Promenons-nous dans les bois

De son estrade, le Président contemplait son domaine. C’était une petite pièce à la décoration plus qu’austère, pour ne pas dire inexistante. Les murs d’un crépi beige à faire pâlir une prison soviétique étaient en très grande majorité recouverts d’armoires et de classeurs débordants de dossiers hétéroclites. Une maigre fenêtre au verre dépoli laissait transparaître un peu du pâle soleil d’octobre. Ainsi, malgré l’heure avancée dans la matinée, résonnait l’incessant tintement des vieux néons dont la froide lueur donnait son charme si caractéristique à l'architecture intérieure de la fière administration française. La seule tache de couleur dans cet univers de gris et de beige était la criarde affiche punaisée sur la porte fermée, montrant Marcel le Gendastre tout content de passer les menottes à un homme à sept bras. Le Président baissa son regard, vers les trois bureaux en U serrés au centre du cagibi républicain. Derrière chacun d’eux, s’affairait une femme en uniforme bleu ciel et un képi noir nonchalamment posé à proximité.

Sur la branche gauche du U, s’affairait l’abjurante Angélique Cousteau. Celle-ci semblait fort mal nommée au premier abord, son aspect général étant moins comparable à une engeance céleste qu’à un rottweiler. Son visage dur était en permanence bardé d’un grand sourire dont les coins pointaient droit vers le sol. Bien que de hauteur modeste, sa stature de bœuf musqué l’empêchait de se mouvoir avec trop d’aisance dans le cabinet bondé. Une rumeur disait qu’elle donnait des cours de sport sur son temps libre et son caractère buté et hargneux ne laissait pas présager des méthodes pédagogiques particulièrement populaires auprès des collégiens de la région. Ses énormes bras s’affairaient sur le clavier de l’ordinateur, tapant une à une les caractères d’un quelconque document administratif.

La femme assise en face d’elle ne pouvait être plus différente. C’était un genre de mante religieuse d’un mètre soixante-quinze de haut à la peau mate et aux longs cheveux noirs. Le visage caché derrière de grosses lunettes rondes, la gendastre Zineb Brahim s’affairait pour la cinquième fois depuis 8h30 à démonter son SIG-Sauer. Ayant déjà complété son travail de la semaine la veille, elle pouvait se consacrer à percer les délicats rouages de ce rubik’s cube léthal.

Enfin, barrant le U, se trouvait bureau du major Christine Lenormand. La quarantaine bien entamée, petite et boulotte, son visage rassurant de mère de famille aurait eu plus sa place dans une kermesse d’école qu’une gendarmerie. Et pourtant, c’était bien elle la patronne, parcourant de ses yeux fatigués les rapports défilant sur son écran.

Un bien singulier empire que vous avez là, monsieur le Président. Malgré tout, ne soyez pas trop suffisant alors que vous les contemplez de toute votre hauteur. Ce sont ces trois femmes qui maintiennent tant bien que mal une paix fragile, ténue et discrète avec des choses dont vos électeurs seraient bien surpris d’apprendre ne serait-ce que l’existence. Et d’ailleurs, elles s’apprêtent à passer une journée particulièrement mouvementée alors, monsieur Sarkozy, rappelez-vous que personne n’a daigné changer votre photo depuis 2012 et fermez votre clapet.


“Alors, ça s’est passé comment ?”

Christine releva la tête de son ordinateur. La question venait de Zineb qui posait la culasse de son arme à côté de son agrafeuse.

“Comment ça ?”

Angélique échangea un regard complice avec sa vis à vis.

“Zineb a remarqué que tu étais maquillée hier.”

“Et tu es partie plus tôt.” renchérit celle-ci.

“Euh… Corentin rentrait plus tôt de l’école et j’avais personne pour s’en occuper…” bredouilla Christine.

“Mais bien sûr…” l’interrompit Angélique, minant de revenir à sa laborieuse dactylographie.
“Tu as une Clio bleue maintenant ?”

Christine soupira.

“D’accord, il y a une expo à la mairie de la ville d’à côté sur un peintre de là-bas et Hervé voulait y aller aussi donc…”

“Hervé ? Le mec des scellés ?” l’interrompit Zineb, l’air dépitée alors que la trogne de bouledogue d’Angélique s’éclairait d’un immense sourire.

“Euh… oui ?”

“Rah merde ! Je pensais que c’était Antoine de la sécurité routière !” dit-elle, sortant rageusement un billet bleu de son portemonnaie et le déposant dans la paluche tendue d’Angélique. “Comment t’as su ?”

“Je n’ai peut-être pas ton talent aux examens, Zizi, mais je sais encore chercher une plaque !”

“Ne m’appelle pas comme ça !” couina Zineb, piquée au vif.

Pendant ce temps, malgré cette intrusion dans sa vie privée, Christine riait. Elles avaient passé tant d’heures ensembles, que ce soit engoncées dans ce clapier administratif ou à écumer les champs du coin à la recherche d’un lapin à six pattes, que rien de tout cela de l’affectait plus. Était-ce à cela qu’elle pensait quand elle s’est engagée bien des années plus tôt ? Sans doute pas mais ces petits moments de camaraderie rendaient cet exil presque supportable.

Alors que Zineb commençait à remonter son pistolet en grommelant sous les ricanements d’Angélique, une chose extraordinaire se produit. Quelque chose de totalement inattendu et que malgré toute son expérience à constater toute la bizarrerie que peut produire la campagne française, Christine n’avait pu être témoin qu’une poignée de fois dans toute sa carrière.

Quelqu’un venait de frapper à leur porte.

Les trois gendastres se regardèrent, interloquées. Il était extrêmement rare que quelqu’un vienne briser la quiétude de leur domaine, encore plus rarement pour de bonnes nouvelles.

“Entrez ?” se risqua Christine.

La porte s’ouvrit sur une brune aux cheveux courts portant le même uniforme qu’elles, impeccablement repassé avec un insigne d’adjudant à sa boutonnière. Elle frappa Christine par son regard intelligent et déterminé, quoiqu’un peu décontenancé par la vue de deux de ses collègues se faisant face, l’une avec son arme sortie et l’autre un billet de dix euros à la main.

“Hum… Major Lenormand ?” se risqua-t-elle.

“Oui ? C’est pour quoi ?”

“Adjudant Mathurine Lesaint” répondit-elle en saluant Christine. “J’ai… un souci et on m’a dit que vous pourriez m’aider.”

Les trois femmes se regardèrent, abasourdies. Besoin de leur aide ? C’était bien la première fois qu’on les sollicitaient ainsi. Il était déjà arrivé qu’un officier débarque furibond dans le réduit en demandant pourquoi un gland de la taille d’un réfrigérateur avait écrasé un monospace le matin même dans la forêt mais demandé aussi gentiment, c’était nouveau.

“Euh bien sûr.” dit-elle en se levant pour l’accueillir. “Entrez et ass- euh Angélique ? On a une quatrième chaise ?”

L’abjurante regarda autour d’elle en vain.

“Euh… on a des cartons et… ben c’est à peu près tout.”

“Ne vous embêtez pas.” répondit Mathurine, se faufilant entre les bureaux pour rejoindre celui de Christine, lui tendant un dossier. “Tenez, lisez ça.”

La major chaussa ses lunettes, parcourant les feuilles imprimées, reconnaissante de ne pas avoir à attendre les longues minutes nécessaires pour les charger sur l’intranet vieillissant de la gendarmerie nationale.

“Ce sont…”

“Des disparitions d’enfants dans la forêt de Valentet. Sept depuis le glissement de terrain de 2017, à peu près une par an. C’est vraiment bizarre, on a ces gosses sans histoires qui sortent de chez eux, vont dans la forêt et puis plus rien. On a fait des battues, interrogé le voisinage, fouillé chez les individus à risque et que dalle. Ils se sont juste volatilisés.”
Christine parcourra les dossiers. Effectivement, il y avait là les cas de sept disparitions de garçons et filles entre 8 et 13 ans dont le dernier signalement était aux abords de la forêt de Valentet. La plupart n’avait pas l’habitude de s’y aventurer et avaient donnés de faux prétextes pour s’absenter de chez eux, que ce soit pour se rendre chez un ami ou assister à des cours supplémentaires à l’école.

“Ça fait deux ans que je suis chargée de l’enquête. “ poursuivi Mathurine “J’ai vraiment tout essayé, j’ai interrogé tous les témoins, j’ai lu tous les dossiers et absolument rien. Le truc, c’est qu’il y a certains de ces dossiers que je ne pouvais pas ouvrir. Un souci d’accréditation, un truc comme ça. Du coup j’ai demandé et au début on m’a dit que c’était un bug, puis que ça pourrait pas m’aider et que je devrai passer à autre chose mais j’ai rien lâché et du coup on m’a dit d’aller voir les fo… les femmes du 3ème étage. Bref, j’aurais besoin que vous m’accordiez l’accès à ces dossiers.”

Christine regarda ses collègues qui affichaient le même regard résigné. Elles savaient quelle allait être la réponse.

“Écoutez adjudant… Ces dossiers sont… sensibles. J’aimerais vous y donner accès mais je peux pas faire ça comme ça. C’est une accréditation très dure à obtenir. Il faut passer par le préfet, peut-être même le ministère…”

“Le ministère ?!” s’indigna Mathurine. “Major, avec tout le respect que je vous dois, sept enfants ont déjà disparus et je suis convaincue que tant qu’on ne trouvera pas le fin mot de cette histoire, ce ne seront pas les derniers. Je ne peux pas attendre six mois que Place Beauvau donne sa réponse !”

Malgré la différence de grade en sa faveur, Christine baissa les yeux.

“Je suis désolée, c’est tout ce que je peux faire.”

Mathurine avait gardé son calme jusqu’à présent mais elle avait trop investi dans cette enquête pour en rester là.

“Mais c’est juste des dossiers ! Même pas d’enquêtes en cours en plus! Pourquoi est-ce que j’ai besoin d’une accréditation pour les consulter ! On n’est pas à X-Files ici nom d’un chien !”

Habituellement cette remarque d’une ironie aussi involontaire que mordante aurait fait sourire les gendastres mais l’humeur n’était pas à la rigolade.

“Adjudante, j’aimerais vous aider mais je ne peux pas. Envoyez-moi un mail quand vous aurez votre accréditation.” répondit Christine, lui tendant le dossier.

“Non, gardez-les. J’ai très largement ce qu’il faut sur mon bureau. Bonne journée Major.” dit froidement Mathurine, se tournant vers la porte.

Christine soupira et baissa les yeux sur les photographies attachées aux dossiers. Elles semblaient venir de photos de famille, montrant une petite fille riant à la plage ou un petit garçon souriant au pied d’un sapin de Noël. Sur chacun de ces visages elle ne pouvait s’empêcher de voir les traits de Corentin.

“Attendez.” dit-elle finalement alors que Mathurine s’apprêtait à sortir. “Fermez la porte.”

Réprimant un sourire, celle-ci s’exécuta et revint devant son bureau.

“Écoutez, ces dossiers sont sensibles, très sensibles et je ne peux pas vous dire ce qu’ils contiennent. Cependant…On est sur cette forêt depuis un moment et… disons qu’on sait qu’il y a des choses bizarres qui s’y passent.”

“Bizarres ? Comment ça bizarre ?”

Christine hésita un instant.

“Du genre où on n’envoie pas les gendarmes normaux.”

“L’anti-terrorisme ?”

“Pas exactement… Bref voilà ce que je vous propose. On va faire un tour sur les lieux, on voit si on trouve des trucs que les autres ont pu louper et je verrai ce que je peux faire, ça vous va ?”

“C’est… mieux que rien ne j’imagine.”

“Super. Par contre il y a une chose qu’il faut que vous me promettiez. Peu importe ce qu’il se passe ou que vous voyez pendant qu’on est là-bas, vous ne devez en parler à personne sans mon accord, compris ?”

“Wow ah ouais sérieusement.” fit Mathurine, ayant du mal à croire que cette bonne femme exilée au troisième étage d’une gendarmerie de campagne soit aussi à cheval sur le secret de ce qu’il peut se passer dans une banale forêt de province.

“Je suis extrêmement sérieuse, adjudant.” répondit Christine, le regard de glace alors qu’elle lui tendait la main. L’adjudant n’hésita pas et la serra avec conviction.

“Très bien, quand est-ce qu’on commence ?”

Christine regarda sa montre.

“Angélique, est-ce qu’on a une voiture de dispo ?”

“Euh…” l’abjurante tapota sur son clavier avec une lenteur insoutenable. “La 4 est dispo.”

“Super. Bien adjudant, si vous n’avez rien de prévu, nous pouvons y aller maintenant.”

“La seule chose que j’ai de prévu c’est cette enquête, je vous suis.”

“Très bien. Allez les filles, on bouge.” dit Christine en se levant et prenant son képi, Zineb et Angélique à sa suite, cette dernière manquant de faire tomber une étagère croulant de dossiers de ses larges épaules.

Les quatre femmes se faufilèrent jusqu’à la porte, Christine se retournant et portant la main à sa casquette, saluant le portrait au-dessus de l’armoire.

“Je vous confie la boutique, monsieur le Président.”

Puis, elle éteignit les néons et laissa à monsieur Sarkozy son empire de dossiers.


Christine avait toujours aimé se promener en forêt. Elle se souvenait avec nostalgie de son enfance chez les Guides à parcourir les bois avec ses copines, goûtant une liberté qu’elle ne pouvait qu’espérer dans sa triste famille catholique. L’odeur de l’humus, le bruit des feuilles sous ses chaussures, le bruit des oiseaux dissimulés dans les frondaisons, tout était là pour la détendre… excepté le but de leur visite.

Ça faisait deux heures qu’elles marchaient et elles avaient déjà fouillé quatre des six endroits où avaient été vus les enfants pour la dernière fois. Tout d’abord à côté du parking où une famille avait aperçu Thibault Martin, 11 ans, s’éclipser entre deux voitures en octobre 2018. Puis à côté de la mare où Emilie Kozlowski, 12 ans et Elise Lefevre, 13 ans, avaient été vues nourrir les canards en mai 2019. Ensuite, une butte en bordure de forêt où un gendarme faisant appliquer le confinement avait aperçu un gamin correspondant au signalement de Samir Jamil, 8 ans, s’enfuir en le voyant en mars 2020. Enfin, le panneau d’indication où la montre d’Arthur Kerbela avait été retrouvée en novembre 2021. À chaque fois, rien de particulier n’était à signaler. Cela n’avait rien d’étonnant, le plus vieux cas remontant déjà à 6 ans mais Christine avait bon espoir de peut être au moins trouver des traces de quelque chose d’anormal sur les lieux. Malheureusement, elles restaient désespérément bredouilles.

Elles marchaient vers le lieu de la cinquième disparition, celle de Nolwenn Maréchal, 10 ans, qui avait été vu pour la dernière fois sur un banc en septembre 2022, quand Zineb s’arrêta.

“Hey vous ne sentez pas un truc ?”

Elles s’arrêtèrent à sa suite, humant l’air comme des chiens de chasse à la recherche d’une proie.

“Ouais.” dit finalement Angélique. “Ça sent le cramé.”

“On a le droit de camper ici ?” demanda Mathurine.

“Pas que je sache mais c’est toujours possible d’obtenir une autorisation.” répondit Christine.

Elles se dispersèrent autour du sentier, cherchant l’origine de l’odeur.

“Je crois que ça vient de par-là, on va voir ?” dit Zineb en pointant vers la droite.

“Qu’en pensez-vous, Lesaint ?” demanda Christine.

Mathurine acquiesça.

“S’il y a un feu c’est qu’il y a quelqu’un, on ne peut pas exclure un témoin potentiel.”

“Allons-y alors.” répondit Christine, ouvrant la voie à travers les fougères.

Elles marchèrent une centaine de mètres à travers les fourrés, toujours guidées par cette odeur ténue de bois brûlé jusqu’à arriver à une clairière. Elles constatèrent vite que les acres effluves de fumée venaient d’un trou dans le sol où refroidissaient de pâles braises. Devant elle se trouvait une grande tente canadienne brune au volet entrouvert.

“Ok, Zineb va voir dans la tente avec Angélique. Lesaint et moi on va faire le tour du campement si on trouve quelque chose.”

“Ok patronne.” répondit Angélique avant de ramper dans la tente.

Christine et Mathurine firent le tour du camp, observant minutieusement chaque objet qu’elles trouvaient éparpillé. Une casserole, un sifflet, une boussole… Christine ramassa un couteau suisse mais il n’y avait aucune trace de sang sur les lames.

“Hey major!” fit Mathurine, “Regardez ça.” Elle lui tendit un petit bâton avec des entailles tout du long.

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“Qu’est-ce que ça peut vouloir dire ?” demanda Christine.

“Moi je sais !” s’exclama Zineb qui venait à leur rencontre, un papier à la main. “Regardez ce qu’on a trouvé dans la tente.”

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“On dirait un genre de code ?” dit Mathurine. “Si on remplace ça par un N et ça par un I et ça par…”

“N I C O L A S” répondit Zineb. “Le nom de celui qui a gravé ça j’imagine.”

“Patronne!” Angélique accourut vers le petit groupe. Elle tendit un foulard rouge et vert à Christine. “Je crois que c’est…”

“Un foulard scout.” répondit Christine, l’observant entre ses doigts. “Eh bien Lesaint, de deux choses l’une. Soit ces scouts sont partis en randonnée en laissant tout en plan soit…”

“Soit nous avons une autre disparition sur les bras.” ajouta sombrement Mathurine.

Un silence anxieux s’abattit sur la clairière, chacune envisageant le pire pour ce qu’il était advenu des occupants de cette tente.

“Bon” dit finalement Angélique, “on appelle du renf-”

Elle fut coupée par un couinement strident venant de plus profondément dans la forêt. Mathurine sursauta alors que ses trois collègues sortirent leurs armes.

“Bordel qu’est-ce que c’était que ce truc ?”

“Un des machins dont j’avais pas le droit de vous parler. En formation les filles !”

Les quatre gendastres se mirent dos à dos, pistolet au poing, tenant en joue les fourrés alentours. Soudain, Mathurine aperçut un objet sur le sol. Des lunettes de vue, un indice qu’elle avait manqué ! Si seulement elle pouvait les atteindre…

“Lesaint qu’est-ce que vous foutez ?!” aboya Christine alors que Mathurine se baissait… sans voir la forme qui fonçait à travers les fourrés.

Il y eut un flash roux et le corps de l’adjudant fut emporté vers la gauche. Christine tourna la tête et vit l’horreur qui se déroulait devant ses yeux. Face à elles se trouvait une énorme créature rousse au ventre blanc vif, debout sur ses pattes arrières. Une immense queue touffue pareille à un arbre frétillait dans son dos. Elle avait des sabots au bout de ses membres crochus et sa tête était hideuse. Une gueule parcourue de dents énormes et chaotiques avec entre elles la tête de Mathurine qui se débattait faiblement. Il y eu un craquement sinistre et ses bras tombèrent mollement sur les cotés. La bête les fixait toujours, ses yeux noirs comme des billes d'onyx ne montrant aucune émotion alors que sa respiration saccadée révélait une excitation sauvage.

De longues secondes passèrent avant que ses mâchoires ne s'écartent, laissant tomber le corps sans vie de la gendarme. Le bruit sourd réveilla ses collègues de leur stupeur qui se mirent à tirer sur le monstre. Mais alors que les claquements des armes emplissaient le bois, l'abomination semblait à peine incommodée. Elle retomba sur ses pattes avant et fonça sur Zineb, ignorant les balles. Le choc la fit tomber à la renverse, comme si elle avait été percutée par une voiture. Elle regarda vers le ciel, ne voyant que l'horrible gueule souriante de l'animal qui s'apprêtait à lui faire subir le même sort que Mathurine.

"Viens là saloperie !"

Des bras puissants empoignèrent le monstre et le firent basculer sur le côté. En se relevant Zineb vit Angélique essayant désespérément de plaquer au sol la créature qui se débattait.

"Cassez-vous ! Je le retiens !"

"Non Angélique tu-" lançait Christine au moment où l'hybride se dégageait d'une ruade avant de se faire arrêter à nouveau par l'abjurante.

"CASSEZ VOUS BORDEL !"

"D'accord, viens Zineb."

"Mais…"

"COUREZ PUTAIN !!" hurla Angélique, la face écarlate alors qu'elle maintenait avec grande difficulté la gueule de l'animal au sol.

Voyant que Zineb ne bougerait pas, Christine l'empoigna par l'épaule et fonça vers les fourrés, disparaissant dans les fougères alors qu'Angélique se lançait dans le combat de lutte le plus important de sa vie.



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