Briseur de Motif

"Volé ?! Comment a t-on pu le voler ?"

"Je suis désolé, Emma. Mais je n'en sais rien." Le Docteur Pherson avait l'air épuisé. "J'ai essayé de me renseigner mais personne ne veut me dire quoi que ce soit."

Les yeux du Docteur Pherson balayaient distraitement le laboratoire, comme si SCP-012 pouvait apparaître au-dessus d'une pile de paperasse. Et Emma, qui résistait à la tentation de regarder derrière elle, lorgnait sur son supérieur hiérarchique dont les épaules étaient tendues, son habituelle sérénité socratique ayant disparu.

"Qu'est-ce que je vais faire, Emma ? Ces cinq dernières années de travail… gâchées."

Emma était désorientée. En dix-huit mois de travail avec le Docteur Pherson, il avait toujours paru autoritaire et maître de ses émotions. Jamais elle ne l'avait vu dans un état pareil et elle n'avait aucune idée de comment réagir. C'était comme regarder son père pleurer.

"Monsieur, rien n'est gâché," a t-elle dit. "Nous avons encore toutes les données des expériences et…-"

"Bon sang, tu ne comprends rien !" Après qu'il ait frappé du poing sur le bureau, le Docteur Pherson eut soudainement l'air abattu. "D-désolé… Je suis désolé. Je n'aurais pas dû crier. Mais, tu vois : le fait est qu'ils m'ont viré du projet. Même si 012 vient à réapparaître, je ne pourrai plus jamais travailler dessus."

"Mais pourquoi ?! Ils ne pensent tout de même pas que…" Les mots se perdirent dans la gorge d'Emma.

Le Docteur Pherson émit un rire amer. "Ils l'ont déjà fait. Regarde le laboratoire. Rien n'a été dérangé. Les serrures ne sont pas cassées. C'est que quelqu'un les a ouvertes. Cinq ruptures de confinement en une nuit, et seul 012 manque à l'appel ? Bien sûr qu'ils se sont dit que c'était un coup monté. Mais j'ai eu la brillante idée de leur expliquer pour quelles raisons ce n'était pas moi."

"Qu'est-ce que vous voulez dire ?"

"La nuit dernière, quand quelqu'un est venu ici et a dérobé ma carrière, je dormais. Comme la moitié du site, apparemment. Donc j'ai dit à la sécurité que des dizaines de témoins pouvaient confirmer l'heure à laquelle je m'étais réveillé, et soudainement, des médecins m'ont demandé de quoi j'avais rêvé. Et dès que je leur ai dit que c'était sur 012, on m'a exclu du projet."

"Vous étiez à la fête de départ à la retraite ?" Emma leva un regard inquiet vers le Docteur Pherson, soudainement nauséeuse. "Mais, je… Cela veut dire que…"

"Oh, oui ils me l'ont dit. Tu en as rêvé aussi, n'est-ce pas ? Tu es donc un handicap potentiel, tout comme moi." Emma entendit à peine le Docteur Pherson poursuivre, sa voix brouillée dans son esprit. "Nous avons quatre semaines d'immobilisation ponctuées d'examens psychologiques réguliers, pour une réaffectation. Alors prends tes affaires. Ils veulent que nous quittions le laboratoire pour onze heures."


"Alors ça y est," dit Emma en s'affalant dans le canapé du dortoir. "…Je viens de me faire virer de mon premier travail de recherche."

Mike lui renvoyait un regard morne. "Vous pensez que c'est si horrible ? Ma FIM a sa première mission hors site depuis que je l'ai rejoint. Et ils m'ont laissé derrière."

"Wow, ça craint. Je suis désolée, Mike."

"Ouais, moi aussi. Pour vous, bien sûr." Le sourire de Mike n'a pu être réprimé bien longtemps, même si celui-ci était légèrement amer.

Emma savait qu'elle devait essayer de changer de sujet. "Comment est-ce que vous avez atterri à Eta-11, sinon ?"

"Je vous l'ai dit, j'aime bien les mélodies." Le regard d'Emma était suspicieux alors il a poursuivi. "Je suis sérieux, hein. J'étais encore un gamin quand la Fondation m'a approché. Apparemment, ils avaient vu certains des logiciels gratuits que j'avais publiés. Ils m'ont demandé si je voulais rejoindre une organisation secrète chargée de protéger le monde, alors j'ai dit : 'Mais, mille fois oui !' Mais sauver le monde, ça s'est avéré être décevant : c'est faire quinze heures de codage par jour avec une bande de mecs qui se prennent beaucoup trop au sérieux. Comme je voulais vraiment faire quelque chose, j'ai demandé à rejoindre une Force d'Intervention Mobile."

"Et vous avez choisi de venir ici ?"

"Ils ont choisi pour moi. Je pense que c'était une manière pour quelqu'un de me donner une leçon. Mais ces gars-là sont plutôt cool, en fait. Et si je veux travailler sur des projets qui m'intéressent, j'ai certainement pas mal de temps." Mike relève son nez et croise le regard d'Emma. "Bref, et vous ? Comment vous avez rejoint la Fondation ?"

Emma ressentit un mélange familier d'embarras et de déviance. "J'ai toujours été là. Mes parents sont chercheurs."

"Vous êtes un bébé du site ? C'est cool !"

"Ouais… C'est suuuper génial, merci."

"Merde. Je… Je suis désolé, Emma. J'ai pas réfléchi."

"Non, ce n'est pas grave. C'est juste que les gens ne se rendent pas compte de ce que c'est. Il n'y a que peu d'enfants sur place en permanence, c'est donc pas exactement une enfance normale. Mais bon au moins, j'ai pu voir mes parents grandir."

"Et est-ce qu'ils ont…" Mike fut interrompu.

"Oui, ils l'ont fait. À dix-sept ans, ils m'ont tendu le bouquet : une place garantie à l'université, des fonds fiduciaires, un cocktail d'amnésiques… Une nouvelle vie. Mais comment aurais-je pu ? Je n'aurais presque plus vu mes parents et je savais pas du tout si j'arriverais à m'en sortir à l'extérieur."

"J'suis désolé." répéta Mike. "Je voulais pas être indiscret."

"C'est bon. Je suis pas en colère. C'est juste que je n'arrête pas de penser à 012 et à quel point tout cela est injuste alors que j'ai tant donné. Je connais ce skip mieux que quiconque, vous savez ? "

La voix d'Emma se fit plus forte. "Je connais ses effets, son comportement. Si quelqu'un essaie de l'achever, je serai en mesure de voir les signes. C'est moi qui devrais le chercher, parce que je peux le trouver." Le regard d'Emma se levait pour croiser celui de Mike. "Et je vais le trouver."

"Bon sang. Je suis partant." Le sourire de Mike revint en force. "Par où est-ce que vous voulez commencer ?"

Emma considéra la question. "Roger est coincé aux Archives et nous ne pouvons pas parler à ses contacts sans qu'il doive nous présenter. Peut-être que quelqu'un d'autre s'y connaît en musique anormale ?"

"Oh. J'ai une idée." dit Mike sur un ton qui laissait présager toutes sortes d'ennuis. "Avez-vous déjà entendu parler de SCP-2992 ?"

Emma sortit sa tablette et commença à lire l'entrée correspondante sur la base de données. "Un skip humanoïde. Potentiellement Keter." dit-elle, dubitative. "Ça sonne risqué, non ?"

Mike était déjà en train de fouiller dans un tiroir à côté de son ordinateur. "Pas de risque, pas de bénéfice. Et j'ai un petit truc que je veux absolument tester. Tenez, mettez ça." Il lança à Emma un bandeau en tissu qui s'avéra être recouvert d'électrodes et de circuits.

Elle regarda le bandeau, incertaine, puis une idée lui vint en tête. "Laissez-moi prendre quelque chose dans ma chambre. De toute façon, comment comptez-vous entrer pour lui parler ?"


"Autorisation de niveau quatre délivrée par le Commandant FIM Richards," dit Mike à l'Officier de Sécurité. "Il couvre tout ce qui est catégorisé comme 'auditif' ou 'musical'. Mon assistante et moi allons mener un interrogatoire."

"Votre autorisation semble correcte…" répondit le garde. "C'est bon, allez-y, Agent Carter, madame."

Ils marchèrent dans le couloir jusqu'à la porte de la cellule de confinement puis Mike regarda Emma avec un air satisfait. "Cette autorisation est pratique pour toutes sortes de choses. Vous n'êtes pas contente d'avoir un superviseur comme moi ?"

Malgré sa nervosité, Emma ne put s'empêcher de sourire, regardant Mike en levant ses yeux au ciel. "Reposez-moi cette question si nous sortons d'ici sans être traînés devant le Directeur du Site par des gorilles."

Mike fit un clin d'œil exagéré, mit son bandeau et posa sa main sur la poignée de la porte.

La porte s'ouvrit sur une chambre de confinement standard pour humanoïde, parsemée de quelques accessoires de base : un système de sonorisation avec quelques CD à côté, une paire de baguettes pour tambour… L'homme afro-américain assis sur le lit semblait avoir plus de trente ans : les années de confinement avaient donné à son visage un air très usé, dont les yeux sombres les regardaient en brillant.

"Bienvenue," dit SCP-2992. "Qu'est-ce qui amène deux enfants à venir écouter un vieux disque usé ?"

"Bonjour, Jayden." dit Mike, le ton méfiant. "Nous avons quelques questions à vous poser, si vous êtes en mesure de nous répondre."

Soudainement, le vieil homme se mit en alerte, sa voix gagnant en intensité. "Vous êtes venus rencontrer mon Ami, petits enfants ? Les enfants doivent s'occuper de leurs congénères, si leurs parents les livrent à eux-mêmes."

"Uhmm, d'accord. Premièrement, nous ne sommes pas des enfants. Nous sommes des chercheurs de la Fondation."

"Tous les membres de la Fondation sont des enfants, mon petit. Des brutes maltraitant d'autres enfants, effrayées par l'idée de leur tendre la main et de les aider." La voix de SCP-2992 était amplifiée, comme s'il s'adressait à un public invisible.

"Certes, mais…" Mike soupira en levant les yeux au ciel. "Ce n'est pas… ce n'est pas ce que je voulais vous demander, vous savez."

Emma voulait interrompre la conversation et calmer la frustration croissante de Mike, mais elle hésitait. Après tout, c'était son idée. Elle devrait peut-être attendre.

"Cet enfant est si autoritaire." fit remarquer SCP-2992 à lui-même. "Prêt à battre le tambour de son inquisition sans attendre le concours des autres instruments. Alors jouez, monsieur le batteur. Jouez…"

"Taisez-vous !" rétorqua Mike. "Fermez-la juste une seconde et écoutez."

Dans sa combinaison, SCP-2992 était anormalement immobile. Mais il commença du bout des doigts à taper un rythme complexe sur le cadre du lit sur lequel il était assis. Immédiatement, la tête d'Emma se mit à tourner et ses pensées se nimbèrent de brume. Et plus elle essayait de se concentrer sur le rythme, moins elle y parvenait : tout devenait flou, son esprit étant incapable de suivre le tempo. Après le premier choc, Emma remarqua que ses pensées étaient plus claires tant qu'elle ignorait les tapotements. Ainsi elle préféra se concentrer sur la conversation : Mike avait les dents serrées mais souriait toujours et Jayden les regardait tous les deux d'un air perplexe.

"Et vous pouvez cesser de tapoter", dit Mike. "Ça ne marchera pas."

Emma parvint à se concentrer de nouveau. Jayden se mit à taper du pied mais pour elle, le rythme était encore fragmenté.

Mike poursuivit, une note de satisfaction s'insinuant dans son ton. "Je ne voulais pas dire ça, Jayden. Nous ne libérerons pas vos chansons pour vous, parce que nous ne ressentons pas le rythme."

"Qu'est-ce que vous voulez dire ?" SCP-2992 eut l'air vexé.

"Notre cerveau ne peut pas traiter vos rythmes, Jayden : ils sont interrompus dans le cortex auditif. Mike désigna son bandeau. "Il s'agit d'un briseur de motif. Vos 'enfants' n'ont aucune influence sur nous."

"Ne parlez pas des enfants", dit Jayden d'une voix empreinte de dépit. "Vous voulez faire comme s'ils n'existaient pas, les enfermer dans le froid et les abandonner. Mais ils continueront à chanter à l'extérieur de vos tours, et leurs voix feront tomber vos murs." Ses pieds s'immobilisèrent mais ses mains, elles, continuèrent à tapoter légèrement contre ses cuisses. "Et un battement brisé, ce n'est qu'un autre type de rythme."

"Si vous le dites", répondit Mike. "Passons aux questions, maintenant."

"Qu'est-ce qui vous fait croire que je vais vous répondre, garçon ? Vous venez me rencontrer et vous faites semblant de ne pas entendre ces pauvres enfants. Je refuse qu'ils soient condamnés à devenir un bruit de fond. Sortez d'ici ! Vous n'avez rien à m'offrir."

La tension était palpable entre les deux hommes, qui se retournèrent au son de la douce voix d'Emma. "Nous avons ceci."

Emma brandit le boîtier qu'elle avait trouvé dans son dortoir : un CD gravé bon marché avec une simple étiquette blanche. L'attention de Jayden se fixa instantanément sur elle, sa colère évanouie.

"Qu'est-ce que vous m'avez apporté, sage petite fille ?"

"C'est… Et bien, il date d'il y a bien longtemps. Les notes ne sont probablement pas très bonnes mais à l'époque, elles semblaient justes : elles semblaient vraies." Emma releva son menton en défiant sa propre timidité. "Personne d'autre ne les a jamais entendues."

Jayden se leva, traversa la pièce à pas légers et prit le boîtier de CD des mains d'Emma, le tenant comme s'il était fait en cristal. "Personne d'autre ?" demanda t-il, sa voix faisant écho. "Ces fleurs qui s'épanouissent dans les grottes, sans que la lumière du soleil ne les fasse flétrir. Ces mélodies trouvées dans un seul esprit, sans amis et seules. C'est un cadeau exceptionnel."

"Vous allez donc répondre à nos questions ?"

"Oui, petite, je vais répondre aux vôtres. Même si vous refusez cruellement d'écouter les autres, vous n'avez pas oublié vos propres enfants". Jayden se rassit sur le lit et écarta les mains en signe d'invitation.

"Votre… Ami. Vous dites qu'il connaît tout, toutes les musiques, et celles qui n'ont jamais été faites. Est-ce que c'est vrai ?"

"Je suis un pauvre chauffeur de salle face au majestueux DJ qu'est mon Ami. Sa palette de sons est infinie."

Emma fit un pas vers l'homme assis. "Je veux savoir ce qu'il est advenu d'une chanson en particulier. Un morceau de musique, écrit avec du sang."

"Il y a beaucoup d'enfants nés dans le sang," répondit Jayden. "Nombreux sont ceux dont les parents les oublient lorsque le sang se rafraîchit."

"Non," dit Emma, insistante. "C'est différent." Cette musique… Elle veut être écrite. Elle s'appelle 'Sur le Golgotha'.

Jayden tressaillit. "Menteuse ! Comment connaissez-vous ce nom ?"

"Elle travaillait avec," dit Mike. "Elle l'étudiait."

"Non, non, non, non…" Jayden pâlit et ses épaules se voûtèrent comme par réflexe. "Ce n'est pas bien, vous ne devez pas faire ça."

"N'êtes-vous pas censé aider la musique à se faire entendre ?" dit Mike, accusateur. "Où est passé votre amour pour cet enfant ?"

"Pas cet enfant, pas cet enfant…" dit Jayden en secouant la tête et se balançant sur place. "Si celui-là grandit, il détruira tous les autres enfants. Toutes leurs voix seront perdues. Leur beauté disparaîtra : un monde sans musique. Vous ne pouvez pas permettre à cet enfant de grandir. Mon Ami me l'a dit, et mon Ami était terrifié."

Le rythme du balancement de Jayden devenait flou pour Emma. Sa tension était évidente, mais elle se devait de continuer. Alors elle fit un pas de plus vers lui. "Qu'est-ce que votre Ami vous a dit ? Pourquoi la musique s'arrêterait t-elle ?"

"Pas juste la musique !" cria Jayden, les yeux luisant de larmes de frustration. "Quand la dernière note sera jouée et que Sainte Alagadda reviendra, tout sera…c-compressé : des échelles et des échelles, chaque note de chaque registre devenant un seul ton résonnant pour toujours. Sans limite ! C'est une sorte de cloche qui sonne sans cesse dans votre esprit ! Non, non… Mon esprit est comme les fragments d'un disque qu'on a jeté contre un mur, mais il..-il ne s'agit pas de l'esprit : c'est l'être, c'est la totalité, il s'agit de l'humanité. Vous devez détruire cette partition ! Vous devez empêcher qu'elle soit rejouée !"

Avant qu'Emma ne puisse demander quoi que ce soit de plus, Mike dit la chose la plus stupide qu'il ait pu dire.

"Nous ne pouvons pas. Elle a été volée."

Emma se tourna vers Mike, incrédule, et sursauta lorsqu'elle sentit SCP-2992 lui saisir le bras. Jayden était tombé à genou devant elle, ses doigts s'enfonçant dans son poignet. Mike se dirigea vers eux, mais Jayden aboya "Non !" avec une telle force qu'il se figea sous le choc.

Jayden darda un regard plein de désespoir sur celui d'Emma. "Vous devez me protéger ! Quand ils disposeront de toutes les partitions, ils me les enseigneront. Ils m'utiliseront pour les répandre dans le monde entier. Et ils me forceront à massacrer des milliards d'enfants !"

L'intensité de sa voix glaça le sang d'Emma. "Mais qu'est-ce que je peux..-"

"Cachez-moi. Tuez-moi ! Vous ne pouvez pas les laisser me prendre !"

Ses yeux étaient fixés sur ceux d'Emma et la poigne qu'il exerçait sur son poignet était féroce. Mais soudain, Emma fut écartée de force et deux gardes la dépassèrent en actionnant leurs tasers. Elle regarda avec effroi Jayden se tordre sur le sol, avant que le troisième garde ne l'escorte hors de la cellule. Mike avait déjà été emmené à l'extérieur et se tenait devant un homme de grande taille dont Emma avait déjà entendu parler lors de ses briefings de sécurité : c'était le directeur de la sécurité du site.

"Je ne sais pas ce que vous pensiez faire", dit-il, le regard sévère.

Emma jeta un coup d'œil à Mike, essayant de trouver quoi dire.

Le chef de la sécurité poursuivit. "Néanmoins, vous avez eu l'autorisation. Essayez juste de prendre plus de précautions avec les skips humanoïdes à l'avenir. Vous avez de la chance que je sois venu ici. Agent Carter, j'ai un message pour vous. Votre force d'intervention veut que vous la rejoigniez au Texas pour une opération qu'elle prépare. Présentez-vous à la Logistique à 19 heures."

"Vraiment ?" Le visage de Mike était crispé et semblait avoir du mal à y croire, à l'exception de son sourire qui montrait toute son excitation. "Merci, monsieur !"

"Mais de rien, Agent." Le directeur de la sécurité hocha la tête et se tourna vers la sortie.

Emma n'arrivait pas à croire qu'elle allait perdre un autre ami et elle essaya de ne pas le montrer dans sa voix. "C'est génial, Mike, je suis sûre que tu seras brillant."

"Merci, Emma," dit Mike, "…mais je suis désolé de..-"

"Emma ?" demanda le directeur de la sécurité, arrêté à mi-chemin dans le couloir. "Emma Stark ?"

"Uhmm, oui." Emma eut une sensation de malaise dans son estomac.

"Je m'apprêtais justement à vous chercher. Le Directeur du Site aimerait vous parler. Pourriez-vous me suivre, s'il vous plaît ?"

Emma sentit la résignation l'envahir, avant qu'elle ne soit balayée par une soudaine vague de colère.

"Non ! Je ne vais pas 'vous suivre s'il vous plaît.'"

"Emma, ça va ?" Le regard inquiet de Mike ne fit qu'accroître la colère d'Emma.

"Non, ça ne va pas, Mike ! J'en ai marre. Marre de me faire traîner loin des skips par des gorilles armés de tasers. J'en ai marre d'aller docilement là où on me dit d'aller, de répondre à des questions et d'être traitée avec condescendance. J'en ai marre que les informations sur mon projet soient filtrées avant qu'elles ne me soient transmises !"

Le directeur de la sécurité s'avançait lentement vers elle, les paumes en évidence, mais Emma continuait avec insouciance. "Je n'ai pas besoin d'être secourue. Je n'ai pas besoin d'être l'assistante de quelqu'un. Je dois trouver ce qui se passe et c'est ce que je vais faire ! Si vous voulez bien m'excuser…" Elle se tourna et s'en alla.

Par-dessus son épaule, Emma entendit Mike et le Directeur de la Sécurité l'appeler. Mais elle ne s'arrêta pas et ne se retourna pas, se contentant juste de s'éloigner en criant : "Puis vous pouvez dire au Directeur du Site qu'il peut bien aller se…-"

Et le hurlement strident des tasers résonna dans le hall.

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