiguer la chasse aux sorcières aux yeux du public. Je suis au courant que je passe du coq à l’âne mais…

— Monsieur, vous entrez dans mon bureau en m’assommant des propos antinationaux.

— Je vous assure que c’est parfaitement légal, notre initiative a été approuvée par l’OTAN.

— Alors pourquoi vous vous adressez au maire d’un petit patelin comme si vous avez quelque chose à cacher ?

— Parce que personne ne s’intéresse à la culture d’outre-mer, surtout celle des pays composant l’URSS.

— C’est donc cela votre initiative pour lever l’embargo ? Faire un musée soviétique ?

— Ce n’est qu’une modeste étape, mais en somme, oui. On estimait que faire venir des pièces d’artisanat sensibiliserait peut-être l’opinion politique.

— Et l’exposition serait composée de quoi ?

— Des sabres, des défenses sculptées, des vases, des manteaux, des tablettes diverses gravées, des jouets artisanaux venus de tous horizons de l’URSS. On prévoit d’installer ça dans des présentoirs sous des grandes tentes étanches en dehors de la ville.

Et les tentes furent montées. C’était des grandes bâches vert kaki bien ordinaires s'intégrant dans le décor forestier périurbain, que des employés et des volontaires tentaient tant bien que mal de rendre plus présentables avec des pancartes et des expositions photographiques.
Le maire ressentit de la curiosité envers l’étalage et décida de jeter un coup d’œil aux présentoirs. Sa surprise fut grande.

— Dites, monsieur Vincent ! Est-ce que vous ne vous moqueriez pas du monde, par hasard ? C’est des trucs d’Orient ça ! dit Robinette en montrant des poignards assertis d’or et d’argent.

— Oh non non. Je vous l’ai déjà dit, l’URSS est une union multinationale, sans compter que la Russie a été sujette à de très nombreuses influences culturelles extérieures. Ce sont là des armes fabriquées par les Darguines de la République de Daghestan.

— Les poupées ?

— Une collection ramassée à travers tous les horizons soviétiques. Notez comment les matériaux et les expressions faciales sont si différentes sur chacune d’entre elles. Et pour celles qui sont sans visages, elles proviennent de région européennes, où il est de croyance commune d'associer les effigies avec des visages au malheur.

— Et les dents avec les gravures ?

— C’est des défenses de morses gravés par les Esquimaux de la presqu’ile de Chukotka.

— … C’est russe les Esquimaux ?

— Il y a plein de choses qui sont « russes », monsieur Robinette. Saviez-vous que les prédécesseurs des esquimaux étaient des ancêtres potentiels des Amérindiens ?

Le maire fit ses yeux les plus grands.

— Vous comprenez à présent ce que nous essayons de réaliser, monsieur le maire ? Il faut que vous sachiez, nous essayons de faire la même chose en URSS bien entendu. Mais c’est plus difficile, le caractère totalitaire et la disparité de la population rendent cette tâche plus compliquée… Alors sachez que je tiens grandement à vous remercier ! annonça Vincent en secouant violemment la main du maire.

— Tenez, pour vous, poursuivit Vincent, je vais vous montrer la pièce maîtresse de notre exposition, vous en dites quoi ?

— Eh bien, si vous êtes si enthousiasmé par ça, comment vous refuser ?

Vincent le tira par le bras dans la tente la plus reculée, là où il avait installé la partie administrative de l’exposition. Il ouvrit un coffre-fort pour révéler un ouvrage si grand qu’il faisait facilement la taille du buste d’un haltérophile. Décoré avec des pierres précieuses, le livre renvoyait les couleurs chatoyantes de l’arc-en-ciel à en tapisser toute la tente de l'intérieur, tel un kaléidoscope enchanté. Seule la pierre au milieu, de forme ovale, ne renvoyait pas sa part de reflets avec son aspect verdâtre et maladif.

— Qu’est-ce donc ? demanda le maire.

— Un recueil des contes des nations du bloc soviétique ! répondit Vincent avec une joie débordante. Des centaines d’histoires pour enfants venues de contrées différentes ! On voulait le réserver pour des animations, afin de faire des cercles de narration pour enfants ! Des chants innocents et hors de tout contexte politique !

— Comment diantre avez-vous mis la main sur un si bel objet, je me le demande.

— C’est un don anonyme. Cet… artefact est si beau, j’en fais des cauchemars où le propriétaire revient le chercher. Mais en attendant, je le range dans ce coffre-fort en espérant que des visiteurs veulent bien amener des enfants par ici, j’ai tellement hâte de le lire.


— Laisse-moi deviner, interrompit le chasseur, le bouquin est la cause de ce bazar qui s’est produit ici ? proposa le Chasseur.

— Exactement, visiteur, répondit aussitôt l'esprit.

— Et donc… Tu es un personnage de contes russes ?

— Tout juste !

— … Je suis piégé à l’intérieur d’un bouquin ? osa le Chasseur.

— Juste ciel, non !, s'empressa l'esprit.

— Alors quoi ? Que s’est-il passé précisément ? Je suis devenu fou ou mort ? Maudit ?

— Non, c’est plus compliqué que ça.

— Mais QUOI ?!

L’esprit de montagne soupira.

— Je sais que peu après, des hommes vêtus de noir et aux orbites sombres sont venus à Vulcan. Le Maire a été écarté de l’affaire et le chef de ces hommes voulait détruire l’exposition. Trop dangereux qu’il disait. C’est alors qu’il a aperçu le livre. Il s’est mis en tête de le raturer. Va savoir pourquoi, qui peut lire un livre couvert d’encre noire ?

— Mais l’ouvrage n’a pas apprécié cela. La terre de Vulcan, non, de la Virginie entière s’est ébranlée à la suite de cela. La terre s’est couverte de gemmes précieuses, le sol s'est déchiré par endroits comme si de la roche poussait de nulle part.

— Suite à ça, de nouveaux hommes en noir sont venus. Ils étaient un peu différents, à croire qu’ils savaient à quoi ils avaient affaire. Bizarrement ils ne s’entendaient pas très bien entre eux, certains disaient qu’il fallait se servir du livre pour faire pousser plus de pâturages et de gemmes. D’autres disaient qu’il fallait mettre l’ouvrage dans un coffre encore plus épais.

— Et ensuite quoi ?! Qu’est ce qu'il y a eu ensuite ?

— Je ne sais pas.

— Je croyais que tu voulais tout me raconter…

— Le livre a disparu et… et puis le reste du monde cessa d'être.

— Comment ça ?

— La Virginie était là, c’est tout le reste qui cessa d’être. Le campement, les tentes, et les hommes en noir ont été retrouvés détruits et la collection éparpillée aux mains des brigands.

— Des brigands ?! Aux États-Unis ?

— C’est la bande du Brigand-Rossignol. La seule chose plus rapide que les bottes de sept lieux, c’est leurs mains. Ils ont tout grappillé. S’il y a quelqu’un qui sait précisément ce qui s’est passé, c’est bien le Rossignol.

— Et où est-il ?

— Ils évitent mes monts, je ne saurais te le dire.

Le chasseur s’est senti encore plus perdu que s’il était resté dehors dans le blizzard. Car il a perdu toute trace de lien avec sa famille. Partir pour ne revenir que plus tard à cause d’un imprévu, c’était une chose. Se faire couper du monde où il est né, sans pouvoir savoir s’il reverrait ses proches, c’en était une autre. Et il y était bien trop attaché pour en paraitre indifférent comme ses parents, qui avaient l’habitude de se faire mener par le bout du nez au fond de terriers, de labyrinthes ou ruines infestées qui ne se trouvaient nulle part ou partout à la fois.
Sentant que le chasseur était sur le point de craquer, l’esprit des montagnes décida de se retirer.

— Je… vais te laisser te reposer seul. Sers-toi de ce qu’il te faut. Je vais voir si je peux te trouver quelque chose.

L'infortuné se trouva un coin confortable ainsi qu’une couverture à côté du feu et tenta de dormir recroquevillé malgré les larmes qui perlaient sur ses joues, car les appels en son for intérieur de voir sa famille ne se réalisaient pas.


Monsieur Vincent était attaché pieds et mains à une chaise et souffrait d’ecchymoses au ventre ainsi que sur son le visage. Il ne serait pas surpris d’apprendre qu’il avait aussi des côtes cassées. Ces messieurs du FBI n’étaient pas tendres.

— Je vous somme de coopérer, monsieur Vincent.

Au fond de la tente où il y avait auparavant l'exposition de photographies, se tenaient deux agents, une femme et un homme que peu de choses distinguaient l’un de l’autre, l’inspectant comme un insecte.

— Nous savons que vous n’êtes pas l’auteur de ces machinations, poursuivit la femme.
Vous savez que vous n’avez rien fait, à part avoir quelques… écarts antipatriotiques, enchaîna l’homme.

— Le problème c’est que personne de nous deux ne sait finalement grand-chose de ce qui s’est produit.

— Quelques jours après votre arrivée, il s’est produit au moins sept séismes de magnitudes variables.

— Aucune victime à déplorer, néanmoins les dégâts ont été suffisants pour condamner une bonne partie des mines dans l’État.

— Nous voulons savoir tout ce qui aurait pu vous paraitre… bizarre. Pour ainsi dire tout ce qui vous sépare de la liberté c’est…

— Votre honnêteté. Alors racontez en détail comment diantre vous avez acquis ce bouquin.

Vincent avait encore la tête qui tournait sous les chocs qu’on lui avait fait subir. Il ne le savait pas, mais il avait affaire à des débutants qui faisaient leurs preuves, et préféraient taper avant de poser les questions. Ce qui est bête, vu qu’une personne pliée en deux à cause de coups de pied aura plus de mal à répondre qu’une personne devant un thé ou un café.

Mais il avait rassemblé ses dernières bribes de conscience éveillée et prononça :

— Dans la poche avant de ma veste, un papier… dit-il avant de se plaindre du sang qui coulait dans bouche.

L’homme alla ramasser par terre la veste susmentionnée et fouilla dans les poches discrètes du veston.

— Qu’en penses-tu, Westen ?

— J’en pense que ça doit être ce dont il parlait pendant qu’on le tapait, Eastan.
Sur ce, ils déplièrent le papier.

Nous vous saluons, collectionneurs des blocs opposés.
Votre quête du pacifisme et de la tolérance a attiré notre œil créatif, ainsi nous avons décidé de vous donner un coup de pouce, pour créer une terre où les gens pourront s’entendre, partager des aventures et combattre pour les seules choses qu’ils jugeront juste.
Nous aimons doter les personnes de rêves nouveaux pour leur permettre d'avancer dans la vie.
Nous vous confions ce livre, qui nous l’espérons et changera la perception de bien de gens.
Bonne chance, et que vos songes puissent vous mener loin !

D & ℂ

La lettre était pliée par endroits, comme si quelqu’un s’était entrainé à en faire des origamis, et tamponnée d’un dessin de heaume.

— Une inconnue, dit Eastan.

— Un nouveau, qui souhaite jouer au malin avec des forces que personne ne connait, prononça Weston.

— Nous devons en informer le « Cowboy ».

Les deux agents s’apprêtaient à sortir de la tente, lorsque les trois personnes s’aperçurent que la température augmentait dangereusement sans raison apparente.


— Hey, lève-toi !

C’était l’esprit, qui secouait gentiment le chasseur pour le réveiller.
L’enfant, ou ce qu’il en restait, cligna de ses yeux rouges éclatés.

— Combien donc j’ai dormi ?

— Plus longtemps que le sommeil des braves, ça je te le garantis ! J’imagine que t’étais bien fatigué.

Cette dernière phrase là, l’esprit l’a prononcée sur un ton non dépourvu de regret.

— Mange et sers-toi, j’ai à te parler.

Le chasseur se servit d’un des rares kits de pancakes qui restaient dans la boutique de la station d’essence, qu’il agrémenta d’œuf et de chocolat fondu pour en faire son petit déjeuner. Ce serait bien le premier repas sucré qu’il faisait depuis des années, et il y avait des chances que ce soit le dernier avant longtemps.

L’esprit lui parla pendant qu’il mangeait, l’issue de ce monde miniature lui était inconnue. Mais il y avait en ces terres des puissances qui pourraient bien changer cette donne.

Cependant, il y avait d’autres priorités. La Soif du chasseur, combinée au choc qu'il a subi, pourrait bien s’accélérer, il fallait donc trouver l’Homme-Mite et le vaincre.

— Et pourquoi pas une autre créature ? demanda le chasseur. Il y devait bien y avoir plein de bêtes légendaires dans les légendes du livre responsable.

— Parce que c’est l’hiver, répondit l’esprit, presque tout le Royaume d’Argent doit être couvert de neige en ce moment. L'Homme-Mite ne pourra pas aller bien loin par ce froid et cette neige épaisse.

Le chasseur eut un peu honte sur le moment, car c’était à lui répondre de la sorte. Mais pour sa défense, il ne connaissait pas bien ces terres, ni ces règles étranges qui régissent sur les territoires. Ainsi il laissa l’expertise aux mains de l’esprit.

Le chasseur devrait trouver quelqu’un qui, selon les dires de l’esprit, pourrait l’aiguiller mieux que lui. L’esprit ne parcourait qu’une partie infime du Royaume, et ne pouvait trop s’éloigner de sa montagne.

La fierté du chasseur prit un coup là-dessus, car il avait auparavant travaillé comme guide, pour couvrir ses dépenses et cacher sa nature aux autres. Jamais il ne lui serait venu à l’idée de devoir un jour embaucher ou de dépendre d’un.

Plus tard, l’esprit lui montra à quoi il s’affairait pendant la nuit. C’était un traineau, rempli de l’équipement qu’un voyageur, et pas forcément de nature chasseuse, avait besoin en ces contrées, le tout tiré par des…

— Des LOUPS ?! s’écria l’intéressé.

— Oui, à charge de revanche. C’était eux qui avaient provoqué l’accident qui t’a fait perdre ton sac, car ils voulaient ne t’attaquer qu’une fois que tu étais affaibli. Mais cela s’est retourné d’une certaine manière contre eux, car sans équipement tu t’es laissé enfoncer dans le blizzard et mon passage. Par contre j’ai connu les loups bien plus sages et justes que ça, que vous a-t-il pris ?

— Tu ne comprends pas горный дух1, répondirent les canidés, il a le sang malade de ceux qui tuent toutes les fables. Il fallait qu’on l’achève avant qu’il ne reprenne de ses forces.

— Quand diantre êtes-vous devenus cruels ? Ce n’est qu’un enfant, et il n’avait pour proie qu’une légende qui aurait fini par mourir de froid toute seule dans les jours à venir.

— J’ai 22 ans tout de même, je vous le ferais savoir, se fâcha le chasseur.

— On ne pouvait pas le savoir, милый дух2, relâche-nous je te prie.

— Oh que non, vos actions auront des conséquences, et celles-ci répareront les torts que vous avez commis. Accompagnez-le jusqu’au hameau le plus proche, et ensuite demandez sa clémence une fois là-bas. À cause de vous il a perdu du temps, vous le lui ferez gagner en filant comme le vent.

Le chasseur avait eu le temps de s’équiper et de se changer de la tête aux pieds. Il avait fière allure, avec son manteau neuf, ses bottes velues, ses yeux vifs et ses cheveux bruns bouclés.

Avec une certaine gêne il demanda :

— Où avez-vous trouvé tout cet équipement ? Si ça ne vous dérange pas de répondre bien sûr.

— Oh, c’est des gens qui passaient dans le coin à la recherche de… quelque chose, fit-il en lui remettant discrètement une gourde dans la main. Des gens ont perdu leurs affaires ou bien… ont eu moins de chances que toi sur ces monts escarpés.

La réponse et les cadeaux parurent satisfaire le chasseur, mais sa gêne n’en démordait pas.

— C’est le fait de porter les habits d’un autre qui te dérange ?

— Non, c’est juste… Pourquoi m’aidez-vous ?

L’esprit s’agenouilla pour la première fois que le chasseur le rencontra, et lui parla face à face.

— Parce que, eh bien, cette terre est loin d’être tendre. Il faut être un brave et fort, pour vouloir l’affronter comme tu le fais, et je ne parle pas seulement de l’hiver. Nos histoires n’ont pas toujours été bienveillantes et sympathiques et j’ai peur que tu n’aies pas ce qu’il faut faire face à ce que ces territoires peuvent te réserver. Certains disent que pour devenir un brave, il faut endurcir son cœur et savoir trancher la tête de chaque monstre que tu peux rencontrer. Mais il n’en est rien. Je pense que tu peux te faire ta place ici et montrer à d’autres qu’il ne suffit pas de vouloir tuer et savoir comment le faire pour être chasseur.

— Je n’ai rien compris à ce que vous avez dit, répliqua l'intéressé.

— Désolé, je ne suis pas aussi bon narrateur que je le souhaite. Prends soin de toi, dit l'esprit en refermant les mains du chasseur sur sa gourde, et prends garde de bien nettoyer les blessures avec de l'eau potable, surtout si elles sont profondes et mortelles.

— Merci pour les cadeaux, esprit. Le chasseur lui serra la main.

— Bonne chance, euh, je veux dire chasse !

Le chasseur remarqua que la poigne de l’esprit avait baissé en force, et que sa main avait un aspect plus vieilli, mais n’en dit rien.

Il monta sur le traineau, claqua du fouet, et les loups l’emmenèrent déjà au loin, faisant fi des précipices et des arbres.

L’esprit sourit une fois que le traineau était hors de vue, et rentra dans la station essence, où il dormit d’un long sommeil de juste.


Le campement était éventré, et des flammes violettes léchaient tout ce qui pouvait brûler. Les humains rescapés s’étaient enfuis, sans avoir pu apercevoir la menace, qui se fondait dans la nuit noire. Le vent produit par la chaleur n’était pas puissant, mais il était assez impressionnant, pour faire inquiéter une figure blanche comme du papier, qui s’était installée à l’écart pour observer le spectacle.

— Peux-tu calmer tes flammes, je te prie ? Tu sais que je les adore, mais il va bien falloir que j’aille là-dedans, un jour ou l’autre.

Un grondement se fit entendre, accompagné d’un souffle chaud et humide.

— Oui oui, je suis très fier de ton action, mais il faut arrêter là notre moment dramatique. Je dois aller récupérer le livre et vu que tu ne peux pas trop le faire sous cette forme…

Le même souffle se fit entendre, et un vent éteignit les flammes et flammèches qui dansaient sur les tentes.

— Et bien tu vois, quand tu veux.

Une figure blanche et menue d'un enfant bien jeune dans la quinzaine, vêtu comme tel et coiffé d'un casque exotique, sortit des bois pour aller sautiller d’un pas joueur jusqu’au campement, puis se mit à retourner toutes les planches à la recherche de l’artefact.

Le monstre caché dans les ténèbres du ciel renifla un coup.

— Non merci, tu as fait ta part du boulot, à moi d’en faire autant.

Et l’enfant continua à chercher dans les débris ainsi encore pendant un demi-heure, jusqu’à tomber sur le tome, adossé contre une table.

— Ah te voilà, toi !

Sur ce, l’inconnu feuilleta les pages, vérifiant leur état, et arracha la pierre en forme d’œuf pour la jeter par terre. Puis il arracha les pages par bouquets pour les jeter au vent, qui forma un tourbillon timide au-dessus de sa tête.
L’œuf se mit à cracher du pus sombre doucement, puis à torrents. Celui-ci se rassembla pour former une nouvelle forme humaine.
Le nouvel humain se releva tant bien que mal, avec un bâton de berger qui apparut à portée.
Le petit être en blanc frémissant d’impatience.

— Bon retour parmi nous, Nissan ! Comment as-tu trouvé ton repos ?

— Qui… qui êtes-vous ? Vous ne me ferez pas retourner… la-haut, laisser moi dormir en paix.

— De quoi parles-tu ?

— Tu es blanc comme les anges, et tu portes des morceaux d’armures pour cacher ton visage. Je ne retournerai pas au Paradis, laisse-moi seul.

— Ah, AH ! Mais non Nissan, je ne suis pas un ange venu t’enlever de la terre !

— Alors qu’es-tu ? Et comment connais-tu mon vrai nom ?

— Je suis un fan ! De tes histoires.

— Je n’aiderai pas un suppôt sans cervelle, quels que soient tes desseins.

— Mais si seulement tu voulais bien m’écouter. Je ne veux rien t’exiger, je suis venu t’offrir.

— Quoi donc, ha, la vie ? Ce n’est qu’une question de temps avant qu’Azraël ne vienne m’enlever encore une fois.

— Et si je te disais que je pouvais te cacher de ses yeux, ainsi que de ceux du dieu que tu vénères malgré tes péchés ?

— Impossible.

— Eh si. Il suffit pour cela seulement de rêver.

— Tu es donc un fou. J’ai cru pendant un instant à un prodige.

La figure en blanc l’arrêta pour l’attraper par le col et continua à parler.

— Je peux créer un écran, non pas de fumée, mais de rêves. Assez épais pour te cacher, assez tangible pour être vrai. Et j'en suis capable.

Le dénommé Nissan n’en crut pas ses oreilles.

— Et tu voudrais quoi en échange ?

— Mon but est de créer un monde si doux et accueillant, que les humains n'auront plus à faire des cauchemars de leur vie. Je veux donc que tu règnes avec ta sagesse et ton expérience et que jamais tu ne t'en prennes à un Rêveur lors ton règne éternel. Sauf évidemment s'il met ta vie en péril.

— C’est tout ?

— Oui.

La figure encore tâchée de pus noir réfléchit.

— Et comment comptes-tu faire ça ?

L’être en blanc montra du doigt le livre, dont les pages s’éparpillaient de plus en plus dans le vent. C’est alors que des aurores boréales se dessinaient dans le ciel, les forêts prenaient de nouvelles formes, et de nouvelles montagnes s’esquissaient à l’horizon.

— Mais qui es-tu ? Je connais plein de contes, et tu ne ressembles à rien que j’aie connu. À part peut être…

— Je suis un habitant natif du monde des rêves. Je suis une histoire écrite en rêvant, depuis un monde où l'art est magie et le papier est maudit. Je suis une prière silencieuse, celle que les gens chantent en silence, espérant en vain qu'un héros vienne les sauver. Je suis l'explorateur des pires cauchemars qui ont pu naitre au sein du sommeil troublé des humains. Je serai le Chevalier blanc des Rêveurs qui souhaitent dormir du sommeil des justes sans craindre les horreurs du monde des humains.

— Un chevalier sans roi pour servir, et dont le seul ami est un dragon. Enfin, s’il faut ça pour m’enlever aux yeux de Dieu…

Un grognement se fit entendre, de la part de la forme qui se dégageait du ciel, à cause des aurores.

— Dragon ! J'ai failli oublier mon précieux compagnon qui me complète dans notre voyage pour le sommeil paisible.

— Et donc c'est là ton plan, me ressusciter et me cacher des yeux du maitre d'Azraël et de toute la Création pour parfaire tes envies d'utopie ?

— Oh non, j'ai tellement de choses à faire dans les royaumes sur lesquels tu régneras. Vois-tu, j'ai une promesse à tenir, dit le Chevalier en regardant la Lune.

Sur son heaume brisé se reflétaient les aurores boréales, qui prenaient des formes étranges mais familières des choses qu’on oublie en se réveillant.

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