Pizzicato

Le soleil se leva sur l'aube d'un nouveau jour, sa lumière inondant l'étendue d'arbres visible depuis la fenêtre surélevée. Lentement, la lumière se faufila à travers le paysage, jusqu'à éclairer la pièce sombre au sommet de la structure en béton surplombant la forêt. De cette pièce sombre, la silhouette d'une femme prit forme : grande, droite, et revêtue d'un costume noir comme l'espace. Le soleil illumina un froncement de sourcils solennel et un nez étroit, avant de finalement éclairer deux yeux, sombres et perçants. Beaucoup de ceux ayant vu ses yeux diraient ensuite qu'ils étaient froids, vides d'émotion. Ce n'était que partiellement vrai.

Son bureau était modestement fourni, mais parfait à cet égard. Un bureau noir uniforme, un cadre sur l'un des murs, une armoire sur l'autre. Une grande fenêtre couvrait le mur en face de la porte. Des coups nerveux retentirent de cette même porte, suivis par le clic du verrou de celle-ci. Il n'y avait pas le temps d'attendre, visiblement.

"Lieutenant Dean au rapport, D.C. al Fine," fit une voix depuis le seuil.

"Rapport de situation. Maintenant," requit la voix hautaine.

"Le contremème a été, euh, détecté à nouveau. Un projet anartiste l'exposant en grande quantité a été identifié il y a environ 20 minutes," expliqua la voix plus incertaine.

Un moment de silence. L'on pouvait y sentir l'appréhension de l'homme plus petit. L'on ne pouvait pas y sentir l'inquiétude croissante de la femme sobre. Elle demeura dos à la pièce alors que ses yeux inspectaient la forêt de pins. Ils n'étaient pas froids. Ils étaient calculateurs.

"Combien d'infectés ?" La voix ferme ne laissait pas transparaître le moindre signe de peur.

"Nombre inconnu. La menace anartiste a été exposée pour une durée inconnue, estimée à environ deux jours, durant lesquels le contremème a intégré la population civile. Des civils infectés ont été identifiés et placés en quarantaine sur chaque continent."

Elle savait que quelque chose devait se produire. Elle savait depuis que le contremème avait été détecté qu'il serait une menace globale. Pourtant, cela ne rendait pas la nouvelle plus facile à entendre. Davantage de silence. Davantage de calculs.

"Alors nous devons exécuter la procédure." Les paroles de Fine, lourdes et amères, se répandirent et emplirent la pièce.

"Vous voulez dire… ?" Le lieutenant Dean laissa sa question en suspens, effrayé rien qu'à l'idée d'en prononcer les mots.

"Exactement. Nous sommes à court d'alternatives." Fine se détourna de la fenêtre, plantant son regard dans celui du lieutenant Dean. Elle vit un jeune homme, naïf et craintif.

Elle se tourna à nouveau vers la fenêtre, reprenant le cours de ses pensées. Le soleil l'illumina à nouveau. N'y avait-il vraiment aucune autre option ? Non. Il n'y en avait pas. C'était là leur seule chance. La seule chance de l'humanité. Le monde pesait lourd sur les épaules de cette femme jaugeant le futur de l'humanité. Ses paroles suivantes se voulaient apaisantes. Fermes, mais apaisantes.

"Exécutez la procédure Pizzicato."

Le soleil se leva sur la nouvelle apocalypse.


Extraits du guide pratique de la division PHYSIQUE :

Procédure



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