Pour un peu

Colmar, 4 Mai.

Un petit bâtiment blanc de trois étages. Dans une chambre, un des pensionnaires était debout en train de s’habiller. Gilles peinait à mettre ses chaussures à cause de ses pieds qui lui faisaient de plus en plus mal. Après s’être débattu pendant plusieurs minutes, il sortit enfin de sa chambre pour se rendre au réfectoire situé au premier. C’était une grande salle très épurée avec des poteaux qui soutenaient le plafond et de longues tables en son centre. Certains jours, il pouvait y avoir jusqu’à une centaine de personnes en même temps, mais c’était il y a un moment. Déjà, les habitants s’affairaient à dresser les tables et préparer les céréales et le lait pour le petit-déjeuner. Il prêta main-forte aux bénévoles pour décharger les denrées alimentaires puis il alla installer les chaises.

« Salut ! » fit une voix dans son dos.

Il se retourna, sachant pertinemment à qui appartenait la voix.

« Hey ! répliqua-t-il à la jeune femme qui se tenait devant lui. Ça va ?

- Pas trop mal. En tout cas, mieux que d’hab ! Et toi, bien dormi ?

- Sans problèmes. » Il évitait d’évoquer ses problèmes. Ce n’était pas la peine de l’inquiéter.

Elle s’étira et prit l’une des chaises qu’il avait mise sous une table pour s’asseoir. Elle laissa sa tête reposer sur la nappe, sur ses bras croisés.

« Tu veux bien me chercher à manger ? » Elle le fixa d’un regard implorant.« Steuplé. »

Il lui sourit et se dirigea vers le buffet où il prit deux bols de lait, les remplit de céréales au miel et piocha dans un récipient pour les petites cuillères avant de retourner à sa table.

La salle commençait à se remplir petit à petit, accompagnée de son vacarme qui brisait le calme du matin. Il retourna à la table et déposa les bols. Lucie en prit un et entreprit de le vider de son contenu. Gilles la regarda faire, avec un grand sourire.

« Qu'est-ce qu'y a ?

- Rien, rien, je te regarde juste.

- Mouais. » Mais elle sourit à son tour. « C’est quoi ton emploi du temps aujourd’hui ? demanda-t-elle, la bouche pleine.

- Il faut que je voie Valentine pour régler des trucs administratifs, répondit-il, tu sais, à propos de ma carte d’identité et- »

Il s’interrompit soudainement. Il venait d’apercevoir Tom, apparemment très attentif à ce qu’il disait. Ce dernier, voyant qu’il s’était fait surprendre, prit son assiette et disparut hors de la vue de Gilles. Lucie n’avait pas remarqué l’échange qui avait eu lieu et ils finirent de manger en silence, bercés par le brouhaha qui régnait.

Ils se séparèrent après un baiser et se promirent de se revoir le soir même. Comme prévu, il se présenta au bureau de la DRH et toqua à la porte.

« Entrez ! dit la responsable. Ah, c’est toi. » Il s’installa en face d’elle. La pièce était remplie d’étagères pleines a craquer de livres, de documents et de magazines. Diverses plantes les surplombaient, rendant l’ambiance plus vivante que dans le reste du bâtiment. Elle pianotait sur le clavier de son ordinateur, sans doute pour chercher son dossier.

« Bien, il faut que je monte un dossier te concernant pour l’obtention de ta carte d’identité. On va commencer par ton nom et prénom. »

Elle avait pris un air très sérieux pour aborder ce sujet on ne peut plus important.

« Ouais, pas de problèmes. Alors je m’appelle Gilles Eurny. » Il épela son nom de famille et répondit aux questions de Valentine les unes après les autres.

Une fois terminé, elle le libéra et il se rendit à l’atelier de l’association qui se situait de l’autre côté de la ville. Dans le hall d’entrée, il croisa une fois de plus le désagréable personnage qu’était Tom. Lorsqu’il arriva à sa hauteur, celui-ci lui décocha un sourire mauvais. Il n’y fit pas attention, le connaissant.

En temps normal des navettes faisaient l’aller-retour, mais comme le nombre de personnes démunies avait fortement diminué, le personnel bénévole n’était plus tellement nécessaire. Le chemin était assez long alors il laissa son esprit vagabonder.

Il se remémora son arrivée à Espoir. C’était à peine quelques mois auparavant mais cela faisait davantage qu’il était obligé de dormir dans la rue, dans le froid de l’hiver. Il avait toujours refusé l’aide qu’on lui proposait, à cause de la honte qu’il ressentait. Il ne voulait rien entendre de l’association dont on disait le plus grand bien. Les choses avaient drastiquement changé. Il y avait le fait de ne plus rien posséder à part deux sacs où s’entassaient pêle-mêle des vêtements, un sac de couchage, des couvertures et quelques provisions. Se laver était devenu chose rare. Les rassemblements entre compagnons d’infortune avaient remplacé les fêtes entre amis et avec la famille. Mais le pire, c’était le regard des autres. Celui des enfants qui le regardaient avec un mélange de curiosité et d’appréhension, celui des adultes chez qui il ne trouvait qu’une sorte de mépris, quand ils ne l’ignoraient pas. Il aurait voulu rester à l’abri des passants, pourtant il devait bien gagner un peu d’argent.

Et puis un jour, il était tombé. Un malaise sans doute. Il était resté plusieurs minutes sur le trottoir qui longeait une route où les voitures ne cessait de passer. Il ne saurait dire ce qu’il avait ressenti alors que même les cyclistes ne s’arrêtaient pas. Et puis, il y en avait un, un seul, qui avait fait demi-tour. Un ado. Il s’était agenouillé auprès de lui et lui avait demandé si ça allait. Ensuite, tout s’était passé très vite. Une autre personne était venue, puis une autre, jusqu’à l’arrivée des pompiers. Avant que le gamin ne s’en aille, il lui avait parlé de sa femme. Il ne saurait dire si celui-ci l’avait réellement écouté, mais il avait souri et encouragé. Après que les médecins l’avaient laissé sortir, il s’était décidé à faire évoluer sa vie.

La vie communautaire lui plaisait bien. Il avait appris à assumer sa situation. C’était là-bas que Gilles avait connu Lucie, dont il était tombé amoureux. À ces souvenirs, quelques larmes lui montèrent aux yeux, qu’il essuya d’un revers de main.

Il entra dans un grand parc bordé d'arbres sur lesquels les feuilles avaient commencé à pousser, et déserté à cause de l’heure matinale. Un magasin de journaux se situait sur sa droite, présentant les dernières nouvelles de la région. Les volets de fer n'étaient pas fermés et un détail intrigua Gilles. Il fit un détour et alors qu'il s'en approchait, il aperçu un ancien numéro du DNA qui abordait l'annonce des gouvernements à entamer une paix commune. Il se rappela de la joie qui avait ébranlé le monde, de son pays enfin libéré de l’oppression, de sa famille qui avait pu vivre à peu près décemment. À ce moment, lui était déjà parti en France. Perdu dans ses pensées, il n’avait pas remarqué l’homme qui l’observait de loin depuis un certain temps.

Quand il leva les yeux du journal, le reflet d'une personne se rapprochant de lui se dessina dans la vitrine. Ce dernier sortit un objet de sa poche qui fit tout de suite réagir Gilles. Il se retourna pour mieux voir de quoi il s'agissait quand il croisa le regard de l'homme. Ce qu'il vit lui fit prendre peur, alors il s'éloigna du magasin et commença à accélérer l’allure. Il tournait fréquemment la tête pour regarder derrière lui, et à chaque fois l’homme se rapprochait.

Une fois à l’extérieur, il essaya de perdre son poursuivant dans les ruelles, en vain.

Heureusement pour lui, il arriva devant un passage piéton, et juste avant qu’un camion poubelle ne passe, il traversa la route et sprinta vers un passage à sens unique. Il se retourna et, ne voyant plus son poursuivant, souffla un coup.

Alors qu’il se redressait, l’homme se tenait face à lui. Paniqué, il chercha du regard une issue mais ne vit que des portes fermées. Il tenta de s’enfuir et fut ravi de s’apercevoir que l’autre ne faisait que marcher. Tout à coup, il ressentit une douleur dans son pied droit. C’était quelque chose d’insupportable. Il avait si mal qu'il s’effondra par terre en laissant échapper un gémissement. Les pas de l’homme résonnaient dans la sombre ruelle, et, avant que Gilles n’ait pu esquisser le moindre geste pour se protéger ou crier à l’aide, il reçut un coup violent à la tête et perdit connaissance.

Quelques minutes plus tard, une camionnette démarra et sortit de la ville vers une destination inconnue.


Site Aleph, France, 19 Janvier.

8h22. En retard, comme toujours. Je subis une énorme tension depuis peu et cette pénurie à laquelle nous sommes confrontés et mon envie de travailler sont rentrées en contradiction. Le projet sur lequel je travaille est très chronophage. Je ne dors pas beaucoup, je ne mange que très peu, je refuse les échanges verbaux et je suis encore en retard à une réunion. Celle-ci n'est pas commune et de plus, c'est l'Agent Rivels qui nous a contactés, une première depuis que je travaille dans la Fondation. "Réunion de crise", c'était l'objet du courrier. Elle était prévue pour 7h00. Me voilà donc en direction de cette fameuse réunion. Les minutes passent et j’accélère le pas en conséquence. Droite, gauche, tout droit, "Salle de réunion B-01", c'est par là.

Je suis devant la porte, je m'apprête à toquer. Il y a toujours ce malaise qui s'installe à l'idée de toquer à une porte quand on est en retard, cette règle implicite qui nous dicte d'arriver tôt. De plus, la porte de la pièce est composée d'un fin verre dépoli, me permettant d'entrevoir les formes des chercheurs qui à leur tour m'ont probablement remarqué. Je toque alors à la porte, puis l'ouvre délicatement avant de la refermer plus abruptement.

- Excusez-moi.

- Vous êtes en retard. Ce n'est pas la première fois, Chercheur Adrian. Vous connaissez la mission de la Fondation, n'est-ce pas ? Il est d'une importance capital d'être présent aux réunions en temps et en heure. Et ce ne sont pas vos excuses qui vont faire avancer la situation.

Mes yeux survolent rapidement la table à la recherche de ma place tandis que l'Agent Rivels continue d'établir la situation. Après l'avoir trouvée, je me dirige vers elle et m'installe.

- … pour conclure, au vu de la pénurie de membres du personnel de Classe D à laquelle nous faisons face, l'utilisation des Classes-D est suspendue pour les expérimentations sur SCP-

Tandis que l'Agent Rivels parle, je vois le schéma défiler derrière lui. Il se déplace alors, laissant paraître la liste des SCP ne pouvant être assignés à de quelconques expérimentations jusqu'à nouvel ordre.

- Mais vous n'êtes pas sérieux ! crie la chercheuse Mathilde.

- Vous ne pouvez pas stopper les expériences ainsi, de nombreuses équipes de recherche se sont pliées en quatre dans le but de recevoir les accréditations suffisantes afin de pouvoir expérimenter sur SCP-124-FR ! Vous ne pouvez pas gâcher d'un claquement de doigts autant de travail ! reprend-t-elle.

- Si vous voulez, je peux vous laisser vous entretenir avec les représentants des O5. Je ne veux pas utiliser cette "option de facilité" ou bloquer les communications, mais dans ce rouage je ne suis qu'une sorte d'intermédiaire, je subis autant que vous cette crise et le dialogue n'a mené à rien avec ceux-ci.

Durant quelques secondes il y a un blanc et alors je continue :

- Mais… et SCP-313-FR alors ? dis-je d'un ton renfrogné.

- Mêmes conséquences, quand je dis pas d’expériences comportant des membres du personnel de Classe D, ça veut dire “pas d’expériences” ! Vous allez devoir faire avec. Vous pouvez toujours essayer de trouver des potentiels membres du personnel de Classe D en aidant les ressources humaines, vous pourrez même me contacter après la réunion, mais n'oubliez pas : les intérêts de la Fondation passent avant tout.

- Bon, ceci signe la fin de la réunion. Si vous avez des questions, n'hésitez pas, rendez-vous dans les bureaux des ressources humaines, finit-il.

Je vois les chercheurs qui sortent de la pièce, puis l'agent des RH, tandis que moi, je reste sur ma chaise. J'arrive toujours pas à y croire. Je range mes affaires, insatisfait. Sérieusement, je commençais à aboutir à quelque chose et faut qu'on me mette des bâtons dans les roues ! Je me lève, et brusquement je mets un coup dans le dos de ma chaise.

- Fait chier ! cris-je.

Il faut que j'aille discuter avec l'Agent Rivels, je ne peux pas juste me tourner les pouces en m’apitoyant sur mon sort, mais il faut tout d'abord que je trouve un moyen de combler ce manque de RH. Je prends mes affaires que j'ai précédemment rangées, et me dirige en direction de mon bureau d'un pas déterminé.

Une fois arrivé à celui-ci, je sors mes clés de mon sac, j'ouvre rapidement la porte et je la claque, avant d'envoyer valser de rage mes affaires au sol. Je fais quelques tours dans mon bureau, toujours avec acharnement.

- Réfléchis, putain ! Avec un tel niveau d'études, je dois bien pouvoir trouver un moyen de pallier ce manque de ressources ! Et puis j'en suis sûr, mais les chercheurs avec leurs expérimentations à la con, eux ils vont réussir à avoir des ressources, car les miennes restent "inférieures" selon leurs critères !

Je m'assieds sur ma chaise et le temps passe. Quelques minutes, quelques heures, un jour, cela fait maintenant une journée que je suis toujours dans l'impasse. Et c'est après tout ce temps passer dans mon bureau que me vient une idée, une idée incongrue, une idée stupide, mais une idée qui me permettra sûrement de finaliser mon projet. Je me mets sur mon ordinateur, je commence à rédiger l'idée sous forme d'un rapport, cela me permet de détailler la manière de procéder et puis ça ne paraîtra pas suspect, avec les tonnes de dossiers que l'on doit se taper tous les jours. Des heures passent, puis je finalise le document et l'imprime.

Je me rends donc, accompagné du dossier, en direction des bureaux des ressources humaines. Arrivé dans les bureaux, je discute brièvement avec la secrétaire qui m'indique le bureau de l'Agent Rivels. J'avance vers celui-ci et me retrouve devant la porte de son bureau, je toque à deux reprises.

- Entrez, dit-il.

En entrant, je découvre un bureau bien rangé, tapissé de blanc, quelques tableaux de paysages forestiers et montagnards, disposés sur les murs, j'aperçois un portrait sur le bureau que je suspecte être une photo de la femme de l'Agent Rivels, des crayons bien rangés, des casiers de rangement dos au mur, son ordinateur sur son bureau accompagné d'une pile de dossiers et de classeurs : il a l'air de crouler sous le travail. C'est ainsi en découvrant de mes yeux chaque détail que je découvre le visage fatigué de l'Agent Rivels.

- Vous avez mauvaise mine, si je peux me permettre, dis-je.

- Vous vous êtes vu ? On dirait que vous n'avez pas dormi et pris de douche depuis une semaine…

Un léger blanc s'installe quelques secondes, ce qui plombe l’atmosphère, puis il reprend :

- Vous êtes venu suite à la réunion ? Interroge-t-il, tout en se déplaçant de droite à gauche pour ranger les divers dossiers selon leur priorité.

- Exact, j'ai peut-être trouvé un moyen de se réapprovisionner en membres du personnel de Classe D, mais la méthode reste peu conventionnelle. Finis-je brusquement.

Il se retourne pour analyser mon expression, il prend une expression sérieuse, s'assied et reprend :

- Je vous écoute.

- Nous pourrions utiliser des civils.

L'atmosphère semble être encore bien plus pesante.

- Je vous coupe tout de suite, on ne peut pas se permettre de faire ça ! Proteste-t-il. Je subis en continu la peur d'être rétrogradé pour la moindre erreur. Il suffit d'une faute professionnelle pour nous faire rétrograder en membres du personnel de Classe D. Prendre dans le civil, c'est juste purement horrible d'un point de vue éthique, et personnel. Une erreur et nous voilà au plus bas de l'échelle, on se fera probablement tuer lors de l'expérience ou pire encore…

- Laissez-moi terminer, bon sang ! Nous pourrions utiliser des immigrés sans papiers : il y en a peu depuis que les guerres ont cessé, mais il en existe toujours, vivant dans des bidonvilles en nombre conséquent, ou même isolés, ce qui est bien plus intéressant. Et puis, si vous voulez mon avis, les gouvernements n'iront pas pleurer leur disparition, affirmé-je.

- Mais vous ne comprenez pas que prendre dans le civil, même des sans-papiers, c'est beaucoup trop dangereux au vu des répercussions que cela pourrait entraîner ! Et puis, comment vous allez les chercher, vos immigrés, hein !? s'exclama-t-il.

L'agent Rivels semble à bout de forces, exténué et agacé. Je vois bien qu'il n'en peut plus de la situation actuelle, il doit lâcher prise et m'écouter.

- Je connais des agents de terrain prêts à tout pour retrouver leur métier d'avant-pénurie ! Ils en ont marre de la pression, ils veulent retrouver leur famille, tout le monde est sur les nerfs et le personnel ne va pas tarder à exploser de rage si on continue de jouer dans les règles du jeu ! Et puis, vous êtes à l'un des postes les plus touchés de la Fondation, vous serez l'un des premiers à voir les effets positifs du réapprovisionnement en membres du personnel de Classe D.

Il se lève de sa chaise, en colère, et reprend brusquement :

- Mais ce ne sont pas les règles de n'importe qui, ce sont celles de la Fondation ! hurle-t-il, fatigué.

Le voyant se lever, je décide de m'approcher de lui pour avoir plus d'impact :

- Contrairement à ce que vous pensez, la Fondation n'est pas omnipotente ! Avez-vous seulement connaissance du nombre de problèmes qui doivent être traités dans l'urgence en ce moment ? Du nombre de membres du personnel qui ne jouent pas dans les règles ? Et les groupes d'intérêts, n'en parlons même pas… Ce n'est pas quelques péquenauds sans-papiers dont personne n'en a rien à faire qui vont vous faire rétrograder ! Ils utilisent la terreur psychologique en rétrogradant quelques membres du personnel, mais vous êtes plus intelligent que ça !

L'agent semble confus, perdu dans ses pensées. Je reprends :

- Vous savez, depuis qu'il n'y a plus de guerre, le chômage a quelque peu augmenté, et cela va continuer, et que ce soit maintenant ou plus tard, ces individus sont et seront loin de servir la société car ils ne posséderont pas les moyens de l'aider. C'est un cercle vicieux.

- Je sais bien que la paix est bien plus destructrice que la guerre sur le long terme, mais quand bien même vous arriveriez à obtenir des membres du personnel de Classe D… vous ne trouvez pas que c'est horrible ? Vous vous rendez compte de quoi vous parlez, on parle d'êtres humains, pas d'animaux !

L’agent est visiblement mal à l’aise à l’idée de condamner ces gens. Je peux le comprendre, mais pour sauver l'humanité, on peut se permettre quelques pertes.

- Vous savez, ils seront bien logés et bien traités à la Fondation comparé à l'extérieur. Et au vu de la situation actuelle, ils seront traités comme des rois car le personnel connaît l'importance des membres du personnel de Classe D, surtout en ces heures sombres.

L'agent semble porter son regard ailleurs, comme perdu. Il faut que j'utilise ses sentiments à mon avantage.

En pointant du doigt le portrait, je continue :

- Vous n'avez pas revu votre femme depuis combien de temps à cause de cette pénurie ? Vous aurez la chance de la revoir, vous aurez la chance de vivre de nouveau dans une situation normale, sans avoir la boule au ventre en vous levant chaque matin. S’il vous plaît, réfléchissez-y, tout le monde compte sur vous, je compte sur vous et votre famille aussi voudrait sûrement vous revoir.

Quelques minutes s'écoulent dans le silence, il semble encore plus perdu, complètement dans le flou. Puis finalement, il reprend :

- Laissez-moi y réfléchir…

Il se rassied et continue :

- Mais ce n'est pas une décision qui doit être prise à la légère…

- Je comprends. Mais on compte sur vous, l'équipe compte sur vous, je compte sur vous.

Je glisse le document sur son bureau, je me lève, puis pose la main sur la poignée de la porte.

- Réfléchissez-y, je ne prendrais pas de risques si ce n'était pas faisable, ce document résume la procédure à suivre si vous acceptez.

J'ouvre celle-ci et retourne à mon bureau, l'air satisfait.


Quelques semaines plus tard.

J'attends, assis à mon bureau, mais la situation a changé. Je ne suis plus triste, je suis moins nerveux et je ne suis plus stressé. Je suis satisfait.

Le sort réservé à ces gens ne m'importe plus maintenant. La science, c'est quelque chose qu'ils ne comprendraient pas de toute manière. Et puis, à quoi servent-ils finalement, ils survivent, ils ne vivent pas. Ils serviront à quelque chose grâce à moi, et puis- Une personne toque.

- Vous pouvez entrer, dis-je.

Celui-ci ouvre la porte, le sourire aux lèvres :

- Agent Rivels, que me vaut cette visite ?

- Chercheur Adrian, vous êtes réhabilité à pratiquer des expériences !

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