La Mort Artu – Chapitre 4 : Pied-à-terre

« Mais qu’est-ce que vous avez bien pu traficoter ? Comment vous pouvez être aussi mauvais ? »

Félix était furieux. Sa tête lui paraissait encore avoir le poids d’un boulet de canon alors qu’il se réveillait tout juste. Ses derniers souvenirs étaient la tempête, la vague qui le projetait dans son bureau, et sa tête heurtant violemment son globe terrestre. Puis lui qui se réveille, appelant Galaad par réflexe, qui lui avait expliqué la situation : ils avaient réussi à fuir la tempête, mais avaient fini échoués sur une île. Félix poussa son second sur le côté, ouvrit la porte de son bureau, et observa l’horrible état du vaisseau : de l’eau partout, les instruments cassés, même le métal avait été plié… Et il n’avait pas envie de voir la coque, qui arborait deux brèches béantes dans lesquelles s’étaient infiltrées du sable.

Galaad sortit à son tour du bureau et répliqua sèchement :

« On a fait de notre mieux pendant que t’étais complètement sonné !
— Tu as de la chance que nous ne sommes plus en mer, Tristan, je t’aurais jeté par-dessus bord. Tu m’as trahi !
— T’allais tous nous faire tuer !
— J’allais prendre le Loreleï, mais vous m’avez abandonné ! Ingrats !
— J’aurais dû te laisser tomber à l’eau.
— Ça m’aurait évité de voir ton chef plus longtemps ! »

Les deux furent interrompus par Lamillia.

« Au lieu de vous prendre la tête, il faudrait préparer la suite, non ?
— Je suis d’accord, répondit Galaad en se calmant. On devrait aller explorer l’île. On trouvera peut-être de la nourriture pour recharger nos réserves, ça laissera le temps à Balst de voir s’il peut colmater les brèches avec les plaques de secours, et de faire le travail nécessaire. Je vais essayer de former une équipe.
— Bonne idée, le traître, le coupa Félix alors qu’il allait partir. Mais tu restes ici. Tu casses, tu répares. Tu salis, tu nettoies. Tu défies l’autorité, je vais t’apprendre à la respecter. Va donc me nettoyer le pont.
— Ah non, je vais pas encore-
— Tu obéis Galaad ! Je suis encore ton chevetain jusqu’à la fin de cette mission ! Tu m’as déjà assez désobéi comme ça, tu poursuis cela encore une seule fois et les supérieurs seront tristes d’apprendre le triste « accident » qui t’es arrivé ! cracha Félix d’une voix remplie de rage. »

Galaad obtempéra après avoir craché au sol. Félix se dirigea quant à lui dans le bureau d’Arsène. Il ouvrit la porte violemment, avant de crier :

« Arsène, tu me bouges ton postérieur et tu vas prendre l’air ! Tu réunis une équipe et vous allez explorer l’île, tu me la cartographies et tu prends Joséphine avec toi pour trouver de la nourriture.
— Mais…
— Pas de mais. Tout de suite.
— Bon. »

Sans un mot de plus, Arsène étant habitué aux sautes d’humeur de Félix, il quitta son bureau. C’était encore quelque chose de stressant pour lui, il n’était pas habitué à la compagnie de l’équipage. Il décida d’aller voir en premier lieu Joséphine, à qui il demanda en bégaillant de trouver d’autres volontaires. Le groupe quitta finalement le vaisseau, laissant les autres membres d’équipage faire le ménage.

Une fois le pont propre, Galaad s’éloigna un peu pour se reposer en évitant de croiser Félix. Il était hors de question qu’il soit assigné à une nouvelle tâche ingrate alors qu’il était censé être le second de ce navire. Il n’en pouvait plus, de ce Félix. Pourquoi l’avaient-ils assigné là, en haut ? Il tapa du pied un caillou qui alla par mégarde heurter l’une des dernières fenêtres encore intactes.

« Tristaaaaaaan !
— Putain… »

Félix rappliqua. Le soleil commençait à monter, tout comme le thermomètre. Ils avaient certainement navigué bien plus au sud que prévu et devaient être totalement hors course, mais ils n’avaient pas vraiment laissé le temps à Arsène de vérifier la navigation tandis qu’ils essayaient de fuir la tempête.

« Tu cherches à saboter le navire encore plus qu’il ne l’est déjà ?
— Je cherche à prendre une pause, et que tu me lâches les godasses.
— Le seul contexte où je te lâcherai les pieds, c’est avec toi la tête en bas et la mer en-dessous. Tu répares tout ce que tu as cassé, il reste du travail !
— J’ai rien cassé, j’ai sauvé ce vaisseau, avec Lamillia ! Mais tu n’en sais rien, ça, tu étais trop occupé à vouloir te tailler avec le vaisseau d’Ambroise. Depuis le début sur ce vaisseau, tu sers à rien, tu es juste là à faire chier tout le monde et à donner des ordres à droite à gauche, et la seule raison pour laquelle il n’y a pas eu de mutinerie depuis tout ce temps c’est parce qu’on craint la hiérarchie ! »

Félix se tut un instant pour réfléchir, sa fureur ne le quittant pas une seconde.

« Au trou.
— Quoi ?
— Au trou.
— Mais…
— Au trou, t’es sourd ou quoi ? Tu me descends dans la cale du navire, tu poses ton derrière sur le sable et tu la fermes jusqu’au coucher du soleil.
— Très bien, ça m’évitera de continuer à te voir. »

Galaad partit et laissa Félix seul, à contempler l’horizon. Au bout de quelques minutes, Christophe vint lui tenir compagnie. Il venait de faire le point sur toutes les brèches du pont, et s’attendait à ce que son capitaine le remarque et lui donne un nouveau travail à faire.

« Et voilà capitaine, j’ai fini ! Il y a autre chose à faire ?
— Rien. Repose-toi, Christian. »

Ils restèrent quelques minutes en silence, avant que Félix ne se mette à penser tout haut.

« Nous n’y arriverons pas.
— Pourquoi ?
— Nous enchaînons inepties sur inepties sur inepties. Galaad faute, je faute, tu fautes, tout le monde faute. J’ai beau crier, donner des ordres, remettre tout le monde à sa place, faire preuve d’autorité, l’équipage n’arrive à rien, et moi je n’arrive à rien.
— Mais moi je vous suis, capitaine. Je fais de mon mieux !
— J’espère bien que Galaad finira par se réveiller, par comprendre que si je me démène c’est pour la réussite de la mission, continua Félix sans même écouter son interlocuteur. Je n’aime pas cet équipage, il n’y a que toi et Arsène que je parvienne à peu près à supporter.
— Ça me touche ce que vous dites, capitaine.
— Mais j’y tiens quand-même. C’est mon équipage maintenant, j’en suis responsable. C’est mon devoir. Et… s’arrêta-t-il en posant sa tête dans ses mains, puis en s’essuyant le visage avant de reprendre. Il va vraiment falloir que je règle ces problèmes de loyauté. Sans ça, nous n’irons nulle part. Il suffit de voir la débandade qu’a été le dernier abordage.
— Je ferai de mon mieux pour vous aider, capitaine. »

Félix ricana.

« Heh. Je ne pense pas que tu puisses faire quoi que ce soit. Tu ne cherches que mes faveurs pour monter dans la hiérarchie, pas la réussite de la mission. Mais c’est déjà mieux que tous les autres lâches. »


Le soleil avait désormais entièrement disparu dans le ciel. Arsène et une partie de son équipe revenaient, de la nourriture en main. Félix descendit du bateau avec enthousiasme. Il envoya Lamilia, qui avait fini sa sieste, chercher Galaad dans la cale. Mais quand il remarqua l’absence de plus de la moitié du groupe, son cœur rata un battement.

« Que diable s’est-il passé ?
— Oh, on a trouvé un village, Joséphine et les autres y sont restés. Les autochtones sont très sympathiques, ils nous ont offert de la nourriture et un logement ! Ça pourrait être une bonne idée de rester…
— Mais, ce n’est pas ce que je vous avais ordonné ! Vous deviez faire une mission d’exploration, pas rester avec des personnes inconnues dont nous n’avons aucune idée de l’allégeance ! Mais ce n’est pas possible d’être aussi stupide…
— Je te demande pardon… s’excusa platement Arsène.
— Arsène qui s’excuse ? C’est nouveau, ça, se moqua Lamillia.
— On a au moins apporté de la nourriture, on va pouvoir bien manger ce soir !
— Ça n’excuse rien ! cria Félix avant de reprendre plus calmement. Mais c’est quand même une bonne chose. Montez tout ça sur le bateau qu’on prenne le repas. »

Une fois le dîner préparé, tout le monde se mit à table. Galaad était revenu de sa sanction, accompagné de Lamillia, mais restait silencieux. Il n’avait plus envie de se battre, il était fatigué, épuisé, et ne voulait pas avoir à se défendre face à Félix une fois de plus. Le capitaine fut le dernier à se mettre à table, saisit un fruit bien mûr, et…

« Peut-être qu’on devrait juste rester ici et abandonner toute cette histoire de quête… j’ai du mal à voir pourquoi on se casse tellement la tête, déclara calmement Arsène. »

Félix fut instantanément pris de panique. Il jeta son fruit, et s’arrangea pour arracher des mains ceux de Galaad et Lamillia, ainsi que d’autres membres d’équipage qu’il avait à portée de bras.

« Recrachez, recrachez ! »

Les membres d’équipage restés sur le bateau obtempérèrent immédiatement sans réfléchir, tandis que les autres continuèrent.

« Qu’est-ce qu’il y a ? demanda Arsène, continuant innocemment à manger.
— Je connais cette île. Un livre en parlait, au Centre de Formation. C’est une île d’hédonistes, bourrée de sucre. Mangez cette nourriture et vous ne voudrez plus jamais repartir. C’est pour ça que la plupart des membres du groupe d’exploration sont restés au village !
— Et qu’Arsène paraissait bizarre… poursuivit Lamillia. Eh, Arsène, fais voir la carte que vous avez faite de l’île !
— Bien sûr, tiens… »

Arsène tendit la carte à Lamillia, qui ne la regarda que pendant deux ou trois secondes avant de reprendre.

« Mais regarde, là, c’est pas bon du tout, c’est pas à l’échelle, cet arbre il fait vingt kilomètres ! Et ici, tu indiques le nord mais c’est plutôt nord-est ! Et le village il ne peut pas être là, c’est notre localisation actuelle !
— Je… suis désolé, Lamillia, je ferai attention à mieux refaire la carte.
— Qui êtes-vous et qu’avez-vous fait d’Arsène ?! s’écria Lamillia.
— Jetez-les par-dessus bord ! ordonna Félix. »

Tous les membres d’équipage encore valides obéirent, même Galaad, tandis que les autres ne firent qu’exprimer leur confusion sans résistance. Les « intrus » finirent tous les fesses sur le sable. Félix leur cria :

« Retournez à votre village ! »

Ils obtempérèrent et repartirent à travers la forêt, dans l’obscurité de la nuit. Le capitaine fit le comptage : ils n’étaient plus que onze.

« Comment on va faire ? On va pas pouvoir réparer le bateau avec si peu de main d’œuvre ! s’inquiéta Balst, l’un des membres d’équipage restants.
— Il va nous falloir trouver une solution. Pour l’instant, allons dormir. Ils ne nous attaqueront pas.
— Comment tu peux en être sûr ? interrogea Galaad, pas convaincu.
— Je ne peux que me fier qu’au livre. Mais je lui fais confiance, car je fais confiance à la Fondation. Allez, la nuit porte conseil. »


Le lendemain matin, tout l’équipage se réunit dans le bureau du capitaine. Pour certains, c’était la première fois qu’ils y entraient. Cependant, la situation était exceptionnelle. Avant que Félix ne puisse dire quoi que ce soit, Galaad commença :

« J’ai réfléchi à un plan. Cette île rend tous les humains dociles. Je me dis, si on les menace de quoi que ce soit, même une petite chose, voire si on leur demande juste gentiment, je suis convaincu qu’ils accepteront d’aider à réparer le vaisseau. Il suffit de voir la réaction d’Arsène à la critique de ses cartes.
— Mais oui, il a directement accepté de les rectifier ! Alors que déjà, je disais de la merde, mais en plus d’habitude il se braque, commenta Lamillia. »

Quelques autres membres approuvèrent, tandis que Félix restait silencieux. Après quelques secondes de silence, il réagit enfin.

« Non.
— Comment ça, non ? s’étonna Galaad.
— Non. Nous n’abandonnerons pas l’équipage. J’en suis responsable.
— Ton livre parle d’un remède ?
— Non, mais nous allons les récupérer de force, et ensuite on avisera. Pas question de laisser ici qui que ce soit.
— J’aimerais bien cette solution si elle était possible, mais le temps de trouver quelque chose qui fonctionne, de réparer le vaisseau et de repartir, Ambroise aura déjà trouvé le l’artefact.
— Tu fermes ton clapet, Galaad, et tu nous suis. Ils n’ont probablement même pas survécu à la tempête.
— Je pense pas, le trou dans la coque qu’on leur a fait était trop bas, ils auront condamné la coque inférieure, commenta la contremaître.
— Tu ne vas pas t’y mettre aussi, Lamillia ! Allez, prenez toutes les armes que vous pouvez porter et on y va. »

Ils traversèrent la forêt d’un pas pressé. Celle-ci était dense, et assez inhabituelle. Ils y trouvèrent des arbousiers aux fruits d’une taille inhabituellement grande, ainsi que des jujubiers dont les jujubes avaient les mêmes propriétés. Ces fruits donnaient envie, mais Félix avait bien rappelé qu’il ne fallait surtout pas y toucher. Après quelques minutes de marche, quelqu’un s’écria :

« Quelque chose, là, dans les buissons ! »

Tout le monde tourna son attention vers cet endroit, et y pointèrent leurs armes. Finalement, ce ne fut qu’un rat qui en sortit. Il eut le droit à un une balle de la part de Balst, qui avait tiré par réflexe.

« Mais qu’est-ce que tu fous ? Maintenant toute l’île est au courant qu’on arrive ! cria Galaad.
— Mais, un rat…
— …sur une île, Balst, sur une île. Continuons, réagit Félix, lassé. »

Ils observèrent d’autres animaux inhabituels pour une île. Des poules présentes sur le chemin s’écartèrent rapidement sur le côté à la vue des humains. D’autres rats couraient à travers la forêt, tandis que des abeilles butinaient des plantes. Tandis qu’ils apercevaient l’orée de la forêt à travers les arbres, un autre buisson remua ; ils n’y firent cette fois-ci pas attention. Jusqu’au moment où une panthère en surgit, juste devant Lamillia, et traversa leur champ de vision avant de disparaître de l’autre côté des arbres. Celle-ci grogna sans plus de commentaire, et le groupe continua.

Avant de sortir de la forêt, Félix fit un topo à l’équipe :

« Ils ont probablement déjà connaissance de notre arrivée, ils ont dû se préparer en conséquence. Nous devrions cependant être mieux armés, ça ne devrait donc pas être très ardu. »

Après un peu d’organisation, ils surgirent de la forêt et se mirent à tirer. Félix et Lamillia tiraient pour tuer sur les autochtones. Certains tombaient à terre dans une flaque de sang. Galaad, quant à lui, faisait bien attention à tirer à côté, juste pour les effrayer. Ils retrouvèrent leurs anciens camarades, et les mirent en joue.

« Maintenant, vous nous suivez, menaça Félix.
— Ah, c’est bien, vous voulez nous revoir, finalement, commença Arsène.
— Pas comme ça : nous allons trouver des solutions.
— On vous suit ! »

L’équipage enfin réuni, ils repartirent.

« Ce n’était pas la peine de tuer ces braves gens… mais bon, on ne peut rien y faire, commenta Arsène. C’est dommage.
— Vous ne nous laissiez pas le choix ! répliqua Félix.
— On a toujours le choix, intervint Joséphine. Moi, j’ai choisi de rester sur l’île : c’est plus calme que sur le vaisseau. Plus de rats dans la cale, de casseroles sales, franchement, on est bien mieux.
— Taisez-vous ! »

Le capitaine perdait patience. Tout le monde revint en silence au bateau, puis Félix ordonna que tous les membres récupérés soient enfermés dans la cale. Ils y allèrent d’eux-mêmes sans se débattre. Seul Arsène avait le droit à un traitement de faveur : le capitaine voulait discuter avec lui, dans son bureau. Ils se connaissaient depuis plus longtemps que cette mission, et si leur relation n’était pas toujours parfaite, Arsène était la seule personne que Félix pouvait considérer comme un « ami » au sein de cet équipage.

Une fois les deux seuls, Félix débuta.

« Je… je ne comprends pas.
— Il n’y a pas grand chose à comprendre… Cette île m’a fait reconsidérer notre voyage et… je préfère rester ici. Le plus important, c’est mon plaisir, et je souffre depuis qu’on a commencé ce voyage. Je n’en peux plus, je fatigue.
— Tout ça, c’est à cause de cette île, de cette nourriture, de ce sucre ! Elle manipule ton esprit, elle te fait penser comme quelqu’un d’autre ! Resaissis-toi ! cria Félix en saisissant son ami et en le secouant.
— Peu importe… peut-être que cette île m’a fait changer, mais ce qui est important c’est qui je suis maintenant… et aujourd’hui je veux surtout me poser, et vivre heureux. »

Un moment de silence s’en suivit. Félix ne savait plus quoi dire. Son ami était mort. Arsène reprit.

« C’est peut-être de ne pas vouloir être heureux, le problème. C’est que tu ne veux pas être heureux. C’est dommage… mange un peu de notre nourriture, tu te sentiras tellement mieux.
— Non merci. Je préfère vivre avec des objectifs et créer des choses concrètes. C’est cela qui me rend heureux. »

Nouveau silence. Il pesait lourd dans l’esprit de Félix. Il dura plusieurs minutes, sans que ni l’un ni l’autre ose le briser. Il ne cessa que lorsque Galaad entra en trombe :

« Les autochtones approchent du bateau ! Ils n’ont pas l’air hostiles. »

Félix ne répondit pas. Arsène prit alors la parole.

« On ne vous en veut pas pour l’attaque. Vous avez juste peur, c’est normal. Mais ce n’est pas grave. Vous devriez manger la nourriture de l’île, et vos soucis disparaîtront.
— Non merci. On a nos propres objectifs. Mais peut-être que vous pouvez nous aider à les atteindre ? Comme ça, vous serez heureux et nous aussi.
— Bonne idée. Il faut réparer le navire… je vais en parler aux habitants du village. Ils sont déjà là, c’est ça ?
— Oui, tu sais pourquoi ?
— La curiosité, et le désir d’aider. Ils sentent votre détresse, et ils veulent vous proposer de la nourriture pour vous aider, pour vous rendre heureux !
— Et bien ce n’est pas la bonne méthode. Pour nous rendre heureux, il faut nous aider à réparer le bateau. Après, tous les membres de l’équipage qui le souhaitent pourront rester là.
— Très bien. Le village acceptera, mais il faudra libérer les prisonniers pour avoir assez de main d’œuvre. Félix, qu’est-ce que tu en dis ? »

Félix écoutait la conversation de sa chaise, sans rien dire. Il se sentait impuissant.

« J’en pense que c’est une ineptie. La perte de l’équipage sera de ta faute, Galaad. Je l’inscrirai dans le rapport.
— Si tu veux, peu importe. Est-ce que tu approuves ça ou est-ce que je le fais quand-même derrière ton dos ?
— Fais-le derrière mon dos. Je ne dirai rien. »


Une semaine passa, très vite. Félix ne sortit presque pas de son bureau, laissant à Galaad et à Balst tout le travail d’organisation et de direction des travaux. Tout le monde mit la main à la pâte. Les locaux ne cessèrent, tous les jours, de proposer poliment leur nourriture au restant de l’équipage, mais tout le monde refusa, à chaque fois. Le « capitaine en intérim » s’en assurait : il ne fallait pas perdre une seule personne de plus. Finalement, le vaisseau fut en état de naviguer bien plus vite que prévu. Lorsque Félix en fut informé, il sortit de son bureau et reprit la routine habituelle, comme si rien ne s’était passé. Il ordonna le départ immédiatement, et le restant de l’équipage se sépara des anciens, ce qui ne se fit pas sans émotions.

« Je suis navré que vous ne restiez pas avec nous, mais votre bonheur à vous est important aussi. Au revoir, les amis ! déclara Arsène avant que Galaad monte à bord. »

Il revint sur le bateau en dernier. L’ancre fut remontée, et le vaisseau partit au loin tandis que les anciens membres de l’équipage leur faisaient des signes depuis la plage.

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