Nicolas, recroquevillé près du feu, regardait ses chaussures.
En face de lui, le chef et le second argumentaient entre eux en chuchotant. Dorian tournait déjà de l'œil et dormait presque, pendant que Pacôme bricolait la tente.
Luc s’énervait le plus discrètement possible, mais ça se voyait quand même. Il accusait Fabrice de les avoir perdus, alors que lui tentait de lui expliquer qu’il avait bien suivi la carte.
Le raid était déjà terminé, normalement. Mais il était encore là, dans la forêt, dans le froid. Il ne mangeait pas beaucoup non plus, le chef rationnait. Il ne le disait pas comme ça, bien sûr, mais il le faisait. Du haut de ses trois ans de plus, il prenait les autres pour des débiles. N'empêche qu’hier, à midi, ils n’avaient mangé que des noix. Tout le monde savait que ce n’était pas normal.
Pendant la journée, Pacôme avait demandé à Luc d'utiliser le téléphone mais il s’était énervé, en disant que les Castors n'allaient pas céder à la facilité, que tout allait bien. Mais Nicolas savait pourquoi Luc n’appelait pas, la vraie raison. Il l’avait vu. Le portable n’avait plus de batterie depuis deux jours.
Ce n’était pas un garçon idiot, il savait que ce n’était pas normal. Les scouts ne se perdent pas, ou alors jamais aussi longtemps. Au pire, en avançant tout droit, en suivant le nord, ils finissaient par tomber sur une route, un village, ou même une plaine avec un peu de visibilité, mais rien. Que les bois. Des arbres, des arbres et encore des arbres depuis des jours. Aucune forêt ne pouvait être aussi grande, se dit-il, même à l’étranger.
Et le silence…
Une forêt, ça parle, ça jacasse, ça cause en permanence : le silence, ça n’existe pas en forêt. Mais celle-ci… Ils pouvaient passer des heures sans entendre un oiseau chanter, une branche craquer. Fabrice les forçait à “réviser” leurs chants scouts, mais là encore, la mascarade n’était qu’une façade.
Ils faisaient tout pour qu’il n'ait pas peur, mais il était terrorisé.