Drogue puissante

Priss observa l’Anabase s’allumer et expulser un jet d’air froid familier dans la pièce alors que la masse vaguement humanoïde était ramenée. Autrefois, cette chose était un homme, mais ce qui réapparut ressemblait à une tentative ratée de reconstituer quelque chose qui avait explosé en plusieurs morceaux de viande. Un steak haché de forme et de taille humanoïde, complètement habillé.

"Quelque chose lui a enlevé des trucs," marmonna Edgars à travers son masque à gaz, en donnant de petits coups à la masse avec une longue perche pour ne pas y toucher, "Regardez. Son habit est encore boutonné. Et la caméra a disparu. Ses chaussures aussi."

"Je m’y attendais," ajouta Priss d’un ton narquois, "On n’a aucune raison d’utiliser des Classes-D. On pourrait plutôt utiliser des machines. Un mannequin avec un magnétophone. N’importe quoi. On ne peut pas communiquer avec eux une fois qu’ils sont de l’autre côté, alors pourquoi s’embêter avec une personne vivante ?"

"Soit on les utilise, soit on les perd," expliqua une autre technicienne. "Et c’est mieux pour eux s’ils restent avec nous au lieu de retourner en prison. Tu as vu de quoi ont l'air ces endroits en ce moment ?"

"Non," répondit simplement Priss en contemplant le steak haché humide de forme humanoïde tombant lentement en morceaux, "Je n’ai pas vu."

"Elles sont remplies d’immigrants illégaux. J’ai entendu dire que c’est pire à Hawaii et en Californie, mais étant donné qu’elles commencent à être surchargées, ils envoient des réfugiés chinois jusqu’ici. Pas juste dans les prisons, mais aux gens de l’immigration aussi."

"Pourquoi est-ce qu’on a besoin d’avoir des Classes-D de toute façon ?" dit Priss en dévisageant le groupe. Quatre 'techniciens', deux chercheurs juniors, et elle, une agente. Il y avait plus de membres du personnel ordinaires que de Classes-D sur le site. Priss se dit qu’il n’y avait aucune raison pour qu’ils n’utilisent pas des animaux en premier, et ensuite des personnes volontaires lorsqu’ils auraient démontré qu’il n’y avait aucun risque.

"Quoi, tu préférerais y aller ?" demanda Sandy, la technicienne.

"Ouais, volontiers," répondit Priss en sursautant légèrement lorsque le cadavre avachi s’affaissa brusquement, sa tête s’écrasant contre le sol avec un bruit visqueux, "Ce genre de prisonniers n’ont rien à gagner ni rien à perdre. Rien ne les empêche de mentir pour assurer leur liberté."

"Et bien, ils ne sont pas vraiment libres s’ils se font arrêter," rétorqua Edgars. Il sursauta brusquement, "Tout doux, mon bébé," Il tapota l’Anabase et éventa sa surface chaude en lui envoyant un peu d’air frais anormal.

"Tu viens de me rappeler quelque chose," enchaîna Priss, "Qu’est-il advenu des rapports ? Des hallucinations ?"

Sandy haussa les épaules :

"C’était probablement quelque chose que Ana a apporté de notre côté. On a mis l’école en quarantaine et on l’a nettoyée pour se débarrasser de tout pathogène dans l’air ou quoi que ce soit du genre. On n'a eu aucun incident depuis."

"Ils ont vraiment dit ça ?" fit Priss en réfléchissant. Les mesures prises par la Fondation pour justement empêcher ce genre de chose rendaient cette affirmation suspecte. De plus, il était étrange de penser que les hallucinations étaient causées par un pathogène ou un hallucinogène puisque Sharpe et elle avaient toutes les deux vu et touché la même chose, "Où est le rapport complet ?"

"Il n’est pas encore terminé. Disons que Marlowe se concentre principalement sur elle."

Priss se retourna, et son regard fut immédiatement attiré par l’Anabase. La machine n’avait pas bougé, rien n’avait changé. C’était un objet inanimé qui arrivait à la hauteur de ses genoux. Pourtant, son attention avait été instinctivement attirée vers la machine. Elle réalisa soudain que tout le monde faisait référence à la machine comme s’il s’agissait d’un être vivant.

"Cette chose n’est pas vivante, vous savez," dit-elle en dévisageant Sandy, en particulier.

Edgars regarda Priss curieusement :

"Ouais, on est au courant. Tu avais des doutes ?"

"Vous l’appelez toujours 'elle' ou 'bébé' …"

Edgars répondit par un haussement d’épaules :

"C’est la même chose que les capitaines qui nomment leur navire. Ou les mecs qui donnent des petits surnoms à leur voiture. Et alors ?"

Priss fit demi-tour et quitta la pièce.


Pour la première fois depuis un mois, Priscilla Locke rentra chez elle et constata que tout était normal et bien rangé dans sa maison. Sa sœur était habillée correctement et n’était pas en train de se saouler ou de recevoir des invités pour bavarder dans son dos. Pour une fois, elle était en train de faire du ménage, et portait ses prothèses dentaires.

"Hé, Prissy… Comment vont tes hormones ?"

Elle ne pouvait quand même pas espérer trop de changement de sa part d’un seul coup.

"Tu sais, ce n’est pas drôle, et ce n’est pas une façon appropriée de dire bonjour à quelqu’un."

Rhiannon haussa les épaules :

"Je ne fais que m’assurer que tu te souviennes de qui tu es. De qui tu étais. De tout. Je parle à des gens, comme tu le voulais."

"Tu es en thérapie ?" demanda Priss avec espoir, malgré que ça n’aurait pas été la première fois que Rhie aurait décidé que 'se faire soigner' était synonyme d’utiliser l’argent des autres pour 'leur' acheter de l’alcool.

"Des séances de groupe. On discute. Ça aide," répondit Rhiannon en semblant dire la vérité. Exceptionnellement, ce fut Priss qui regarda ailleurs la première, "J’attendais simplement que tu reviennes à la maison. Je vais rentrer tard. Tu penses être capable de t’occuper de toi-même ?"

Priss hocha la tête et déposa son sac sur la table. Elle regarda Rhiannon sortir sans aucune remarque sarcastique et sans lui lancer un sourire bizarre par-dessus son épaule.


Avant la Seconde Guerre mondiale, le bâtiment était un temple juif. C’était avant la "Crise de l’hépatite", lorsque la vague de migrants antisémites provenant des états du nord jusqu’en Floride du Sud coïncidait comme par hasard avec les élections qui ont amené au pouvoir la majorité nationaliste au sénat de l’État. Ensuite, le bâtiment est devenu le centre d’association caritative, et une grande partie de ses anciens propriétaires détenaient toujours l’acte de propriété du lieu. Il a ensuite été abandonné lors des émeutes de 1970. Par après, il y a à peine une dizaine d’années, il avait été utilisé pendant une brève période comme un centre de détention pour les manifestants. Puis il a été abandonné à nouveau.

Les lumières étaient allumées pendant la nuit. Personne n’empêchait les gens d’entrer. C’était un mélange paisible de toxicomanes et de leurs dealers, de prostitués et de leurs clients impatients, et même d’infirmes et de sans-abris pris en charge par des personnes disposant de certaines ressources. Mais tous ceux qui touchaient l’arête de leur nez avec leurs doigts — l’index et le majeur seulement — provoquaient toujours une réponse chez les squatteurs qui semblaient bloquer l’accès à l’escalier menant au sous-sol. En bas, on aurait cru voir un aperçu de l’enfer.

Dans un coin de la pièce se trouvait une masse grouillante de corps nus de tailles et de couleurs différentes. Une silhouette occasionnelle se retirait de la masse, trempée de sueur et d’autres fluides, alors qu’une autre silhouette toute fraîche venait prendre sa place. Quelques couples plus conventionnels se contentaient de rester par eux-mêmes, réticents à l’idée de partager leur expérience, mais assez vaniteux pour réclamer un public. Ailleurs, les gens buvaient, fumaient, sniffaient, ingéraient toutes sortes d’hallucinogènes et de substances psychotropes. D’autres lisaient des livres — le Coran, la Bhagavad-Gita, les œuvres de Saint Thomas d’Aquin, Thucydide, Xénophon, Confucius, Lao Tseu… absolument tout ce qui aurait pu être considéré comme "suspect" pour un citoyen ordinaire et membre fidèle du Parti national des civilisations occidentales.

Au fin fond de la pièce se trouvait un unique canapé illuminé par un projecteur situé directement au-dessus, et un micro qui avait été penché pour accommoder les orateurs confortablement allongés sur le canapé. Rhiannon Locke aurait aimé pouvoir dire qu’elle était allée directement sur le canapé des orateurs la première fois qu’elle était venue ici, mais depuis qu’elle avait découvert ce havre de sueur, de fumée, d’alcool et de pisse quelques années auparavant, elle avait passé plusieurs mois dans chaque coin de la pièce, essayant tout ce qu’elle pouvait.

Maintenant assise sur le canapé des orateurs, même le plus profond des orgasmes, le plus délicieux des alcools ou la plus puissante des drogues ne pouvaient la faire sentir aussi vivante. Elle se dit, ça doit être ça, le pouvoir.

"Vous êtes maintenant ma famille. Vous vous en rendez compte ?" murmura-t-elle doucement au micro.

Elle ne pouvait jamais dire si le micro était branché ou non ; elle n'entendait jamais sa réverbération ou le léger écho de sa propre voix rebondir au fond de la pièce. Il était toujours difficile pour elle d’entendre.

"Une famille s’occupe de ses membres. On se bat et on saigne ensemble. On a beau crier et se critiquer les uns les autres, mais dès qu’un étranger ne faisant pas partie de notre famille se pointe, nous crions tous en cœur 'STOP !' … Seuls les membres de notre famille peuvent nous critiquer pour nos défauts.

"Ce qui nous rassemble ici, en tant que famille, c’est justement ce qui nous déconnecte du monde autour de nous. Vous et moi, hommes de l’époque et femmes en laisse, nous avons essayé de nous intégrer, de montrer au monde que notre place est ici.

"Et ils ont dit non. Non seulement ont-ils dit 'Non', ils nous ont montré leur 'Non'. Les conditions étaient parfaites pour la création d’un tout nouveau monde — une révolution ! Une chance pour les garçons et les filles d’être libres et égaux, peu importe leur ethnie ou leur couleur de peau.

"Pourtant, nous n’avons fait que recevoir des non. 'Non'. Certains diront 'Mais attendez, qu’en est-il de la fois où ils ont essayé de changer ? La fois où ils se sont dit 'et puis merde' et nous ont laissé vivre tous ensemble pendant un bref instant ?' Ce n’était qu’un mensonge. Un mensonge dégoûtant de par son caractère opportun.

"Ils vous ont gardé dans une cage et vous ont demandé 'pourquoi êtes-vous dans une cage ?' Ils vous ont dit 'sortez de la cage !' pendant que vous étiez enfermés dans la cage. Vous vous êtes débattu et démenés et vous avez supplié pour qu’on vous aide, et ils ont dit 'Regardez maintenant ce pauvre petit ; il est incapable de se comporter comme nous, comme je l’avais dit'. Ce n’est qu’à ce moment qu’ils ont ouvert la cage et vous ont forcé à vous prosterner.

"Je sais que c’est de l’histoire ancienne pour vous. Vieille, archaïque, passée. Nous luttons en ce moment. Le changement à venir sera le nôtre, et il ne surgira pas d’une cage fermée à clé. Je vous dis ça maintenant, parce qu’une guerre fait rage de l’autre côté de l’océan. L’empire du Grand Qing a envahi à nouveau l’Asie du Sud-Est. Certains diront 'quel putain de rapport avec nous ?' Et bien, pour tout vous expliquer…

"Des gens de là-bas qui vivent dans la peur face à l’approche de leur fin imminente choisissent de venir ici. Et les premiers à quitter n’importe quelle zone de conflit sont toujours les hommes de l’époque et leur femme de circonstance. Par 'circonstance', on veut dire 'blanche', ou dans ce contexte, 'assez blanche'.

"Il n’y a pas si longtemps, nous les appelions encore des 'chinetoques', peu importe s’ils étaient originaires de la Malaisie, de l’Indonésie, du Dai Viet ou du Nippon. 'Chinetoque Ching Chong', disait-on en riant devant eux. 'Chinetoque Ching Chong'. Aujourd’hui, nous leur ouvrons nos portes et nous les supplions de venir chez nous. Mais seulement ceux d’entre eux qui sont blancs ! Bien sûr, tout ça n’empêche pas les autres de les suivre.

"Donc, notre joli pays blanc favorise les personnes à la peau blanche, et ils les emmènent dans ses centres de réfugiés et son système d’immigration. Vous êtes déjà allé au centre d’immigration sur la Southwest 17th Street ? Certaines personnes finissent par monter des tentes sur leurs terrains. Ça vous montre à quel point le processus est long et pénible. Qu’est-ce que vous pensez qu’il va arriver lorsque les bons réfugiés asiatiques blancs vont commencer à engorger les services dans l’ouest du pays ? Ils vont se mettre à déplacer les ignobles latinos bruns venant du trou du cul du monde au Guatemala de plus en plus vers l’Est.

"Et devinez quoi, on est à Miami. Nous sommes au bout du fil. Tout est en train de s’écrouler, et ils continueront d’empiler ce qu’ils considèrent être leur 'merde' sur nous. Des gens adorables, ces Centraméricains. Où est-ce qu’ils vont tous les garder ? Chez les autorités locales ?"

Rhiannon regarda autour d’elle. Même si l’orgie ne semblait pas affectée, tout le monde semblait au moins porter un certain intérêt à son discours. Les lecteurs et les orateurs s’étaient arrêtés et l’écoutaient. Amplement de gens avaient été happés et buvaient silencieusement chacun de ses mots.

"Souvenez-vous où nous avons tous commencé : enfermés dans une cage."


Les choses avaient commencé à bouger avant même qu’elle n’en entende parler. Rhiannon le savait. Elle ne voulait pas que les gens aient à attendre pour voir le spectacle se dérouler ; elle voulait que ses mots servent de révélation pour que le jour d’après, tout le monde lève les yeux vers le ciel et réalise soudainement tout ce qui se passait juste sous leur nez.

Le bureau de l’agence américaine de l’immigration sur la Southwest 17th Street était niché au creux d’une étendue de logements résidentiels, à quelques kilomètres seulement des quartiers luxueux de Coral Gables. Les gens de toutes les strates de la classe moyenne vivaient ensemble dans ces logements. Les bâtiments autour du bureau avaient été démolis longtemps auparavant et représentaient aujourd’hui des terrains vagues. Aucun réfugié ne venait squatter la pelouse des gens ici. Mais pourtant, les gens devaient faire attention de ne pas s’aventurer au-delà de leur quartier.

Une petite douzaine de personnes venant d’Asie du Sud-Est étaient maintenant amenées par des convois du gouvernement local. Ceux qui étaient déjà en file ont ensuite reçu l’ordre de reculer pour laisser les Asiatiques passer en premier. Au moins 50 ou 60 nouveaux arrivants du Dai Viet et du Laos ont été placés devant eux. Malgré leur air effrayé et fatigué, la plupart d’entre eux étaient bien habillés et transportaient des sacs.

Rhiannon n’était pas naïve au point de croire que le racisme fonctionnait à sens unique. Certains des réfugiés déjà en ligne voyaient les nouveaux arrivants comme des intrus ne méritant pas de recevoir de privilèges spéciaux ; ils percevaient une injustice dans leur situation. La plupart ne voyaient simplement que des "chinetoques" et bougonnaient.

Rhiannon était assise sur une branche d’un petit arbre n'ayant pas été taillé depuis longtemps sur le terrain vague. Là, elle pouvait admirer tout ce qui se déroulait. Quelques réfugiés latinos refusaient de bouger. Des policiers se sont approchés d’eux. Les réfugiés ont levé les mains en l’air et ont commencé à se déplacer. Pas très loin. Ils n’ont fait que… marcher aux alentours. Certains tournaient en rond, histoire d’empêcher les policiers de les prendre par l’épaule et de les déplacer de force. Ils allaient être obligés d'utiliser la force contre eux. La police n’était tout simplement pas prête pour ça.

Le bureau de l’agence américaine de l’immigration ouvrait un peu plus tôt que prévu cette journée-là. Rhiannon le savait. C’est pourquoi elle avait dit au groupe du Temple de répandre cette nouvelle dans la ville. Il était environ 6h45. De plus en plus de réfugiés arrivaient pour faire la queue et observaient avec perplexité les hommes et les femmes levant leurs bras en criant et en manifestant tout en courant en rond. Les policiers s’emparèrent de quelques individus et semblèrent hésiter quant à en plaquer d’autres. C’était le genre de scène qu’ils avaient vu au Texas, en Arizona, en Californie. Pas à Miami, en Floride.

7h20. Les manifestants se sont fatigués d’attendre et sont tout bonnement sortis de la file d’attente pour se tenir dans la rue. Quelqu’un avait apporté des pancartes. La plupart avaient été griffonnées en espagnol, mais les messages n’étaient pas très clairs dans l’ensemble ; certains lisaient 'Renvoyez les Chinois chez eux' ou 'Les Cubains étaient là en premier !' ou d’autres slogans manifestant contre le favoritisme des réfugiés asiatiques blancs par rapport aux réfugiés plus foncés d’Amérique du Sud et d’Amérique centrale. Un sourire se dessina sur les lèvres de Rhiannon lorsqu’elle reconnut sa propre écriture sur au moins deux pancartes.

Moins de trente personnes étaient rassemblées dans les rues. Dès 8h15, le nombre de personnes était passé à soixante. La plupart des gens sur place étaient des passants, des résidents du quartier et quelques membres travaillant pour les médias locaux arrivés hâtivement. Le trafic commençait à se faire plus dense alors que les gens conduisaient pour se rendre au travail. Les manifestants commençaient à bloquer la circulation. Des cris étaient échangés entre les résidents et les manifestants. Les voitures qui s’arrêtaient un peu trop longtemps recevaient des coups de la part des manifestants et de leurs mains sales, comme si leur message pouvait clairement être transmis au travers de leur vacarme alimenté par la rage d’hommes et de femmes criant et saccageant les alentours.

Toute cette action provoqua une réaction chez les policiers, qui se mirent à saisir et à déplacer brutalement les gens. Les cris et les hurlements s’intensifièrent. Un crissement retentit lorsqu’une voiture freina brusquement après avoir frappé un manifestant avec suffisamment de force pour le mettre à genoux en criant. Il se redressa immédiatement, sans même boiter lorsque des policiers arrivèrent pour l’éloigner de la voiture. L’homme dans la voiture baissa sa fenêtre et se mit à hurler. De colère ? De confusion ? De panique ? Elle n’était pas certaine que quelqu’un à proximité le sache. Ce n’était que du bruit ; plus de bruit dans l’orchestre dissonant de la rébellion. La confusion était accablante. Un policier sortit son pistolet. Parmi tout le vacarme, Rhiannon entendit quelqu’un crier, "Les mains en l’air, sortez du véhicule !" Un autre policier répéta la même chose, puis un autre.

Elle ignorait complètement qui était l’homme. Il était chauve, avait un bouc au menton, et portait un débardeur. Il aurait pu être Cubain, il aurait pu être Hondurien, il aurait pu être un homme blanc d’Orlando. Peu importe, il s’anima et cria si fort que Rhiannon pu l’entendre, "Allez vous faire foutre, salauds !" La voiture accéléra d’un coup.

Des coups de feu retentirent, et la voiture s’arrêta abruptement après avoir reculé de plusieurs mètres. La foule cria de terreur et commença à se disperser. Les vitres craquelées de la voiture étaient couvertes de sang. L’homme avait paniqué et avait mis le pied au plancher à reculons. Cependant, il avait été impossible pour les policiers de savoir qu’il n’avait pas l’intention de les renverser. Maintenant, c’était les policiers qui paniquaient. Rhiannon savait que tout ça était horrible. Des larmes lui montaient aux yeux et un profond dégoût lui retourna l’estomac. C’était un événement tragique. Un accident, même. Puis, elle se mit à rire. Même le plus profond des orgasmes, le plus délicieux des alcools ou la plus puissante des drogues ne pouvaient la faire sentir aussi vivante.

Sauf mention contraire, le contenu de cette page est protégé par la licence Creative Commons Attribution-ShareAlike 3.0 License