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Crédits
Titre : SCP-001-FR - Proposition du Dr Gray - Tous les anges n'ont pas des ailes
Auteur : Torrential
Date : 30 septembre 2017
Images : Famille - Licence CC0 ; Papillon par David Wagner - Licence CC0 ; Gertrude Three Fingers par William Erwin - Licence CC0 (tombée dans le domaine public).

Photographie retrouvée dans les effets personnels du sujet.
Anomalie no : ANO-842-HUM
Échelle de Danger : 0
Catégorie : Anormal Expliqué
Mesures de Détention Temporaires : ANO-842-HUM est logée dans une chambre de 15 m² équipée d'un unique lit rembourré, dont les murs sont recouverts de mousse acoustique, et ce, en l'attente d'analyses approfondies. L'accès à la pièce est réservé aux seuls membres du corps médical assignés à l'examen quotidien de ses fonctions motrices et sensorielles. ANO-842-HUM doit être nourrie par perfusion intraveineuse. Ses draps doivent être remplacés par des neufs une fois par mois et un bilan de son état de santé établi une fois par semaine.
Informations : ANO-842-HUM, connue sous l'identité d'"Amie Fox", est un être humain de sexe féminin, âgé de vingt et un ans et d'origine amérindienne. Elle mesure 1 m 74 pour une masse de 56,4 kg, et présente un organisme en tout point identique à celui d'un individu de son âge, aussi bien sur le plan physique que physiologique.
ANO-842-HUM est plongée dans un sommeil non-comateux dont elle semble incapable de se réveiller, et ce, en dépit de l'absence de blessure ou de maladie pouvant justifier d'une telle particularité. Lorsque ANO-842-HUM est sollicitée par des interactions tactiles et sonores, celle-ci adopte une réaction similaire à celle d'un individu en phase de réveil, incluant le déplacement lent et pesant de certains de ses membres, des propos inaudibles et une agitation localisée au niveau des paupières, sans jamais parvenir à atteindre la phase de l'éveil.
24/12/19██ à 18 h 42 - Dr Vendor : Un examen récent a révélé que ANO-842-HUM souffre d'une forme idiopathique de maladie du sommeil, supposément due à un trouble du système nerveux, réfutant ainsi la thèse du Dr Arklight selon laquelle ANO-842-HUM serait impliquée dans un évènement autrement plus grave. ANO-842-HUM ne présentant aucun caractère anormal, elle sera transférée dans un centre clinique adapté à sa condition pour qu'elle y reçoive les soins adéquats, puis elle sera rendue à la vie civile.
25/12/19██ à 10 h 53 - Dr Arklight : Vous faites une erreur monumentale. Cette gamine est la Cause Première. Une putain d'Épée de Damoclès démiurgique. Et vous pensez que nous allons lui permettre de continuer à exister ? Le Conseil O5 s'est saisi de l'affaire. SCP-001-FR sera exécutée dans les plus brefs délais, soyez-en certain.
28/12/19██ à 20 h 05 - Directeur en Chef des Recherches Dmitriev : Le Dr Arklight a été relevé de ses fonctions et soumis à l'amnésie pour son acharnement à défendre une hypothèse infondée et tenir des propos connotant une intention criminelle. Ce dossier ne sera conservé qu'à des fins d'archivage, et ne prendra pas la dénomination de "SCP-001-FR" demandée. Les membres du personnel désignés pour suivre la prise en charge du sujet sont invités à prendre connaissance des formalités consignées dans le document suivant.

Agent mémétique révélé.
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Injection oculaire détectée.
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Survie du sujet confirmée.
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Lecture du document sécurisée.
"C'est juste un mauvais rêve."
Tels étaient les cinq mots que chacun d'entre nous avait sur les lèvres à l'issue de la réunion du Conseil qui s'est tenue cinq ans après la découverte de SCP-001-FR, et dans les trois heures qui ont suivi celle de sa fascinante et terrifiante singularité. Mais ne vous méprenez pas. Ce n'est pas tant ce dont elle est capable, qui a dangereusement fait vaciller notre santé mentale, mais bel et bien ce que son existence signifie pour nous tous.
Je présume que vous vous attendez à l'exposé d'une situation dramatique impliquant le réveil d'une quelconque antique déité enragée déterminée à réduire la Terre entière à l'état de particules subatomiques, sans qu'elle-même ne sache réellement pourquoi elle agit ainsi. Alors, vous laisserez échapper un sourire las et murmurerez : "Une de plus !". Ou peut-être espérez-vous une révélation cruciale sur la Fondation, le Conseil O5, ou les véritables desseins - ô combien immoraux ! - que vous servez à votre insu depuis si longtemps. Alors, vous vous feindrez d'un rictus et roulerez des yeux vers le ciel en vous exclamant : "Je le savais !".
Navré. Il n'en est rien.
Vous souvenez-vous de tous ces scénarios apocalyptique auxquels nous avons échappé ? Des sacrifices héroïques, luttes acharnées, combats livrés par la Fondation dos-à-dos avec ses meilleurs ennemis pour vaincre un adversaire plus grand et plus fort encore ? Des blocs de censure, noms de code improbables, niveaux d'accréditation fictifs ? Des transgressions quotidiennes de l'éthique humaine ? Des ogives nucléaires, ambassadrices de nos intentions pacifiques ? Et des centaines de milliers de classes-D que nous immolons sur l'autel de l'amertume et de la peur ?
Parfait. Oubliez tout.
SCP-001-FR n'est que la réponse à la question qui fleurit sur les lèvres innocentes d'un enfant réfléchissant trop longtemps. Peut-être même est-elle la solution à l'énigme dont les plus grands savants et philosophes croient ingénument détenir la clé.
Le râle de stupeur et d'agonie d'une humanité à genoux que nous appelons "procédures de confinement" ne doit pas se substituer aux principes suivants, que vous devez me promettre, nous promettre, de respecter jusqu'au terme de votre existence.
Vivez. Mangez, dormez, marchez, respirez. Savourez ces instants de votre vie auxquels vous accordez d'ordinaire si peu d'importance. Chaque matin, avant de partir protéger l'humanité dans l'indifférence générale ; chaque soir, lorsque vous rentrez chez vous éreinté par un quotidien cruel et ingrat ; étreignez avec passion votre conjoint, embrassez tendrement vos enfants, caressez avec fougue votre chien, chat, furet ou poisson rouge, qu'importe. Vivez. Aimez. Existez. Que cette trinité soit votre nouvel adage. Vous qui me lisez, vous qui apprivoisez l'impossible, vous qui vous jouez de la mort, c'est de loin ce que vous pouvez espérer faire de mieux pour combattre la menace que représente SCP-001-FR.
Enfin, je ne terminerai pas cette lettre par le slogan redondant et désormais si hypocrite qui est aussi notre devise.
Parce qu'aujourd'hui, l'être le plus fragile, le plus vulnérable, et le plus humain qui soit nous donne une leçon d'humilité magistrale.
Il nous confine. Nous protège. Et nous sauve.
- O5-13

Seule photographie connue de SCP-001-FR éveillée.
Objet no : SCP-001-FR
Niveau de Menace : Gris1 ●
Classe : Ein Sof2
Procédures de Confinement Spéciales : SCP-001-FR est logée dans une cellule stérile de 10 m x 10 m x 3 m de la Zone-Resh, enterrée à 120 m de profondeur et uniquement accessible via un scanner rétinien et digital, et un sas aseptisé où sont entreposées les combinaisons de protection de type 3 qui doivent être revêtues pour pénétrer la chambre. La pièce, dont les murs intérieurs sont tapissés de 18 cm de mousse acoustique, est au cœur d'une seconde installation comprenant les quartiers de sécurité et milieux de vie du personnel, elle-même protégée par des murs constitués de 2,5 m de béton armé, et équipés de détecteurs d'activité sismique et de variation thermique. Aucun dispositif explosif ou susceptible de présenter un risque pour son intégrité n'est toléré dans le bunker souterrain.
SCP-001-FR doit être étendu sur un lit à mémoire de forme en permanence, dont les draps et couvertures doivent être changés hebdomadairement. Les deux membres du personnel sélectionnés sont tenus d'examiner SCP-001-FR une fois par jour avec toutes les précautions requises et dresser un bilan complet de son état de santé. Un système de surveillance constitué de 4 caméras de sécurité doit être disposé tout autour de sa couche. Un masque à oxygène doit être appliqué sur son visage et un capteur fixé sur son pouls afin de relever continuellement sa fréquence cardiaque. La température ambiante de la pièce doit être maintenue à 18°C.
La FPA3 San-001 : "Au Nom de la Rose" assure la sécurité de SCP-001-FR en toutes circonstances. Elle ne peut recevoir d'ordres que du Conseil O5, et est habilitée à ouvrir le feu sur tous les individus pénétrant le niveau extérieur de la zone de confinement sans y être habilité ou invité. La mise en danger de SCP-001-FR n'étant pas envisageable, tous les membres du personnel doivent être prêts à défendre SCP-001-FR de leur vie si cela s'avérait un jour nécessaire.
Si l'évènement SCP-001-FR-Ω se manifeste à nouveau, la Fondation doit recourir au Protocole Ennui, en libérant dans l'atmosphère un amnésique gazeux au moyen de drones parcourant l'espace aérien mondial vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Un rapport standard d'individu humain présentant de possibles propriétés anormales doit être utilisé comme couverture, et s'afficher pour les membres du personnel non-accrédités afin de dissimuler sa qualité confirmée d'objet SCP. Ce document doit être protégé par un agent mémétique unique, développé aux seules fins de sa lecture. Celui-ci est létal pour tout individu qui parviendrait à accéder au document sans l'inoculation adéquate, et dispose de la faculté d'endormir l'activité émotionnelle du personnel qualifié afin de le prémunir d'un violent état de déréalisation, et ce, sans altérer ses autres fonctions cognitives.

Rythme cérébral moyen de SCP-001-FR entre 1932 et 1955. Notez la différence avec celui relevé précédemment. Cliquez pour agrandir.

Rythme cérébral moyen de SCP-001-FR relevé le 28 Décembre 19██. Une telle variation est inexpliquée, mais dénote une stimulation onirique anormale.4 Cliquez pour agrandir.
Description : SCP-001-FR est un individu humain de sexe féminin et d'origine amérindienne, dont l'âge est supposé se situer entre seize et vingt ans. Elle mesure 1 m 74 pour une masse de 56,4 kg. Son organisme ne présente aucune anomalie physique ou physiologique, à l'exception d'une immunité naturelle au vieillissement. SCP-001-FR n'éprouve par ailleurs aucun besoin de s'alimenter ou de respirer pour survivre, bien que son organisme paraît capable d'assurer de telles fonctions. De fait, SCP-001-FR respire.
SCP-001-FR est plongée dans un état de sommeil avancé dont elle semble ne s'être encore jamais réveillée. En temps normal, elle est inerte et silencieuse. Une analyse de son activité cérébrale au moyen d'un électroencéphalogramme a révélé une unique phase de sommeil, différente des autres phases connues5, mais qui présente des similitudes avec le sommeil paradoxal et perdure indéfiniment. SCP-001-FR n'a jamais montré de signes témoignant de troubles du sommeil, mais une accélération du rythme cardiaque et une respiration saccadée ont déjà été observées par le passé, manifestations passagères mais récurrentes prouvant la forte charge émotionnelle de ses rêves. Il est également à noter que les rares propos qu'elle a émis, peu ou pas compréhensibles, coïncidaient tous avec des évènements historiques extrêmement meurtriers. Le personnel a ainsi rapporté avoir enregistré des gémissements, des plaintes et parfois même des pleurs dans sa chambre de confinement, et ce, alors que des guerres ou des génocides se déroulaient parallèlement dans le monde.
SCP-001-FR oppose une résistance inhabituelle à tous les stimuli auxquels elle est soumise, qu'ils soient tactiles, auditifs ou olfactifs. Seules des interactions prolongées et appuyées telles qu'un contact physique ou des paroles énoncées en sa présence semblent pouvoir la rapprocher de l'état de veille. Son organisme réagit en adoptant un comportement identique à celui d'un être humain en phase de réveil, notamment par l'abolition de l'atonie musculaire, mais surtout par une perturbation de son activité cérébrale. Lorsque le sommeil de SCP-001-FR est troublé, l'évènement SCP-001-FR-Ω, nommé "Grande Évanescence", se produit inéluctablement.
SCP-001-FR-Ω consiste en la formation d'anomalies sur une distance qui est supposée être infinie. Ces anomalies, décrites comme des "fissures" ou des "déchirures", se développent au fur et à mesure que l'activité onirique de SCP-001-FR s'affaiblit, et que sa conscience endormie se réveille. Elles ne nécessitent pas de supports tangibles pour se manifester, et sont donc aussi bien susceptibles d'apparaître sur la matière que dans le vide. Ces brèches ne mesurent que quelques centimètres, pour ensuite s'étendre sur plusieurs mètres, puis kilomètres en quelques secondes et dans toutes les directions, engendrant simultanément de multiples fractures additionnelles. La composition chromatique des fissures ne figure pas parmi les couleurs connues, et n'est pas non plus d'un noir absolu qui dénoterait une absence totale de photons6, mais pourrait davantage être interprétée comme l'absence même de vide due à l'état de fragilité puis de rupture que SCP-001-FR-Ω impose à l'espace, entraînant son éclatement pur et simple.
SCP-001-FR-Ω semble ainsi dissoudre l'espace, à la façon d'un tissu, en générant des zones de "non-existence", ou néant, partout où les fissures se produisent. Les individus touchés par SCP-001-FR-Ω peuvent se mouvoir uniquement si les parties de leur corps indispensables au déplacement ne sont pas affectées. Par exemple, si seuls les membres supérieurs sont effacés par une anomalie, l'individu est libre de s'en extirper et recouvrir son intégrité. Au contraire, si les membres inférieurs, le tronc ou plus particulièrement la tête sont touchés, il lui sont inutilisables et le sujet est condamné à disparaître progressivement, jusqu'à se désagréger complétement. Le phénomène, en plus d'être silencieux, semble indolore ; les personnes affectées déclarant ne plus être en mesure de sentir les parties de leur corps effacées. SCP-001-FR-Ω ne peut ni être filmé, ni être photographié, l'image de ces anomalies étant en effet impossible à capturer sur n'importe quel type de support. Les membres du personnel travaillant dans les stations orbitales de la Fondation ont également observé la formation de ces "brèches" sur toute la surface de la Terre et des objets célestes, dont les autres planètes du système solaire, la lune et le soleil, mais aussi le vide spatial, d'où la conclusion que la portée de SCP-001-FR-Ω est universelle.
Une étude approfondie de la nature des failles s'est révélée extrêmement complexe en raison de l'ampleur démesurée et du caractère éphémère de l'évènement. Les fissures se referment et se réduisent jusqu'à disparaître lorsque SCP-001-FR, laissée en paix, retombe dans un sommeil profond et retourne à une activité onirique normale. Tout ce qui s'était effacé réapparaît alors, êtres vivants y compris, dans l'état où l'anomalie les avait dissipés, ce qui a permit d'établir que SCP-001-FR-Ω suspend le temps dans le plan de non-existence qu'il substitue à l'univers.
SCP-001-FR a été initialement découverte en 19██ lors de l'exploration d'un site religieux du peuple sioux des Lakotas, dans le Dakota du Sud, aux États-Unis. Les recherches menées ont nécessité l'effort combiné de nombreux individus pour déplacer le rocher qui condamnait l'accès à la cavité dans laquelle reposait SCP-001-FR, enveloppée de nombreux tissus et parée de bijoux indiens. L'inscription en langue sioux qui figurait sur le rocher est traduite ci-dessous.
Wakanda, Pouvoir Mystique Révélé,
Porte ton nom fièrement, digne incarnation de
Wakan Tanka, le Grand Esprit, créateur de la Terre et des Hommes,
De l'eau et du feu, du soleil et de la lune, du vent et des cieux.
Puisses-tu préserver l'âme du père de la folie de ses enfants
Porter en toi son cœur meurtri et de ton enveloppe lui donner un abri.
Des tentatives de la tirer de son sommeil ont d'abord été entreprises par l'équipe qui l'a découverte, puis ont cessé dès lors que l'hypothèse qu'elle soit victime d'un agent pathogène probablement contagieux a été soulevée, théorie que des analyses approfondies de son organisme ont démenti. Ce n'est qu'au bout de plusieurs années que la corrélation entre la disparition de pans du monde entier et l'état de son sommeil a été comprise.
Addendum no 1 - Incident 256-A
Avant-propos : Suite à la plus récente manifestation de SCP-001-FR-Ω et la compréhension du lien de causalité qui l'unissait à ANO-842-HUM, la jeune fille a été identifiée comme SCP de classe Keter et pris la désignation de SCP-001-FR. Elle a été transférée dans le Site-███ à titre provisoire, alors que la Zone-Resh était en cours de construction. En accord avec le protocole en vigueur à l'époque au sein du Site afin d'assurer la sécurité de SCP-001-FR, et en raison de sa proximité avec d'autres objets SCP et d'employés dont la loyauté n'avait pas encore été éprouvée, le médecin de confiance qui lui était assigné était escorté de deux membres du personnel de sécurité.
Enregistrement vidéo du 25/10/19██ - Cellule de confinement de SCP-001-FR
[Début de l'enregistrement]
(L'examen médical étant achevé, le médecin range ses affaires et évacue la salle, suivi par l'agent Klein. Il se dirige vers la porte de la cellule, puis se retourne en direction de l'agent Meaulnes, resté à côté de la couche de SCP-001-FR, qu'il regarde fixement.)
Agent Klein : Tristan ? Il y a un problème ?
(L'agent Meaulnes ne répond et ne se retourne pas.)
Agent Klein : Oh. Tu m'entends ?
(L'agent Meaulnes reste immobile et silencieux. Il passe alors la main à sa ceinture et s'empare de son arme de service, qu'il appuie sur la tempe de SCP-001-FR. L'agent Klein l'imite aussitôt et le met en joue.)
Agent Klein : Arrête ! Qu'est-ce que tu fous ?
Agent Meaulnes : Je veux juste te faire ouvrir les yeux. À toi. Aux O5. À la Fondation. Au monde entier.
(Les propos de l'agent Klein sont moins audibles ; il parle à voix basse en raison de sa proximité avec SCP-001-FR.)
Agent Klein : Je comprends rien à ce que tu dis. Lâche ton arme immédiatement et recule de trois pas.
(L'agent Meaulnes continue à maintenir enfoncé le canon de son arme contre la tête de SCP-001-FR.)
Agent Meaulnes : Exactement. Tu ne comprends rien. Piégé dans ta conviction, victime d'une illusion. Mon pauvre John…
Agent Klein : Et merde. Jamais je n'aurais pensé en arriver là… Deuxième et dernière sommation. Pose ton arme et retourne-toi. Je n'hésiterai pas à faire feu.
Agent Meaulnes : Me fais pas rire. Tu serais prêt à tuer ton vieux camarade de promo pour… Un mirage ?
Agent Klein : Imbécile. Elle est bien réelle. Si tu la tues, c'est nous qui allons…
Agent Meaulnes : Il ne se passera rien.
Agent Klein : Pardon ?
Agent Meaulnes : Il ne se passera rien, je te dis.
Agent Klein : T'es cinglé ? Souviens-toi, l'année dernière. Des continents entiers se sont évanouis et le ciel s'est fissuré parce qu'on a tenté de communiquer à voix haute avec elle. Et tu crois que je vais te laisser la descendre et qu'en plus on va tous s'en sortir indemne ? Et pour l'amour du ciel, c'est qu'une gamine !
Agent Meaulnes : John. John. Écoute-moi bien. Il y a très exactement trois ans, ceux qui nous servent de supérieurs nous avaient ordonné d'abattre des enfants, dans l'Utah, sous prétexte qu'ils étaient condamnés, bouffés de l'intérieur, tués à petit feu par des saloperies dont nous n'avions même pas idée. C'est bon, ça te revient, maintenant ? Toi et moi, nous leur avons obéi et avons tiré. À bout portant. Sur des gosses. Alors ne me parle pas de sentiments. Ce jour-là, les miens sont morts avec eux. Non, si tu veux la protéger, c'est parce qu'elle te rappelle ta f…
Agent Klein : Ferme-la. Cette gosse n'est pas un Keter comme les autres. Ce n'est pas seulement la fin du monde qu'on risque si elle venait à se réveiller ou pire, à mourir. C'est tout ce que nous avons connu qui disparaîtra. Les mots "vie" et "mort" eux-même n'auront plus aucun sens.
Agent Meaulnes : Erreur. Cette gamine est bel et bien un SCP. Mais pas celui que l'on pense. La seule chose dont elle est capable, c'est de nous faire croire qu'elle rêve de notre monde. Et, de facto, il s'efface lorsqu'elle est sur le point de se réveiller… En apparence seulement. C'est une grande illusion, un parfait mensonge.
(L'agent Meaulnes abaisse son arme et se retourne en direction de l'agent Klein, qui le vise toujours de la sienne.)
Agent Meaulnes : Réfléchis, John. Penses-tu vraiment que toute notre histoire, passée, présente, future, que nos ambitions, nos espoirs, la Fondation, amis, famille, ne sont qu'un rêve, qui n'est en plus même pas le nôtre ? Que le monde… Non. L'univers n'est que le fantasme, le fruit de l'imagination d'un autre ? Que nous avons couru toute notre existence derrière des chimères sans réaliser que nous en étions nous-mêmes ? C'est impossible. Le monde est cohérent, logique, rationnel. Un rêve a un début et une fin.
Agent Klein : L'univers aussi.
Agent Meaulnes : Mais un songe est imparfait. Désordonné. Chaotique. Il n'est régi par aucune loi. Il n'y a rien d'irréel en ce monde.
Agent Klein : Et pourtant, le surnaturel et l'impossible continuent d'y trouver leur place. Tristan. Les autres vont débarquer d'une seconde à l'autre. Si tu ne te rends pas, ils…
Agent Meaulnes : Ils n'en savent rien. Je me suis arrangé pour que ce soit l'enregistrement vidéo du précédent examen médical qui soit diffusé dans la salle de contrôle au lieu du direct. Le temps qu'ils réalisent que nous sommes toujours dans la salle, je leur aurai… (désigne SCP-001-FR de son arme) Montré… À tous, qu'ils n'ont rien à craindre d'elle.
Agent Klein : Mais… Pourquoi ? En supposant que tu aies raison, tu seras exécuté de toute façon.
Agent Meaulnes : Peu importe. S'il faut que j'y passe pour leur faire comprendre, alors soit. Ça m'est égal. À partir de maintenant, c'est tout ou rien.
(L'agent Meaulnes reporte son arme sur la tempe de SCP-001-FR. L'agent Klein continue de brandir la sienne de ses deux mains dans sa direction.)
Agent Klein : Tristan… Baisse ton arme. Elle n'est pas notre ennemie. Un amnésique… Il suffirait d'un putain d'amnésique pour que tu échappes à la peine capitale et que tu redeviennes celui que tu étais… Pour que tout redevienne comme avant. Ce n'est pas trop tard. Il est encore temps !
Agent Meaulnes : Non, John. Je ne veux pas de ton monde bâti sur l'oubli et les mensonges. Regarde plutôt… La vérité. Il suffit d'une balle dans son crâne, et…
Agent Klein : NON !
(L'agent Klein fait feu sur l'agent Meaulnes, qui avait anticipé son tir et effectué une roulade latérale. La balle vient se ficher sur le mur opposé de la cellule. L'agent Meaulnes réplique par un tir qui touche l'agent Klein à la tête, brisant sa visière et atteignant la seule partie de son corps non protégée par le revêtement blindé de son uniforme. Il tombe à terre, et est présumé mortellement blessé.)
Agent Meaulnes : Tu n'as pas voulu me croire. Et ne m'as pas laissé le choix… Pour ça aussi, je te promets qu'elle va payer.
(L'agent Meaulnes se retourne et dirige son arme sur SCP-001-FR, dont l'encéphalogramme révèle une perturbation de son activité onirique, supposée être due aux coups de feu.)
[À partir de cet instant, l'enregistrement s'interrompt, signifiant la formation d'une anomalie caractéristique de l'évènement SCP-001-FR-Ω dans sa chambre de confinement.]
[Fin de l'enregistrement]
Addendum no 2 - Entretien 256-A
Avant-propos : Cet entretien fait suite à l'incident 256-A, au cours duquel l'agent Klein, l'agent Meaulnes et SCP-001-FR n'ont plus donné signe de vie, désagrégés par SCP-001-FR-Ω. Le document alterne entre deux entretiens ; la première étant menée par le Dr Ohm, et la seconde rapportée par l'Agent Klein.
L'échange qui s'est tenu entre l'agent Klein et SCP-001-FR est entièrement écrit de mémoire et en italique. Les commentaires qu'il a apportés sur ce témoignage tandis qu'il l'écrivait pendant son entretien avec le Dr Ohm sont entre guillemets ou crochets, conformément à la procédure.
[Début de l'enregistrement]
Dr Ohm : Veuillez vous présenter, pour les besoins de cet entretien.
Agent Klein : Je suis l'agent John Klein, membre du Département de Sécurité de niveau 4, spécialisé dans la protection rapprochée de SCP humanoïdes et dans l'escorte des convois de transfert de SCP à haut risque.
Dr Ohm : Je vous remercie. Vous avez été victime de SCP-001-FR-Ω, et il semblerait que, contrairement à toutes les personnes qui ont fait l'expérience de cet état de… "non-existence", vous avez conservé des souvenirs de ce qui s'y est passé. Veuillez à présent nous raconter ce dont vous vous rappelez, sans omettre le moindre détail. Toute information peut être d'une importance capitale pour nous permettre de comprendre qui est réellement SCP-001-FR.
Agent Klein : Entendu. Je vous dirai tout.
Dr Ohm : Parfait. Veuillez commencer votre récit. J'interviendrai peut-être pour vous demander davantage de précisions, clarifier certains points ou tout simplement vous relancer. C'est à vous, maintenant.
Agent Klein : Eh bien… Je me souviens d'abord avoir été tué par Trist… L'agent Meaulnes. Je sais qu'il m'a tiré dessus après que j'ai tenté de l'arrêter. Pendant une fraction de seconde, j'ai ressenti une douleur au visage… Indescriptible. Puis je me souviens qu'un voile noir a recouvert mes yeux. Du sang, peut-être ? Je ne sais plus. Mais je me souviens avoir eu froid. Très froid. Un froid… glacial. Et tout à coup, j'ai senti… Non. Je ne sentais plus rien, justement. Pas même mon propre corps. Je ne ressentais qu'une atmosphère de paix. Et une présence.
Dr Ohm : Avez-vous aperçu quoi que ce soit qui soit digne d'intérêt ?Agent Klein : "Digne d'intérêt" ? Docteur, vous ne comprenez pas. Il n'y avait ni lune ni soleil, et pourtant, je baignais littéralement dans la lumière. Il n'y avait ni haut, ni bas, ni envers, ni endroit, mais pour moi, tout était… normal. Juste le "ciel". Et autour de moi, des hommes et des femmes. Mais il étaient… différents de nous. Leur corps flottait dans l'air et scintillait, comme des étoiles. Ils avaient tous les yeux fermés, et… En fait, je crois qu'ils dormaient. Profondément.
Dr Ohm : Un instant. Vous étiez "dans le ciel" ?
Agent Klein : C'était un autre monde. Mais oui. Je crois me rappeler d'une étendue céleste. Je marchais vraiment dans le vide. Et aussi, cette onde qui se formait à chacun de mes pas. Comme si je me déplaçais sur l'eau. C'était… extraordinaire. Quant à ce "ciel", impossible de le décrire, en revanche. Attendez. Si. Ça me revient. Il était exactement d'une nuance de… de la couleur de ces brèches. Vous savez, SCP-001-FR-Ω ? Qui transpercé la ville et les gens comme s'ils étaient sur une toile peinte ? La lumière à l'état brut. Sous sa forme la plus pure. Elle nous enveloppait tous.
Dr Ohm : "À l'état brut" ? Vous en parlez comme s'il s'agissait d'une lumière primitive. Intéressant. Poursuivez, je vous en prie. Qu'y avait-il d'autre ?
Agent Klein : SCP-001-FR. Je l'ai vue comme je vous vois en ce moment. Juste en face de moi. Elle était parfaitement éveillée. Mais elle ne portait aucun vêtement. Elle était vêtue d'une multitude de fils de soie dorés. Comme si la lumière et l'ombre… L'espace autour d'elle se tissait pour l'habiller. Enfin, c'est l'impression que j'en ai eu. Elle était plutôt intimidante. Très belle, aussi. Elle avait un air d'une telle noblesse sur le visage… Je me souviens de chacun de ses mots, de tous ses gestes… Comme si elle était encore là, devant moi, alors que je vous parle. Vous avez du papier et un stylo… ? Merci. Je vais vous écrire tout ce qui s'est passé. Tant que je m'en souviens.
[Début de la retranscription de l'échange entre l'agent Klein et SCP-001-FR]
["D'abord, je me suis avancé vers elle. J'étais… Subjugué. Ouais. C'est le mot. Rien à voir avec la gamine endormie à laquelle j'étais habitué. Elle avait toujours le même âge, mais elle faisait beaucoup plus mature. C'était une femme qui me faisait face. Ou un ange ? Moi, j'étais complètement perdu. Alors j'ai tenté une prise de contact. Maladroite, je vous l'accorde. Si vous aviez vu sa réaction."]
Agent Klein : SCP… 001… FR…?
SCP-001-FR : Est-ce ainsi que tu salues tes frères et tes sœurs, Homme ? Curieuse coutume. Mais je consens à la respecter. Je suis Wakanda, fille de Tatanka Yotanka, du peuple des Lakotas. Et toi, dis-moi, quel est ton nom ?
Agent Klein : Je… Ce n'est pas ce que je voulais dire. Mon nom est John. John Klein. "SCP-001-FR" est le nom que nous vous avons donné. Mes employeurs et moi.
SCP-001-FR : De quel droit me donnes-tu un autre nom que le mien ? Je connais cette expression que j'ai déjà entendue dans la bouche d'hommes qui te ressemblent, mais elle ne sera jamais mon nom. Je n'en ai qu'un : celui que m'a donné mon père. Aussi, permets-toi de me parler comme si j'étais ton égale, tu n'es pas moins humain que moi.
Agent Klein : Je vous… Je te demande pardon. Je n'avais aucun intention de t'offenser. Où sommes-nous ? Je ne me souviens de ri…
["C'est là que tout m'est revenu d'un coup. Comme un flashback. Ça a été un sacré choc. Revivre sa mort une seconde fois, je le souhaite à personne. Tué de la main d'un ami… J'en ai mis du temps, à reprendre la parole. Elle, elle restait silencieuse. Elle m'observait avec un regard… Plein de compassion ? Presque maternel. J'avais la certitude qu'elle savait tout ce qui s'était passé."]
Agent Klein : Il m'a tué, n'est-ce pas ? Tristan. Je me souviens d'une douleur au visage. Ça n'a duré qu'un instant, mais jamais je n'oublierai ça. Comme si mon crâne avait éclaté. Et je me suis réveillé, juste là… Et… qui sont tous ces gens ? Dis-moi la vérité : je suis mort ?
SCP-001-FR : Tous ceux que tu vois autour de toi dorment d'un sommeil de cristal. Comme toi et moi jadis, ils rêvent d'un monde sur lequel ils ont bâti une vie et des espérances. Et au final, tôt ou tard, se réveillent. Puis retrouvent le Père qu'ils ont toujours cherché. Mais ton rêve à toi ne devait pas se terminer ainsi. C'est moi qui ai désiré ton éveil. J'ai senti ce déchirement en toi lorsque tu t'es résolu à ôter la vie à la dernière personne chère qu'il te restait pour me protéger. Mais lorsque ton ami t'a porté ce coup qui aurait dû t'être fatal, et que j'ai compris que tout cela était de ma faute, j'ai souhaité de toutes mes forces que tu ne meures pas, et… l'impossible s'est produit. Wakan Tanka m'a exaucé.
Agent Klein : Tu m'as sauvé ? Comment… Qui est Wakan Tanka ? Je crois connaître ce nom. Est-ce celui que tu donnes à… Dieu ?
SCP-001-FR : Qui est ton "Dieu" ? Une autre de vos idoles ? Je te parle de Wakan Tanka. Le mystère créateur qui respire en chacun de nous. Les hommes, les animaux, les arbres, les roches, les fleuves, mais aussi les esprits, les étoiles, et toute une infinité de mondes. Nous l'appelions "le Grand Esprit", pas parce qu'il est un, mais parce qu'il est tout, depuis toujours. Imagine-toi un grand et beau mystère. C'est ce qu'il est pour nous. Wakan Tanka aime toute sa création, mais un lien unique l'unissait à mon peuple.
Agent Klein : Tu parles de ton peuple comme s'il était… Comme s'il avait disparu.
SCP-001-FR : Mon peuple… vivait en paix avec la nature. Mais plus que cela, en paix avec lui-même. Nous priions pour les âmes de nos frères animaux lorsque nous prenions leur vie et, lorsqu'il nous arrivait de devoir nous battre, nous honorions les dépouilles de nos ennemis. Jusqu'à ce jour… où les hommes blancs sont apparus. Ils convoitèrent les terres que nous habitions, et nos aïeux avant nous. Les terres que nous occupions depuis des siècles. Ils tentèrent d'asservir mon peuple en le privant de sa liberté par des promesses insidieuses et en nous divisant par la terreur, cherchèrent à faire naître en nous le désir d'une lutte fratricide. Beaucoup d'entre nous résistèrent, se soulevèrent contre eux et en dépit d'un combat inégal, leur arrachèrent des victoires. Ils payèrent cet acte de courage de leur vie. Comme tous ceux qui refusèrent de plier, ils furent assassinés. Mon père aussi, fut de ceux-là. Et alors…
["Là, elle a marqué un arrêt. Comme si elle revivait tout… tout ça. Toute son ancienne vie."]
SCP-001-FR : Alors, nous l'entendîmes. Wakan Tanka. Il pleurait. Ses larmes n'étaient pas celles d'un homme, mais d'un père horrifié de voir ainsi ses enfants, la chair de sa chair, se déchirer et s'entre tuer, alors qu'il s'était assuré de leur donner en abondance tout ce dont ils avaient besoin pour s'épanouir. Le tonnerre, le vent et la pluie parlèrent pour lui. Les hommes blancs eux-même se turent, et, tournant leur regard vers les nuages, écoutèrent.
["C'était impressionnant. Un véritable torrent de mots. J'en ai entendu, des gens parler. Des grandes gueules, des manipulateurs-nés, des parangons d'autorité, mais alors là. Jamais je n'avais encore entendu quelqu'un s'exprimer avec une telle éloquence, et placer autant de conviction et d'émotion dans ses mots. De nous deux, c'est moi qui étais le plus ému. Mais ce n'était que le début."]
SCP-001-FR : Puis tout cessa brusquement. Le grondement de l'orage comme la rumeur de la forêt. Nous pensions innocemment que tout était enfin terminé, que sa douleur avait cessé. Jusqu'à ce que cette colonne de lumière s'élève alors de la terre et déploie ses ramifications dans le ciel. Homme, si tu me demandais quelle est la plus belle chose qu'il ne m'ait jamais été donnée de voir, je te répondrais qu'il s'agit de cette lumière, dont tu peux ressentir la douceur ici. Noble, belle, pure… Elle était Wakan Tanka. Mais nous ne la contemplâmes pas longtemps. Très vite, elle perdit son éclat et sa chaleur. Elle s'évanouit et devint la plaie hideuse que tu connais. La blessure qu'infligèrent les hommes à Wakan Tanka, et qui balafre son existence même… et la nôtre. Son rêve de vie et d'harmonie, fragilisé par des siècles d'égoïsme et de violence, s'était finalement brisé.
Agent Klein : Je suis désolé pour tout ce qui vous est arrivé. À toi et à ton peuple. Ce père, que je ne connais pas, et que tu appelles Wakan Tanka, a dû éprouver beaucoup de peine. A-t-il au moins survécu à son chagrin ?
SCP-001-FR : Il a survécu. Veux-tu entendre comment ? Mon père était un chaman. Un "homme-médecin", comme vous les appelez. Il savait qu'un rituel pouvait sauver le créateur de sa création. C'est tout naturellement sur moi, sa propre fille, que se porta son choix. C'est ainsi que je m'unis à Wakan Tanka, en offrant mon corps comme enveloppe à son esprit pour que mon sommeil soit aussi le sien. Ainsi, il pourrait enfin reposer en paix et je perpétuerais son œuvre, imprégnée de son essence, en utilisant ma propre conscience. Mais ce rituel présentait un risque de taille : si qui que ce soit parvenait à me réveiller, sa douleur se raviverait et en conséquence, sa blessure se rouvrirait et consumerait de nouveau votre monde. C'est ce qui s'est produit, et c'est aussi ce qui a eu raison de ton ami. L'idée que tout puisse n'être qu'un rêve dont vous n'êtes que des émanations sans existence aucune l'a plongé dans une terreur morbide. Il a tenté de se protéger en refusant d’accepter la réalité, mais… celle-ci l'a rattrapé.
Agent Klein : Où est-il, maintenant ? Qu'as-tu fait de lui ? Il est sain et sauf ?
SCP-001-FR : Je regrette. Lorsque ton ami a tenté de me… De tuer mon corps, un de tes semblables a surgi dans la pièce où nous nous trouvions et a tiré dans sa direction avec l'un de ces jouets mortels que vous affectionnez tant. Lorsque le temps reprendra son cours, la balle l'atteindra et… le tuera. Je suis désolée. Je n'ai jamais voulu ça.
Agent Klein : Non. Non ! NON ! Il n'a pas toujours été comme ça ! Ce n'est pas quelqu'un de mauvais. Donne-lui une seconde chance, sauve-le comme tu l'as fait pour moi. Je te le demande à genoux. Il est mon ami d'enfance et m'a sauvé la vie à de nombreuses reprises. Il ne mérite pas ça ! Tu dois me croire…
SCP-001-FR : Je te crois. Relève-toi, Homme, et entends-moi. Tu ne sais pas encore tout. Depuis que je ne fais plus qu'un avec Wakan Tanka, je n'ai toujours pu que contempler ce qui fut mon monde sans jamais pouvoir intervenir. Je n'ai pu qu'assister, impuissante, à la mort de ceux que j'aime, et regarder mon peuple être décimé, sans même avoir le droit de mourir et d'être enterrée avec lui. Je n'avais plus que mes yeux pour les pleurer, moi qui suis si loin d'eux désormais, tout là-haut, dans le ciel. C'est tout aussi démunie que j'ai aperçu mon ancien corps être arraché à sa terre natale pour être touché et examiné comme un objet par des hommes qui me terrifiaient. Mais le pire était à venir. Maintenant que je pouvais tout voir, j'ai osé porté mon regard sur le monde entier. Et qu'ai-je vu ?
["Je ne savais pas quoi répondre. Alors j'ai gardé le silence. Vous auriez fait quoi, vous ?"]
SCP-001-FR : Ma douleur n'était rien. Rien comparée à celle que ressentaient des milliers… Des millions d'autres âmes. J'ai vu que ton peuple à toi se repaissait du conflit et du meurtre. Qu'il donnait la vie pour mieux la reprendre ensuite. J'entendais en moi les hurlements de nations entières, sentais la souffrance d'hommes qui gisaient par terre, dans la boue, le visage mutilé par des éclats de métal et la chair pourrie par la maladie, l'un d'eux serrant contre son cœur silencieux une lettre à laquelle il s'était accroché plus encore qu'à sa propre vie. Autour de lui, des silhouettes apeurées et agonisantes s'élançaient pour ne conquérir que leur propre mort, disparaissant dans la brume pour gorger la terre de leur sang. Et cela, pourquoi ? Au nom d'une idéologie qui leur faisait miroiter la prospérité et la paix. Est-ce donc cela, la guerre ? Une insensée extermination orchestrée par des hommes pour leurs frères ? J'ai détourné le regard, mais j'ai vu partout la même chose autour de la Terre. Et si la violence n'était pas apparente, les hommes la dissimulaient dans leur cœur, la portaient en eux comme une blessure ouverte qui les corrompait, sans se douter qu'elle s'imprimait dans la chair de leur créateur, à l'agonie depuis des millénaires. Je suis tombée à genoux, et j'ai pleuré, parce qu'à cet instant, la petite fille en moi qui croyait encore en la beauté de son monde est morte.
["Je vais être honnête avec vous. Moralement parlant, elle m'a mis dans un sale état. Ce n'est pas qu'elle me faisait culpabiliser. Non. C'était ce cri du cœur. Si elle avait voulu me faire pleurer, elle n'aurait pas mieux fait."]
SCP-001-FR : Alors, je sentis une présence à mes côtés. Elle me murmura quelque chose à l'oreille. C'était lui. Le Grand Esprit. Jamais je n'oublierai ses paroles… J'étais à bout de force, et je me suis relevée. Lorsque j'ai rouvert les yeux, le monde que j'ai aperçu était différent de celui que j'avais vu jusque-là.
["Je ne sais pas comment expliquer ça. Son humeur s'est comme adoucie. Et peu à peu, elle est devenue… radieuse. Oui. C'est le mot."]
SCP-001-FR : Au milieu des vestiges d'une cité, j'ai vu un homme dont le seul tort était d'avoir la poitrine couronnée d'une étoile faire courir ses longs doigts fins sur les touches d'un étrange instrument, donnant vie à une mélodie qui changea le cœur de celui qui aurait dû être l'artisan de sa fin. J'ai entendu le rire candide d'un garçon dont le père lui permettait encore d'être insouciant en déguisant la mort en innocent jeu d'enfant. J'ai connu un homme qui trahit les siens en dissimulant sous une apparence de bourreau un cœur de héros, et pris en pitié un peuple déchu promis à un tragique destin. J'ai été témoin enfin, d'ennemis qui se livrèrent une guerre acharnée, et qui le lendemain, tandis que la neige recouvrait la terre et les hommes, déposèrent les armes et fraternisèrent, retrouvant leur âme d'enfant et une amitié perdue.
["Mon second souhait le plus cher serait de ne jamais oublier ces paroles. Je la vois encore les prononcer, pleine de vie et d'espérance. Mais par dessus-tout… son sourire. Son sourire, Doc'. Bordel. J'aurais donné n'importe quoi pour qu'elle continue à sourire comme elle l'a fait. Pour immortaliser cette lueur sur son visage. Elle était rayonnante."]
SCP-001-FR : Wakan Tanka m'a montré l'humanité dans l'inhumain. C'est aussi cette humanité que j'ai reconnu en toi lorsque tu as tenté de me protéger. Cette humanité que j'ai à mon tour fait le vœu de préserver. Ce vœu qui a été exaucé. J'ignore ce qui s'est exactement passé, mais alors que j'ai vu la lumière abandonner ton corps, quelque chose a changé en moi. Je me suis sentie… Capable. Lucide. Forte. Pour la première fois, j'ai pris conscience que tout m'était possible. J'ai compris que tout était un songe sur lequel je pouvais influer, que le fruit de l'imagination, le joyau de la création de celui que mon peuple appelait "le Grand Mystère" était modelable par la seule force de ma volonté.
Agent Klein : Un rêve… lucide ? Mais alors…
["Et là, j'ai compris. La vérité qu'aucun être humain n'était prêt à entendre, je l'ai reçue de plein fouet. En pleine gueule."]
Agent Klein : J'ai toujours gardé l'espoir que notre monde était réel. C'est ça qui me donnait du courage. C'est ça qui me raccrochait à la vie. Avoir la certitude que tout ce que j'ai connu, tout ce que j'ai vécu, ce que je suis, et ce que j'aime, est vrai. "Et si tout n'était qu'un rêve ?". Toute l'humanité y a déjà pensé, mais personne ne l'a jamais accepté. Peut-être parce qu'au fond de nous, cette vérité nous terrifie. Mais je comprends tout, maintenant. Si les SCP existent, si nous ne sommes jamais parvenus à les comprendre, si le surnaturel est possible, c'est parce qu'ils ne sont pas réels, tout simplement. Exactement comme nous. Toi, tu es passée de l'autre côté. Désormais, notre univers est ton rêve. Et nous ? Nous ne sommes littéralement rien. Vides. Des illusions prisonnières d'un monde qui est lui-même un mensonge. Tout est faux. Tout. Tout ! TOUT !
SCP-001-FR : Homme, crois-tu en la liberté et en l'espoir ? Crois-tu en la vie et en la mort ? Crois-tu en l'amour ? Sont-ils réels, selon toi ? Réponds !
Agent Klein : Oui.
SCP-001-FR : Pourtant, peux-tu les toucher ? Les étreindre, les garder près de toi ou les égarer ?
Agent Klein : Je… Non.
SCP-001-FR : Et tu oses prétendre que ce qui n'existe pas est faux ? Tu n'as jamais tenu ton bonheur ou ton destin entre tes mains, et pourtant, ils sont réels. Et la foi que tu as en leur existence est inébranlable. Invincible. Moi, je crois en mon rêve. Et tant pis si lui, ne croit pas en moi.
Agent Klein : Excuse-moi. Je me suis emporté. Mais, je pense que tu te trompes. Peut-être l'ignores-tu, mais les hommes ont toujours cru en toi, même s'ils ne t'ont jamais connu.
SCP-001-FR : Et si peu croient en eux-mêmes. Mais… Il est temps pour moi de te rendre à ton monde, John. Cet état de lucidité que je maintiens et qui me permet d'échanger avec toi est éphémère. Il exige de moi un effort de volonté qui défie l'imagination. Bientôt, je redeviendrai la source de création contemplatrice que j'ai toujours été. Je sais ce que tu ressens, et aussi ai-je pris deux décisions. La première est de faire le vœu que chacun de mes mots reste gravé en toi, et que tous les hommes qui t'écoutent aient immédiatement foi en tes paroles. Ainsi, eux aussi connaîtront la vérité. Libre à eux de l'accepter… ou de l'oublier. La seconde est un cadeau. Il y a des personnes importantes pour toi à qui tu n'as jamais eu le temps de dire au revoir, n'est-ce pas ? Retourne-toi.
Interruption de la retranscription de l'échange entre l'agent Klein et SCP-001-FR
Dr Ohm : Agent Klein ? Pourquoi vous êtes-vous soudainement arrêté ?
Agent Klein : Je me suis retourné. J'ai regardé dans la direction qu'elle m'indiquait. Il y avait deux silhouettes. Qui se rapprochaient de nous. D'abord, je ne les ai pas reconnues. Et puis…
Dr Ohm : Poursuivez. Qui étaient ces deux personnes ?
(L'agent Klein ne répond pas et semble déployer un effort considérable pour contenir son émotion.)
Dr Ohm : Il s'agissait de feu votre épouse et votre fille, Alyssa et Layla Klein. J'ai juste ? Je ne vous demande pas de me répondre. Vous autres, soldats, êtes trop fiers pour éclater en sanglots. Mais c'est tout à votre honneur. Reprenez la retranscription de l'entretien lorsque vous serez prêt.
Agent Klein : Non, c'est bon. Et, oui. C'étaient elles. Je ne les avais jamais revues depuis que nous avons été séparés il y a seize ans, le 19 Novembre 1944 à… Auschwitz.
[Reprise de la retranscription de l'échange entre l'agent Klein et SCP-001-FR]
["J'arrivais pas à y croire. Ce devait être un rêve. Ça ne pouvait être qu'un rêve. Elles accouraient vers moi. Si belles et heureuses…"]
SCP-001-FR : Je dois m'en aller, à présent. Ce moment n'appartient qu'à toi. Adieu, et sois heureux, John Klein. J'espère que tu comprendras pourquoi les morts ne doivent jamais être rendus à la vie.
Agent Klein : Attends ! Ne pars pas. Comment puis-je te remercier pour… Pour tout… ?
SCP-001-FR : Retardez mon éveil. Ou alors l’œuvre de Wakan Tanka volera en éclats, et ce monde et ses merveilles seront à jamais perdus. Le cauchemar doit encore éprouver le rêve. Et les deux en sortiront grandis.Agent Klein : Au nom de toute l'humanité, je t'en fais la promesse. Nous ferons tout pour que le songe perdure. Nous honorerons la mémoire du Grand Esprit. Pour la première fois de notre histoire, il sera… Il pourra être fier de sa création.
SCP-001-FR : Il n'a jamais cessé de l'être.
[Fin de la retranscription de l'échange entre l'agent Klein et SCP-001-FR]
Agent Klein : Elle a souri. Fermé les yeux. Et n'a fait plus qu'un avec la lumière du ciel. Mais, je n'étais plus seul pour autant. Elles, elles étaient toujours là. Quelques instants plus tard, je me suis réveillé dans la salle. Vivant.
Dr Ohm : Je vous remercie. En trente-quatre ans de carrière, c'est le compte-rendu le plus complet et détaillé qu'il ne m'ait jamais été donné d'entendre. Je crois que votre témoignage, M. Klein, qui est d'une précision et d'une justesse exceptionnelles, ne peut être le fruit de votre imagination. Ce qui implique, vous en conviendrez, que vous avez été affecté par SCP-001-FR, qui vous a accordé cette mémoire prodigieuse. Vous comprenez donc que vous serez, bien que temporairement, désormais considéré comme un membre du personnel de Classe E ?
Agent Klein : Oui.
Dr Ohm : Bien. Je me vois à présent contraint de passer à la partie la moins réjouissante de cet entretien, faute de subalternes compétents. C'est au nom du Conseil O5 que je m'adresse à vous. John Klein, vous n'êtes pas sans savoir que vous avez gravement failli à votre tâche en tentant de convaincre l'agent Meaulnes de se rendre au lieu de l'abattre immédiatement, comme vous l'imposait votre devoir, alors que SCP-001-FR était en danger de mort. Vous saviez pourtant que les sentiments personnels ne doivent en aucun cas interférer dans une mission. Et surtout pas dans une situation critique. Vous ne serez en conséquence plus jamais réassigné à sa protection. De plus, vous êtes également rétrogradé, et repassez du niveau quatre d'accréditation au niveau deux, et ce, sans aucune perspective de promotion future de toute votre carrière. Vous échappez au licenciement uniquement grâce à vos faits d'armes passés. Un amnésique vous sera en revanche administré à l'issue de cet entretien, qui effacera de votre mémoire toutes les données confidentielles. Dont l'existence de SCP-001-FR. Nous faisons aussi cela pour votre sécurité.
Agent Klein : Je comprends. J'assume l'entière responsabilité de mes actes.
Dr Ohm : Bon. Comment vous sentez-vous ?
Agent Klein : Eh bien, je suis… partagé. Heureux d'avoir pu les revoir une dernière fois. Nostalgique, de cette époque où nous étions réunis. Terrifié, aussi. Docteur, qu'ai-je vécu ? Un autre rêve dans le rêve ? Étaient-ce des êtres de chair que je serrai dans mes bras ? Des hallucinations ? Des anges ? Je ne peux pas croire que SCP-001-FR soit malveillante. C'était tellement beau. Si seulement… Si seulement je ne m'étais jamais réveillé.
Dr Ohm : Nous en venons justement au point qui m'intéresse. En vous rendant la vie, SCP-001-FR a prouvé qu'elle était capable d'une forme… d'omnipotence. Tantôt elle est victime de son rêve, qu'elle subit, impuissante, tantôt elle se sait rêver, et devient lucide. Elle est alors libre de le modifier selon ses désirs. J'aimerais à ce propos avoir votre avis. Selon ses propres mots : "J'espère que tu comprendras pourquoi les morts ne doivent jamais être rendus à la vie". Alors pourquoi, selon vous, si elle est bienveillante - ce que je la crois être - n'a-t-elle pas ressuscité votre famille et l'agent Meaulnes ?
Agent Klein : Peut-être la mort est-elle trop belle, trop parfaite, et notre monde si décevant en comparaison ? Indigne d'accueillir une seconde fois ceux dont les pieds ont foulé le sol du paradis ? Docteur. Je pourrai bien vous répondre des conneries qui me donneront l'air érudit, du genre "des grands pouvoirs impliquent des grandes responsabilités", ou encore "les voies du Seigneur sont impénétrables", mais sincèrement, je n'y crois pas. Les deux personnes que j'aime ont été victimes des hommes. Mais là-haut, rien ne peut plus les atteindre, désormais. Et c'est mieux ainsi.
Dr Ohm : Vous êtes donc convaincu que SCP-001-FR est quelqu'un de fondamentalement bon ?
(L'agent Klein se lève brusquement de sa chaise.)
Agent Klein : Je vous demande pardon ? "Un être bon" ? Elle se tient seule, face à l'humanité toute entière qui lui vomit son incrédulité et sa haine, et s'acharne à lui arracher la seule vie qu'elle ne lui a pas encore prise : la sienne. "Bon", vous dites ? Elle porte sur nous, qui la voyons comme une aberration à disséquer ou un ennemi à annihiler, un regard sans reproche, sinon voilé par la pitié. "Bon" ? Elle se dresse en toute humilité, sans arme ni préjugé, face à des immortels belliqueux, des demi-dieux haineux, des esprits d'outre-tombe qui tendent vers elle des doigts squelettiques et froids comme la mort, lui susurrant des promesses d'agonie. Et elle ? Elle leur ouvre la cage en or au fond duquel gît son cœur mutilé et le leur offre les yeux clos en leur murmurant : "je vous aime". Et vous osez… Vous me dites… "quelqu'un de bon" ?
(L'agent Klein garde le silence pendant un bref instant, puis se rassit.)
Agent Klein : Vous savez, de vous à moi, aucun mot ne peut décrire SCP-001-FR. Je peux vous parler de l'infini, dont je ne sais rien du tout. Je peux vous parler de la mort, que je connais à peine mieux. Mais aucun adjectif ne serait assez juste, assez noble, suffisamment beau pour décrire la personne que j'ai rencontrée.
(Le Dr Ohm observe à son tour un moment de silence.)
Dr Ohm : Impressionnant. J'aurais aimé être à votre place pour connaître SCP-001-FR. Un jour, peut-être… Et c'est sur cette note plus heureuse que notre entretien s'achève. Reste une ultime question. Une énigme, à mon sens. "Le cauchemar doit encore éprouver le rêve." Comment devons-nous interpréter cette phrase ? Comme l'annonce prochaine de l'Armageddon ?
Agent Klein : Docteur. Vous voulez mon avis, aussi pompeux soit-il ?
Dr Ohm : Allez-y. Je suis tout ouïe.
Agent Klein : Avec un ange gardien comme SCP-001-FR, il y a quelque chose que l'humanité ne perdra jamais.
Dr Ohm : La guerre ?Agent Klein : L'espoir.
[Fin de l'enregistrement]
Sur décision unanime du Conseil O5, SCP-001-FR doit être plongée dans un coma artificiel. Tant que nous serons là, nous ne lui permettrons jamais de se réveiller, et de faire s'estomper la réalité comme un rêve. Hier, nous nous battions pour notre vie. Aujourd'hui, nous nous battons contre l'oubli.
- O5-1